16/01/2023
ARRÊT N°
N° RG 20/03508
N° Portalis DBVI-V-B7E-N3KY
J.C G / RC
Décision déférée du 03 Décembre 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,
JCP de TOULOUSE - 18/00955
Mme [E]
S.A RTE RESEAU DE TRANSPORTD'ELECTRICITE
C/
S.A.S. EIFFAGE ENERGIE TRANSPORT & DISTRIBUTION
S.A.S. SOGECER GENIE CIVIL
Société SMABTP
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU SEIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A RTE RESEAU DE TRANSPORT D'ELECTRICITE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Laura SOULIER, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
S.A.S. EIFFAGE ENERGIE TRANSPORT & DISTRIBUTION
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
[Localité 5]
Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.S. SOGECER GENIE CIVIL
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE
Société SMABTP
Prise en sa qualité d'assureur de la société SOGECER GENIE CIVIL et la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES TRANSPORT ET DISTRIBUTION
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. ROUGER, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
A. ARRIUDARRE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.
******
OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE
Suivant marché notifié le 04 février 2010, la société Réseau de transport d'électricité (RTE), gestionnaire national du réseau public de transport d'électricité, a confié à la société Forclum Energie Services, devenue la société Eiffage Energie Transport et Distribution, assurée auprès de la Smabtp, la construction d'un poste 225 / 63 kV dit ' Poste de [Localité 11]' et la réalisation de travaux d'adaptation de postes encadrants, parmi lesquels un poste dit 'Poste de [Localité 16]'.
Dans le cadre de ces travaux, la société Eiffage devait notamment procéder à la dépose de deux liaisons électriques souterraines 63.000 volts ' désaffectées' du fait de la création du poste de [Localité 11] et hors tension, la liaison [Localité 16]-[Localité 17] et la liaison [Localité 16]-[Localité 12], lesquelles se situaient dans l'environnement de la liaison [Localité 14]-[Localité 16], liaison électrique souterraine 63.000 volts sous tension.
La société Eiffage a sous-traité la réalisation de ces travaux de dépose à la société Sogecer, également assurée auprès de la Smabtp.
Préalablement à ces travaux, et conformément au PPSPS et aux consignes données par la société Sogecer, un sondage a été réalisé le 08 novembre 2013, lequel a permis de localiser les câbles des liaisons [Localité 16]-[Localité 17] et [Localité 16]-[Localité 12], dans la zone délimitée par un balisage.
Le 04 décembre 2013, lors de son intervention sur site, la société Sogecer n'a pas réussi à retirer l'un des câbles : elle a alors procédé à un sondage, à l'aide d'une mini-pelle de 2,5 tonnes, à l'extérieur de la zone balisée, et endommagé la liaison 63.000 volts [Localité 14]-[Localité 16], provoquant ainsi une coupure de l'alimentation électrique dans la région d'[Localité 10].
Le réseau de secours, mis en place les 05 et 06 décembre 2013, a fonctionné par intermittence.
Le sinistre a été déclaré auprès de la Smabtp laquelle a mandaté le Cabinet Saretec : une réunion s'est tenue sur site le 10 janvier 2014 en présence de l'ensemble des parties.
Par courrier en date du 06 juin 2014, le cabinet Saretec a sollicité de la société demanderesse un certain nombre de pièces : cette dernière, dans son courrier en date du 03 novembre 2014 lui a alors adressé le décompte de ses préjudices au titre des travaux de remise en état pour un montant total de 179.555 euros HT.
Par lettre recommandée en date du 26 décembre 2014, la société RTE a transmis ses réclamations et pièces justificatives directement à la Smabtp .
Par courrier du 23 février 2015, la société Etudes & Quantum, économiste de la construction mandatée par la Smabtp, a sollicité de la société RTE la communication de nouvelles pièces au soutien de ses demandes indemnitaires.
En l'absence de toute prise en charge de ce sinistre, et suivant exploit en date des 07 et 09 mars 2018, la société RTE a fait assigner la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- déclaré la société Eiffage et la société Sogecer responsables des désordres subis par la société RTE lors du sinistre survenu le 04 décembre 2013, sur le fondement respectivement des articles 1147 et 1384 anciens du code civil ;
- dit que le préjudice de la société RTE occasionné par ce sinistre s'élève à la somme de 117.094,31 euros HT ;
- dit que la société RTE garde à sa charge 50 % de cette somme, correspondant à sa part de responsabilité ;
- condamné la Smabtp à garantir son assurée, la société Sogecer ;
- condamné in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE au titre de la réparation de ces désordres la somme de 58.547,16 euros HT ;
- dit que dans les rapports entre co-obligés, la société Sogecer et la Smabtp, son assureur, relèveront indemne la société Eiffage de toute condamnation ;
- dit que les garanties souscrites s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises par assuré et par sinistre dont les montants sont fixés aux termes des conditions particulières de la police ;
- dit qu'aux sommes précitées exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution ;
- dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 ancien du code civil ;
- condamné la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp in solidum à payer les dépens et a autorisé la Scp RSG Avocats à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;
- condamné in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu qu'il se déduisait de l'ensemble des éléments du dossier que tant la faute de la société Sogecer que le lien de causalité entre cette faute et le dommage causé sur la ligne [Localité 16]-[Localité 14] sous tension, étaient établis, laquelle faute engageait également la responsabilité de la société Eiffage en sa qualité d'entrepreneur principal à l'encontre de la société RTE, maître de l'ouvrage, et que la société Eiffage, à l'encontre de laquelle aucune faute n'était démonrée, devait être relevée et garantie indemne de toutes condamnations par son sous-traitant.
Il a toutefois relevé que la dépose des liaisons était soumise à un risque généré par la présence d'une ligne sous-tension située à proximité, pour laquelle la société RTE, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, n'avait pu fournir de plans permettant une localisation précise et sécuritaire pour l'entreprise y intervenant. Il a conclu en conséquence que la responsabilité de la société RTE était engagée à hauteur de 50 % au titre de ce dommage.
Il a chiffré le préjudice subi par la société RTE, avant partage de responsabilité, à la somme de 117.094,31 € HT, se décomposant comme suit :
- fournitures : 4912 € HT
- coût des interventions des entreprises extérieures :
# société Sobeca : 70.000 €
# société Eiffage : 20.020 €
- véhicules : 267,90 €
- transport des containers et tourets de câbles : 6984,08 € HT
- facture Carlson wagonlit : 2847,52
- frais d'huissier : 929,47 €
- Factures Smartgrid : 11.133,34 € HT
Par déclaration du 11 décembre 2020, société RTE a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :
- dit que le préjudice de la société RTE occasionné par ce sinistre s'élève à la somme de 117.094,31 euros HT ;
- dit que la société RTE garde à sa charge 50 % de cette somme, correspondant à sa part de responsabilité ;
- condamné in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE au titre de la réparation de ces désordres la somme de 58.547,16 euros HT ;
- dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2021, la société RTE Réseau de transport et d'électricité, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1147, 1384, 1382 et 1383 en leur ancienne rédaction, et sous bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* déclaré la société Eiffage et la société Sogecer responsables des désordres subis par la société RTE lors du sinistre survenu le 04 décembre 2013, sur le fondement respectivement des articles 1147 et 1384 anciens du code civil ;
* condamné la Smabtp à garantir son assurée, la société Sogecer ;
* condamné la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp in solidum à payer les dépens et a autorisé la Scp RSG Avocats à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;
* condamné in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* dit que le préjudice de la société RTE occasionné par ce sinistre s'élève à la somme de 117.094,31 euros HT ;
* dit que la société RTE garde à sa charge 50 % de cette somme, correspondant à sa part de responsabilité ;
* condamné in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE au titre de la réparation de ces désordres la somme de 58.547,16 euros HT ;
* dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, avec la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 ancien du code civil ;
* dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus
* rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
- débouter la Sa Eiffage Energie Transport et Distribution, la Sas Sogecer Genie civil et la Smabtp de leurs appels incidents,
Et, statuant à nouveau,
- condamner in solidum la Sa Eiffage Energie Transport et Distribution, la Sas Sogecer Genie civil et la Smabtp à lui payer une somme de 182.512,25 euros HT en réparation des dommages matériels causés par le sinistre du 4 décembre 2013, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 décembre 2014, les intérêts étant capitalisés en application de l'article 1154 ancien du code civil,
Ajoutant au jugement,
- les condamner in solidum au paiement d'une somme complémentaire de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- les condamner in solidum aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Gilles Sorel, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Sur la responsabilité du sinistre, la société RTE expose que le sinistre est survenu parce que les ouvriers de la société Sogecer ont pris l'initiative de réaliser, à l'aide d'une mini-pelle, en dehors de la zone réglementaire matériellement délimitée par un balisage et en violation des règles de sécurité applicables, un sondage 'plus loin' que le point de sondage qui avait été réalisé plusieurs jours auparavant le 8 novembre 2013 ; que les déclarations des parties consignées dans le procès-verbal de constat du 10 janvier 2014 sont univoques et qu'il ressort du même procès-verbal de constat que les sociétés Eiffage et Sogecer ont clairement reconnu avoir engagé leur responsabilité ; que la société Eiffage a également établi une note d'analyse de l'incident aux termes de laquelle elle reconnaît clairement la faute imputable à son sous-traitant. Elle insiste sur le fait que la faute de la société Sogecer est particulièrement grave dans la mesure où elle n'a pas respecté les règles de sécurité qui s'imposaient à elle.
Elle critique le raisonnement au terme duquel le tribunal l'a privée de la moitié de l'indemnisation de son préjudice. Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle a communiqué aux sociétés Eiffage et Sogecer les plans et, au travers du sondage du 8 novembre 2013, la localisation exacte des liaisons à déposer et du balisage réglementaire de la zone de chantier, et que la faute alléguée, non établie, n'est pas à l'origine du sinistre qui découle exclusivement des graves négligences de la société Sogecer qui n'a pas respecté les règles en matière d'hygiène et de sécurité ni le mode opératoire préalablement défini. Elle fait valoir que l'origine du sinistre ne tient pas à des difficultés de localisation des lignes du fait d'une absence de transmission des plans mais à un défaut de contrôle par la société Sogecer du respect par ses salariés des règles en matière de balisage de chantier et du mode opératoire sécurisé, et que l'absence de lien de causalité entre le prétendu défaut d'information reproché à RTE et le sinistre est d'autant plus évidente que les équipes de Sogecer n'ont pris aucune précaution et ont en particulier passé outre les dispositifs d'alerte pourtant visibles qui signalaient la présence de la liaison souterraine sous tension.
Par ailleurs, la société RTE fournit des explications complètes sur les divers préjudices dont elle sollicite la réparation. S'agissant plus particulièrement du coût de la main d'oeuvre des salariés de la société RTE mobilisés pour procéder aux travaux de remise en état définitifs, elle rappelle qu'en application du principe de réparation intégrale du préjudice, la jurisprudence reconnaît le caractère indemnisable du préjudice consistant en la réalisation par des salariés de l'entreprise victime des travaux de réparation.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2021, la Sas Eiffage Energie Transport et Distribution, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire du 3 décembre 2020 en toutes ses dispositions , sauf sur le préjudice de RTE retenu et les sommes allouées,
Par voie d'infirmation sur appel incident,
- 'dire et juger' que la réclamation de RTE ne peut être admise qu'à hauteur de la somme de 12.340,44 euros HT.
- 'dire et juger' en tout état de cause qu'elle sera intégralement relevée et garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre par son sous-traitant la SAS Sogecer Génie civil et la Smabtp.
- condamner la société RTE à une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Eiffage expose que les travaux réalisés à proximité de réseaux sont régis par la norme NF S 70-003-1 qui définit les devoirs et obligations du maître de l'ouvrage dans des articles 5.2, 7.6.2 et 7.8 dont elle rappelle la teneur. Elle soutient que la société RTE était tenue de fournir les plans permettant à la société Sogecer d'identifier la ligne et réaliser les travaux en toute sécurité et qu'elle n'a pas été en mesure de fournir ces plans. Elle en conclut que conformément à l'analyse du premier juge, la carence de la société RTE est formellement établie et doit donner lieu à confirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité à hauteur de 50 %.
Elle soutient par ailleurs que la société Sogecer a commis diverses fautes en réalisant un sondage qui n'était pas prévu, en dehors de la zone prédéterminée et en s'affranchissant du respect des règles de l'art. Elle s'estime en conséquence fondée à exercer son recours à son égard sur le fondement de son obligation de résultat.
Enfin, elle analyse point par point les divers chefs de préjudice dont la société RTE demande réparation et soutient que ses réclamations ne peuvent être admises qu'à hauteur de la somme de 12.340,44 € HT.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2021, la société Sogecer Génie civil, et la Smabtp, son assureur, intimées et appelantes incidentes, demandent au tribunal, au visa des articles 1231-1, 1240 et 1242 du code civil, L112-6 du code des assurances, et l'article 700 du code de procédure civile, de :
- déclarer la société RTE mal fondée en son appel,
- constater que le manquement de la Société RTE est pour partie à l'origine de l'incident survenu le 4 décembre 2013,
En conséquence,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* dit que la Société RTE gardera à sa charge 50 % des sommes accordées, correspondant à sa part de responsabilité,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* dit que le préjudice de la Société RTE occasionné par ce sinistre s'élève à la somme de 117.094,31 € HT ;
Statuant à nouveau,
- rejeter toute demande de la société RTE au titre :
* des factures Smartgrid à concurrence d'une somme de 11 133,34 euros
* des frais divers à concurrence d'une somme de 24 530 euros
* de l'intervention d'entreprises extérieures à concurrence d'une somme de 95 515 euros
- débouter la société RTE de ses demandes indemnitaires excédant une somme de 12 340,44 euros HT,
En toutes hypothèses,
- 'dire et juger' opposable à toutes les parties, les conditions et limites des dispositions contractuelles des polices d'assurances souscrites par elle et la société Eiffage Energie Transport et Distribution et, notamment, le plafond de garantie, le plein de garantie et la franchise,
- 'dire et juger' que le plafond de garantie de la police d'assurance qu'elle a souscrite est fixé à 2 000 000 euros par sinistre pour les dommages matériels, et à 1 000 000 euros par sinistre pour les dommages immatériels, et la franchise dans les deux cas est de 50 franchises statutaires (165 €), soit d'un montant de 8 250 €,
- condamner la société RTE à leur verser la somme complémentaire de 3 000 € à titre d'indemnisation des frais qu'elles se sont trouvés contraintes d'engager pour faire valoir leurs droits, outre aux entiers dépens d'instance et d'appel.
La société Sogecer et la Smabtp exposent que l'opération de dépose des lignes a présenté deux particularités :
- celle d'une dépose des deux liaisons électriques situées à proximité d'une liaison électrique sous tension, la ligne dite 'Jarlart - [Localité 16]', ce qui a donné lieu à la rédaction d'un avenant au PPSPS du poste de [Localité 11] précisant qu'en raison du risque d'amorçage et d'électrocution lors de fouilles en tranchée à proximité d'une liaison enterrée sous-tension, des mesures de prévention devaient être mises en oeuvre, à savoir 'balisage de fouille par chaînette bicolore, travaux manuels à l'approche de la liaison, mode opératoire et plans de recollement' ;
- conjuguée à une absence de localisation précise des deux lignes considérées, et notamment de la ligne 'Jarlart -[Localité 16]' , ce qui a contraint les parties à faire évoluer leur méthodologie d'intervention, les liaisons devant être identifiées par sondage.
Elles ajoutent qu'au cours d'une réunion de chantier à laquelle a participé la société RTE le 21 janvier 2013 s'est posée la question de la dépose des lignes souterraines au regard de la clôture du poste de [Localité 16], raison pour laquelle il a été retenu comme mode de retrait le tirage des câbles, les gaines étant quant à elles laissées sur place, et qu'au cours d'une nouvelle réunion en date du 8 novembre 2013, le sondage réalisé pour localiser les câbles concernés n'a pas permis de localiser la liaison sous tension à proximité des liaisons à déposer.
Elles expliquent que c'est dans ce contexte que la société Sogecer a été confrontée le 4 décembre 2013 à une difficulté supplémentaire tenant à l'impossibilité de procéder au retrait du dernier câble par tirage, raison pour laquelle les ouvriers de la société Sogecer ont pris l'initiative d'effectuer un sondage plus loin par rapport au point de sondage fixé, l'équipe pensant alors dégager un câble hors tension alors qu'uil s'agissait d'un câble sous tension.
Elles invoquent l'absence de lien de causalité exclusif entre le sinistre et l'intervention de la société Sogecer alors que faute pour la société RTE d'avoir diffusé les plans localisant précisément les liaisons concernées, c'est à dire à la fois celles à déposer et celles sous-tension, les parties ont été contraintes de procéder par voie de sondages, que les travaux de dépose des liaisons ont été confiés à la société Sogecer sur la seule base du sondage (du 8 novembre 2013) qui n'avait pas permis de localiser la liaison [Localité 16]- [Localité 14] sous tension, en sorte que les préposés de la société Sogecer ignoraient légitimement qu'à l'endroit où ils ont réalisé le sondage la câble pouvait être celui de la liaison sous tension et non le câble restant. Elles en concluent que la société RTE a commis un manquement grave à l'origine du sinistre en ne fournissant pas à la société Eiffage et à son sous-traitant les plans permettant la localisation précise des liaisons électriques concernées par l'opération. Elles en concluent que la cour ne pourra que confirmer la décision déférée en laissant à la charge de la société RTE 50 % du préjudice dont elle sollicite l'indemnisation, quel que soit le fondement juridique sur lequel la responsabilité de la société Eiffage et de la société Sogecer sera retenu.
Enfin, elles analysent les divers chefs de préjudice dont la société RTE demande réparation et soutiennent que ses réclamations ne peuvent être admises qu'à hauteur de la somme de 12.340,44 € HT. Elles soutiennent notamment, s'agissant des frais de main d'oeuvre, que la société RTE n'apporte aucunement la preuve qu'elle aurait exposé un coût supplémentaire engendré par le sinistre puisque ce poste 'main d'oeuvre' correspond à l'intervention de ses salariés appartenant à l'équipe maintenance spécialisée câbles (EMSC) qui a vocation à se déplacer sur le territoire national.
MOTIFS
Sur la responsabilité des dommages
Selon les dispositions de l'article 1147 du code civil en sa rédaction applicable au litige, 'le débiteur est condamné s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
L'article 1384 alinéa 1er du code civil , dans sa rédaction applicable au litige, dispose que 'l'on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde'.
En l'espèce, il est constant que dans le cadre des travaux confiés par la société RTE à la société Eiffage, cette dernière a confié la réalisation des travaux de dépose de deux liaisons électriques souterraines de 63.000 V hors-tension à la société Sogecer, sous-traitance dûment acceptée par le maître de l'ouvrage.
Dès lors, et conformément aux dispositions contractuelles, la société Eiffage est seule responsable vis-à-vis de la société RTE de la bonne exécution des prestations qui lui ont été confiées, celles-ci devant être réalisées sous sa direction et à ses risques techniques et financiers, s'engageant ainsi à respecter les prescriptions du CCTP (article 6.1.1 du contrat études et construction signé les 23 décembre 2009 et 04 février 2010), la société RTE disposant toutefois d'une action directe contre le sous-traitant sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Il ressort du PPSPS (Plan Particulier de Sécurité et de protection de la santé) 'Poste de [Localité 11]' (pièce n° 5 de RTE) que les travaux sur le poste EDF de [Localité 16] ont fait l'objet de consignes particulières 'pour la dépose des LS au voisinage 63kV [Localité 16]-[Localité 14] + Line HTA'.
Cet avenant établi par la société Sogecer et validé par la société RTE (pièce n° 6 de RTE) est relatif à une consigne particulière lors de la dépose des LS existantes [Localité 12] et [Localité 17] en raison de la proximité avec la LS [Localité 14] 1. Il précise le mode opératoire des travaux de terrassement pour la dépose des LS [Localité 12] et [Localité 17] :
'- Respect UTE C18-510
- Respect des consignes de sécurité et du balisage en vigueur déterminés lors de l'inspection commune en accord avec les exploitants lors de la réunion d'ouverture de chantier en date du 10/11/2011
- Respect du PPSPS Sogecer Ind H ainsi que du PGC Ind A7
Phase 1 Terrassement pour dépose LS [Localité 12] et [Localité 17] :
(...)
- Dans la zone de croisement des LS, dès qu'un grillage ou du sable est découvert, le terrassement se continuera à la main jusqu'à la rencontre de la protection mécanique (caniveaux, fourreaux, mortier)
- L'intégralité de la zone sera mise à nu afin de suivre physiquement les câbles à déposer
- Les câbles seront sectionnés en amont et en aval de ce croisement puis laissés sur place afin de ne pas créer de chocs, vibrations sur la câbles en exploitation'.
Les circonstances du sinistre du 4 décembre 2013 sont ainsi décrites et analysées par la société Eiffage dans un rapport du 10 décembre 2013 (pièce n° 39 de RTE) :
'5. Constat / Ecart
Constat 1 : La réouverture de la fouille pour travaux a été faite suivant le balisage mis en place en amont du sondage.
Constat 2 : quatre câbles de phases sont retirés facilement.
Constat 3 : Le retrait de la 5ème phase est plus difficile mais il est effectué suivant le mode opératoire convenu. L'opération a fait l'objet d'un appel téléphonique entre le Chef de chantier et le Conducteur de travaux Sogecer.
Ecart 1 : La 6ème phase a bloqué lors de son retrait. Environ 5 ml ont été retirés.
Ecart 2 : Le chef de chantier Sogecer prend la décision sans prévenir d'ouvrir une fouille hors de la zone définie (environ 15 ml), parallèlement à la clôture et dans l'axe du sondage, ces travaux effectués à la mini pelle puis au brise roche ont endommagé la LS [Localité 16] / [Localité 14].
Constat pour Eiffage : la décision d'ouvrir en dehors de la zone définie lors du sondage du 08/11/2013 a été prise par le CdC (pelliste) de Sogecer sans en référer à sa hiérarchie'.
Le sinistre a également été analysé dans le cadre de trois procès-verbaux de constat d'huissier dressés au contradictoire de toutes les parties les 4 et 5 décembre 2013 et 10 janvier 2014 (pièces n° 8, 9 et 10 de RTE). Les éléments suivants sont fournis par le procès-verbal de constat du 10 janvier 2014 :
- 'Dans le cadre de ces travaux, les liaisons souterraines ont été déposées en amont et en aval de la propriété privée cadastrée section EL numéro 20 et [Cadastre 3].
Les sociétés en présence ont ensuite décidé de procéder par voie de sondages et ce, en vue d'identifier sur le terrain les câbles à déposer.
Un point d'arrêt et de sondage a notamment été établi au niveau de l'angle Nord-Est de la parcelle section EL numéro [Cadastre 2]".
- 'Monsieur [U], directeur d'exploitation auprès de la société Eiffage Energie déclare que 15 jours avant lesdits travaux, en présence d'un salarié RTE, d'une équipe de la société Sogecer et d'un assistant responsable de la société Eiffage Energie, les six fourreaux des deux liaisons électriques à déposer ont été identifiés au moyen de sondages'.
- 'Monsieur [L] [T], conducteur de travaux auprès de la société Sogecer, intervient. Il explique le déroulement des opérations de dépose de ces liaisons à partir du point d'arrêt et de sondage tel que fixé précédemment. (...) Le retrait du dernier câble, phase 6, n'a pu être effectué. Ce dernier était 'bloqué'. Ladite équipe d'ouvriers de la société Sogecer a alors pris l'initiative 'd'effectuer un sondage plus loin' par rapport au point de sondage fixé, 'l'équipe pensant alors dégager un câble hors tension'. Au cours de ce sondage, la liaison souterraine sous tension [Localité 14] / [Localité 16] a été endommagée'.
- Monsieur [N] (Eiffage Energie) précise que les ouvriers de la société Sogecer ayant causé le dommage 'pensaient que ce qu'ils dégageaient était l'une des lignes à déposer', et ce, malgré la présence à cet endroit du grillage avertisseur et de l'enrobé béton'.
- 'L'assemblée s'accorde à dire qu'en la matière, en cas de difficultés, les règles de l'art imposent de 'creuser et d'aller à l'avenant'. Il s'agit alors de poursuivre les sondages dans la lignée, en continuité de ceux réalisés et ce, afin d'être sûr de rester sur le bon câble à déposer'.
- 'Les représentants des trois sociétés (Eiffage Energie, Sogecer, RTE) s'accordent à dire qu'un sondage effectué aléatoirement et à une distance éloignée du point de sondage fixé n'est pas conforme aux règles de l'art. Il s'agissait alors 'd'aller à l'avenant' dans la continuité des sondages qui avaient été réalisés et qui avaient permis de localiser la liaison à déposer'.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, au demeurant non contestés par la société Eiffage et la société Sogecer, que la faute de la société Sogecer et le lien de causalité entre cette faute et les dommages subis par la ligne [Localité 16] / [Localité 14] sous tension sont parfaitement établis.
La société Sogecer, pleinement informée du risque tenant à la proximité de liaisons souterraines sous tension, n'a pas respecté les règles de sécurité applicables et le mode opératoire défini dans la 'consigne particulière' qu'elle a elle-même établie, en interrompant l'opération consistant à découvrir progressivement les câbles et en réalisant un sondage en dehors de la zone de travail matériellement délimitée par un balisage, puis, à l'approche de la liaison souterraine signalée par un grillage de couleur destiné à l'alerter, à poursuivre le sondage à l'aide d'une mini-pelle et non manuellement, jusqu'à entendre un grésillement au lieu d'arrêter le chantier et de demander qu'il soit procédé au piquage de la ligne, seul moyen fiable de vérifier l'absence de tension.
Le premier juge a donc logiquement, par des motifs pertinents méritant d'être approuvés, retenu la faute de la société Sogecer et son lien de causalité avec le dommage, jugé que cette faute engageait également la responsabilité de la société Eiffage en sa qualité d'entrepreneur principal à l'égard de la société RTE, maître de l'ouvrage, jugé que ces deux sociétés étaient tenues in solidum à l'égard de la société RTE, et que la société Eiffage, entrepreneur principal à l'encontre de laquelle aucune faute n'était démontrée, devait être relevée et garantie indemne de toutes condamnations par son sous-traitant.
En revanche, le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a jugé que la responsabilité de la société RTE était engagée à hauteur de 50 %.
A cet effet, le premier juge a relevé que la dépose des liaisons était soumise à un risque généré par la présence d'une ligne sous tension située à proximité et pour laquelle la société RTE, gestionnaire du réseau public d'électricité, n'avait pu fournir de plans permettant une localisation précise et sécuritaire pour l'entreprise y intervenant, retenant ainsi implicitement une faute de la société RTE.
Or, le défaut de fourniture de tels plans ne saurait être considéré en lui-même comme fautif dès lors que la difficulté a été identifiée bien avant les travaux, que la société Eiffage et la société Sogecer ont été parfaitement informées préalablement aux travaux de la présence à proximité de la zone de travaux d'une liaison souterraine sous tension, que par sondage du 8 novembre 2013 il a été fourni aux sociétés Eiffage et Sogecer une localisation précise des liaisons électriques à déposer, et que les plans fournis par RTE, annexés au PPSPS et à la Consigne Particulière, font apparaître la position de la liaison souterraine 63.000 volts [Localité 14]-[Localité 16] et le risque lié à sa proximité (pièce n° 5 de la société RTE), de sorte que la société Sogecer a pu mettre en oeuvre le mode opératoire sécuritaire pour l'entreprise qu'elle a
elle-même défini et proposé à la société RTE et qui excluait tout nouveau sondage.
Il apparaît en toute hypothèse que la faute alléguée n'est pas à l'origine du sinistre qui trouve exclusivement sa cause dans les négligences et imprudences de la société Sogecer qui n'a pas respecté les règles en matière d'hygiène et de sécurité et le mode opératoire prélabalement défini.
Les fautes commises par les employés de la société Sogecer ont été expressément reconnues par la société Eiffage dans son rapport du 10 décembre 2013 (pièce n° 39 de RTE) et tant par la société Eiffage que par la société Sogecer lors du constat d'huissier du 10 janvier 2014 (pièce n° 10 de RTE : 'Les représentants des trois sociétés (Eiffage Energie, Sogecer, RTE) s'accordent à dire qu'un sondage effectué aléatoirement et à une distance éloignée du point de sondage fixé n'est pas conforme aux règles de l'art. Il s'agissait alors 'd'aller à l'avenant' dans la continuité des sondages qui avaient été réalisés et qui avaient permis de localiser la liaison à déposer').
La société RTE fait en outre observer à juste titre que les employés de la société Sogecer n'ont pris aucune précaution et ont notamment passé outre les dispositifs d'alerte pourtant visibles qui signalaient la présence de la liaison souterraine sous tension :
- le procès-verbal de constat du 4 décembre 2013 fait état de la présence d'un grillage avertisseur rouge qui a été dégradé par l'intervention de la société Sogecer ;
- le procès-verbal de constat du 5 décembre 2013 confirme la présence du grillage avertisseur rouge et de béton autour de la laison souterraine ;
- le procès-verbal de constat du 10 janvier 2014 relate les déclarations du représentant de la société Eiffage selon lesquelles les ouvriers de la société Sogecer ont réalisé le sondage 'malgré la présence à cet endroit du grillage avertisseur et de l'enrobé béton'.
Enfin, en présence d'une difficulté, il appartenait à la société Sogecer d'arrêter les travaux et de recueillir des ordres écrits sur les mesures à prendre pour éviter tout endommagement de l'ouvrage ou risque pour la sécurité, démarche jugée nécessaire par la société Eiffage dans son rapport du 10 décembre 2013 et qui aurait permis d'éviter le sinistre ( 'Ecart 2 : Le chef de chantier Sogecer prend la décision sans prévenir d'ouvrir une fouille hors de la zone définie (environ 15 ml), parallèlement à la clôture et dans l'axe du sondage, ces travaux effectués à la mini pelle puis au brise roche ont endommagé la LS [Localité 16] / [Localité 14].
Constat pour Eiffage : la décision d'ouvrir en dehors de la zone définie lors du sondage du 08/11/2013 a été prise par le CdC (pelliste) de Sogecer sans en référer à sa hiérarchie').
Dans ces conditions, la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp doivent être condamnées in solidum à indemniser la société RTE de l'intégralité des dommages subis à la suite du sinistre survenu le 4 décembre 2013.
Sur la réparation des dommages
La société RTE sollicite, en application du principe de la réparation intégrale de son préjudice, le paiement de la somme de 182.512,25 € HT se décomposant comme suit :
- coût des fournitures : 4912 € HT
- coût des interventions des entreprises extérieures :
# société Sobeca : 70.000 €
# société Fps Sécurité : 5495,40 €
# société Eiffage : 20.020 €
- coût de la main d'oeuvre : 54.329 €
- frais de déplacement : 268 €
- factures société Scales (transport des containers et tourets de câbles) : 8289,20 €
- facture société SPAC : 3967,04 €
- facture Carlson Wagonlit : 3168,39 €
- Factures société Smartgrid : 11.133,34 € HT
- frais d'huissier (coût des procès-verbaux de constat) : 929,47 €
1) Le coût des fournitures
La société RTE a dû utiliser diverses fournitures pour assurer la réalisation des travaux de remise en état, pour un coût total de 4912 € .
Cette somme, justifiée et non contestée par les intimées, a été retenue par le premier juge.
2) Le coût des interventions des entreprises extérieures
2-1 ) La facture Sobeca
La société RTE expose avoir sollicité la société Sobeca afin qu'elle établisse un devis relatif à une prestation de terrassement pour réparation de câble HTB au poste de [Localité 16].
Le 16 décembre 2013, la société Sobeca a adressé un devis d'un montant de 70.000 € HT à la société RTE.
Ces travaux ont été réalisés et facturés en deux temps, les 10 février 2014 pour un montant de 53.926 € HT et le 10 juillet 2014 pour un montant de 16.074 € HT, soit 70.000 € HT au total.
Les sociétés intimées font valoir que les postes du devis du 16 décembre 2013 ne sont pas détaillés, que le sinistre avait été résolu le 6 décembre 2013, que les deux factures produites aux débats ne comportent aucun détail et que ces éléments ne permettent aucune vérification des prestations réaliseés par la société Sobeca, ni des quantités mises en oeuvre, et a fortiori de leur lien exclusif avec le sinistre objet de la présente instance.
Sur ce point, en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient en conséquence de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a admis ce poste de préjudice.
2-2) la facture Sps sécurité
La société RTE expose avoir eu recours, pendant la durée de la réalisation des travaux de terrassement, à une société de gardiennage, afin d'assurer la surveillance et la sécurité du site en évitant toute intrusion à proximité de liaisons électriques à découvert et le vol notamment de câbles de cuivre. Elle produit au soutien de sa demande une facture de la société Sps sécurité en date du 24 janvier 2014 et d'un montant de 5495,40 € HT, correspondant à la surveillance du site du 09 janvier 2014 à 15 h 00 au 24 janvier 2014 à 8 h 00 (pièce n° 19).
Les sociétés intimées estiment que la fourniture de cette seule facture est insuffisante pour justifier du bien-fondé de cette demande.
Par courrier du 7 septembre 2015, la société RTE a fourni des explications complémentaires à la société Etudes & Quantum, économiste de la construction mandatée par la Smabtp :
' Nous vous confirmons les précisions qui vous ont été fournies par votre assurée, la société Eiffage, lors de la réunion du 2 février 2015, concernant les frais de gardiennage. Le câble en cours de réparation situé dans la tranchée ouverte et la liaison provisoire mise en place en dehors du poste par la société Eiffage étaient susceptibles d'être dérobés. Dans un tel contexte, il a été nécessaire de faire surveiller le site, de jour comme de nuit, pendant la phase de réparation de la liaison. Ces informations vous ont été confirmées par votre assurée, la société Eiffage, lors de notre réunion du 2 février 2015".
Les sociétés intimées, et plus particulièrement la société Eiffage, qui ont eu connaissance des conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux de réparation auxquels la société Eiffage a participé, ne critiquent utilement ni le principe de la nécessité d'assurer une surveillance permanente du chantier, ni la durée des travaux, ni le nombre d'heures facturées au regard de la durée des travaux, ni les taux horaires figurant sur la facture.
Il convient en conséquence de faire droit à cette demande. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
2-3) La facture Eiffage
La société RTE rappelle avoir sollicité la société Eiffage afin qu'il soit procédé à des travaux complémentaires tendant à la dépose de la liaison provisoire qu'elle avait mise en place à la suite du sinistre. Cette prestation, conséquence directe du sinistre, lui a été facturée pour un montant de 20.020 € HT (pièce n° 20).
La société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp n'ont formulé aucune observation au sujet de cette facture difficilement critiquable dès lors que c'est la société Eiffage qui a réalisé et facturé les travaux.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a admis ce poste de préjudice.
3) Le coût de la main d'oeuvre fournie par les salariés de la société RTE
La société RTE expose que ses salariés ont été mobilisés pour procéder aux travaux de remise en état, pour un coût engagé de 54.329 € , que les sociétés intimées ont contesté ce chef de préjudice au motif qu'elle aurait en toute hypothèse payé ses salariés et que de façon surprenante le tribunal a reconnu le bien-fondé de cette argumentation.
Elle fait valoir que si aucun dommage ne s'était produit, elle n'aurait pas eu à mobiliser ses équipes sur le site et les aurait affectées à d'autres missions, que les divers intervenants ont été contraints d'adapter leurs plannings à cette mission urgente, qu'il ne peut être valablement soutenu pour s'opposer à la réparation de ce préjudice que cette équipe serait dédiée à la résolution de ce type d'incidents alors même qu'elle ne reste pas inoccupée en l'absence de sinistres, et que si elle avait externalisé les prestations réalisées, les frais auraient été autrement plus élevés. Elle ajoute que la position des intimées et du premier juge est à rebours d'une solution jurisprudentielle parfaitement établie qui reconnaît en application du principe de réparation intégrale du préjudice le caractère indemnisable du préjudice consistant en la réalisation par des salariés de l'entreprise victime des travaux de réparation.
Les sociétés intimées sollicitent la confirmation de la décision déférée au motif que la société RTE n'apporte aucunement la preuve qu'elle aurait exposé un coût supplémentaire engendré par ce sinistre dès lors qu'elle a fait intervenir des salariés spécialisés pour cette activité dans le cadre de leurs fonctions habituelles.
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Il est de principe que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, et que la réparation intégrale du dommage causé à une chose n'est assurée que par le remboursement des frais de remise en état de la chose, la circonstance que la victime ait procédé à cette remise en état par elle-même ou par son personnel salarié ne saurait diminuer ses droits à une réparation intégrale. En d'autres termes, la mobilisation de salariés pour la réparation de dommages causés à l'entreprise par un tiers constitue un préjudice indemnisable.
La demande de la société RTE est en conséquence fondée en son principe.
Il convient ensuite de rechercher si elle justifie du montant de sa demande.
Elle produit à cet effet :
- la liste des salariés qui ont été mobilisés et un décompte détaillé du nombre d'heures de travail, salarié par salarié, en précisant pour chacun leur identité, l'équipe à laquelle il appartient et le nombre d'heures travaillées (pièce n° 21) ;
- des fiches d'intervention établies par les différents chefs de service concernés qui précisent, salarié par salarié, la date de l'intervention, le nombre d'heures travaillées et les prestations effectuées (pièces n° 31) ;
- la méthode de calcul du coût de la main d'oeuvre faisant ressortir trois taux horaires distincts pour les agents d'exécution (57,70 € ), les techniciens ( 83,60 € ) et les cadres (122,30 € ) (pièce n° 32).
- le décompte détaillé et chiffré des heures prises en compte ( pièce n° 13).
Sans nécessité de recourir à une expertise, le calcul effectué par la société RTE sur le coût des heures de travail effectivement réalisées à la suite du sinistre, basé sur une analyse concrète des documents produits qui ne sont pas utilement critiqués par les sociétés intimées, lesquelles contestent essentiellement le principe de la demande et non son montant, doit être retenu.
Il convient d'infirmer sur ce point le jugement entrepris et de fixer à la somme de 54.329 € ce chef de préjudice.
4) Les frais de déplacement
La somme de 267,90 €, justifiée par une facture et non contestée par les intimées, a été retenue par le premier juge.
5) la facture de la société SPAC : 3967,04 €
La société Spac a émis une facture n° 90003/14/01/0011 relative à l'enroulage et au transport d'un touret de [Localité 20] à [Localité 13], moyennant le prix de 3967,04 € HT (pièce n° 25 de la société RTE).
Cette facture a été émise à la suite de l'exécution de la commande passée par la société RTE qui fait expressément état de 'l'avarie 63 kv [Localité 16]/[Localité 14] [Localité 10]'. Il est également produit la lettre de voiture confirmant le chargement à [Localité 20] et la livraison à [Localité 13].
Il ressort des explications de la société RTE, concernant tant les factures de la société Scales que celle de la société Spac, que cette dernière a mis à disposition de la société RTE, sur le site de stockage national de [Localité 20], une équipe de déroulage, un camion et un porte touret afin d'enrouler sur un touret vide la quantité de câble suffisante pour procéder aux travaux de remise en état. La société Spac a confirmé qu'elle avait assuré le transport jusqu'à [Localité 13] et que c'est ensuite la société Scales qui avait transporté le touret jusqu'au lieu de l'avarie (pièce n° 35 de la société RTE).
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en fixant ce poste de préjudice à la somme de 3967,04 €. La décision entreprise doit être confirmée sur ce point.
6) Les factures de la société Scales : 8289,20 €
La société Scales a émis deux factures (pièces n° 23) :
- une facture n° F1408088 en date du 20 janvier 2014, d'un montant de 3492,04 € HT, se rapportant à la prestation suivante :
'Transport d'un Container 20' de 3T + 1 Touret de 3T (Diam 3,40 m + largeur de 1,70 m)
- Chargement et déchargement avec grue.
Poste 00020 : Transport : 2075,80 €
Poste 00030 : Chargement / Déchargement : 1416,24 € ' ;
La société Scales a joint la lettre de voiture qui confirme la livraison à [Localité 10] ;
- une facture n° 1408136 en date du 29 janvier 2014, d'un montant de 4797,16 € HT se rapportant à la prestation suivante :
'Transport d'un Container 20' de 3T + 1 Touret de 3T (Diam 3,40 m + largeur de 1,70 m)
Ligne 00040 : Forfait de transport d'[Localité 10] vers [Localité 13] : 2075,80 €
Ligne 00050 : Forfait de chargement et déchargement [Localité 10] + [Localité 13] + [Localité 20] : 2124,36 €
Ligne 00060 : Forfait de transport [Localité 13] vers [Localité 20] pour relivraison du touret : 597.00 €'.
Le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme totale de 6984,08 € HT, soit :
- 3492,04 € HT pour la première facture ;
- 3492,04 € HT pour la seconde facture, les sommes de 708,12 € et 597 € étant déduites de la facture de 4797,16 € au motif que les responsables du sinistre n'avaient pas à supporter le coût du chargement et du transport entre [Localité 13] et [Localité 20].
Cette décision doit être infirmée dès lors que les coûts afférents au déchargement/chargement et au transport entre [Localité 13] et [Localité 20] (site de stockage national) correspondent aux prestations effectuées lors du voyage aller par la société Spac, indemnisées ci-dessus.
Le préjudice doit être fixé à la somme de 8289,20 € HT.
7) la facture Carlson Wagonlit : 3168,39 €
La société RTE sollicite le remboursement de ces factures de 10 janvier 2014 pour un montant de 3268,33 € correspondant à la location de véhicules et à des trajets en avion de [Localité 15] et [Localité 19], aller-retour, des équipes devant intervenir sur le sinistre.
Le tribunal a fait droit à cette demande à hauteur de la somme de 2847,52 € correspondant aux factures produites (pièces n° 24 de la société RTE).
Cette décision doit être confirmée, la société RTE ne justifiant pas avoir exposé des frais de transport excédant la somme allouée.
8) Les factures de la société Smartgrid : 11.133,34 € HT
La société Smartgrid Energy, qui intervient pour fournir ponctuellement de l'électricité à la société RTE dans le cadre du Mécanisme d'Ajustement, a émis le 25 janvier 2014 une facture d'un montant de 33.213,34 € HT. Cette dernière explique dans un courrier du 27 mai 2014que cette facture se rapporte à un coût spécifiquement lié au sinistre à hauteur de 5288,34 € HT pour la journée du 5 décembre 2013 et de 5845 € HT pour la journée du 6 décembre 2013 (pièce n° 26 de la société RTE).
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en fixant ce poste de préjudice à la somme de 11.133,34 € HT. La décision entreprise doit être confirmée sur ce point.
9) Les frais d'huissier (coût des procès-verbaux de constat) : 929,47 €
Les sociétés intimées doivent assumer le coût des procès-verbaux de constat que la société RTE a dû faire dresser pour assurer la conservation de ses droits.
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a été alloué à la société Rte une somme de 929,47 € à ce titre.
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La société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp seront en définitive condamnées in solidum à payer à la société RTE la somme totale de 182.190,87 € HT.
( 4912 + 70.000 + 5495,40 + 20.020 + 54.329 + 267 + 3967,04 + 8289,20 + 2847,52 + 11.133,34 + 929,47 ).
En application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, cette indemnité portera intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance.
La décision dont appel doit également être confirmée en ce qu'il a été dit que ces intérêts seront capitalisés conformément à l'article 1154 ancien du code civil , devenu 1343-2 du code civil.
En revanche, il y a lieu d'infirmer la décision dont appel en ce que le tribunal a 'dit qu'aux sommes précitées exprimées hors-taxe s'ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution', la société RTE ne réclamant pas la paiement de la TVA sur les sommes allouées.
A la demande de la Smabtp, il sera précisé que le plafond de garantie de la police d'assurance souscrite par la société Sogecer est fixé à 2 000 000 euros par sinistre pour les dommages matériels, et à 1 000 000 euros par sinistre pour les dommages immatériels, et la franchise dans les deux cas est de 50 franchises statutaires (165 €), soit d'un montant de 8 250 €,
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
La société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp, parties principalement perdantes, doivent supporter in solidum les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel, avec application au profit de Maître Sorel, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elles se trouvent redevables d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.
Elles ne peuvent elles-mêmes prétendre à une indemnité sur ce fondement.
Dans les rapports entre coobligés, la société Sogecer et la Smabtp devront, comme pour le principal, relever et garantir indemne la société Eiffage de ces condamnations.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 3 décembre 2020, sauf en ce qu'il a :
- dit que le préjudice de la société RTE occasionné par le sinistre survenu le 4 décembre 2013 s'élève à la somme de 117.094,31 euros HT ;
- dit que la société RTE garde à sa charge 50 % de cette somme, correspondant à sa part de responsabilité ;
- condamné in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE au titre de la réparation des désordres la somme de 58.547,16 € HT ;
- dit qu'aux sommes précitées exprimées hors taxe, s'ajoutera la TVA au taux en vigueur à la date de l'exécution ;
- dit que la charge finale des dépens et celle de indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le préjudice de la société RTE occasionné par le sinistre survenu le 4 décembre 2013 s'élève à la somme de 182.190,87 € HT.
Condamne in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE la somme de 182.190,87 € HT au titre de la réparation des dommages.
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du jugement de première instance.
Dit que le plafond de garantie de la police d'assurance souscrite par la société Sogecer est fixé à 2 000 000 euros par sinistre pour les dommages matériels, et à 1 000 000 euros par sinistre pour les dommages immatériels, et la franchise dans les deux cas est de 50 franchises statutaires (165 €), soit d'un montant de 8 250 €,
Condamne in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp aux dépens d'appel.
Condamne in solidum la société Eiffage, la société Sogecer et la Smabtp à payer à la société RTE la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée par le tribunal au titre de la procédure de première instance.
Rejette toutes autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Accorde à Maître Sorel, avocat, le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
N. DIABY C. ROUGER