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13/01/2023 | FRANCE | N°20/01436

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4ème chambre section 3, 13 janvier 2023, 20/01436


13/01/2023



ARRÊT N° 06/2023



N° RG 20/01436 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NS3F

MS/KS



Décision déférée du 12 Mai 2020



Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Toulouse



(18/11125)



Carole MAUDUIT























[T] [V]





C/



S.A.S. [11]



Société [9]



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE

























































FAIT DROIT À UNE PARTIE DES DEMANDES AVEC EXECUTION PROVISOIRE













REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS...

13/01/2023

ARRÊT N° 06/2023

N° RG 20/01436 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NS3F

MS/KS

Décision déférée du 12 Mai 2020

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Toulouse

(18/11125)

Carole MAUDUIT

[T] [V]

C/

S.A.S. [11]

Société [9]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE

FAIT DROIT À UNE PARTIE DES DEMANDES AVEC EXECUTION PROVISOIRE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [T] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Véronique L'HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Margot GARCIA GRASSINI, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉES

S.A.S. [11]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Benoît TRANIER-LAGARRIGUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Société [9]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Nadia ZANIER de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Benoît TRANIER-LAGARRIGUE, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM HAUTE GARONNE

SERVICE CONTENTIEUX

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Mme [W] [R] (Membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant Mme M. SEVILLA, conseillère chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente

M. SEVILLA, conseillère

MP.BAGNERIS, conseillère

Greffier, lors des débats : K. BELGACEM

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.

Mme [T] [V], salariée de la société [11] en qualité de technico-commerciale, a été victime, le 30 septembre 2016, d'un accident du travail : alors qu'elle assurait une permanence à l'occasion d'un séminaire organisé par son employeur au sein du club [8] à [Localité 10], salle dans laquelle sont entreposés les équipements et consommables de laboratoire pour le séminaire et alors qu'une personne dévissait le manodétendeur d'une bouteille de gaz, une explosion a retenti. Suite à cet accident, Mme [V] a souffert d'une perte d'audition, d'acouphènes et de vertiges.

Après enquête, cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre de la législation professionnelle suivant décision du 26 décembre 2016.

La date de consolidation des lésions de l'assurée a été fixée par la caisse primaire d'assurance maladie à la date du 28 février 2020.

Son taux d'incapacité a été fixé à 8%.

Après échec de la procédure de conciliation, Mme [T] [V] a saisi le 12 janvier 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du travail survenu le 30 septembre 2016.

Par jugement en date du 12 mai 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse-pôle social a:

* déclaré le recours de Mme [T] [V] recevable mais mal fondé,

* rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société [11],

* débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

* déclaré le jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne,

* dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [V] aux entiers dépens.

Mme [T] [V] a régulièrement relevé appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par arrêt du 17 février 2022, la cour d'appel de Toulouse a infirmé le jugement, dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [T] [V] est dû à la faute inexcusable de son employeur , fixé à son maximum la majoration de la rente et ordonné une expertise médicale confiée au docteur [C].

L'expert a déposé son rapport le 22 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions, reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, Mme [T] [V] sollicite de:

-fixer le montant de l'indemnité en capital majoré à 3.549,72 euros

-fixer ses préjudices comme suit:

-2.000 euros au titre des souffrances endurées

-3.426,70 euros au titre déficit fonctionnel temporaire

-5.000 euros au titre du préjudice d'agrément

-5.000 euros au titre de la perte des possibilités de promotion professionnelle.

-condamner la SAS [11] à lui verser la somme

de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-Déclarer l'arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie

-juger que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance de l'intégralité des sommes

Le jour de l'audience, elle a renoncé à la demande écrite au titre du déficit fonctionnel permanent.

Au soutien de ses demandes, elle allègue que la caisse primaire d'assurance maladie a fixé la date de consolidation au 28 février 2020 alors que l'expert l'a arrêté au 6 mars 2018, et n'a donc pas retenu de déficit fonctionnel temporaire pour la période comprise entre le 6 mars 2018 et

le 28 février 2020. Elle sollicite la prise en compte pour cette période d'un déficit de classe 1 de 10% en retenant un forfait journalier de 25 euros.

Elle ajoute que son préjudice d'agrément doit être indemnisé, qu'elle ne peut plus mener d'activité de loisirs ni se rendre au cinéma ou dans un concert. Enfin elle affirme qu'elle subit une perte de chance promotionnelle en raison d'une contre-indication relative aux voyages par avion.

***********************

Dans ses dernières écritures reprises oralement et auxquelles il convient de renvoyer pour complet exposé, l'employeur demande de rejeter les demandes au titre du préjudice d'agrément, de la perte de promotion professionnelle et de fixer le déficit fonctionnel temporaire à 1.251,30 euros, outre 2.000 euros au titre des souffrances endurées.

Il sollicite de préciser que la majoration énoncée dans l'arrêt doit porter sur le capital de 3.549,72 euros perçu par Mme [T] [V] et non sur une rente comme mentionné dans la décision.

Au soutien de ses prétentions il relève que l'expert a rendu un rapport de droit commun et a fixé une consolidation différente de celle de la caisse, considérant qu'à compter du 6 mars 2018, les acouphènes ont été stabilisés.

Concernant le préjudice d'agrément, il affirme que la salariée n'établit pas de préjudice spécifique non réparé par le capital accident du travail. Enfin concernant le préjudice professionnel, il considère qu'elle ne remplit pas les conditions puisqu'elle n'a jamais demandé un poste spécialiste produit et que ce profil de poste implique une très faible rotation aérienne, qu'enfin elle n'a pas de véritable contre indication à prendre l'avion.

************************

Dans ses dernières écritures, reprises oralement et auxquelles il sera renvoyé pour complet exposé, la caisse primaire d'assurance maladie sollicite de ramener à de plus justes proportions, la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire , de rejeter la demande de préjudice de promotion professionnelle et de déduire de l'indemnisation à venir, la provision de 3.000 euros déjà perçue. Elle sollicite la condamnation de l'employeur à lui rembourser les sommes allouées à Mme [T]

[V] , la majoration de la rente et le montant des frais d'expertise.

Les débats se sont déroulés à l'audience du 17 novembre 2022. La décision a été mise en délibéré au 13 janvier 2022.

Motifs:

Sur la date de consolidation:

La date retenue par la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas fait l'objet de contestation et est la seule qui doit être prise en compte pour déterminer l'indemnisation des préjudices de Mme [T] [V] à l'exclusion de celle fixée de manière erronée par l'expert judiciaire.

Sur le déficit fonctionnel temporaire:

Ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à la date de la consolidation dans sa sphère personnelle.

Ce poste permet ainsi d'indemniser les périodes d'hospitalisation et surtout « la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante ». Ces pertes prennent de multiples formes : incapacité fonctionnelle en tant que telle qui peut se traduire par des durées d'alitement plus ou moins longues sans possibilité de se déplacer, séparation de la victime de son environnement familial et amical non seulement à l'hôpital mais aussi dans le centre de rééducation, privation temporaire des activités quotidiennes, culturelle, sportives, ludiques et/ou spécifiques en tous genres, préjudice sexuel.

Il s'agit d'indemniser les gênes de tous ordres subies par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à la consolidation.

Ce déficit fonctionnel temporaire est classé par les médecins-experts en «'classes'» pour tenir compte de l'évolution de l'incapacité tout au long de la maladie traumatique.

En l'espèce, l'expert a fait cesser le déficit fonctionnel de Mme [T] [V] à la date qu'il a considéré comme étant celle de la consolidation, deux ans plus tôt que celle retenue par la caisse.

La SAS [11] considère que la période comprise entre la consolidation de l'expert et de la caisse n'ouvre pas droit à indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Toutefois, l'indemnisation des préjudices par périodes antérieures ou postérieures à la consolidation répond à l'impératif de réparation intégrale du préjudice.

Dès lors, pour répondre à ce principe, la période comprise entre les deux dates se doit être indemnisée au titre du déficit temporaire.

La cour n'est pas tenue pas les conclusions d'expertise et en l'espèce, il conviendra de retenir un déficit de classe 1 entre la date de consolidation retenue par l'expert et celle retenue par la caisse, au titre des gênes légères liées à l'évolution des séquelles de Mme [T] [V].

Le déficit fonctionnel de Mme [T] [V] sera donc indemnisé en retenant:

-un déficit de 25% du 30 septembre 2016 au 23 octobre 2016(23 jours)

-un déficit de 10% jusqu'à la date de consolidation retenue par la caisse soit le 28 février 2020(1223 jours).

En retenant une indemnisation à hauteur de 25 euros par jour pour un déficit total, il convient d'accueillir la demande de Mme [T] [V] à hauteur de,

144 euros pour la période du 30 septembre eu 23 octobre 2016

3.057 euros pour la période du 23 octobre 2016 au 28 février 2020

soit au total 3.201,50 euros.

Les souffrances endurées:

Il s'agit d'indemniser les souffrances physiques et psychiques endurées par la victime.

En l'espèce, l'expert les a évalué à 1,5 sur 7 en retenant des céphalées et un terrain migraineux.

Les parties se sont accordés pour voir indemniser ce préjudice par la somme de 2.000 euros qui est satisfactoire et sera allouée à ce titre.

Sur le préjudice d'agrément:

Le préjudice d'agrément vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

En l'espèce, la SAS [11] affirme qu'il appartient à Mme [T] [V] d'établir qu'elle pratiquait des activités spécifiques avant l'accident et son impossibilité postérieure à la consolidation.

L'expert a mentionné dans son rapport que: 'le préjudice d'agrément peut également être décrit. Elle ne va plus dans les concerts ni les parcs d'attraction, ni dans les discothèques du fait du bruit et de la foule. Au cinéma , elle dit porter des bouchons antibruit et elle sort souvent avant la fin du film(elle y allait une fois par semaine). Lorsqu'elle sort avec des amis (par exemple dans un bar), elle doit systématiquement porter des bouchons anti-bruits. (...)Elle a repris ses activités sportives, sauf la danse.'

Toutefois, l'avis médical sur l'impossibilité pour la victime de pratiquer ces activités ne dispense pas celle-ci d'apporter la preuve de cette pratique antérieure à l'accident.

Or Mme [V] ne produit aucune attestation quant à sa pratique d'activités de loisirs antérieures.

De surcroît, les trois témoins qui ont indiqué la gêne de Mme [T] [V] dans un environnement bruyant relatent des faits antérieurs à la consolidation qui ne permettent pas de démontrer l'impossibilité de poursuivre ses activités après le 28 février 2020.

Mme [T] [V] ne rapporte donc pas suffisamment la preuve de sa fréquentation avant l'accident des lieux de concerts, restauration et cinéma, ainsi que la gêne dans la poursuive de ces activités spécifiques après

le 28 février 2020.

Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la perte de chance promotionnelle:

Il appartient à la Mme [V] d'établir la réalité d'une perte de chance promotionnelle en lien avec les séquelles de l'accident.

Mme [T] [V] indique qu'elle est ingénieur technico commercial et intervient sur un secteur regroupant une dizaine de départements. Elle affirme qu'avant l'accident elle envisageait une évolution sur un poste de spécialiste produit impliquant un périmètre de prospection plus large et des trajets aériens hebdomadaires.

Elle produit une fiche d'évaluation de 2015 sur laquelle elle a indiqué à la rubriques objectifs professionnels à long terme la mention 'poste de spécialiste produit visé'.

La SAS [11] conteste l'allégation selon laquelle les spécialistes produits effectuent des trajets hebdomadaires en avion et confirment des trajets 7 fois par an en moyenne.

Elle souligne que la salariée n'a pas d'avis défavorable du médecin du travail aux voyages aériens.

L'expert judiciaire n'a pas retenu non plus de contre indication aux voyages en avion mais a relevé une plainte de Mme [T] [V] concernant l'accentuation des acouphènes suite aux voyages aériens.

Mme [T] [V] verse aux débats un certificat médical du docteur [S] qui a indiqué le 22 novembre 2019, qu'il convenait qu'elle évite les voyages en avion. Ce certificat est toutefois antérieur à la consolidation et ne saurait établir une contre indication postérieure au 28 février 2020.

Par conséquent, il convient de considérer qu'il n'est pas établi que les séquelles auditives de Mme [T] [V] la prive d'une chance de promotion professionnelle en limitant sa capacité de déplacement aérien. Mme [V] sera donc déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes:

Les parties s'accordent pour voir préciser dans le dispositif que la majoration ne portera pas sur une rente mais sur un capital de 3.549,72 euros.

Succombant à l'instance, la SAS [11] sera condamné aux entiers dépens et au paiement de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs:

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dit que la majoration de l'indemnité en capital portera sur la somme de 3.549,72 euros,

Fixe les préjudices de Mme [T] [V] comme suit:

-2.000 euros au titre des souffrances endurées

- 3.201,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

Condamne la SAS [11] aux entiers dépens et à payer à Mme [T] [V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Garonne fera l'avance de l'intégralité des sommes dans les conditions e L452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, sous déduction de la provision de 3.000 euros et en récupérera le montant auprès de l'employeur ou son substitué,

Rejette les autres demandes

Le présent arrêt a été signé par N.ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par K. BELGACEM, greffier de chambre.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

K. BELGACEM N.ASSELAIN

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre section 3
Numéro d'arrêt : 20/01436
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;20.01436 ?
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