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20/01/2023 | FRANCE | N°20/03440

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 20 janvier 2023, 20/03440


20/01/2023



ARRÊT N° 2023/26



N° RG 20/03440 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N3DB

SB/KS



Décision déférée du 12 Novembre 2020



Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE



( 19/00199)



SECTION ENCADREMENT



[R] [M]

















Société RESOURCE CONSULTING LIMITED





C/



[H] [N]





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosses délivrées

le 20/01/2023

à

Me laurence dupuy-jauvert

Me peter alefeld



le 20/01/2023

à

Me laurence dupuy-jauvert

Me peter alefeld

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Secti...

20/01/2023

ARRÊT N° 2023/26

N° RG 20/03440 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N3DB

SB/KS

Décision déférée du 12 Novembre 2020

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE

( 19/00199)

SECTION ENCADREMENT

[R] [M]

Société RESOURCE CONSULTING LIMITED

C/

[H] [N]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le 20/01/2023

à

Me laurence dupuy-jauvert

Me peter alefeld

le 20/01/2023

à

Me laurence dupuy-jauvert

Me peter alefeld

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Société RESOURCE CONSULTING LIMITED

[Adresse 5]

Angleterre

Représentée par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [H] [N]

[Adresse 3]

[Localité 1] / Allemagne

Représenté par Me Peter ALEFELD, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S.BLUME et C.PARANT chargées du rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

C.PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [H] [N] a été embauché le 12 mai 2015 par la Société Resource consulting limited, société de droit anglais, suivant contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 31 décembre 2015, au poste d'électricien aéronautique pour le projet 'A350 Harnesses-ATA 928".

Son lieu de travail habituel a été fixé à [Localité 4] (Grande Bretagne) avec un début d'activité à [Localité 2].

Par courriel du 21 décembre 2015, la Société Resource consulting limited a notifié à M. [N] la fin des relations contractuelles au 31 décembre 2015.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 19 avril 2016, pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement de départition du 12 novembre 2020, a :

*condamné la Société Resource consulting limited à payer à [H] [N] les sommes suivantes:

-16 942 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,

-7 701 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L.1243-8 du Code du travail,

-46 206 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

-8 000 euros au titre du préjudice né de l'absence d'affiliation à la sécurité sociale française,

*ordonné à la Société Resource Consulting Limited d'établir et de communiquer à [H] [N] les documents de fin de contrat sous astreinte d'un montant de 150 euros par jour de retard à compter de la date de signification du présent jugement,

-dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l'article R. 1454-28 du Code du travail s'élève à 7 701 euros,

*rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu'elle ordonne le paiement des sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du Code du travail,

*dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire pour le surplus,

*condamné la Société Resource consulting limited aux entiers dépens, en ce compris les frais de traduction,

*condamné la Société Resource consulting limited à payer à [H] [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*débouté [H] [N] du surplus de ses demandes.

Par déclaration du 7 décembre 2020, la société Resource consulting limited a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 novembre 2020, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 5 mars 2021, la société Resource consulting limited demande à la cour de :

*d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [N] :

-16.942 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,

-7.701 € à titre d'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L1243-8 du code du travail,

- 46.206 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 8.000 € à titre de dommages et intérêts du préjudice né de l'absence d'affiliation à la sécurité sociale française,

- 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

*d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en ce qu'il l'a condamnée à établir et communiquer à M. [N] des documents de fin de contrat sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la date de signification du jugement,

statuant à nouveau :

*dire que seule la loi britannique doit recevoir application,

en conséquence :

*débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

*le condamner au paiement de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 6 mai 2021, M. [H] [N] demande à la cour de :

-débouter la société Resource consulting limited de toutes ses demandes,

-confirmer le jugement du 12 novembre 2020,

-condamner la société Resource consulting limited à la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de traduction.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date

du 4 novembre 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la loi applicable

M. [N] soutient qu'il ne relève pas du statut des travailleurs détachés à défaut de régularisation, outre le contrat de travail le liant à la société Resource Consulting Ltd, d'un contrat de détachement par lequel il aurait accepté d'être mis temporairement à la disposition d'une entreprise à l'étranger. Il indique qu'en vertu du règlement du 17 juin 2008 dit Rome 1, les parties signataires d'un contrat peuvent choisir la loi qui s'applique à tout ou partie de ce contrat, que toutefois la loi choisie est limitée par les dispositions impératives du lieu d'exécution du contrat de travail et les lois de police du pays du for. Il revendique donc l'application des dispositions impératives de la loi française, du lieu d'exécution de sa prestation de travail, nonobstant le loi anglaise choisie contractuellement par les parties.

La société Resource Consulting Limited, quant à elle ,expose qu'elle est une entreprise de travail temporaire de droit anglais dont le siège est à Worcester , qui met des salariés à disposition de clients dans le monde entier, dans le secteur de l'aéronautique ; que M. [N] de nationalité allemande a été mis à disposition de la société Airbus Deutschland à [Localité 6].

Elle soutient que la loi applicable est la loi anglaise parce que les parties l'ont choisie en application du règlement Rome 1 et parce qu'elle est établie en Angleterre ; qu'à défaut de lieu de travail habituel, la loi applicable est celle de l'établissement qui a embauché le salarié, soit la loi anglaise.

***

En vertu de l'article 8 du règlement Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008 relatif à la loi applicable aux obligations contractuelles, pour les contrats conclus à partir

du 17 décembre 2009, et applicable au Royaume Uni:

« 1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l'article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n'est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur.

4. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s'applique ».

Il résulte de ces dispositions applicables au litige que la liberté de choix de la loi applicable par les parties est limitée par les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, auxquelles il ne peut être dérogé par accord.

Au cas d'espèce l'article 25 du contrat de travail dispose que ' les caractéristiques du présent contrat seront régies et interprétées conformément aux lois en vigueur en Angleterre et au Pays de Galles'. Il en résulte que les parties ont fait le choix de la loi anglaise.

Il importe donc, dans un premier temps, d'identifier la loi qui aurait été applicable en l'absence de choix et dans un second temps de déterminer selon celle-ci les règles auxquelles il ne peut être dérogé par accord.

La société se prévaut d'un arrêt de la cour de cassation du 18 janvier 2011 qui a cassé un arrêt de la cour d'appel de Toulouse pour fausse application de l'article 6 § 2 a) de la Convention de Rome du 19 juin 1980 pour avoir fait application de la loi française au salarié détaché qui avait accompli son travail de façon exclusive en France , alors que le salarié avait été détaché par une entreprise établie en Grande-Bretagne pour être mis temporairement à la disposition d'une société qui exerçait son activité en France, ce dont elle aurait dû déduire qu'il n'y avait pas accompli habituellement son travail.

L'argumentation de la société employeur fondée sur l'arrêt susvisé de la cour de cassation, repose sur le postulat selon lequel M. [N] a été détaché auprès d'une entreprise française. La société Resource Consulting Limited, qui expose être une entreprise de travail temporaire établie en Grande Bretagne, soutient que M. [N] n'a pas le statut de travailleur détaché mais expose qu'il a été mis à disposition de façon temporaire auprès de la société Airbus Deutchland en France.

Il convient de retenir que, nonobstant les distinctions opérées par la société employeur, le détachement au sens de la directive 96/71/CE recouvre la mise à disposition de personnel intérimaire auprès d'une entreprise utilisatrice. Cette assimilation est consacrée par l'article L1262-2 qui énonce qu'une entreprise utilisatrice exerçant une activité de travail temporaire établie hors de France peut détacher temporairement des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice établie ou exerçant en France sous la double condition qu'un contrat existe avec l'entreprise de travail temporaire et que leur relation subsiste en cours de mission.

Aux termes de l'article L1261-3 dans sa rédaction applicable au litige , qui est la transposition en droit français des dispositions de la directive 96/71 CE

du 16 décembre 1996 relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services: 'est un salarié détaché au sens du présent titre (titre 5 relatif aux travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France)tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national dans les conditions définies aux articles L1262-1 L1262-2.'

Le travailleur détaché est donc celui qui travaille 'habituellement' pour l'employeur qui le détache.

Il peut être observé à cet égard, qu'afin d'éviter les détachements abusifs en excluant les salariés qui seraient embauchés par une entreprise étrangère directement sur le territoire national ou à partir de ce territoire, il a été précisé depuis par le législateur français, par

l'article 94 de la loi du 5 septembre 2018, qu'est salarié détaché tout salarié d'un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant pour le compte de celui-ci 'hors du territoire national', exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national dans des conditions définies aux articles L1262-1 et L1262-2.

Le contrat de travail liant les parties dispose en son article 4 relatif à la localisation du poste: 'Votre lieu de travail habituel sera notre bureau de [Localité 4]. Il pourra également vous être demandé de travailler au départ d'autres sites du Resource Group of Companies qui comprend votre employeur, sa société mère, ses filiales, ses associés, ses holdings et succursales (désignées ensuite par 'le Groupe') ou ateliers de client ou sites comme votre responsable pourrait de temps à autre le demander dans le cadre de vos fonctions.

L'employeur vous remboursera les frais de déplacement conformément à la politique de dépenses actuelle. Pour dissiper tout doute, il ne remboursera pas les frais de déplacement de votre résidence au lieu habituel de votre travail (...).' Le contrat précise que le lieu de travail initial sera [Localité 2].

Bien que le contrat de travail situe le lieu de travail habituel du salarié en Grande Bretagne, il résulte des conditions d'embauche et des modalités d'exercice de son activité que le salarié de nationalité allemande a été embauché et a travaillé exclusivement en France au sein d'une société du groupe Airbus que l'employeur indique être la société Airbus Deutchland, et ce pendant toute la durée du contrat, sans avoir jamais résidé en Grande Bretagne et sans qu'une relation contractuelle ait été nouée avant le détachement avec la société Resource Consulting limited en Grande Bretagne, ni depuis le terme du contrat. La Grande Bretagne ne peut donc être considérée comme pays d'origine et de rattachement.

Il est au demeurant observé que si l'employeur se prévaut des dispositions applicables au travail intérimaire, aucune disposition du contrat ne fait référence à l'entreprise dans laquelle le salarié est missionné en France, de même qu'il n'est pas justifié de l'observation par l'employeur des formalités préalables au détachement imposées par l'article L1262-2-1 du code du travail, tenant notamment à la déclaration faite à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation, et à la désignation d'un représentant de l'entreprise sur le territoire national. Au surplus l'employeur n'a pas justifié de l'émission par la Grande Bretagne, qu'elle présente comme le pays de rattachement, du formulaire A1 attestant de l'affiliation du salarié au régime de sécurité sociale constituant une présomption de régularité de détachement.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le salarié ne relève pas du statut de travailleur détaché et que le lieu de travail effectif habituel du salarié pendant toute la durée des relations contractuelles a été la France.

Il convient en conséquence, par confirmation du jugement entrepris, de faire application de la loi anglaise choisie par les parties aux termes de l'article 25 du contrat de travail en application de l'article 8 du règlement Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008, sous réserve qu'elle ne prive pas le salarié du respect:

- des dispositions impératives de la loi française applicable à raison du lieu de travail habituel,

- des lois de police françaises.

Il convient donc d'apprécier la loi applicable à chaque chef de demande au regard des dispositions impératives de la loi française et lois de police auxquelles il ne peut être dérogé par accord , ainsi que l'ont justement décidé les premiers juges.

Sur les dispositions relatives à l'hygiène et la sécurité

Il n'est pas contesté par l'employeur que le salarié n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche, pourtant obligatoire en vertu des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail qui, s'agissant de dispositions relatives à l'hygiène et la sécurité auxquelles il ne peut être dérogé par accord des parties, s'appliquent à l'employeur.

L'absence de visite médicale lors de l'embauche ne saurait toutefois avoir pour effet d'entraîner nécessairement un préjudice au salarié.

A défaut de préjudice objectivé par des éléments produits par le salarié , la demande indemnitaire formée par celui-ci est rejetée par confirmation du jugement.

Sur la rupture du contrat de travail

Les dispositions en matière de rupture de contrat à durée déterminée instituées par le code du travail sont considérées comme impératives, les parties ne peuvent y déroger.

En vertu de l'article L1243-5 du code du travail le contrat à durée déterminée prend fin de plein droit à l'échéance du terme.

La rupture anticipée du contrat à durée déterminée ne peut intervenir que dans les cas limitativement énumérés par l'article L1243-1, notamment l'accord des parties, la faute grave, la force majeure, l'embauche extérieure du pour une durée indéterminée.

Le contrat à durée déterminée régularisé le 12 mai 2015 avait pour terme la date

du 31 décembre 2015 et ne comportait aucune clause de renouvellement.

Le salarié se prévaut d'un courriel du 23 octobre 2015 aux termes duquel l'employeur l'informe de ce que le contrat a été renouvelé au moins jusqu'au 28 février 2016.

L'employeur est revenu sur cet engagement par courriel du 21 décembre 2015 notifiant la fin du contrat au 31 décembre 2015.

Aucun avenant n'a été signé par les deux parties, et le contrat est arrivé à son terme

le 31 décembre 2015 sans que les relations contractuelles ne se poursuivent au-delà de cette date. Il ne saurait s'en déduire, ainsi que le suggère le salarié , que le contrat de travail a été prolongé par le seul message électronique du 23 octobre 2015 qui n'a pas été suivi d'une poursuite effective de la relation de travail.

Par suite le salarié ne peut arguer d'une rupture avant terme d'un contrat à durée déterminée qui n'a pas été renouvelé à son échéance par un contrat écrit et signé par les deux parties conformément aux modalités énoncées par l'article L1242-12. La renonciation de l'employeur à la poursuite du contrat n'a pas pour conséquence de rendre irrégulière la rupture d'un contrat non renouvelé.

Le salarié sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef

Sur le défaut d'affiliation à la sécurité sociale française

Selon le règlement européen n°883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, un salarié exerçant une activité dans un Etat-membre doit en principe être soumis à la législation de ce dernier.

Par exception, l'article 12 du règlement précise les conditions nécessaires à la caractérisation d'une situation de détachement, notion autonome et distincte de celle du droit du travail, permettant au salarié de rester rattaché à la sécurité sociale de son pays d'origine. La mobilité ne doit pas excéder 24 mois, le salarié ne doit pas remplacer une autre personne détachée, il doit aussi conserver un lien de subordination suffisamment étroit avec son employeur d'origine.

En vertu de l'article 14 du règlement CE 883/2004 fixant les modalités d'application du règlement CE 883/2004, aux fins de l'application de l'article 12, paragraphe 1, du règlement de base susvisé, une "personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d'un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache dans un autre État membre" peut être une personne recrutée en vue de son détachement dans un autre État membre, à condition qu'elle soit, juste avant le début de son activité salariée, déjà soumise à la législation de l'État membre dans lequel est établi son employeur'.

M.[N] n'ayant pas été soumis à la législation de la Grande Bretagne où est établie la société employeur avant le début de son activité salariée, il ne peut être considéré comme détaché.

Il convient donc de faire application des dispositions impératives de la loi française résultant de l'article L311-2 du code de la sécurité sociale selon lequel sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

Le salarié n'a pas été affilié à la sécurité sociale française. Il n'a pas davantage été affilié à la sécurité sociale anglaise ainsi qu'en convient l'employeur, de sorte que le salarié a travaillé pendant 7 mois sans aucune couverture sociale. Il subit un préjudice résultant de l'absence de remboursement de ses frais de santé et de la perte de droits au titre de la retraite et du chômage.

Il lui sera alloué la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement sur le seul quantum de l'indemnité.

Sur le travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

- soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10 relatif à la déclaration préalable d'embauche;

- soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre I de la troisième partie.

- soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La dissimulation d'emploi prévue par ce texte n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à

l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, l'employeur a omis d'établir la déclaration préalable d'embauche imposée par l'article L1221-10 du code du travail .

Il a embauché le salarié sans s'assurer de son affiliation auprès d'un organisme de sécurité sociale, et s'est par ailleurs abstenu de déclarer les salaires et de régler les cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales français alors même qu'il s'évince de ses écritures qu'il avait connaissance du refus d'affiliation du salarié par l'organisme de sécurité sociale britannique après échanges pendant plusieurs mois avec le bureau des cotisations sociales de l'administration britannique.

La communication par le salarié d'un numéro de sécurité sociale prétendument erronée, dont excipe l'employeur, n'est étayée par aucun élément probant. Le défaut d'affiliation ne saurait donc être imputé au salarié. De même le paiement allégué de cotisations sociales auprès de l'organisme de sécurité sociale britannique, qui n'est pas objectivé de façon sérieuse, est en tout état de cause inopérant à établir l'accomplissement régulier par l'employeur de ses obligations déclaratives.

Par ce manquement délibéré l'employeur à ses obligations déclaratives a commis le délit de travail dissimulé.

M.[N] produit une attestation de M.[F] [W], salarié de nationalité allemande déclarant avoir travaillé en France pour la société Resource Limited

du 12 janvier au 31 juillet 2015 au sein de la société Labinal, sans couverture sociale, l'employeur lui ayant expliqué qu'il cotisait en Angleterre alors qu'il n'avait pas été affilié

au régime de sécurité sociale britannique. Ce témoignage précis dont le contenu n'est pas remis en cause par l'employeur tend à établir que M.[N] n'est pas le seul salarié concerné par le défaut d'affiliation à la sécurité sociale par l'employeur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera fait droit à la demande d'indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 46 206 euros correspondant à 6 mois de salaire, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 7 701 euros.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef.

Sur le préjudice distinct

Le salarié étant indemnisé du préjudice résultant du défaut d'affiliation à la sécurité sociale française, il ne justifie pas d'un préjudice distinct au titre des frais médicaux restés à sa charge.

Il ne justifie pas davantage d'un préjudice moral distinct du préjudice indemnisé au titre du travail dissimulé et du défaut d'affiliation aux organismes sociaux français, sa demande à ce titre étant rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu d'ordonner la remise sous astreinte par la société Resource Consulting Limited des documents de fin de contrat à M.[N].

La société Resource Consulting Limited, partie perdante, supportera les entiers dépens, qui comprendront les frais de traduction des pièces produites aux débats par M.[N].

M.[N] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La société Resource Consulting Limited sera tenue de lui payer la somme complémentaire de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.

Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.

La société Resource Consulting Limited est déboutée de sa demande formée au titre des frais et dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant dit la loi anglaise applicable sous réserve des dispositions impératives de la loi française , ainsi qu'en celles ayant condamné la société Resource Consulted Limited à payer à M.[N] la somme de 46 206 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et débouté M.[N] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices distincts

L'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés

Déboute M.[N] de ses demandes indemnitaires pour rupture anticipée de contrat à durée déterminée

Condamne la société Resource Consulted Limited à payer à M.[N] :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'affiliation à la sécurité sociale française

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit n'y avoir lieu à ordonner la remise sous astreinte par la société Ressource Consulting Limited à M.[N] des documents de fin de contrat

Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties

Condamne la société Resource Consulted Limited aux entiers dépens , en compris les frais de traduction des pièces produites aux débats par M.[N]

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/03440
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;20.03440 ?
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