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07/03/2023 | FRANCE | N°19/04277

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 07 mars 2023, 19/04277


07/03/2023



ARRÊT N°23/109



N° RG 19/04277 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NG6P

MLA/VM



Décision déférée du 10 Septembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 19/01224

Mme AV BITAR-GHANEM

















[X] [W]





C/





[K] [P] [Y]



[O] [Y]












































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INFIRMATION









Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANTE



Madame [X] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Véronique SALLES de la SCP D'AVOCATS CANT...

07/03/2023

ARRÊT N°23/109

N° RG 19/04277 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NG6P

MLA/VM

Décision déférée du 10 Septembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 19/01224

Mme AV BITAR-GHANEM

[X] [W]

C/

[K] [P] [Y]

[O] [Y]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [X] [W]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Véronique SALLES de la SCP D'AVOCATS CANTIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [K] [P] [Y]

(Décédé le 7 Mars 2022)

ayant eu comme conseil Me Corinne GABRIEL, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE FORCEE

Madame [O] [Y]

es-qualité d'héritière de Monsieur [K] [P] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Corinne GABRIEL, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555.2022.012258 du 08/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. DUCHAC, président

V. MICK, conseiller

M.C. CALVET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. CENAC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. DUCHAC, président, et par M.TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Mme [X] [W] et M. [K] [Y] se sont mariés le 20 août 1983 à [Localité 7] (31) après avoir adopté le régime de la séparation de biens par contrat de mariage souscrit le 8 août 1983.

Par acte notarié en date du 3 décembre 1992, les époux ont acquis en indivision, à concurrence de moitié chacun, un bien sis [Adresse 3] (31), constitutif du domicile conjugal, pour un prix de 52 747,36 € (346 000 F).

Par requête en date du 4 juin 2008, Mme [W] a engagé une procédure en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse.

Par ordonnance contradictoire de non-conciliation en date du 2 octobre 2008, le juge aux affaires familiales, statuant sur les mesures provisoires, a autorisé les époux à résider séparément, accordé à l'époux la jouissance du domicile conjugal et donné acte à M. [Y] de ce qu'il accepte que des agences immobilières visitent le domicile conjugal aux fins d'évaluation de sa valeur.

Par jugement contradictoire en date du 26 avril 2012, le divorce entre les époux a été prononcé sur le fondement des dispositions de l'article 237 du code civil et la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ordonné, avec renvoi amiable des parties aux opérations à cette fin.

Des difficultés liquidatives entre les époux sont survenues dès la fin de l'année 2012.

*

Par acte d'huissier en date du 1er juillet 2019, Mme [W] a fait assigner devant le président du tribunal de grande instance de Toulouse, statuant en la forme des référés, M. [Y] aux fins de voir fixer son indemníté d'occupation à un montant de 940 euros mensuels depuis le 02 octobre 2008 jusqu'à la réalisation du partage.

Par ordonnance réputée contradictoire en la forme des référés en date du 10 septembre 2019, M. [Y] n'étant ni comparant, ni représenté, le président du tribunal de grande instance de Toulouse a :

- fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par M. [K] [Y] à I'indivision post-communautaire à un montant de 350 euros par mois d'août 2016 à décembre 2018 puis à un montant de 550 euros par mois à compter du mois de janvier 2019 ;

- condamné M. [K] [Y] à payer à Mme [X] [W] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [K] [Y] aux dépens ;

- constaté que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

*

Par déclaration électronique en date du 30 septembre 2019, Mme [W] a interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a :

- fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par M. [K] [Y] à l'indivision post-communautaire à un montant de 350 euros par mois d'août 2016 à décembre 2018 puis à un montant de 550 euros par mois à compter du mois de janvier 2019.

*

Dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 2 juin 2022, Mme [W] demande à la cour de bien vouloir :

- recevoir l'appel formé par Mme [W] à l'encontre de l'ordonnance rendue en la forme des référés le 10 septembre 2019, y faire droit et le déclarer bien fondé,

- constater le décès de M. [K] [Y] survenu le 7 mars 2022,

- constater la citation de reprise d'instance valablement délivrée à son ayant-droit,

A titre principal,

- déclarer que la demande de fixation d'indemnité d'occupation formée par Mme [W] n'est pas prescrite et que l'indemnité d'occupation est due à compter du 2 octobre 2008,

- réformer l'ordonnance du 10 septembre 2019 en ce qu'elle a fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision post-communautaire et fixé son montant à 350 euros par mois d'août 2016 à décembre 2018 et à 550 euros par mois à compter du mois de janvier 2019,

Statuant à nouveau :

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à l'indivision [Y]/[W] par la succession de M. [Y] du fait de l'occupation privative de ce dernier du 2 octobre 2008 au 7 mars 2022 puis par Mme [O] [Y] à titre personnel en sa qualité d'héritière à l'indivision [Y]/[W] jusqu'à la réalisation du partage à la somme de 940 euros par mois,

En conséquence,

- fixer à la somme de 151.521,94 euros l'indemnité d'occupation due par Mme [O] [Y] venant aux droits de M. [K] [Y] à l'indivision [Y]/[W] pour la période du 2 octobre 2008 au 7 mars 2022 et condamner Mme [O] [Y] venant aux droits de M. [K] [Y] à payer cette somme à l'indivision [Y]/[W],

- Mme [W] étant indivisaire pour moitié, condamner Mme [O] [Y] en sa qualité d'ayant-droit de M. [K] [Y] à lui payer la somme de 75.760,97 euros représentant la quote-part de la créance de l'indivision revenant à Mme [W],

- condamner Mme [O] [Y] devenue indivisaire en son nom propre à compter du décès à payer à Mme [W], du 7 mars 2022 et jusqu'à la réalisation du partage, la somme de 470 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation, somme représentant la quote-part de la créance de l'indivision revenant à Mme [W],

A titre subsidiaire et dans le cas où la cour de céans considèrerait que la prescription n'aurait été interrompue que par l'assignation délivrée le 1er juillet 2019 :

- condamner Mme [O] [Y] venant aux droits de M. [K] [Y] à payer une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2014,

- fixer à la somme de 86 692,26 euros l'indemnité d'occupation due par Mme [O] [Y] venant aux droits de M. [K] [Y] à l'indivision [Y]/[W] pour la période du 1er juillet 2014 au 7 mars 2022,

- Mme [W] étant indivisaire pour moitié, condamner Mme [O] [Y] en sa qualité d'ayant-droit de M. [K] [Y] à lui payer la somme de 43 346,13 euros représentant la quote-part de la créance de l'indivision revenant à Mme [W],

En tout état de cause :

- condamner Mme [O] [Y] venant aux droits de M. [K] [Y] au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Cantier & associés, avocats, sur son affirmation de droit.

*

Dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 14 septembre 2022, Mme [Y], fille de l'intimé, décédé en date du 7 mars 2022 et reprenant l'instance en continuation de la personne du défunt, demande à la cour de bien vouloir :

- faire droit à l'appel incident formé par M. [Y] et le déclarer bien fondé,

A titre principal :

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, et la renvoyer à saisir le juge des opérations de liquidation et partage,

A titre subsidiaire :

- constater, en application de l'article 815-10 du code civil et de l'article 262-1 du code civil, la prescription des demandes formées par Mme [W] relatives au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 2 octobre 2008 ; la demande en fixation et paiement de l'indemnité d'occupation ayant été formulée par acte en date du 1er juillet 2019,

- confirmer l'ordonnance en date du 10 septembre 2019 en ce qu'elle fixe l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision post-communautaire à compter du mois d'août 2016,

- confirmer l'ordonnance en date du 10 septembre 2019 en ce qu'elle fixe l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision post-communautaire au montant de 350 euros par mois d'août 2016 à décembre 2018 puis au montant de 550 euros par mois à compter du mois de janvier 2019,

- dire et juger que l'indemnité d'occupation due par M. [Y] à l'indivision devra entrer dans les compte de liquidation et partage restant à faire entre les parties,

En tout état de cause :

- condamner Mme [W] à verser à Mme [Y] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Gabriel Corinne, avocat, sur son affirmation de droit.

*

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 19 décembre 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 10 janvier 2023.

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la qualification de prétentions des parties :

Les demandes visant à voir 'constater' ne qualifient pas des prétentions cernant l'objet du litige au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile dès lors qu'elles n'ont vocation à conférer ni ne confèrent aucun droit à celui qui la requiert.

La cour, qui n'est tenue que de répondre aux prétentions énoncées au dispositif en application de l'article 954 du code de procédure civile, n'a donc pas à statuer dessus.

Ainsi en est-il des demandes suivantes de l'appelante visant à voir 'constater le décès de M. [K] [Y] survenu le 7 mars 2022" et 'constater la citation de reprise d'instance valablement délivrée à son ayant-droit'.

Sur la demande principale de l'intimée visant à 'renvoi à la saisine du juge des opérations de liquidation et de partage' :

Mme [Y] sollicite, à titre principal, de 'renvoyer Mme [W] à saisir le juge des opérations de liquidation et partage', partant la débouter de l'intégralité de ses demandes. Elle expose, sans plus d'explications, que l'appelante n'a pas assigné en liquidation-partage 'de l'indivision et du régime matrimonial des époux' se contentant de saisir le président du tribunal judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 815-9 du code civil aux fins de voir fixer le montant de son indemnité d'occupation.

Mme [W] peine quant à elle à qualifier une telle demande entre irrecevabilité et incompétence mais soutient en toutes hypothèses qu'aucune disposition légale n'impose l'introduction d'une procédure de liquidation-partage préalablement à la saisine du président du tribunal judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 815-9 du code civil, tout en précisant, en toutes hypothèses, y avoir procédé par acte d'huissier en date du 14 septembre 2021.

Outre que l'intimé ne qualifie pas juridiquement sa demande de 'renvoi au juge des opérations de liquidation et de partage', très indéterminée, et ne développe aucun moyen à son soutien, se bornant à faire le constat d'une part de l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage par le juge du divorce, ce qui est exact tenant les dispositions alors en vigueur, d'autre part, et dans un second temps, de l'existence d'une assignation devant le Président du tribunal judiciaire par l'appelante sur le fondement des dispositions de l'article 815-9 du code civil, aucune disposition légale n'impose à un indivisaire, avant saisine du président du tribunal judiciaire dans le cadre des dispositions de l'article 815-9 du code civil, d'introduire une action en liquidation-partage du régime matrimonial des époux.

Bien au contraire, les dispositions précitées ont précisément vocation à permettre à l'indivisaire créancier de percevoir les fruits et revenus de l'indivision sans provoquer le partage.

Enfin, l'effet déclaratif du partage ne prive pas les autres indivisaires de demander l'indemnisation de la perte qui résulte pour l'indivision d'une occupation privative par l'un d'eux de sorte qu'il n'y a pas lieu d'attendre l'établissement du compte de liquidation prévu à l'article 815-11 alinéa 3 du code civil pour voir consacrer et dire exigible une telle créance qui ne se fond pas dans ledit compte, sauf précisément à rendre inopérant l'inapplicabilité de l'effet déclaratif dudit partage, alors qu'en toutes hypothèses, l'indemnité d'occupation n'est due qu'à l'indivision et non aux indivisaires.

Pour l'ensemble de ces motifs, Mme [Y] sera déboutée de sa demande.

Sur la demande de fixation de l'indemnité d'occupation à l'encontre de l'indivision et la prescription de l'action à cette fin :

* sur la prescription de l'action de Mme [W] aux fins de fixation de l'indemnité d'occupation :

Mme [Y] soulève la prescription partielle de l'action de Mme [W] sans développer aucun moyen, se bornant à faire état de la date du jugement de divorce puis de l'assignation devant le premier juge en date du 1er juillet 2019, sans plus exposer ou expliciter son raisonnement. Au final, elle demande confirmation de l'ordonnance déférée ayant retenu, sans plus de développement non plus, une indemnité d'occupation pourtant à compter du 1er août 2016.

Mme [W] revendique de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action sur une période antérieure au 1er août 2016. Elle fait valoir que le premier juge a retenu la date précitée comme point de départ de son indemnité sans aucune explication ni motivation. Elle ajoute que, celui-ci, dans l'hypothèse où il aurait considéré cette date comme une mise en demeure effective ou un acte interruptif de prescription, a dans ce cas omis sa demande de réglement d'indemnité d'occupation auprès de M. [Y] par lettre recommandée pourtant établie antérieurement, en date du 1er décembre 2012. A titre subsidiaire, elle sollicite de voir considérer comme interruptive de la prescription quinquennale applicable au cas d'espèce son assignation délivrée le 1er juillet 2019.

Le premier juge a, sans aucune motivation, retenu la date du 1er août 2016 comme point de départ de l'indemnité d'occupation à la charge de M. [Y], en modulant son montant suivant les périodes, ne disant rien de la période antérieure revendiquée pourtant à compter de l'ordonnance de non-conciliation en date du 2 octobre 2008, soit huit années supplémentaires antérieures.

Dans ces conditions, il y a lieu de réparer d'office l'omission de statuer de ce chef sur le fondement de l'article 463 du code civil.

En matière d'indemnité d'occupation, la prescription quinquennale, édictée par l'article 815-10 alinéa 3 du code civil, a pour point de départ le jour où le jugement de divorce acquiert force de chose jugée, celle-ci ne courant par ailleurs pas entre époux pour être suspendue aux termes des dispositions de l'article 2253 du code civil. Enfin, selon l'article 2242 du code civil, la prescription est interrompue par la demande en justice laquelle produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

La prescription quinquennale s'appliquant à l'indemnité d'occupation dont était redevable M. [Y], à qui avait été attribué à titre onéreux la jouissance du domicile conjugal à compter de l'ordonnance de non-conciliation précitée et qui a continué d'occuper le bien indivis jusqu'à son décès, sans que cela ne soit contesté, a donc commencé à courir à compter du 26 juillet 2012, date à compter de laquelle le jugement de divorce avait acquis force de chose jugée, sans que ce point ne soit contesté, tenant la date de signification du jugement le 25 juin.

Les courriers en recommandés avec demande d'avis de réception de Mme [W] en date des 1er décembre 2012, 1er août 2016 et 26 janvier 2019, visant à interpeller voire exiger de M. [Y] une indemnité d'occupation ne constituaient pas des demandes en justice au sens de l'article 2242 du code civil précité de nature dès lors à interrompre le délai de prescription.

Aussi, faute pour Mme [W] d'avoir introduit sa demande dans le délai de cinq années suivant la date d'acquisition par le jugement de divorce de sa force de chose jugée, l'autorisant à ce titre à recouvrir dans ce seul cas l'intégralité de sa créance à compter de l'ordonnance de non-conciliation, celle-ci doit être déclarée prescrite en son action sur la période antérieure au 1er juillet 2014, eu égard à l'unique acte interruptif effectivement de la prescription constitué par son assignation devant le premier juge valant demande en justice en date du 1er juillet 2019.

La décision déférée sera donc réparée en ce sens.

* sur l'évaluation du montant de l'indemnité d'occupation :

Mme [W] expose que le principe de la jouissance privative du bien indivis par son ex-époux n'est pas contesté et que l'évaluation du montant de l'indemnité d'occupation, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ne saurait résulter de ses demandes à ce titre dans le cadre de ses recommandés successifs aux fins de règlement en 2012, 2016 et 2019 adressés à son ex-époux dès lors que les montants revendiqués correspondaient à des sommes pour elle et non contre l'indivision, de sorte qu'elles étaient divisées par deux. Elle considère donc que le premier juge, en retenant ses montants au profit de l''indivision post-communautaire', a commis une erreur. Elle dit en toutes hypothèses contester ces montants, en rappelant que l'expert privé mandaté conjointement avec M. [Y] avait fixé en février 2013 la valeur locative du bien indivis à la somme de 886 € mensuels puis en mars 2019, à l'occasion d'une nouvelle saisine, à hauteur de 940 € mensuels. Elle revendique, par voie d'infirmation, de voir ainsi évaluer l'indemnité d'occupation depuis l'origine à hauteur de cette dernière somme de 940 € mensuels.

Mme [Y], de son côté, ne conteste pas quant à lui, à titre subsidiaire, et sous réserve d'une prescription, les valeurs retenues par le premier juge.

Il résulte de l'acte d'acquisition du bien en date du 3 décembre 1992 que celui-ci est une maison d'habitation sur deux niveaux d'une surface de 163 m² construite sur une parcelle de 2 428 m² sis [Localité 6] (31).

L'expert privé mandaté par les deux époux aux fins de rechercher la valeur vénale du bien avait, dans son rapport en date du 7 février 2013, décrit un immeuble de construction traditionnelle en briques édifié en 1972 en chartreuse avec un sous-sol partiellement aménagé, un étage habitable, comprenant trois chambres, un garage, une cave avec chaufferie ainsi qu'une terrasse, avec accès à la voie publique par un chemin d'une centaine de mètres de long. Il était indiqué que l'installation électrique et la façade étaient à rénover. Quelques problèmes d'humidité ponctuels étaient notés ainsi qu'un jardin aboré clos peu entretenu.

L'expert retenait in fine, après comparaison des prix de location de trois biens de même nature dans la même commune ou dans des communes voisines, une valeur locative du bien à hauteur de 886 € mensuels.

En considération des éléments établis alors par l'expert mandaté conjointement par les indivisaires et tenant les éléments descriptifs du bien, le montant de l'indemnité d'occupation sera fixée à hauteur de la valeur locative retenue par l'expert à compter du 1er juillet 2014.

Il est ensuite exact que par un courrier en date du 1er août 2016, Mme [W] a revendiqué auprès de M. [Y], mais en précisant uniquement 'pour elle', une indemnité d'occupation à hauteur de 350 € mensuels, soit, suivant son raisonnement, 700 € mensuels au profit de l'indivision et ce à compter de son courrier.

Ce courrier constitue un aveu extrajudiciaire et Mme [W] ne le rétracte pas, faisant simplement état que la somme revendiquée l'était pour elle et non au profit de l'indivision.

Dans ces conditions, la valeur locative du bien à compter du 1er août 2016 sera fixée à hauteur de 700 € mensuels.

Enfin, dans un courrier en date du 26 janvier 2019 d'une teneur identique au précédent, Mme [W] a, cette fois, revendiqué auprès de son ex-époux une indemnité d'occupation de 1 100 € au profit de l'indivision 'au minimum'.

Dans un complément d'expertise requis par Mme [W] deux mois plus tard, le même expert fixait dans son rapport en date du 25 mars 2019 une valeur locative du bien, tenant uniquement la légère augmentation du prix au m² en six ans, à hauteur de 940 € mensuels.

Rien ne justifiait dès lors un réhaussement à hauteur de 1100 € et Mme [W] ne l'explicite pas plus dans ses écritures, précision faite que l'ensemble de ses calculs se fondent sur une évaluation à hauteur de celle de l'expert en mars 2019 soit 940 €.

Dans ces conditions, l'indemnité d'occupation sera fixée à compter d'avril 2019 à hauteur de 940 € mensuels, tenant les éléments développés par l'expert reprenant en réalité intégralement ses précédents développements sauf à prendre acte de l'augmentation du prix de la location au m².

Si Mme [W] formule ensuite, en sus, une demande de règlement d'une indemnité de privation de jouissance directement à l'encontre de l'intimée à raison d'une occupation personnelle alléguée du bien indivis par ses soins depuis le décès de son père ou 'dès lors qu'elle serait propriétaire de la moitié de l'indivision appartenant à son père', à supposer l'occupation privative du bien établie ou son seul ensaisinement légal de nature à qualifier une jouissance automatique du bien rentré partiellement dans la succession, ce qui pour l'un ne résulte de rien, pour l'autre est faux, une telle prétention n'est pas formulée à son subsidiaire conditionné à la reconnaissance de la limitation du bien-fondé de la prescription de son action antérieurement au 1er juillet 2014, ce qui est le cas, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette demande.

Au final, il y a lieu de fixer l'indemnité de privation de jouissance due à l'indivision par Mme [Y] en sa qualité d'héritière légale de son père, sans que cette qualité ne soit contestée de quiconque, à hauteur de :

- 886 € entre le 1er juillet 2014 et le 1er août 2016 ;

- 700 € entre le 1er septembre 2016 et le 1er avril 2019 ;

- 940 € entre le 1er avril 2019 et le 7 mars 2022 (35 mois et 7 jours), date de décès du co-indivisaire.

Au final, le chef de dispositif attaqué sera intégralement infirmé en ce sens et toute autre demande rejetée.

Sur la demande de condamnation de Mme [Y] à régler une somme au profit de Mme [W] :

L'indemnité d'occupation n'ayant pour objet que de réparer le préjudice causé par l'indivision par la jouissance privative d'un coindivisaire, celle-ci n'est due qu'à l'indivision et entre dans la masse active partageable.

Élément parmi les bénéfices du compte annuel de gestion en application des dispositions des articles 815-8 et 815-10 du code civil, l'indemnité de privation de jouissance ne saurait être due indépendamment de l'établissement préalable dudit compte et en particulier avant déduction des dépenses entraînées par les actes auxquels l'indivisaire a consenti ou qui lui sont opposables.

Dans ces conditions, la demande de Mme [W] visant à voir condamner Mme [Y] à régler la moitié de la somme due par son père à ce titre, sans plus d'explication par ailleurs sur ce calcul alors qu'elle se prétend unique héritière, et ce directement à son profit, sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [Y] sera condamnée aux dépens d'appel avec distraction.

L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

statuant dans les limites de sa saisine :

statuant du chef omis :

- ordonne la rectification de l'omission de statuer affectant l'ordonnance en date du 10 septembre 2019 en ce sens qu'il sera ajouté à la décision :

- 'déclare prescrite l'action de Mme [X] [W] aux fins de fixation de l'indemnité d'occupation de M. [K] [Y] pour la période antérieure au 1er juillet 2014" ;

- 'fixe l'indemnité d'occupation due par M. [K] [Y] à I'indivision à un montant de 886 € mensuels entre le 1er juillet 2014 et le 1er août 2016" ;

- ordonne mention de cette rectification par le greffe du service civil du tribunal judiciaire de Toulouse sur la minute et les expéditions de la décision rectifiée ;

- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- fixé provisoirement l'indemnité d'occupation due par M. [K] [Y] à I'indivision post-communautaire à un montant de 350 euros par mois d'août 2016 à décembre 2018 puis à un montant de 550 euros par mois à compter du mois de janvier 2019 ;

statuant à nouveau du chef de jugement infirmé :

- fixe l'indemnité d'occupation due par Mme [O] [Y] à I'indivision [Y]/[W] à un montant de :

- 700 € entre le 1er septembre 2016 et le 1er avril 2019 ;

- 940 € entre le 1er avril 2019 et le 7 mars 2022, date de décès du co-indivisaire ;

- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

- dit que Mme [O] [Y] aura la charge des dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Cantier&associés.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

M. TACHON C. DUCHAC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 19/04277
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;19.04277 ?
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