24/02/2023
ARRÊT N° 105/2023
N° RG 20/03316 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N2V7
NA/KB
Décision déférée du 15 Octobre 2020
Pole social du TJ de TOULOUSE
19/10847
Alain GOUBAND
CPAM DE LA LOIRE ATLANTIQUE
C/
S.A.S. [5]
INFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
CPAM DE LA LOIRE ATLANTIQUE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Mme [X] [K] (Membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMÉE
S.A.S. [5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Séverine FAINE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, devant Mmes N. ASSELAIN et M.P.BAGNERIS, conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente
MP. BAGNERIS, conseillère
M. SEVILLA, conseillère
Greffier, lors des débats : K. BELGACEM
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par N. ASSELAIN, présidente, et par K. BELGACEM, greffière de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
M.[I], salarié de la société [5] depuis novembre 1979, a déclaré le 18 août 2018 être atteint d'une maladie professionnelle, ayant fait l'objet d'une première constatation médicale le 23 avril 2018, en joignant à sa déclaration un certificat médical initial du 18 juillet 2018.
Par lettres du 10 décembre 2018, la CPAM de Loire-Atlantique a informé M.[I] et son employeur de la prise en charge de la maladie, désignée au tableau 30, au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par requête du 5 juin 2019, la société [5] a saisi le tribunal d'un recours à l'encontre de la décision implicite de la commission de recours amiable, rejetant son recours tendant à l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré la décision du 10 décembre 2018 de prise en charge de la maladie inopposable à la société [5], en retenant que l'exposition à l'amiante du salarié dans la société [5] n'était pas suffisamment caractérisée.
La CPAM de Loire-Atlantique a relevé appel de ce jugement par déclaration du 23 novembre 2020.
La CPAM de Loire-Atlantique, à l'appui de sa demande tendant à l'infirmation du jugement, soutenait que M.[I] a bien été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment au sein de la société [5], en se prévalant des déclarations du salarié, de l'attestation d'un de ses collègues et d'un avis de la CARSAT.
La société [5] soulevait l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de pouvoir du signataire de la déclaration d'appel, et demandait subsidiairement confirmation de la décision d'inopposabilité, le salarié n'ayant pas été exposé au risque au sein de la société [5], puisqu'il n'y exécutait pas de travaux l'exposant à l'inhalation de poussières d'amiante.
Par arrêt du 21 octobre 2022, la cour d'appel de Toulouse a:
- déclare l'appel de la CPAM de Loire Atlantique recevable,
- et avant dire droit au fond, invité les parties à présenter leurs observations sur l'application en l'espèce de la règle suivant laquelle le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
A l'audience à laquelle l'affaire a été rappelée, la CPAM de Loire-Atlantique maintient sa demande tendant à l'infirmation du jugement, et à l'opposabilité à la société [5] de la décision de prise en charge de la maladie de M.[I] au titre de la législation professionnelle. Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la cour de cassation que le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge, et maintient en toutes hypothèses que M.[I] a été exposé au risque notamment au sein de la société [5].
La société [5] maintient sa demande tendant à la confirmation du jugement et à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle. Elle indique contester le caractère professionnel de la maladie, en reprochant à la CPAM de Loire-Atlantique de ne pas rapporter la preuve de l'exposition au risque du salarié, faute notamment d'avoir interrogé les précédents employeurs, et faute de démontrer le respect de la condition du tableau 30 relative à la liste des travaux.
MOTIFS
Dans un arrêt du 17 mars 2022 (20-19294), la cour de cassation a retenu qu'il résulte des articles L.461-1, R.441-11 et R.441-14 du code de la sécurité sociale qu'au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie.
Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge. Toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.
La société [5] soutient désormais que la CPAM de Loire-Atlantique ne rapporte pas la preuve d'une exposition au risque du salarié, ni au sein de la société [5], ni auprès de ses précédents employeurs, de sorte qu'elle conteste le caractère professionnel de la maladie.
L'article L 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
La prise en charge d'une maladie au titre de la législation sur les risques professionnels suppose la réunion des conditions suivantes:
- l'affection dont il est demandé réparation doit figurer dans un tableau de maladies professionnelles;
- le salarié doit avoir été selon le cas,
- soit exposé à l'action d'un des agents nocifs mentionnés par les tableaux de maladies professionnelles qui donnent, à titre indicatif, la liste des principaux travaux comportant la manipulation ou l'emploi de ces agents,
- soit occupé à des travaux limitativement énumérés;
- le délai de prise en charge de la maladie prévu par le tableau ne doit pas être expiré, et la durée d'exposition au risque, lorsqu'elle est prévue, doit être respectée.
A l'égard de l'employeur, il appartient à la caisse, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions du tableau dont elle invoque l'application sont remplies.
La société [5] ne conteste pas en l'espèce l'inscription de la maladie dont souffre M.[I], soit un mésothéliome malin de la plèvre, au tableau 30 D des maladies professionnelles. Elle soutient en revanche qu'au
sein de la société [5], M.[I] n'a pas été exposé au risque décrit par le tableau, et que la CPAM de Loire-Atlantique ne justifie pas d'une exposition antérieure.
Les travaux exposant le salarié à l'inhalation de poussières d'amiante comprennent notamment:
* l'application, destruction et élimination de produits à base d'amiante :
- amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits contenant de l'amiante ; démolition d'appareils et de matériaux contenant de l'amiante, déflocage.
* les travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante.
* les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante.
La CPAM de Loire-Atlantique se prévaut en l'espèce :
- des déclarations de M.[I] suivant lesquelles il a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante aussi bien lorsqu'il exerçait des travaux de calorifugeage aux centrales nucléaires de [Localité 6], [Localité 8] et [Localité 7], auprès de la société [9], que lorsqu'il était employé par la société [5], quand il perçait des tôles contenant du produit d'interposition sans protection;
- du témoignage de M.[O], ancien collègue de M.[I] au sein de la société [9], de juin 1976 à janvier 1978, qui indique avoir réalisé des travaux de calorifugeage avec M.[I], et avoir alors été au contact de l'amiante, du plomb et de la laine de verre;
- d'un courrier du directeur des risques professionnels de la CARSAT du 5 novembre 2018, rappelant que M.[I] a été employé par la société [9] en qualité de calorifugeur de 1976 à 1979, puis par la société [5] à compter de 1979, comme technicien de production, et indiquant notamment que 'son activité de calorifugeur est à mettre en relation avec une exposition certaine à de l'amiante lors d'opérations d'isolation et de tuyauteries sur des sites tels que la centrale de [Localité 7] où l'amiante a été largement utilisé', et que pour la période ultérieure, M.[I] 'relate des opérations de perçage au travers de matériaux de type Mastic PR dont nous avons connaissance que certains contenaient de l'amiante. Ces opérations libéraient des fibres d'amiante exposant ainsi les opérateurs chargés de ces tâches'.
Il est établi par ces pièces, comme la société [5] ne le contestait pas dans ses premières écritures, que M.[I] a été exposé au risque à tout le moins lorsqu'il était salarié de la société [9], et que les conditions posées par le tableau 30 D, et notamment la condition relative à la liste des travaux, sont réalisées, de sorte que l'origine professionnelle de la maladie est présumée.
L'hypothèse que M.[I] n'ait pas été exposé au risque au sein de la société [5] est en tout état de cause insusceptible de fonder l'inopposabilité de la décision de prise en charge à cet employeur.
Le jugement est donc infirmé.
La cour rejette le recours de la société [5] et dit que la décision du 10 décembre 2018 de prise en charge de la maladie de M.[I] au titre de la législation sur les risques professionnels lui est opposable.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la la société [5].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 15 octobre 2020;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette les demandes de la société [5];
Dit que la décision du 10 décembre 2018 de prise en charge de la maladie de M.[I] au titre de la législation sur les risques professionnels est opposable à la société [5];
Dit que la société [5] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par K. BELGACEM, greffière de chambre.
LE GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
K. BELGACEM N.ASSELAIN
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