24/02/2023
ARRÊT N°108/2023
N° RG 21/00456 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N6HR
MPB/KB
Décision déférée du 03 Décembre 2020
Pole social du TJ de TOULOUSE
18/10293
[M] [U]
S.A.S. [5]
C/
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
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ARRÊT DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
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APPELANTE
SAS [5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Laurent SAUTEREL de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Michaël GUILLE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Mme [B] [S] (Membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, devant Mmes N. ASSELAIN et MP BAGNERIS,conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président
MP. BAGNERIS, conseillère
M. SEVILLA, conseillère
Greffier, lors des débats : K. BELGACEM
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par N. ASSELAIN, président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 20 juin 2015, M. [C] [X], manutentionnaire alors salarié de la société [5] depuis 2004, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une tendinopathie avec conflit sous acromial de l'épaule gauche, médicalement constatée le 22 avril 2015.
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône a pris en charge ce sinistre au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles.
La date de consolication a été fixée au 18 juin 2016 par le service du contrôle médical, et un taux de 17 % dont 2 % d'incidence professionnelle a été notifié le 13 octobre 2016.
La société [5] a formé un recours auprès de la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône afin de faire déclarer inopposable à son égard cette décision de prise en charge.
Le 3 octobre 2018, la société [5] a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la Haute-Garonne à l'encontre de la décision de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 20 novembre 2018 rejetant sa contestation.
Par jugement du 25 octobre 2019 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le pôle social du tribunal de Toulouse a déclaré la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 20 juin 2015 par M. [C] [X] opposable à la société [5] et, avant dire droit sur l'opposabilité à la société [5] de la prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail consécutifs à la maladie litigieuse à compter du 1er décembre 2015, a ordonné une expertise pour vérifier les soins et arrêts de travail en lien direct et certain avec les lésions non détachables de la maladie, ceux ayant une cause totalement étrangère à cette maladie et dire s'il existe une aggravation d'un état antérieur ou une pathologie indépendante évoluant pour son propre compte.
Le docteur [O] a établi son rapport d'expertise le 24 février 2020.
Le tribunal, par jugement du 3 décembre 2020, déboutant la société [5] de toutes ses demandes, a déclaré la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail consécutifs à la maladie professionnelle déclarée le 20 juin 2015 opposable à la société [5].
La société [5] a relevé appel le 25 janvier 2021.
Par conclusions reçues au greffe de la cour le 9 décembre 2022, soutenues à l'audience, la société [5] sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la cour de :
- à titre principal déclarer inopposables à son égard, dans le strict cadre des rapports caisse primaire / employeur, l'ensemble des soins, arrêts de travail et toutes autres prestations servis à M. [C] [X] consécutivement à la maladie professionnelle du 22 avril 2015 ;
- à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale judiciaire.
Au soutien de sa demande principale, se fondant sur les articles L 142-10 du code de la sécurité sociale et 11 du code de procédure civile, la société [5] fait valoir que la CPAM des Bouches du Rhône n'a transmis aucune pièce médicale au docteur [O], et reproche au tribunal de n'avoir pas tiré les conséquences de cette carence, alors que l'expert notait qu'il n'était pas impossible qu'un état antérieur ait été aggravé dans le contexte qu'il relevait, sans qu'il lui soit possible de l'authentifier de manière formelle au regard des prièces transmises.
Subsidiairement, invoquant un avis du docteur [E] qu'elle a interrogé, elle fonde sa demande d'expertise sur l'existence d'un différend d'ordre médical quant à la durée des arrêts à prendre en compte au titre de l'accident du travail de M. [C] [X] et soutient qu'elle ne dispose pas des éléments nécessaires pour prouver ses prétentions.
Elle voit une disproportion dans le fait que M. [C] [X] a bénéficié de 237 jours d'arrêt de travail et de soins pour une 'tendinopathie avec conflit sous acromial épaule gauche', considérant que cette durée, excessive selon elle, ne peut être due qu'à un état antérieur indépendant et/ou à une fixation tardive de la consolidation.
La CPAM des Bouches-du-Rhône, par conclusions visées au greffe le 6 janvier 2022, maintenues à l'audience, demande de dire que les soins et arrêts prescrits à M. [C] [X] et jusqu'à la consolidation du 18 août 2016 sont en lien direct et certain avec les lésions non détachables de la maladie professionnelle (MP57) et de débouter l'appelante de ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle a produit à l'expert les éléments à sa disposition et notamment l'ensemble des arrêts de travail.
Elle invoque la clarté du rapport d'expertise du docteur [O], sa prise en compte de l'avis du médecin conseil de l'employeur, le docteur [E], et conclut à l'inutilité d'une nouvelle expertise médicale.
L'affaire a été débattue à l'audience du 12 janvier 2022 et la décision a été mise en délibéré au 24 février 2023.
MOTIFS
Il résulte des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.
La présomption d'imputabilité prévue par l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale continue à s'appliquer jusqu'à la date de guérison ou de consolidation, dès lors que la caisse justifie qu'elle a payé des indemnités journalières jusqu'à cette date, sans qu'il soit nécessaire de vérifier la continuité des symptômes et soins ni d'apprécier le lien de causalité pouvant exister entre l'accident et les lésions ayant pu justifier les arrêts de travail postérieurs
1: Cass. 2e civ. 9 juillet 2020, n° 19-17.626 et 12 mai 2022, n° 20-20.655.
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Il appartient à l'employeur, pour combattre cette présomption, d'établir que les soins et arrêts de travail sont exclusivement imputables à une cause étrangère au travail.
En outre, il résulte de l'article 146 alinéa 2 du code de procédure civile qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
En l'espèce, M. [X], alors qu'il était manutentionnaire dans la société [5] depuis 2004, a déclaré une maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial du 22 avril 2015 mentionnant une tendinopathie avec conflit sous acromial de l'épaule gauche et une date de première constatation médicale du 8 septembre 2014.
La CPAM produit les certificats médicaux de prolongation de l'arrêt de travail initial du 22 avril 2015, jusqu'au certificat final du 18 juin 2016 correspondant à la date de consolidation.
Comme relevé par l'expert, M. [X] a fait l'objet de soins sans arrêt de travail durant de courtes périodes entre ces deux dates, toutefois il relève qu'il 'existe dans les constatations médicales de l'ensemble des certificats médicaux initial, de prolongation et final une continuité clinique caractérisée par une douleur avec gêne fonctionnelle de l'épaule gauche dans le cadre d'une pathologie de la coiffe des rotateurs. Au regard de l'activité professionnelle réalisée par M. [X], manutentionnaire, il n'est pas surprenant que certains arrêts de travail soient suivis de nouveaux arrêts de travail après une courte période de reprise de l'activité professionnelle au regard de la pathologie dégénérative présentée par la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et des caractéristiques de l'activité professionnelle' (rapport du docteur [O], p. 3).
À l'appui de sa contestation, la société [5] sollicite que soit mise en oeuvre, avant-dire droit, une expertise médicale et produit une consultation du docteur [E], du 16 juin 2019, considérant excessive la durée des soins et de arrêts de travail pour une tendinopatie de la coiffe des rotateurs, et arguant de la vraisemblance d'un état antérieur pour conclure qu'à compter du 1er octobre 2015 les soins et arrêts de travail auraient relevé exclusivement de pathologies indépendantes de la maladie professionnelle.
Cependant, dans un contexte où rien ne démontre l'absence totale de lien entre les arrêts de travail et la lésion initiale, de simples doutes fondés sur l'impact d'un état antérieur, la supposée bénignité de la lésion et la longueur totale de l'arrêt de travail ne sauraient suffire à remettre en cause la présomption d'imputabilité résultant des dispositions ci-dessus rappelées et à établir que la durée des soins et arrêts de travail critiquée par la société [5] aurait eu une cause étrangère à la maladie professionnelle en litige.
C'est de surcroît en se référant aux griefs soulevés par le docteur [E] que, les écartant, le docteur [O] a conclu sans ambiguité que 'les soins et arrêts de travail prescrits à compter du 1er décembre 2015 et jusqu'à la consolidation le 18 août 2016 sont en lien direct et certain avec les lésions non détachables de la maladie professionnelle'.
Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal, pour des motifs pertinents repris par la cour, a débouté la société [5] de son recours.
En l'absence de tout élément de preuve propre à renverser la présomtion d'imputabilité, la demande d'expertise ne saurait être accueillie et le jugement sera dès lors intégralement confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens.
Les dépens d'appel seront à la charge de la société [5], qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 3 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que la société [5] doit supporter les dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de président et K.BELGACEM, greffier de chambre.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
K.BELGACEM N.ASSELAIN
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