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20/01/2023 | FRANCE | N°21/02567

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 20 janvier 2023, 21/02567


20/01/2023



ARRÊT N° 2023/31



N° RG 21/02567 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OGZ4

NB/KS



Décision déférée du 05 Août 2019



Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE



(18/11426)



Carole MAUDUIT























[D] [U]





C/



CPAM DE LA HAUTE GARONNE

S.A.S. [8]





























































INFIRMATION

EXPERTISE MEDICALE





Grosses délivrées

le 20/01/2023

à

Me Cécile VILLARD

Mme [M] [Z]

Me Steven MOURGUES



ccc

le 20/01/2023

à

Me Cécile VILLARD

Mme [M] [Z]

Me Steven MOURGUES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - s...

20/01/2023

ARRÊT N° 2023/31

N° RG 21/02567 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OGZ4

NB/KS

Décision déférée du 05 Août 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE

(18/11426)

Carole MAUDUIT

[D] [U]

C/

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

S.A.S. [8]

INFIRMATION

EXPERTISE MEDICALE

Grosses délivrées

le 20/01/2023

à

Me Cécile VILLARD

Mme [M] [Z]

Me Steven MOURGUES

ccc

le 20/01/2023

à

Me Cécile VILLARD

Mme [M] [Z]

Me Steven MOURGUES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème chambre sociale - section 3

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Monsieur [D] [U]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 7]

représenté par Me Cécile VILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉES

CPAM DE LA HAUTE GARONNE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Mme [M] [Z], munie d'un pouvoir de représentation

S.A.S. [8]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Steven MOURGUES de la SCP CROUZATIER - POBEDA-THOMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 décembre 2022, en audience publique, devant , Mmes M.DARIES et N.BERGOUNIOU chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par S. BLUME, conseillère faisant fonction de président, et par C. DELVER, greffier de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [U], salarié de la société [8] en qualité de chauffeur auxiliaire ambulancier depuis le 5 janvier 2011, a été victime, le 18 août 2012, d'un accident du travail : alors qu'il rapatriait le véhicule d'une personne dont le poignet était plâtré dans le cadre d'un contrat d'assistance, il a perdu le contrôle de son véhicule, a heurté les glissières de sécurité de l'autoroute et fait un tonneau. Suite à cet accident, il a été blessé au poignet et au torse.

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision notifiée à l'assuré le 27 août 2012.

Le médecin conseil de la caisse a déclaré M. [D] [U] consolidé le 15 janvier 2015, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 9%.

Suite à un avis d'inaptitude émis le 30 juin 2014 par le médecin du travail, M. [U] a été licencié par courrier du 8 août 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 13 janvier 2015, M. [U] a déposé auprès de la caisse d'assurance maladie une requête en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [8].

Suite à l'échec de la procédure de conciliation, M. [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute- Garonne le 18 juillet 2015 pour faire reconnaître la faute inexcusable de la société [8] à l'origine de l'accident du travail

du 18 août 2012.

Par jugement du 5 août 2019, le pôle social du tribunal de grande instance

de Toulouse a :

-déclaré le recours formé à l'encontre de la société [8] par M. [U] recevable mais mal fondé,

-déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Garonne,

-débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné M. [U] à payer la somme de 500 euros à la société [8] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [U] aux entiers dépens.

***

Par déclaration du 10 décembre 2019, M. [D] [U] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 10 septembre 2019.

Par arrêt du 7 mai 2021, la 4ème chambre sociale section 3 de la cour d'appel de Toulouse a ordonné la radiation de l'affaire et son retrait du rang des affaires en cours, et dit qu'elle serait rétablie sur demande de l'appelant au greffe, avec dépôt de conclusions, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance.

L'affaire a été réinscrite au rôle sur dépôt de conclusions de l'appelant en date

du 27 mai 2021.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 décembre 2022.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 18 novembre 2022,reprises oralement à l'audience, M. [D] [U] demande à la cour de :

- juger l'appel du jugement du 5 août 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse pôle social, diligenté par M. [U], recevable,

-infirmer le jugement du 5 août 2019 et :

-déclarer que l'employeur a commis une faute inexcusable au préjudice de M. [U],

-fixer le montant de la majoration de la rente à son taux maximum, et ordonner que cette majoration suive l'augmentation postérieure éventuelle du taux d'IPP initial,

-désigner un expert médical avec mission habituelle en la matière afin de déterminer l'ensemble des préjudices personnels subis au sens de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale aux frais avancés de la CPAM,

-allouer à M. [U] une provision de 5 000 euros,

-condamner la société [8] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

***

M. [D] [U] fait valoir, pour l'essentiel, que son appel est recevable ; qu'il n'a pas reçu le courrier adressé par le greffe lui notifiant le jugement, étant absent de son domicile quand le courrier lui a été adressé, et n'a pas signé l'accusé de réception ; qu'aucune des parties défenderesses n'a procédé à la signification dudit jugement par voie d'huissier de justice ; que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en lui confiant la mission de rapatrier le véhicule au volant duquel il a eu l'accident, alors qu'il était en arrêt maladie depuis deux mois et sans lui avoir fait passer de visite de reprise ; qu'il a été embauché en qualité d'ambulancier, et que si son contrat de travail prévoyait des activités annexes, telles que des missions de patrouilleur, l'employeur ne lui a dispensé aucune formation à cet effet ; que le véhicule impliqué dans l'accident était ancien, sa première mise en circulation datant du 1er septembre 2001, et que ses freins

n'ont pas fonctionné normalement ; que l'accident s'est produit le 18 août 2012 sur l'autoroute A 61, où la circulation était saturée ; que Mme [J], propriétaire du véhicule et passagère au moment de l'accident, n'indique pas que M. [U] circulait à une vitesse excessive ; qu'au demeurant, deux jours avant l'accident, il avait connu une amplitude horaire de travail dépassant 10 heures par jour.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 29 novembre 2022,reprises oralement à l'audience, la SAS [8] demande à la cour de :

-juger que M. [U] était forclos lors de son appel du 10 décembre 2019 et juger celui-ci irrecevable,

- à titre subsidiaire, confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré,

- débouter M. [U] de ses demandes,

- condamner M. [U] au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

***

La SAS [8] soutient que l'appel interjeté par M. [U] est tardif, la lettre recommandée lui notifiant le jugement ayant été présentée au domicile de l'appelant le 10 août 2019 ; que M. [U] échoue à rapporter la preuve de la faute inexcusable de la société employeur ; que les missions de patrouilleur rentraient dans les attributions du salarié, sans qu'aucune formation particulière ne soit requise, dès lors que M. [U] était titulaire du permis de conduire et apte à conduire tous véhicules (sauf poids lourds) ; que le véhicule en cause dans l'accident a été détruit, et que rien ne permet de présumer de son mauvais état d'entretien ; que la visite de reprise de M. [U] après son arrêt maladie devait avoir lieu le 8 août 2012, le salarié ne s'y étant pas présenté en raison d'un nouvel arrêt de travail ; que l'employeur avait

jusqu'au 19 août ou 22 août pour organiser une nouvelle visite de reprise ; que la mission du salarié ne présentait pas de danger particulier, puisqu'il lui était seulement demandé de conduire un véhicule.

Par ses dernières conclusions reçues au greffe le 6 décembre 2022, reprises oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Garonne demande à la cour de :

- déclarer recevable l'appel formé par M. [D] [U] à l'encontre du jugement rendu le 5 août 2019 par le Pôle social du tribunal de grande instance de Toulouse,

A titre principal :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à justice en ce qui concerne l'appréciation de l'existence d'une faute inexcusable imputable à l'employeur,

* dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue :

- dire que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, qui sera chargée de procéder auprès de la victime au paiement de la majoration de la rente et au versement des indemnités allouées en réparation des préjudices subis,

- fixer à son maximum la majoration de la rente (soit 4 101,86 euros),

- donner acte à la caisse qu'elle ne s'oppose pas à la réalisation avant dire droit d'une expertise médicale, afin d'évaluer les postes de préjudices suivants :

souffrances physiques et morales endurées,

préjudice esthétique temporaire et permanent,

préjudice d'agrément,

préjudice résultant de la perte ou de la diminution de chances de promotion professionnelle,

assistance d'une tierce personne avant consolidation,

préjudice sexuel,

déficit fonctionnel temporaire.

- donner acte à la caisse qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour en ce qui concerne la demande de provision formée par M. [D] [U],

- accueillir l'action récursoire de la caisse primaire à l'encontre de l'employeur, la société SAS [8],

- dire en conséquence que la caisse primaire récupérera directement et immédiatement auprès de l'employeur, la société SAS [8], le montant des sommes allouées au titre de la majoration de la rente et de la réparation des préjudices subis par M. [D] [U],

- statuer ce que de droit sur les dépens,

- rejeter toute demande tendant à voir condamner la caisse primaire au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la recevabilité de l'appel:

Selon, l'article 668 du code de procédure civile, sous réserve de l'article 647-1, la date de notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.

M. [U] soutient que lorsque la lettre lui notifiant le jugement de première instance a été présentée à son domicile le 10 septembre 2019, il était en vacances et qu'à son retour, il n'a pu en prendre connaissance, le délai de conservation du courrier par la Poste étant expiré.

Il est constant que M. [U] n'a pas signé l'accusé de réception faisant preuve de la notification, et qu'aucune des parties défenderesses ne lui a fait signifier le jugement rendu par le Pôle social du tribunal de grande instance de Toulouse. En conséquence, le délai d'appel n'a pas pu courir, et l'appel interjeté par M. [U] le 10 décembre 2019 doit être déclaré recevable.

- Sur la faute inexcusable de l'employeur :

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants.

Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité.

C'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d'établir que son accident du travail présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [D] [U] s'est trouvé en arrêt maladie du 21 mai au 15 juillet 2012. Il a repris son travail le 16 juillet 2012, et l'employeur a organisé la visite de reprise qui devait avoir lieu le 8 août 2012. M. [U] ne s'est pas présenté à cette visite, étant de nouveau en arrêt de travail

du 8 au 10 août 2012. Il a repris son activité le 13 août 2012, et l'accident litigieux s'est produit le 18 août.

Aux termes de l'article R. 4624-22 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-137 du 30 janvier 2012, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

L'article R. 4624-23 précise que l'examen de reprise a pour objet:

1° de délivrer l'avis d'aptitude médicale du salarié à reprendre son poste,

2° de préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié,

3° d'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation de poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de reprise ou de préreprise.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié.

La visite de reprise auquel le salarié est également soumis, et qui doit être organisée dans les huit jours à compter de la reprise du travail, est la manifestation du respect par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat dont il est débiteur à l'égard de son personnel ; elle n'est pas subordonnée au retour du salarié dans l'entreprise dans la mesure où le contrat de travail demeure suspendu à défaut d'organisation d'une visite de reprise.

Seul l'examen pratiqué par le médecin du travail en application des

articles R. 4624-21 et R.4624-22 du code du travail met fin à la suspension du contrat de travail. Il incombe à l'employeur de prendre l'initiative de cette visite médicale et de convoquer le salarié par tous moyens.

En l'espèce, l'accident litigieux a eu lieu le 18 août 2012, soit moins de huit jours après la reprise du travail par le salarié, dont le contrat de travail était suspendu depuis le 16 juillet 2012.

M. [U] n'a en pas moins été absent pour cause de maladie durant 56 jours de mai à juillet 2012, puis du 8 au 10 août 2012. L'employeur avait prévu d'organiser la visite de reprise le 8 août 2012, soit plus de huit jours après la reprise effective du travail par le salarié. Cette visite n'a pu avoir lieu, en raison d'un nouvel arrêt maladie de courte durée du salarié.

L'accident litigieux s'est produit plus d'un mois après le retour de M. [U] de congé maladie, sans que le salarié ait été examiné par le médecin du travail aux fins de vérifier son aptitude à reprendre son poste, et le cas échéant, de préconiser des adaptations ou aménagements de ce poste compatibles avec son état de santé.

Durant les deux jours précédant l'accident, l'amplitude de travail de M. [U] a été, selon les propres dires de l'employeur, de 11h 15 le jeudi 16 août 2012 et de 13h 15 le vendredi 17 août 2012, la durée de travail effectif étant de 12 heures.

Ces temps sont conformes, dans la limite supérieure, aux dispositions de l'article 7 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 applicable au personnel roulant du transport sanitaire et routier et à l'article 2 de l'accord cadre du 4 mai 200.

Il n'en demeure pas moins que s'agissant d'un salarié dont l'aptitude était en attente de confirmation par le médecin du travail , et qui après deux jours de travail intensif, a été envoyé le samedi 18 août effectuer un rapatriement de véhicule en empruntant l'autoroute A 61, sur lequel le trafic était particulièrement intense, la société employeur, compte tenu des circonstances, avait nécessairement conscience des risques auxquels son salarié était exposé, et n'a néanmoins pris aucune mesure pour le protéger, manquant ainsi à son obligation de sécurité renforcée.

Il s'ensuit que l'accident du travail dont M. [U] a été victime le 18 août 2012 a pour cause un manquement de la société SAS [8] à son obligation de prévention des risques, ce qui caractérise la faute inexcusable de l'employeur.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé dans toute ses dispositions.

* Sur les conséquences de la faute inexcusable:

Lorsque l'accident du travail ou la maladie professionnelle est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, à une indemnisation complémentaire du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.

Il résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que la caisse primaire d'assurance maladie dispose d'une action récursoire contre l'employeur dont la faute inexcusable est reconnue dans l'accident du travail ou la maladie professionnelle du salarié, pour les sommes dont elle a été amenée à faire l'avance au titre de la réparation des préjudices ainsi qu'au titre de la majoration de la rente.

Par application des dispositions de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale, quelles que soient les conditions d'information de l'employeur par la caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de s'acquitter des sommes dont il est redevable.

Il résulte donc de ces dispositions cumulées que lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, ce dernier doit rembourser à la caisse la totalité des sommes dues à la victime, liées à la reconnaissance de la faute inexcusable, y compris la majoration de la rente.

La caisse primaire d'assurance maladie a attribué à M. [D] [U] un taux d'incapacité permanente de 9 % ; la majoration de la rente sera fixée à son maximum, soit à une somme de 4 101,86 euros.

L'expertise médicale sollicitée est nécessaire pour permettre de statuer sur la liquidation des préjudices, elle doit être ordonnée, et il doit être fait droit aux demandes de la caisse relatives à l'exercice de son action récursoire.

En l'état des blessures subies par M. [U] suite à l'accident, il y a lieu de faire droit à sa demande de provision à hauteur d'une somme de 2 000 euros, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Conformément à l'article L. 452-3, alinéa 3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices sera versée directement à M. [D] [U] par la caisse primaire d'assurance maladie qui en récupérera le montant auprès de l'employeur, la société SAS [8].

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de M. [D] [U] les frais qu'il a été contraint d'exposer pour sa défense en cause d'appel ; il y a lieu de faire droit à sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'une somme de 1 500 euros.

Les dépens seront réservés en fin d'instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare l'appel formé par M. [D] [U] à l'encontre du jugement rendu

le 5 août 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse-Pôle social recevable.

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que l'accident du travail dont a été victime M. [D] [U], salarié de la société SAS [8] le 18 août 2012 est dû à la faute inexcusable de l'employeur.

Fixe au maximum la majoration de la rente.

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute- Garonne fera l'avance des sommes allouées à M. [D] [U] et en récupérera les montants auprès de son employeur la société SAS [8].

Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de M. [D] [U] :

* Ordonne une expertise médicale,

* Commet pour y procéder :

le Dr [T] [W], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Toulouse,

[Adresse 11]

[Localité 4]

Tél : [XXXXXXXX02]

et à défaut :

le Dr [I] [E], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Toulouse,

[Adresse 10]

[Localité 5]

Tél : [XXXXXXXX01]

avec pour mission de :

- convoquer, dans le respect des textes en vigueur, M. [D] [U],

- Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de M. [D] [U] et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle,

- A partir des déclarations de M. [D] [U], et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins,

- Recueillir les doléances de M. [D] [U], l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,

- Décrire au besoin un état antérieur déjà révélé médicalement avant son accident du travail en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,

- Procéder, en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de M. [D] [U], à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par lui,

Analyser dans un exposé précis et synthétique :

* la réalité des lésions initiales

* la réalité de l'état séquellaire

* l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur

- Tenir compte de la date de consolidation fixée par l'organisme social,

- Préciser les éléments des préjudices limitativement listés à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale :

* Souffrances endurées temporaires et/ou définitives :

Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales découlant des blessures subies pendant la maladie traumatique en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif, les évaluer distinctement dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice esthétique temporaire et/ou définitif :

Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en distinguant le préjudice temporaire et le préjudice définitif. Évaluer distinctement les préjudices temporaire et définitif dans une échelle de 1 à 7,

* Préjudice d'agrément :

Indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir,

* Perte de chance de promotion professionnelle :

Indiquer s'il existait des chances de promotion professionnelle qui ont été perdues du fait des séquelles fonctionnelles,

- Préciser les éléments des préjudices suivants, non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale :

* Déficit fonctionnel temporaire :

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, pour la période antérieure à la date de consolidation, affectée d'une incapacité fonctionnelle totale ou partielle, ainsi que le temps d'hospitalisation.

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,

* Assistance par tierce personne avant consolidation :

Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire, avant consolidation, pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne, préciser la nature de l'aide prodiguée et sa durée quotidienne,

* Préjudice sexuel :

Donner son avis sur l'existence d'un éventuel préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit et la fertilité.

* Préjudices permanents exceptionnels :

Dire si la victime subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents,

- Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,

- Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport, et que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,

Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

Dit que les frais de l'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute- Garonne,

Dit que l'expert déposera au greffe de la cour son rapport le délai de six mois à compter de sa saisine,

Désigne le président ou le magistrat chargé d'instruire de la 4ème chambre section 1 de la cour pour surveiller les opérations d'expertise.

Alloue à M. [D] [U] une provision de 2 000 euros, à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute- Garonne fera l'avance des sommes allouées à M. [D] [U] ainsi que des frais d'expertise et pourra en récupérer directement et immédiatement les montants auprès de la société SAS [8].

Condamne la société [8] à payer à M. [D] [U] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société SAS [8] de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Renvoie l'affaire à l'audience du conseiller chargé d'instruire du :

10 octobre 2023 à 14h00, afin de s'assurer du dépôt du rapport d'expertise et d'impartir aux parties un délai pour conclure.

Réserve les dépens en fin de cause.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02567
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;21.02567 ?
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