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20/01/2023 | FRANCE | N°20/03187

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 20 janvier 2023, 20/03187


20/01/2023



ARRÊT N° 2023/24



N° RG 20/03187 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N2GA

NB/KS



Décision déférée du 05 Novembre 2020 -



Conseil de Prud'hommes -



Formation paritaire de CASTRES



( 19/00136)



[K] [N] [W]



















[D] [I]





C/



SAS DIVINE


































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INFIRMATION PARTIELLE





Grosses délivrées

le 20/01/2023

à

Me Bruno LABADIE

Me Gilles SOREL



ccc

le 20/01/2023

à

Me Bruno LABADIE

Me Gilles SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS...

20/01/2023

ARRÊT N° 2023/24

N° RG 20/03187 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N2GA

NB/KS

Décision déférée du 05 Novembre 2020 -

Conseil de Prud'hommes -

Formation paritaire de CASTRES

( 19/00136)

[K] [N] [W]

[D] [I]

C/

SAS DIVINE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le 20/01/2023

à

Me Bruno LABADIE

Me Gilles SOREL

ccc

le 20/01/2023

à

Me Bruno LABADIE

Me Gilles SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [D] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Bruno LABADIE de la SCP SCPI SALVAIRE LABADIE BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES

INTIMÉE

SAS DIVINE

[Adresse 1]

[Adresse 26]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine SANONER de la SCP AVOCATS VIGNET & ASSOCIES VIGNET-NOEL-SANONER, avocat au barreau D'AUXERRE

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU et C.PARANT chargées du rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

lors du prononcé : C.DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [I] a été embauché à compter du 1er août 2002 par la SAS Divine en qualité de VRP à cartes multiples suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par les dispositions de la convention collective nationale interprofessionnelle du 03/10/1975.

A compter du 1er novembre 2002, le salarié a évolué vers un poste d'attaché commercial, catégorie non cadre, niveau III, échelon 2 de la convention collective nationale des commerces en gros en bonneterie, lingerie, confection, mercerie, chaussures et négoces connexes. Il a ensuite accédé au poste de responsable régional, catégorie cadre.

Il a démissionné de son poste de responsable régional par courrier du 22 avril 2013 à effet du 31 mai 2013, avant de réintégrer la société Divine le 1er juillet 2013 en qualité de chef des ventes, suivant avenant du 18 juillet 2013, lequel précise qu'il a pour but de modifier le contrat de travail qui lie la Sas Divine à M. [D] [I].

Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire moyen mensuel s'élevait à la somme de 5 138,60 euros brut.

Son contrat s'est déroulé sans incident jusqu'au 21 septembre 2018, date à laquelle M. [I], s'estimant victime d'une 'mise au placard' a été placé en arrêt de travail jusqu'au 21 décembre 2018.

Par courrier recommandé du 18 octobre 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 octobre 2018.

Son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 novembre 2018 pour faute grave. La lettre de licenciement est ainsi motivée : 'Le samedi 22 septembre 2018, vous m'avez adressé un courriel m'informant que vous aviez perdu le goût du travail et que vous vous arrêtiez jusqu'à nouvel ordre.

Ce mail est intervenu alors qu'aucune altercation, aucune dispute, aucune remontrance, aucune sanction n'avait été prise à votre encontre ; vous ne m'aviez pas non plus fait part oralement d'un quelconque malaise au cours de nos échanges téléphoniques réguliers.

J'ajoute que vous ne m'avez demandé aucun rendez-vous aux fins d'évacuer un éventuel malentendu, alors que nous devions nous rencontrer le lundi suivant.

J'ai toujours eu à votre égard comme avec les autres membres du personnel une relation apaisée, loyale et s'agissant de vous j'ajouterais s'il en était besoin, une réelle et profonde affection.

Je vous ai également renouvelé toute ma confiance début 2018 après le départ du salarié [P] [G] remettant en cause votre loyauté envers l'entreprise.

Votre absence imprévue s'est prolongée sans justificatif officiel, et nous avons accepté de la valider en période de congés payés afin de vous permettre de faire le point, malgré la désorganisation qu'elle entraînait pour l'entreprise en cette période de forte activité.

Pendant cette période, vous m'avez adressé plusieurs mails confus et contradictoires, au terme desquels vous réclamez finalement la mise en place d'une rupture conventionnelle le 3 octobre 2018.

Ce courriel avait le mérite d'éclaircir une situation pour le moins trouble, consistant, de votre côté, à alterner accusations et reproches sans faits avérés à mon encontre et à l'encontre de l'entreprise, et affirmations de votre loyauté sans faille envers l'entreprise ainsi que de votre plus grand respect envers moi et nos années de collaboration.

S'est ajouté à cela la découverte, en votre absence, de graves problèmes résultant de vos interventions commerciales sur le terrain : j'ai en effet repris les visites et le suivi de vos clients les plus importants, pour découvrir que vous aviez effectué un grand nombre de fausses commandes, créant un préjudice énorme pour notre entreprise que votre ancienneté à votre poste ne peuvent vous faire ignorer, ou encore que certains magasins ne vous avaient pas vu depuis de nombreux mois malgré vos 'comptes rendus'oraux contraires.

Je vous ai demandé des explications par courrier RAR du 12 octobre 2018 resté sans réponse claire.

C'est dans ce contexte que j'ai quand même accepté d'accéder à votre demande d'un principe de cessation de notre collaboration par le biais d'une rupture conventionnelle de votre contrat de travail vous permettant de quitter l'entreprise 'par le haut'.

Mais au final vous avez souhaité ajouter d'autres conditions à cette rupture sans véritablement indiquer lesquelles ; parallèlement à cela, nous découvrons chaque jour l'ampleur des 'fausses commandes' que vous avez passées et ses conséquences désastreuses pour l'entreprise(...)

1- Sur vos fausses commandes :

Nous vous reprochons d'avoir établi de multiples fausses commandes nous conduisant à prévoir des stocks en conséquence qui n'ont plus lieu d'être ; sans compter les personnes mobilisées pour saisir ces commandes, les préparer, les livrer pour certaines, pour les reprendre à la demande pressante des clients; autant de frais et coûts pour l'entreprise conséquents et irrécupérables.

Le préjudice d'image lié à ces fausses commandes est immense : image d'une part auprès de nos clients qui voient arriver des commandes qu'ils n'ont jamais ordonnées; image également auprès des partenaires de l'entreprise tels qu'associés, banques, collaborateurs auprès desquels nous avons présenté des carnets de commandes faux.

- fausses commandes de la centrale Carrefour Belgique pour laquelle vous avez passé 45 commandes pour une valeur de 75 916 euros sur la période du 05/06/18 au 31/07/18.

L'acheteuse nie formellement tout accord en ce sens; elle est même allée chercher le témoignage de son ancienne responsable, désormais ex salariée Carrefour.

Vous dites dans votre mail du 1er octobre que chaque année vous êtes parvenu à les convaincre, ce qui suppose que vous auriez passé ces commandes sans l'aval des clients, ce que je découvre avec effroi.

Ce faisant vos certitudes et vos excès mettent l'entreprise en porte à faux. Même si vous prétendez avoir chaque année fait passer ces commandes 'au forceps', je dois

vous rappeler qu'à l'origine j'ai moi-même ouvert cette centrale dans des conditions 'normale'et en parfaite collaboration avec les responsables de cette enseigne. En agissant ainsi, vous avez porté préjudice à l'entreprise et inéluctablement détruit une relation client.

- Vous avez passé une commande de mise en avant le 13/06/18 pour la somme de 14 731 euros HT pour la magasin Leclerc de [Localité 25]: la responsable nous indique que vous deviez la rappeler et que vous ne l'avez jamais fait; elle nous indique par ailleurs que vous lui aviez promis une livraison de produits gratuits; enfin elle indique ne s'être jamais engagée sur une telle quantité de produits et nous a demandé de reprendre cette livraison qui serait refusée à sa réception. Autant d'éléments et de promesses ne respectant pas nos principes de fonctionnement commerciaux et sans jamais m'en informer.

- Vous avez passé une commande le 26/07/18 pour le magasin Carrefour [Localité 10] pour un montant de 6 035,41 euros. Le responsable nous indique clairement qu'aucune commande n'a été passée pour son magasin.

De la même façon, nous n'avons aucun justificatif de commande de votre part pour les magasins suivants: Auchan [Localité 19], [Localité 6], Carrefour [Localité 9], Auchan [Localité 20], Carrefour [Localité 7], Leclerc [Localité 8], Auchan [Localité 14], Leclerc [Localité 23], Auchan [Localité 17], Cora [Localité 11].

Malheureusement cette liste ne cesse de croître de jour en jour. Tous ces magasins prétendent qu'ils n'ont pas passé de commandes que vous nous avez données.

Sauf à dire que tous ces magasins sont de mauvaise foi, il est clair que vous avez passé pour plus de 150 000 euros de fausses commandes et ce sans aucune raison.

Quelles que soient vos motivations, ce sont des actes responsables, déloyaux et qui causent un très lourd préjudice à notre entreprise, laquelle n'a pas les moyens de gérer une telle 'malversation' dans un contexte de fragilité économique et financière pour un historique que vous connaissez parfaitement.

2- Sur vos accords commerciaux particuliers:

Nous avons découvert que vous aviez passé des accords avec certains magasins qui dépassent toute logique commerciale et économique, là encore dans l'irrespect de nos pratiques et sans aucune information de la direction générale.

- Vous avez donné 3 euros de remise consommateur au Leclerc [Localité 24] sur un produit que vous avez vous même vendu 2 euros 80; il y a une perte nette pour l'entreprise sur chaque paire de collant vendue, sans compter que ce type de promotion est interdit par la législation.

- Vous avez donné moult avantages au magasin Cora [Localité 15] sans aucun motif légitime; je vous ai même envoyé un mail à ce sujet le 24/09/18 qui est demeuré sans réponse.

- Vous avez mis en place du dépôt vente dans les Cora [Localité 22] et Cora [Localité 16], nous obligeant à des reprises en plein mois d'octobre alors que la saison est à peine lancée.

3- Sur vos pratiques managériales de votre équipe:

Lors de notre séminaire d'entreprise et au cours d'un rendez-vous qui vous réunissait avec notre responsable régionale sud-est, Madame [C], mon adjoint, Monsieur [H] et moi-même en juillet dernier, notre collaboratrice a clairement affiché son désarroi face à ce qui semblait une forme de harcèlement de votre part. Vous avez balayé d'un revers de main ses arguments mais avez néanmoins pris l'engagement vis à vis de veiller à avoir une pratique managériale en adéquation avec les obligations légales; vous aviez fortement insisté sur le fait qu'il s'agissait d'un fait isolé et que vous n'aviez pas de problème avec les autres personnes de l'entreprise.

Or à la suite de votre mise en repos 'unilatérale', j'ai été contacté par notre nouveau collaborateur du sud-ouest. Ce dernier m'a fait part d'un traitement inacceptable, qui l'a conduit, malgré ses 50 ans et son expérience professionnelle aguerrie, à s'effondrer en pleurs au téléphone face à vos remontrances exagérées.

Vous savez que, ma culture du sport et en particulier des valeurs que le rugby m'a inculquées dès ma plus jeune enfance, j'ai une conception particulière du collectif et qu'en aucun cas l'invective et l'humiliation ne font partie de mon registre.

Depuis votre absence, j'ai recueilli une avalanche de plaintes de la part des cadres commerciaux qui étaient sous votre subordination, qui se sont ouverts à moi, soulagés de pouvoir m'informer sur vos pratiques, et considérant que la confiance que je vous accordais jusque là rendait inutile toute démarche de leur part de venir m'en parler lorsque vous étiez à votre poste.

Je vous avoue avoir été atterré par le peu d'importance que vous accordez à l'humain qui est pourtant le socle d'une PME comme la nôtre, et vos arguments de défense ne font que le confirmer ou démontrer que vous êtes dans le déni : selon vous, Madame [C] a porté ses accusations contre vous pour prendre votre place, le nouveau commercial aurait été sous pression sur ma demande expresse, et les anciens cadres vous remercieraient des années passées à vos côtés, ce qui, là encore, est pure invention.

Ce grief justifie, lui aussi, à lui seul, votre licenciement pour faute grave, au regard de mon obligation légale de résultat en matière de protection de la santé mentale des salariés dans leur travail.

4 -Sur votre gestion commerciale :

Au regard de vos méthodes de commercialisation comme de management plus que contestables et condamnables, je comprends mieux avec le recul la dégradation des résultats de l'entreprise au fil des mois depuis que je vous ai donné des responsabilités.

Ainsi, lorsque je vous ai confié la région sud-ouest nous avions un chiffre d'affaires substantiel et des clients importants: nous avons vu partir successivement le Leclerc [Localité 21], le Leclerc [Localité 18], le Leclerc [Localité 5], que j'avais porté au sommet de nos clients, en sus d'une multitude de clients eux aussi perdus.

Je découvre également, en reprenant votre suite sur vos dossiers depuis le début de votre absence, que vous ne remplissiez pas ces dossiers clients comme le font tous les collaborateurs.

Enfin, je vous rappelle votre demande faite, à titre exceptionnel, de livrer en consignation 'votre ami' propriétaire de boutique à [Localité 12]. J'ai déjà été interloqué lorsque, début septembre 2018, je vous ai interrogé sur la bonne tenue des ventes de ces magasins et que vous m'avez répondu que vous ne l'aviez pas eu depuis deux mois, après plusieurs interventions de notre service commercial en direct, nous avons pu récupérer le solde des marchandises mais avait eu la mauvaise surprise de constater les ventes suivantes :

-Magasin n°1 : Livré : 9024 €; reprise 8980,80 €, soit vendu 43,20 €, somme qui malgré nos relances, ne nous a toujours pas été réglée.

-Magasin n°2 : Livré : 712,80 €, reprise 712,80 €, soit vendu 0€.

Ce qui représente autant de préjudice pour l'entreprise (immobilisation des produits, coûts de livraison, de préparation et de suivi administratif), alors même que ces magasins étaient ceux de votre ami.

Je constate que vous n'avez apporté aucun élément dans votre courrier sur ces dossiers.

5 - Sur votre utilisation de votre carte bancaire professionnelle :

Malgré mes demandes, vous n'avez cessé d'utiliser la carte bancaire de l'entreprise comme s'il s'agissait de votre propre carte. J'ai dû vous rappeler notamment fermement à l'ordre récemment lorsque vous vous êtes autorisé à acheter un téléphone portable à plus de 400€ chez Darty, au motif que le vôtre était en panne, alors même que nous disposons d'accords commerciaux avec notre propre fournisseur, et que nous disposons de téléphone d'avance au siège.

Cet achat inutile, en infraction aux consignes existantes, ne semble toujours pas vous poser problème au regard de votre réponse sur ce point.

Il est donc indéniable que les responsabilités que je vous avais confiées se sont transformées dans votre esprit en une sorte de passe-droit qui vous autorisait à tout faire, en mettant en danger l'entreprise et ses collaborateurs.'

Contestant son licenciement, M. [I] a saisi le 18 juin 2019 le conseil de prud'hommes de Castres, section Encadrement, lequel a, par jugement du 5 novembre 2020 :

-dit que la faute grave est avérée,

-jugé qu'il y a travail dissimulé,

-dit que M. [I] ne présente pas de préjudice subi,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-condamné M. [I] aux entiers dépens.

***

Par déclaration du 19 novembre 2020, M. [D] [I] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 9 novembre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 21 mars 2022, M. [D] [I] demande à la cour de :

-réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Castres du 5 novembre 2020,

-juger que le licenciement de M. [I] n'est pas revêtu d'une cause réelle et sérieuse,

-juger que l'ancienneté de M. [I] court à compter du 1er août 2002,

-condamner la Sas Divine à lui payer :

*la somme de 23 226,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*la somme de 15 415,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*la somme de 1 541,58 euros au titre de l'indemnité compensatrice du congés payés sur préavis,

*la somme de 69 370 euros en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif du licenciement,

*la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral,

-condamner la Sas Divine à payer à M. [I]:

*la somme de 30 831,60 euros au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

*la somme de 4 010,99 euros au titre de rappel de salaire net sur l'année 2018,

*la somme de 1 846,16 euros brut au titre du complément de salaire par rapport aux indemnités de sécurité sociale pour le mois d'octobre 2018,

*la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des irrégularités qui affectent l'attestation Pôle Emploi,

*la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des retards pris par l'entreprise à la déclaration de l'arrêt de travail de M. [I] à la sécurité sociale, la remise du solde de tout compte, les défauts de paiement des charges salariales pour certains mois de l'année 2018, du fait du défaut d'envoi à la mutuelle des documents nécessaires pour la portabilité des droits de M. [I], et enfin l'effet de la sommation de restituer le matériel qui était mis à la disposition de la société Divine depuis le mois de novembre 2018,

-condamner la Sas Divine sous astreinte de 100 euros par jour de retard à régulariser et rectifier le bulletin de salaire du mois de juin 2016 en faisant apparaître la réalité du net à régler pour 3 646,29 euros, le bulletin de salaire du mois de décembre 2017 faisant apparaître un net imposable annuel de 43 812,32 euros, l'attestation Pôle Emploi faisant apparaître la date du début de l'emploi du 1er novembre 2002 et en rectifiant les salaires mentionnées sur les derniers mois travaillés,

-condamner la Sas Divine à payer à M. [I] sur la période non couverte par la prescription:

*la prime annuelle de 2 000 euros soit 6 000 euros au total,

*la prime sur objectif du SPAR de 4 000 euros soit 12 000 euros au total,

*la prime sur objectif du chiffre d'affaires,

*la prime sur gestion des retours de marchandises,

-à défaut, ordonner avant dire droit la production des éléments justificatifs permettant d'établir l'évaluation de ces primes, ou les raisons de leur défaut de paiement,

-condamner en toutes hypothèses, la Sas Divine à payer à M. [I] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*la débouter de ses demandes,

*condamner la Sas Divine aux entiers dépens de 1er instance et d'appel.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 27 octobre 2022, la SAS Divine demande à la cour de :

*de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Castres du 05 novembre 2020 à l'exception :

-de sa reconnaissance d'un travail dissimulé,

-de son rejet de la demande de la Sas Divine de condamner M. [I] à lui restituer le trop-perçu d'avances sur primes de 9.823,90 euros nets,

-de son rejet de la demande de la Sas Divine de lui accorder un article 700 du code de procédure civile.

*de réformer le jugement du conseil de Prud'hommes de Castres du 05 novembre 2020 en ce qu'il a :

- jugé qu'il y avait travail dissimulé,

-débouté la SAS Divine de sa demande de condamnation de M. [I] à lui restituer le trop-perçu d'avances sur primes de 9.823,90 euros nets,

-débouté la SAS Divine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*et statuant à nouveau:

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes présentées à hauteur d'appel,

- confirmer la légitimité du licenciement pour faute grave de M. [I],

*à titre subsidiaire, de se référer au calcul de l'indemnité de licenciement présenté par l'intimée pour un montant de 6.958,52 euros,

- condamner M. [I] à restituer à la Sas Divine, au titre d'un trop-perçu sur salaire, la somme de 9.823,90 euros nets,

- condamner M. [I] à payer à la Sas Divine la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 4 novembre 2022.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS DE LA DECISION:

- Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail:

* Sur la demande de rappel de salaire au titre de l'année 2018:

M. [I] soutient qu'un solde de 4 010,99 euros lui reste dû au titre des rappels de salaire pour l'année 2018, eu égard à un salaire net imposable de 44 760,48 euros mentionné sur son bulletin de salaire du mois de novembre 2018, alors qu'il n'aurait perçu, au cours de l'exercice, qu'une somme nette de 40 749,49 euros.

La société Divine fait valoir en réponse que M. [I] a été rempli de l'intégralité de ses droits, le salaire net imposable, qui intègre la CSG et la CRDS non déductibles ainsi que différentes cotisations patronales constituant des avantages pour le salarié, étant supérieur au salaire net à payer.

Au vu des bulletins de salaire versés aux débats, il apparaît que le solde réclamé par le salarié correspond à la part CG/CRDS non déductible de l'impôt sur le revenu, de sorte qu'il y a lieu de débouter M. [I] de sa demande de rappel de salaire.

* Sur le complément de salaire du mois d'octobre 2018:

M. [I] réclame une somme de 1 846,16 euros brut au titre du complément de salaire par rapport aux indemnités journalières de la sécurité sociale pour la période du 22 au 29 octobre 2018, période au cours de laquelle il était en arrêt maladie.

Il n'a cependant fourni d'arrêts de travail à son employeur que pour la période allant du 21 septembre au 7 octobre 2018, puis à compter du 22 octobre 2018, la période comprise entre le 7 et le 21 octobre ayant été, à sa demande, décomptée sur ses congés.

Compte tenu du délai de carence de 7 jours stipulé par la convention collective applicable, il n'est pas fondé à percevoir de la part de l'employeur un complément de salaire pour la période du 22 au 29 octobre 2018 et doit dès lors être débouté de sa demande formée à ce titre.

* Sur les primes:

M. [I] soutient que la SAS Divine lui doit une prime annuelle de 2 000 euros, une prime sur objectif du SPAR de 4 000 euros, une prime sur objectif du chiffre d'affaires pour l'année 2014 et une prime sur gestion des retours de marchandises pour l'année 2014.

La société employeur fait valoir en réponse que la réduction du salaire brut mensuel de M. [I] résulte d'un accord exprès entre les parties visant à réduire la part fixe et augmenter la part variable selon avenant contractuel du 15 juillet 2010.

Le contrat de travail du 31 octobre 2002 prévoit que la rémunération mensuelle brute est composée d'un fixe mensuel sur douze mois et un intéressement au résultat d'exploitation du secteur.

L'avenant à son contrat de travail du 18 juillet 2013 prévoit, en revanche, que le salarié perçoit, en plus d'une rémunération mensuelle brute de 5 000 euros, diverses primes:

- une prime annuelle de 2 000 euros lorsque tous les objectifs des assistants sont atteints,

- une prime de 4 000 euros, versée sur le salaire d'août, si les objectifs du SPAR sont supérieurs ou égaux fin juillet,

- une prime de 4 000 euros versée sur le salaire de janvier 2014 si le chiffre d'affaire net réalisé au 31 décembre 2013 est au minimum de 5 966 385,49 euros,

- une prime sur la gestion des retours de marchandises, versée sur le salaire de juillet 2014, si le montant des retours constatés du 1er janvier au 30 juin 2014 est inférieur ou égal de 15% du montant livré du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014.

Il est également précisé que ces trois derniers articles feront l'objet d'une actualisation avant le 1er juillet de chaque année.

La lecture des bulletins de salaire de M. [I] démontre que la prime contractuelle de 2 000 euros ne lui a été versée qu'au mois d'août 2013, puis au mois de juillet 2014 sous la dénomination de 'prime exceptionnelle.'Les trois autres primes (prime sur objectifs SPAR, prime d'intéressement et prime sur retour de marchandises) ne lui ont jamais été versées et n'ont pas fait l'objet d'une actualisation.

En conséquence, seule la prime contractuelle de 2 000 euros a un caractère de fixité, l'employeur n'étant pas fondé à opposer au salarié un accord du 15 juillet 2010 visant à réduire la part fixe et augmenter la part variable du salaire, accord qui n'est pas produit et qui est surtout antérieur à la signature de l'avenant au contrat de travail de M. [I] du 18 juillet 2013.

Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait

dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années.

M. [I] ayant formé pour la première fois sa demande en paiement au cours de la procédure prud'homale engagée le 18 juin 2019, est fondé à en solliciter le paiement au titre de la période non prescrite concernant les trois dernières années, à hauteur d'une somme brute de 6 000 euros.

- Sur le licenciement:

M. [I] invoque un non respect par la société employeur de la procédure de licenciement, ce dernier ayant été prononcé par l'employeur plus d'un mois et demi après l'engagement de la procédure de licenciement.

La société Divine soutient en réponse que le licenciement est intervenu dans le mois suivant la date de l'entretien préalable.

Dans le cadre d'un licenciement pour faute, comme tel est le cas en l'espèce, la lettre de notification du licenciement doit être envoyée au salarié dans le délai d'un mois maximum après la date de l'entretien préalable.

En l'espèce, l'entretien préalable a eu lieu le 30 octobre 2018. Le licenciement notifié au salarié l'a été le 22 novembre 2018, soit dans le délai d'un mois suivant la date de l'entretien préalable.

La faute grave visée à l'article L.1234-1 du code du travail dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Pour qualifier la faute grave, il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d'être retenue puis d'apprécier si le dit fait était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, vise cinq types de griefs, qui seront successivement examinés par la cour :

1) les fausses commandes:

Il est reproché à M. [I] d'avoir passé de fausses commandes pour le compte de divers clients (Carrefour, Leclerc) aux mois de juin et juillet 2018.

Le salarié soutient, en premier lieu, que les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire; en second lieu, que ce grief est injustifié, les commandes litigieuses dites de pré-saison ayant été après leur passation, modifiées ou annulées par le client.

La société Divine La SAS Divine fait valoir qu'elle n'a eu connaissance de l'existence de fausses commandes qu'aux mois de septembre et octobre 2018, lors de l'absence de M. [I], et qu'elle rapporte la preuve, par les pièces qu'elle verse aux débats, de la réalité des fausses commandes passées par le salarié.

A l'appui de ses allégations, elle verse aux débats:

- un accord de retour de la société Divine pour le magasin Cora de [Localité 22] en date du 25 octobre 2018 (844 pièces de collants et du matériel sur 3 palettes (pièce n° 37-3),

- un accord de retour de la société Divine pour le magasin Cora de [Localité 16] en date du 20 novembre 2018 (1 592 paires de collants sur 6 palettes (pièce n° 37-4),

- un mail de refus de marchandises daté du 2 octobre 2018 émanant de Textile Vandis: ' M. [I] devait nous rappeler hors jamais fait et devait nous livrer de la gratuité que nous n'avons jamais reçue, de plus cette opération est énorme et ne correspond nullement à la taille de notre magasin' (pièce n° 37-5),

- un mail de Carrefour [Localité 10] en date du 25 septembre 2018, relatif à une prétendue commande n° BC 31329: ' aucune commande n'a été et ne sera passée par notre magasin; sûrement une erreur de magasin' (pièce n°37-6),

- un mail du magasin Auchan- [Localité 19] du 22 octobre 2018 précisant qu' ' au vu des ventes de cette année, je ne me souviens pas avoir donné mon accord pour un box de bodys' (pièce n° 37-7),

- un mail du magasin [Localité 6] en date du 16 octobre 2018 : 'Désolé mais nous n'avions pas planifié de deuxième livraison avec M. [I]. Les ventes de ces produits plus sexy n'avaient pas vraiment été une réussite la saison passée' (pièce n° 37-8),

- un mail d'Auchan- [Localité 14] en date du 25 septembre 2018: 'je viens d'envoyer un message à M. [I], j'avais vu avec lui pour 8 ou 10 boxs et non 20 boxs' (pièce n° 37-12),

- un mail de Carrefour [Localité 13] du 5 septembre 2018: 'Je n'ai jamais signé le moindre bon de commande au nom de Carrefour [Localité 13]. Convenu par M. [I] avec lui-même certainement, mais pas avec le magasin. Cette pro-forma ne correspond absolument pas au moindre engagement de Carrefour [Localité 13] à l'égard de votre société. Je ne

passerai pas de commande: je n'apprécie pas votre façon de procéder, et je vais donner les instructions nécessaires à ma réception et à la comptabilité pour refuser toute présentation éventuelle de marchandises de votre part' (pièce n° 37-17),

L'ensemble de ces commandes avait été passé par téléphone par M. [I] auprès de la société Divine, sans qu'un bon de confirmation de commande ait été obligatoirement signé par le client.

Cette pratique correspondait toutefois à une pratique habituelle de la société Divine, qui reprenait systématiquement les invendus suite à l'annulation de commandes ou de commandes non effectives, ainsi qu'en témoigne la pièce 21 de M. [I], qui correspond à un échange de mails datant de l'année 2017,entre les dirigeants de la société Divine et les commerciaux, lesquels listent les magasins où les commandes ont été annulées. Il convient à cet égard de remarquer que les annulations de commandes étaient monnaie courante dans l'ensemble des secteurs, celui de M. [I] étant celui où les annulations de commandes ont été, pour l'année 2017, les moins nombreuses par rapport aux autres commerciaux (6 annulations pour 37 816,46 euros (mail de M. [T] du 8 décembre 2017, pièce n° 21 de l'appelant).

M. [E] [S], également responsable commercial, atteste ' avoir eu à de nombreuses reprises des annulations de commandes sur son secteur pour les raisons suivantes:

- réduction du linéaire pour les opérations commerciales,

- indisponibilité des produits,

- quantité à livrer trop importante,

- blocage par rapport à des retours et des avoirs en attente.

Egalement, nous avons plusieurs fois effectué un système de 'dépôt vente' pour des opérations commerciales.

En effet, j'ai livré à quelques reprises des collants en quantité importante chez mes clients pour une courte durée. Le client n'avait à payer que les produits vendus. Ensuite, nous effectuions le retour de la marchandise.

Le but de cette opération était de pouvoir effectuer de belles opérations commerciales et être présent dans les magasins, lors des plateaux lingerie ou de garder un lien avec des clients 'difficiles' qui ne souhaitaient plus travailler avec la société Divine. Pour le client, l'avantage de cette logistique était de ne pas avoir à sortir une somme d'argent importante, tout en bénéficiant de remises commerciales et de services' (pièce n° 22 de l'appelant).

Il résulte de l'ensemble des observations qui précèdent que le grief adressé à M. [I] de 'fausses commandes' doit être écarté.

2) les accords commerciaux particuliers:

Il est reproché à M. [I] d'avoir passé des accords avec certains magasins dans l'irrespect de pratiques et sans aucune information de la direction générale (remises commerciales, dépôt vente).

Le salarié fait valoir en réponse que la pratique des dépôts ventes ou des avantages donnés aux entreprises était répandue et régulière, toujours avec l'accord de M. [Y], PDG de la société Divine.

Il verse aux débats le contrat de dépôt vente transmis par la direction de la société Divine aux magasins Carrefour de Belgique le 19 juillet 2018 (pièce n° 24), ainsi que des mails qui démontrent l'existence d'accords particuliers avec certains clients, lesquels étaient systématiquement avalises par la direction (pièce n° 25).

Ce grief n'est pas établi.

3) les pratiques managériales de son équipe:

La société Divine affirme que M. [I] exerçait des pratiques managériales inappropriées envers ses collaborateurs, accordant peu d'importance à l'humain.

Elle verse aux débats diverses attestations de salariés:

-M. [V] [H], directeur technique, atteste qu' 'en juin 2018, lors de l'entretien annuel individuel de Mme [F] [C], alors responsable régionale sous la direction de M. [I], et en présence de M. [Y], Président, M. [I] et de lui même, Mme [C] nous explique qu'elle n'en peut plus et s'effondre en larmes. Elle ne veut plus travailler avec M. [I] tant qu'il ne changera pas d'attitude envers elle. Il dénigre son travail sans arrêt, il est passé dans deux ou trois de ses magasins sans la prévenir et il s'est empressé de faire des commentaires désobligeants à M. [Y]. Il est également capable de dire qu'il est passé dans un magasin prospect toujours dans le secteur de Mme [C] et d'appeler M. [Y] en disant qu'il a passé une commande, sans prévenir Mme [C], et rajoutant c'était très simple, il suffisait de passer dans le magasin' (pièce n°43 de l'intimée).

- Mme [F] [C], commerciale, indique 'avoir été victime de faits de harcèlement de M. [I], qui s'est amplifié quand il a commencé à nous envoyer des mails assassins le dimanche soir. Il nous vouvoyait, nous donnait des ordres avec une autorité déplacée. Il passait dans nos magasins sans nous le dire et passait des commandes de réassort sans nous le dire, sans s'occuper de savoir si nous avions du stock ou des commandes en attente. Son but était de montrer qu'il était le meilleur et que nous n'étions pas à la hauteur' (pièce n° 44).

- M. [R] [O], directeur régional, le décrit comme un manipulateur et déclare être ravi depuis qu'il n'est plus là (pièce n° 45).

Les faits relatés ne sont pas datés dans le temps et sont, en tout état de cause, concernant l'entretien qui a eu lieu en juin 2018 avec Mme [C], prescrits.

M. [I] indique en réponse qu'aucun reproche n'a été formulé à son encontre s'agissant des relations entretenues avec ses collègues et collaborateurs pendant la durée de la relation contractuelle. Il verse aux débats des attestations concordantes d'anciens collaborateurs (M. [P] [G], M. [Z] [B] ), ainsi que des mails de remerciements (Mme [M], Mme [L], Mme [A]) qui témoignent de son écoute et de son professionnalisme (pièces n° 26 à 28 de l'appelant).

En tout état de cause, le 26 août 2018, postérieurement à l'entretien avec Mme [C], M. [Y] indiquait à M. [I] : 'Je compte que tu prennes une place importante dans cette nouvelle saison et sa réussite. Tu as les capacités de travail indéniablement, tu es celui qui porte le mieux le concept Divine tel que je l'ai conçu (pièce n° 6 de l'intimée).

Ce grief n'est pas davantage établi.

4) la gestion commerciale :

Il est notamment reproché à M. [I] la perte de clients, ainsi que le fait d'avoir livré en consignation un ami tenant une boutique à [Localité 12], lequel n'a finalement effectué aucune vente de produits Divine.

M. [I] soutient en réponse que ce reproche n'est pas étayé, et que la dégradation du chiffre d'affaires de la société n'est nullement due à ses méthodes, qui lui ont permis au contraire de sauvegarder d'importants clients.

De tels reproches, qui ne sont étayés par aucun élément objectif et précis, relèvent en tout état de cause d'une éventuelle insuffisance professionnelle et ne peuvent être invoqués à l'appui d'un licenciement pour faute grave.

Ce grief doit être écarté.

5) l'utilisation de la carte bancaire professionnelle :

Il est reproché à M. [I] d'avoir acheté avec sa carte professionnelle un téléphone portable chez Darty pour un montant de 400 euros, alors qu'il existait des téléphones d'avance au siège de la société, et qu'un tel achat était inutile.

Il n'est pas précisé à quelle date ce téléphone a été acquis, et la facture d'achat n'est pas versée aux débats. En tout état de cause, et au regard de la situation de M. [I] au sein de l'entreprise, un tel achat, dont il n'est pas contesté qu'il a été effectué en vue d'un usage professionnel, n'est pas de nature à justifier un licenciement pour faute.

Les griefs ci dessus évoqués ne sont pas établis, et le licenciement de M. [I] doit, par infirmation sur ce point du jugement déféré, être jugé sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences du licenciement:

Nonobstant la suspension du contrat de travail de M. [I] au sein de la société Divine au mois de juin 2013, l'ancienneté de ce dernier doit être envisagée à compter du 1er août 2002, date de son embauche initiale. L'avenant à son contrat de travail du 18 juillet 2013 est à cet égard dépourvu d'ambiguïté, puisqu'il précise qu'il a pour but de modifier le contrat de travail qui lie la Sas Divine à M. [D] [I], et non qu'il s'agit d'une nouvelle embauche.

M. [D] [I] a été licencié sans cause réelle et sérieuse d'une entreprise employant plus de onze salariés, à l'âge de 42 ans et à l'issue de plus de 16 ans de présence effective. Il a droit au paiement des indemnités de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement à hauteur des sommes respectives de 15 415,80 euros, de 1 541,58 euros et de 23 226,94 euros, qu'il réclame, ainsi qu'à des dommages et intérêts pour rupture abusive fixés en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, que la cour estime devoir fixer à la somme de 61 663,20 euros représentant l'équivalent de 12 mois de salaire brut.

Eu égard aux circonstances vexatoires du licenciement et de sa brusque éviction d'une société à laquelle il avait consacré beaucoup d'énergie depuis son embauche en août 2002, M. [D] [I] a subi un préjudice moral distinct qu'il convient de réparer par la condamnation de la société Divine à lui payer une somme de 8 000 euros.

Il y a lieu également d'ordonner la délivrance par l'employeur au salarié de l'attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, faisant mention de son ancienneté dans l'entreprise à compter du 1er août 2002, ainsi que d'un bulletin de salaire récapitulant l'ensemble des condamnations prononcées, sans astreinte.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société Divine à Pôle emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.

- Sur le travail dissimulé:

Au terme de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue

de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent à un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

M. [I] affirme que la SAS Divine a omis de mentionner de nombreuses heures de travail, opérant sur ses bulletins de salaire de février à juillet 2017, février 2018 et mai et juin 2018 des déductions pour des heures d'absence qui n'ont jamais existé. Pour autant, il ne réclame pas le paiement de ces heures, étant précisé que la société

employeur a régularisé au mois de novembre 2018 le versement de son salaire

du 1er au 28 février 2018 et du 1er avril au 31 juillet 2018 pour une somme brute

de 21 922,60 euros.

La société employeur admet qu'en 2017 et au début de l'année 2018, étant en procédure de sauvegarde, il avait été convenu entre les parties de la perception par M. [I] de son salaire net mensuel habituel en acompte, afin de différer le paiement des charges sociales afférentes afin de renforcer les chances de redressement économique et financier de l'entreprise.

Il résulte des attestations concordantes de MM [U], [H] et [X] (pièces n° 54, 43 et 50 de la société intimée)que M. [I] était parfaitement consentant à cette pratique, qui lui permettait par ailleurs de réduire sa charge fiscale personnelle sur les années considérées, tout en conservant son salaire net habituel.

De telles pratiques ne caractérisent pas la preuve de l'intention de la société employeur de se soustraire à ses obligations. La demande en paiement de l'indemnité légale pour travail dissimulé formée par M. [I] sera en conséquence rejetée.

- Sur la demande reconventionnelle de la société Divine:

La société Divine réclame le remboursement d'une somme de 9 823,90 euros nets correspondant à un trop perçu par M. [I] d'avances sur primes

Elle produit, à l'appui de sa demande, un extrait du grand livre des comptes indiquant que le salarié aurait perçu, entre le mois d'octobre 2017 et le mois de juin 2018, 25 300,82 euros d'avances sur primes (pièce n° 88).

Compte tenu de l'opacité qui a entouré le versement des rémunérations préalablement à l'adoption du plan de sauvegarde de la société Divine, les salaires étant en partie versés sous forme d'avances sur primes pour se soustraire du moins temporairement au paiement des charges sociales, les éléments qu'elle verse aux débats ne permettent pas d'établir le bien fondé de sa demande, dont elle sera déboutée, par confirmation sur ce point du jugement déféré.

- Sur les autres demandes

M. [I] sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros en raison des irrégularités qui affectent l'attestation destinée à Pôle Emploi et de 5 000 euros en raison du préjudice par lui subi du fait du retard pris par l'entreprise pour déclarer ses arrêts de travail à la sécurité sociale.

La SAS Divine soutient en réponse que M. [I] ne justifie pas de l'existence d'un quelconque préjudice concernant l'attestation destinée à Pôle Emploi, et que les retards pris par l'entreprise dans le traitement du complément des indemnités journalières sont imputables au salarié, qui a attendu la lettre de convocation à l'entretien préalable pour transmettre à l'employeur son arrêt de travail du 22 octobre 2018, et le 5 décembre 2018 pour lui adresser son relevé d'indemnités journalières.

L'attestation destinée à Pôle Emploi récapitule le montant des salaires versés à M. [I] au cours des douze derniers mois, de sorte que les irrégularités qu'il invoque n'ont eu aucune incidence sur le montant de ses allocations chômage. Quant au retard pris dans le traitement de ses indemnités journalières de sécurité sociale, il est entièrement imputable au salarié qui a alterné à compter du 21 septembre 2018 les arrêts maladie et la prise de congés payés, sans préciser exactement ses intentions à son employeur. Il sera en conséquence débouté de ses demandes de dommages et intérêts.

La société Divine, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [D] [I] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit à sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'une somme de 4000 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Castres, sauf en ce qu'il a débouté la société Divine de sa demande de remboursement d'avances salariales.

Et, statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant:

Fixe le point de départ de l'ancienneté de M. [D] [I] au sein de la société Divine à la date du 1er août 2002.

Dit que le licenciement de M. [D] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la société Divine à payer à M. [D] [I] les sommes suivantes:

- 6 000 euros bruts au titre de la prime contractuelle pour la période non prescrite,

- 23 226,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

-15 415,80 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

outre 1 541,58 euros bruts de congés payés afférents,

- 61 663,20 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8 000 euros bruts de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

Ordonne la délivrance par l'employeur au salarié de l'attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée, faisant mention de son ancienneté dans l'entreprise à compter du 1er août 2002, ainsi que d'un bulletin de salaire récapitulant l'ensemble des condamnations prononcées, et de dans le délai de trente jours à compter de la signification de l'arrêt, sans astreinte.

Déboute M. [D] [I] du surplus de ses demandes.

Ordonne le remboursement par la société Divine à Pôle emploi Occitanie des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.

Condamne la société Divine aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Condamne la société Divine à payer à M. [D] [I] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée à ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/03187
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;20.03187 ?
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