15/02/2023
ARRÊT N°01/2023
N° RG 22/00005 - N° Portalis DBVI-V-B7G-OVKG
J-C.G
Décision déférée du 16 Novembre 2021 - Juge de l'expropriation de TOULOUSE - 20/00004
J-M.GAUCI
Etablissement Public EPFL GRAND [Localité 15]
C/
[F] [X]
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Chambre des Expropriations
***
ARRÊT DU QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Etablissement Public EPFL GRAND [Localité 15]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Christine TEISSEYRE de la SCP BOUYSSOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur [F] [X]
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
POLE EVALUATION DOMANIALE CITE ADMINISTRATIVE BAT C
[Adresse 5]
représenté par Mme [I] [O]
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de:
Président : J.C. GARRIGUES,
Assesseurs : A-M. ROBERT
I. MARTIN DE LA MOUTTE
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par I. ANGER, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant arrêté préfectoral en date du 10 mars 2008, a été déclarée d'utilité publique la constitution d'une réserve foncière dans le secteur de Paléficat situé au Nord de la commune de [Localité 15].
Les effets de cette déclaration d'utilité publique ont été prorogés par arrêté préfectoral en date du 5 mars 2013.
Suivant délibération en date du 23 juin 2011, le Conseil de communauté a reconnu l'intérêt communautaire du projet d'aménagement de Paléficat qui englobe le périmètre de la réserve foncière déclarée d'utilité publique.
De ce fait, la communauté urbaine [Localité 15] Métropole est devenue compétente pour procéder à l'acquisition des terrains concernés.
Suivant délibération en date du 21 novembre 2011, le Conseil de communauté a donné compétence à l'Etablissement Public Foncier Local (EPFL ) pour réaliser les acquisitions en vue de constituer la réserve foncière de Paléficat, conformément à ses statuts.
L'EPFL poursuit ainsi l'acquisition des parcelles situées dans le périmètre de la réserve foncière, soit par voie amiable, soit par voie d'expropriation.
Parmi les parcelles à acquérir par voie d'expropriation, figurent trois parcelles appartenant à M.[F] [X].
Ces parcelles ont été déclarées cessibles suivant arrêté préfectoral en date du 30 novembre 2012.
L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 21 décembre 2012.
A défaut d'accord amiable, l'EPFL a pris l'initiative de saisir la juridiction de l'expropriation aux fins de fixation judiciaire des indemnités revenant à M. [X].
Par jugement en date du 16 novembre 2021, le juge de l'expropriation du département de la Haute-Garonne a :
- fixé l'indemnité de dépossession revenant à M. [F] [X] à raison de l'expropriation par l'EPFL du Grand [Localité 15] des parcelles cadastrées [Cadastre 13] AH [Cadastre 4], [Cadastre 13] AH [Cadastre 9] et [Cadastre 13] AH [Cadastre 2] pour 4026 m² à la somme de 56.552 euros dont 6050 euros d'indemnité de remploi ;
- fixé l'indemnité pour perte de végétaux à la somme de 38.040 euros ;
- fixé l'indemnité pour clôture à la somme de 5245,68 € ;
- condamné l'EPFL du Grand [Localité 15] à verser à M. [X] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé les dépens à la charge de l'expropriant ;
- rejeté toute autre demande.
Pour statuer ainsi, le juge de l'expropriation a tout d'abord relevé qu'aucune transaction issue du marché concurrentiel n'était versée au débat, l'exproprié ne communiquant quant à lui aucune référence. Il a estimé que même si l'emprise comprenait 10 m² en zone constructible estimée à 300 €/m², sa situation privilégiée ne saurait emporter cette valeur pour le reste des parcelles.
Il a ensuite considéré que les valeurs proposées par l'autorité expropriante dataient de jugements rendus pour les premiers en 2014, sans réévaluation, et que cette situation devait être corrigée afin de tenir compte de l'augmentation des prix et de la forte pression foncière constatées sur le marché immobilier toulousain depuis plusieurs années. Il a en conséquence arrêté forfaitairement les valeurs suivantes :
- zone N : 8 €/m² portés à 11 €/m²
- zone AU0 : 35 €/m² portés à 40 €/m²
- zone UM1 : 300 €/m² portés à 360 €/m² .
L'EPFL a interjeté appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 10 mars 2022, en critiquant l'ensemble de ses dispositions.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Aux termes de son mémoire récapitulatif déposé au greffe le 10 août 2022, l'EPFL du Grand [Localité 15], appelant, demande à la cour de :
- déclarer recevable l'action engagée par l'EPFL ;
- réformer partiellement le jugement rendu le 16 novembre 2021 ;
- par conséquent, allouer à M. [X] une indemnité globale de dépossession d'un montant de 85.718,28 € se décomposant ainsi :
# indemnité principale : 37.666 €
# indemnité de remploi : 4766 €
# indemnité pour perte de végétaux : 38.040 € ;
# indemnité pour clôture : 5245,68 € ;
- rejeter toutes prétentions contraires ;
- condamner M. [X] à payer à l'EPFL une indemnité d'un montant de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens d'appel.
Il fait observer que le juge de l'expropriation a procédé de manière arbitraire à la réévaluation des valeurs au m² des parcelles expropriées. Il estime que si une augmentation de 20 % pour la valeur du terrain à bâtir pourrait se justifier, l'augmentation de 40 % pour la valeur du terrain classé en zone N est déraisonnable dès lors que l'usage de ce terrain est très limité, que sa situation en bord de l'Hers dans la zone d'expansion des crues ne peut laisser espérer un autre usage et que le terrain ne dispose pas d'un accès propre.
Aux termes de son dernier mémoire déposé au greffe le 18 octobre 2022, M. [F] [X], intimé et appelant incident, demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel ;
- déclarer irrecevable l'action engagée par l'EPFL faute de produire un document d'arpentage ou un procès-verbal de division ;
- à défaut d'irrecevabilité, fixer le montant de l'indemnité d'expropriation principale à la somme de 1.207.800 euros ;
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'expropriation à la somme de 56.552 euros dont 6050 euros d'indemnité de remploi, l'indemnité pour perte de végétaux à la somme de 38.040 euros, l'indemnité pour clôture à la somme de 5245,68 € et l'indemnité pour frais irrépétibles à la somme de 2000 € ;
Y ajoutant,
- fixer l'indemnité pour adaptation du réseau d'évacuation à la somme de 2827,20 € ;
- fixer l'indemnité pour préjudice d'agrément et dépréciation de la maison à la somme de 40.000 € ;
Dans tous les cas,
- fixer l'indemnité de remploi sur la base de 20 % de 0 à 5000 €, de 15 % de 5000 à 10.000 € et de 10 % au-delà de 10.000 € ;
- condamner l'EPFL à lui payer la somme de 2500 € au titre des frais irrépétibles ;
- le condamner aux dépens.
A titre principal, M. [X] sollicite la fixation d'une indemnité sur la base de 300 €/m² 'tous chefs de préjudices confondus' aux motifs que les trois parcelles constituent une seule unité foncière comprenant une maison toulousaine typique et un jardin avec accès direct à la rivière l'Hers, qu'elles sont situées en zone urbaine et à proximité des réseaux dont le sous-dimensionnement n'est pas établi, que le secteur subit une pression foncière importante, que les parcelles classées en zone N ou AU0 confrontent celles classées en zone constructible et que leur situation privilégiée doit être prise en considération.
A titre subsidiaire, il sollicite une indemnité pour chaque chef de préjudice.
Sur l'indemnité principale, il fait valoir :
- que le premier juge a justement retenu que les offres de l'expropriant et les termes de référence produits par le commissaire du gouvernement n'étaient pas actualisés, étant relatifs à des décisions ou accords remontant à 2018, voire à 2014 ;
- s'agissant de la zone N, que l'ensemble de la propriété dispose d'un accès direct à la voie publique, que les valeurs ont augmenté puisque les deux ventes citées par l'EPFL ont été conclues à 8,50 €/m² et 9,18 €/m², que l'agence L'Union immobilier a évalué ces parcelles à un prix moyen de 111 €/m² ;
- s'agissant de la zone AU0, que la référence citée par l'EPFL montre un prix de 38 €/m², ce qui est cohérent avec la valeur retenue par le premier juge ; que la parcelle borde la maison d'habitation et offre un agrément certain à ses occupants ; qu'il ne s'agit pas d'un terrain agricole isolé dans la campagne ;
- s'agissant de la zone UM1, que la valeur de 360 €/m² doit être confirmée, l'EPFL reconnaissant dans son premier mémoire que cette valeur est justifiée.
Les conclusions du commissaire du gouvernement déposées au greffe le 2 septembre 2022, posterieurement au délai de trois mois prévu par l'article R311-26 du code de l'expropriation, sont irrecevables.
MOTIFS
Les biens expropriés
Les parcelles expropriées sont cadastrées de la manière suivante, pour une emprise totale de 4026 m² :
Parcelles d'origine
Emprise
Reliquat
[Cadastre 13] AH [Cadastre 1] - 1688 m²
AH [Cadastre 4] - 1378 m²
AH [Cadastre 3] - 310 m²
[Cadastre 13] AH [Cadastre 9] - 1652 m²
1652 m²
0
[Cadastre 12] AH [Cadastre 8] - 2409 m²
AH [Cadastre 2] - 996 m²
AH [Cadastre 3] - 1413 m²
La parcelle AH [Cadastre 4] est issue d'une parcelle plus vaste initialement cadastrée AH [Cadastre 1].
De même, la parcelle AH [Cadastre 2] est issue d'une parcelle plus vaste anciennement cadastrée AH [Cadastre 8].
L'emprise dépend d'une propriété plus vaste composée d'une maison d'habitation et de dépendances en façade sur le chemin de Virebent et de terrains maraîchers à l'arrière jusquà l'Hers.
L'emprise correspond au fond de la propriété.
Il s'agit d'un terrain nu, à usage agricole, où M. [X], aujourd'hui retraité, exerce personnellement une activité maraîchère. Les parcelles doivent être évaluées libres de toute occupation.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. [X]
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
M. [X] rappelle qu'aux termes de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation, les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, lequel dispose que lorsqu'il réalise ou constate une division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte ou la décision doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division.
Il expose que l'ordonnance d'expropriation mentionne les parcelles AH [Cadastre 1], AH [Cadastre 9] et AH [Cadastre 8], que les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 8] ont fait l'objet d'une expropriation partielle mais que la nouvelle désignation cadastrale n'est pas renseignée dans l'ordonnance et que le procès-verbal de division n'est pas produit.
Il demande à la cour de déclarer irrecevable l'action engagée par l'EPFL, faute de produire un document d'arpentage ou un procès-verbal de division.
L'article 123 du code de procédure civile précisant que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, elles ne constituent pas une demande nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
L'ordonnance d'expropriation en date du 21 décembre 2012 a été notifiée à l'exproprié et n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
M. [X] avait introduit un recours contre l'arrêté de cessibilité qui a été définitivement rejeté par la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Ainsi, si l'absence de désignation des emprises dans l'ordonnance d'expropriation et l'arrêté de cessibilité aurait pu justifier l'annulation de cette ordonnance et de cet arrêté, plus aucun recours n'est possible contre l'arrêté de cessibilité et l'ordonnance d'expropriation et le transfert de propriété opéré par l'ordonnance d'expropriation ne peut plus être remis en cause.
L'irrégularité alléguée ne fait donc pas obstacle à ce que les indemnités d'expropriation revenant à M. [X] fassent l'objet d'une fixation par voie judiciaire.
L'action de l'EPFL est en conséquence parfaitement recevable.
Il sera en outre constaté que les parcelles expropriées sont parfaitement identifiées, ce qui permet de chiffrer les indemnités dues.
Les principes d'indemnisation
Selon les dispositions de l'article L.321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Aux termes de l'article L.322-1 du même code, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance d'expropriation.
En l'espèce, l'ordonnance d'expropriation a été rendue le 21 décembre 2012.
L'article L.322-2 du même code dispose que les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, selon leur usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique.
L'article L. 213-6 du code de l'urbanisme énonce que lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L. 322-2 précité est celle prévue au a) de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme.
L'article L. 213- 4 du code de l'urbanisme précise que la date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est, pour les biens non compris dans le périmètre d'une ZAD, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.
L'emprise était classée par la PLUiH en vigueur au jour de la saisine du juge de l'expropriation en zone NS et NL, à l'exclusion de 10 m² des parcelles AH [Cadastre 2] et [Cadastre 4] classés en zone UM6-3 et 92 m² en zone AU0.
Suivant jugements en date des 30 mars et 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, avec effet immédiat, le PLUiH approuvé le 19 avril 2019. L'annulation du PLUiH a été confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux par arrêt en date du 15 février 2022.
En application des dispositions de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, cette annulation a eu pour effet de remettre en vigueur le PLU immédiatement antérieur qui est le PLU approuvé le 10 novembre 2016, de sorte que la date de référence doit être déterminée en fonction de ce document.
Dans le PLU approuvé le 10 novembre 2016 redevenu applicable, le terrain exproprié est classé pour partie en zone NS, pour partie en zone AU0 et pour autre partie en zone UM1.
La partie d'emprise classée en zone NS n'étant pas comprise dans un emplacement réservé, ni dans le périmètre d'une ZAD, ni dans un périmètre où s'applique le droit de préemption urbain, la date de référence est celle de droit commun, soit un an avant l'ouverture de l'enquête préalable, à savoir le 10 avril 2006.
A cette date s'applique le PLU de la commune de [Localité 15] approuvé le 17 février 2006 qui classe le terrain exproprié en zone N.
Ce classement en zone N concerne une superficie de 3922 m² :
- parcelle AH [Cadastre 9] : 1652 m²
- parcelle AH [Cadastre 2] : 991 m²
- parcelle AH [Cadastre 4] : 1279 m² .
Les parties d'emprise classées en zones AU0 et UM1 sont comprises dans un périmètre où s'applique le droit de préemption urbain. En application des dispositions susvisées des articles L.213-4 et L.213-6 du code de l'urbanisme, la date de référence est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le PLU approuvé le 10 novembre 2016.
Le classement en zone AU0 concerne la parcelle AH [Cadastre 4] pour 94 m².
Le classement en zone UM1 concerne la parcelle AH [Cadastre 2] pour 5 m² et la parcelle AH [Cadastre 4] pour 5 m².
Les principales prescriptions des documents d'urbanisme sont les suivantes :
Zone N : Dans cette zone dite naturelle, les occupations et utilisations du sol sont liées à l'aménagement, à la fréquentation des voies d'eau et des espaces naturels. Les extensions de constructions existantes à usage d'habitation restent possibles mais de manière très limitée.
Zone AU0 : Il s'agit d'une zone fermée à l'urbanisation où les dispositions générales s'appliquent sous réserve de quelques possibilités très restrictives d'extension de bâtiments déjà existants ou de création d'annexes.
Zone UM1 : Il s'agit d'une zone urbaine à vocation mixte où sont interdites diverses activités telles que, notamment, les exploitations agricoles et forestières, les commerces et activités de services, les industries, les entrepôts et les changements de destination entraînant la création d'activités nouvelles engendrant des nuisances excessives pour les habitations riveraines, et de ce fait incompatibles avec la vie du quartier.
Sur l'indemnité principale
Conformément aux principes généralement applicables en la matière, il convient de rechercher la valeur du bien au moyen de la méthode par comparaison avec des transactions déjà réalisées sur des biens similaires, présentant les mêmes caractéristiques, dans la même zone.
Pour être qualifié de terrain à bâtir au sens de l'article L. 322-3 du code de l'expropriation, le terrain doit tout à la fois être classé dans un secteur constructible et être desservi par des voies et réseaux de capacité suffisante.
Le terrain exproprié remplit cette double condition à la date de référence en ce qui concerne la partie de l'emprise située en zone UM1, soit pour 10 m².
En revanche, la partie de l'emprise située en zone N et celle classée en zone AU0 à la date de référence ne remplissent pas à la date de référence la condition tenant au classement dans un secteur constructible.
Le fait que toutes les parcelles expropriées constituent une seule unité foncière ne permet pas de considérer qu'elles doivent toutes recevoir la qualification de terrain à bâtir et bénéficier d'une indemnisation sur la même base que celle concernant les 10 m² situés en zone UM1.
La demande principale de M. [X] tendant à l'indemnisation de l'ensemble de l'emprise sur la base de 300 €/m² a donc été justement rejetée par le juge de l'expropriation.
La décision entreprise doit également être confirmée en ce qu'il a été considéré que toute la partie de l'emprise ne bénéficiant pas de la qualification de terrain à bâtir se trouvait en situation privilégiée et devait être évaluée à un prix supérieur à celui de son zonage au PLU, dès lors que toutes ces parcelles sont situées en zone urbaine, proche du métro, des commerces et des écoles, à proximité des réseaux de viabilisation, et qu'une partie de l'emprise peut recevoir la qualification de terrain à bâtir.
Le terrain classé en zone N
Les termes de référence produits en première instance par l'expropriant correspondent à des jugements définitifs qui fixent à 8 €/m² la valeur des terrains nus classés en zone N du PLU à la date de référence et compris dans le périmètre de la réserve foncière de Paleficat :
- jugement du 7 octobre 2014 n° 14/00004 : EPFL/Dumas - emprise de 5306 m² en zone N
- jugement du 13 novembre 2018 n° 17/00043 : EPFL/Lachurie - emprise de 3118 m² en zone N
- jugement du 13 novembre 2018 n° 17/00044 : EPFL/Terrisse - emprise de 1277 m² en zone N
- jugement du 13 novembre 2018 n° 17/000042 : EPFL/Vincent - emprise de 25129 m² en zone N .
L'EPFL maintient son offre sur cette base de 8 €/m² . Il fait valoir à cet effet que cette valeur retenue en 2014 était toujours d'actualité en 2018, de sorte que la réévaluation de 40 % pratiquée par le premier juge n'est pas justifiée, que les prix de vente des terrains classés en zone N restent très stables, ce qui s'explique par les importantes restrictions concernant leur utilisation fixées par le PLU, que des ventes récentes sont intervenues aux prix de 8,50 €/m² et 9,18 €/m², que la métropole a acquis des emprises classées en zone NS nécessaires à l'élargissement du chemin de [Localité 14] au prix de 7 €/m².
M. [X] ne produit aucun terme de comparaison et fait observer que les valeurs ont augmenté de l'aveu même de l'EPFL au vu des deux ventes récentes qu'il cite. Il ajoute que l'agence L'Union Immobilier sollicitée par lui a évalué les parcelles situées en zone N à un prix moyen de 111 €/m².
La cour constate que l'agence L'Union Immobilier, dont l'avis n'est fondé sur aucun terme de comparaison, fixe en réalité la valeur des parcelles situées en zone N à une valeur située entre 9,68 €/m² et 12,63 €/m² (pièce n° 11 de M. [X], page 11).
Il apparaît en définitive que la valeur de 8 €/m² se présente comme une valeur constante depuis le début de l'opération pour les terrains situés en zone N, qu'il n'est pas justifié d'une augmentation annuelle des prix du marché dans la zone concernée nonobstant la pression foncière sur [Localité 15] et ses proches environs et que les termes de référence les plus récents communiqués par l'EPFL sont tout au plus la preuve d'un frémissement dont il doit malgré tout être tenu compte.
Dans ces conditions, c'est sur la base d'une valeur de 9 €/m² que doit être fixée l'indemnité, soit :
3922 m² x 9 €/m² = 35.298 € .
Le terrain classé en zone AU0
Les termes de référence produits en première instance par l'expropriant correspondent à des jugements définitifs rendus en 2014 et 2015 qui fixent à 30 €/m² la valeur des terrains nus classés en zone AU0 du PLU à la date de référence et compris dans le périmètre de la réserve foncière de Paleficat, et à 35 €/m² lorsqu'il s'agit de terrains d'agrément dépendant d'une habitation.
Dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu le 29 janvier 2019, la cour a fixé la valeur du terrain d'agrément dans le secteur de Paleficat sur la base de 38 €/m² ( arrêt du 22 janvier 2020 EPFL/Le Floch RG 19/00002 ). L'emprise portait sur une partie du jardin d'agrément d'une maison d'habitation.
M. [X] estime que cette référence relativement récente est cohérente avec la valeur de 40 €/m² retenue par le premier juge.
L'emprise doit être évaluée selon son usage effectif qui, contrairement à ce qu'indique M.[X], est un usage de terrain maraîcher et non de terrain d'agrément bordant la maison d'habitation, ce qui est confirmé par la photographie aérienne versée au débat par l'EPFL (pièce n° 12).
La valeur de 35 €/m² proposée par l'EPFL, intermédiaire entre la valeur d'un terrain nu à usage purement agricole et la valeur d'un véritable terrain d'agrément, permet de tenir compte de la relative ancienneté des termes de référence et de la situation particulière de l'emprise qui, bien qu'à usage professionnel, est située à l'arrière d'une maison d'habitation.
C'est cette valeur qui doit être retenue pour fixer l'indemnité relative au terrain classé en zone AU0, soit une indemnité de : 94 m² x 35 € = 3290 €.
Le terrain classé en zone UM1
Il apparaît que les parties étaient d'accord sur la valeur de 300 €/m² qui a été portée par le premier juge à 360 €/m² sans qu'il soit justifié d'une telle augmentation des prix dans la zone concernée depuis plusieurs années.
La valeur de 300 €/m² sera retenue pour fixer l'indemnité relative au terrain classé en zone UM1, soit une indemnité de : 10 m² x 300 € = 3000 €.
Sur l'indemnité de remploi
L'indemnité principale s'élève à la somme de :
35.298 + 3290 + 3000 = 41.588 € .
En application de l'article R.322-5 du code de l'expropriation et conformément aux usages en la matière, l'indemnité de remploi sera fixée à :
( 5000 € x 20 % ) + ( 10.000 € x 15 % ) + ( 26.588 € x 10 % ) = 5158,80 € arrondis à 5160 € .
L'indemnité pour perte de végétaux et l'indemnité pour clôture
Il convient de confirmer le jugement dont appel sur ces deux points, le montant des sommes allouées, à savoir 38.040 € et 5245,68 €, n'étant pas critiqués par les parties.
L'indemnité pour adaptation du réseau d'évacuation
M. [X] demandait qu'il soit enjoint à l'expropriant de prévoir un système d'évacuation des eaux de pluie pour éviter l'inondation de la maison et du jardin restant.
Il a été débouté de cette demande au motif qu'il n'entre pas dans les attributions du juge de l'expropriation de délivrer une telle injonction.
En cause d'appel, il sollicite une indemnité de 2827,20 € pour adaptation du réseau d'évacuation. Il fait valoir à cet effet que les eaux de pluie, du fait de la pente naturelle du terrain vers la rivière, ne pourront plus s'écouler, de sorte que les cultures restantes vont pourrir à moins d'installer un système d'évacuation, et que par ailleurs le sous-sol est équipé d'une canalisation qui permet l'évacuation des eaux de pluie trop abondantes et évite l'inondation de la maison située en partie basse, mais que rien n'a été prévu par l'expropriant pour remédier à la disparition de cette installation. Il produit un devis de la Sarl Cogo Louis pour la mise en place d'un réseau pluvial.
L'EPFL indique avoir missionné ses services techniques afin d'analyser les allégations de M.[X]. Au vu des explications de l'EPFL, techniquement motivées et non utilement contestées par M. [X], il n'est ni démontré ni le caractère certain des difficultés alléguées, ni surtout que celles-ci pourraient être une conséquence directe de l'emprise.
Le rejet de cette demande doit en conséquence être confirmé.
Sur la dépréciation du surplus
En application de l'article L.321-1 du code de l'expropriation, seuls les préjudices directs, matériels et certains peuvent être indemnisés par la juridiction de l'expropriation.
Ainsi, il est de principe que doivent être distingués le préjudice résultant directement de l'expropriation, qui doit être indemnisé au titre de l'expropriation, et le préjudice né de l'exécution des travaux en vue desquels l'expropriation a été engagée, qui relève quant à lui de la compétence de la juridiction administrative.
La juridiction de l'expropriation est compétente pour indemniser la dépréciation du surplus de la propriété qui résulte de l'amputation de superficie qui lui est imposée.
M. [X] expose que l'expropriation aura pour effet de priver la propriété de son jardin arboricole et de son jardin potager, ce qui va entraîner, outre un préjudice d'agrément certain et des dépenses supplémentaires pour l'achat de fruits et légumes, une dépréciation de la valeur de la propriété amputée de 70 % de sa superficie, dont le jardin, le verger et l'accès à la rivière. Il réclame à ce titre une indemnité de 40.000 €.
L'EPFL fait valoir que la maison d'habitation sera implantée, dans sa partie la plus proche de l'emprise, à plus de 40 mètres de la nouvelle limite de propriété, que le reliquat permettra de continuer à cultiver une superficie d'environ 1500 m² suffisante pour pourvoir à une consommation familiale de fruits et légumes, que le jardin d'agrément de la maison ne sera pas affecté par l'emprise. Il conclut en conséquence à l'absence de préjudice et au rejet de la demande.
Il apparaît, au vu des plans et des photographies versés au dossier, que l'emprise de 4026 m² est située au fond de la vaste propriété de M. [X], à l'opposé de la voie publique, de la maison d'habitation et du jardin d'agrément. M. [X] va certes rester propriétaire de plus de 3000m², mais l'importance de la superficie de la propriété contribuait toutefois à sa valeur et avait pour effet d'éloigner le voisinage et d'assurer la tranquillité de ses occupants. La perte de l'accès à la rivière est également à l'origine d'une moins-value pour la propriété.
Au vu de ces éléments d'appréciation, il est établi que la perte des terrains sous emprise entraîne pour la propriété une dépréciation qui doit être fixée à 5 % de sa valeur, valeur pouvant être fixée au minimum à la somme de 300.000 € au regard de l'évaluation du bien réalisée à la demande de M. [X] par l'agence L'Union Immobilier (pièce n° 12).
Il sera en conséquence alloué à M. [X] une indemnité de 15.000 €.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'EPFL, partie principalement perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.
Il se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.
Il ne peut lui-même prétendre à une indemnité sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse, service expropriation, en date du 16 novembre 2021, sauf en ce qui concerne les indemnités allouées pour perte de végétaux et pour clôture, le rejet de la demande relative au système d'évacuation des eaux de pluie, et les dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par M. [X].
Fixe l'indemnité principale revenant à M. [X] à raison de l'expropriation des parcelles cadastrées [Cadastre 13] AH [Cadastre 4], [Cadastre 13] AH [Cadastre 9] et [Cadastre 13] AH [Cadastre 2] pour 4026 m² à la somme de 41.588 €.
Fixe l'indemnité de remploi à la somme de 5160 €.
Alloue à M. [X] une indemnité de 15.000 € au titre de la dépréciation du surplus de sa propriété.
Condamne l'EPFL du Grand [Localité 15] aux dépens d'appel.
Condamne l'EPFL du Grand [Localité 15] à payer à M. [X] la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge.
Déboute l'EPFL du Grand [Localité 15] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. ANGER J-C.GARRIGUES