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13/12/2022 | FRANCE | N°21/04564

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 décembre 2022, 21/04564


13/12/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/04564

N° Portalis DBVI-V-B7F-OO5P

CR / RC



Décision déférée du 07 Octobre 2021

Président du TJ de TOULOUSE - 21/00621



















S.A.S. BAYER HEALTHCARE





C/



[Y] [J] [R]

[S] [K]

[X] [P]

LE MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES

[B] [G]

AGENT NATIONAL DE SECURITE DU MEDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTE (ANSM)

CPAM 95 VAL D'OISE CERGY


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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MI...

13/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/04564

N° Portalis DBVI-V-B7F-OO5P

CR / RC

Décision déférée du 07 Octobre 2021

Président du TJ de TOULOUSE - 21/00621

S.A.S. BAYER HEALTHCARE

C/

[Y] [J] [R]

[S] [K]

[X] [P]

LE MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES

[B] [G]

AGENT NATIONAL DE SECURITE DU MEDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTE (ANSM)

CPAM 95 VAL D'OISE CERGY

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTES

S.A.S. BAYER HEALTHCARE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [Y] [J] [R]

[Adresse 17]

[Localité 1]

Représentée par Me Sophie DRUGEON, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [S] [K]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Romain SINTES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [X] [P]

[Adresse 7]

[Localité 14]

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

LE MINISTRE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES

[Adresse 2]

[Localité 11]

Sans avocat constitué

Monsieur [B] [B] [G]

[Adresse 9]

[Localité 15]

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

AGENT NATIONAL DE SECURITE DU MEDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTE (ANSM)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 12]

Sans avocat constitué

CPAM 95 VAL D'OISE CERGY

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 13]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

J.C. GARRIGUES, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- REPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

******

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

Par actes des 24, 29 et 31 mars, 1, 2 et 6 avril 2021, Mme [S] [K] a fait assigner la Caisse primaire d'assurance maladie 95 Val d'Oise Cergy, la Sas Bayer Healthcare, la Sasu Bayer ayant son siège à [Localité 16], M. [B] [G], médecin généraliste du Centre Hospitalier [H] [D]; M. [X] [P], médecin gynécologue-obstétricien du Centre Hospitalier [H] [D], Mme [Y] [J] [R], médecin gynécologue à l'lnstitut Catalan de la Santé de la Province de Barcelone, la Sarlu Pharmacie du Moutier, société à responsabilité limitée unipersonnelle, l'Agence nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de santé (Ansm) et M. Le Ministre de la Santé et des Solidarités devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de désignation d'un expert à l'effet de rechercher la cause et l'origine d'un méningiome ayant entraîné un grossissement osseux et un oedème hémisphérique qui a nécessité deux opérations et qui serait apparu alors qu'elle était traitée par Androcur® de 1997 à 2014, que la notice de ce médicament avait été modifiée à la marge en 2011 sans que l'attention du malade qui le prenait de manière habituelle ait pu être attirée sur le possible lien entre la prise d'acétate de cyprotérone et l'apparition de méningiomes évoqué à titre d'effet secondaire depuis 2008.

Mme [S] [K] réclamait la désignation d'un expert unique pouvant se faire assister de tout sapiteur de son choix, exposant ne pas pouvoir financer un collège d'experts.

Elle précisait que la présence du docteur [G] qui avait été son médecin généraliste de 1997 à 2005 était légitime dans le cadre de l'expertise pour répondre aux interrogations de l'expert puisqu'il avait connaissance de son dossier médical et qu'iI avait une obligation de conseil et de suivi.

Elle soutenait que l'opération de la boîte crânienne qu'elle avait dû subir du fait de développement de méningiomes lui avait causé un nombre important de préjudices et, essentiellement, que le dommage allégué aurait pu être évité et qu'il convenait de l'évaluer.

Dans le cadre de cette instance en référé Mme [K] s'est désistée à l'égard de la Sasu Bayer ayant son siège à [Localité 16] ainsi qu'à l'égard de la Pharmacie du Moutier, désistement constaté par ordonnance du 7 juillet 2021.

Par ordonnance réputée contradictoire du 7 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulouse a fait droit à la demande d'expertise formulée par Mme [S] [K] désignant un spécialiste en neurochirurgie pouvant s'adjoindre tout sapiteur qu'il jugera utile dans une spécialité distincte de la sienne., laissant les dépens à la charge de Mme [S] [K] et réservant les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi le premier juge a estimé qu'il y avait un débat sur le point de départ de la prescription de l'action invoquée par le producteur du médicament que le juge des référés n'avait pas compétence pour trancher, et qu'au regard des documents médicaux produits, notamment l'étude du professeur [I] de 2008, celle de l'assurance maladie, et celle de l'agence nationale du médicament, Mme [K] justifiait bien d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile pour faire établir avant tout procès la preuve des faits pouvant être utiles à la solution du litige, laquelle nécessitait l'avis d'un technicien. Il a retenu que la mesure d'instruction se justifiait également à l'égard de chacun des médecins appelés en la cause tant en gynécologie, ayant pu prescrire de l'Androcur® et suivre Mme [K], que s'agissant du médecin généraliste référent ayant suivi la patiente depuis de nombreuses années. Il a retenu que la désignation d'un collège d'expert ne s'imposait pas, le médecin expert spécialisé en neurochirurgie ayant toute latitude pour s'adjoindre tout sapiteur qu'il jugera utile notamment en pharmacologie ou en gynécologie.

Par déclaration en date du 12 novembre 2021, la Sas Bayer Healthcare a relevé appel de cette décision en ce que le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise, intimant l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (Ansm), Mme [Y] [J] [R], Mme [K], la Cpam 95, M.[X] [P], M. le Ministre de la Santé et des Solidarités et M.[B] [G].

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 février 2022, la Sas Bayer Healthcare, appelante, demande à la cour, au visa des articles 145 et 517 du code de procédure civile et les articles 1245-1 et suivants code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise sollicitée par Madame [K] ;

Statuant à nouveau,

- à titre principal, déclarer irrecevable la demande d'expertise formulée par Mme [K] du fait de l'extinction de son action à son encontre, en application de l'article 1245-15 du code civil ;

- à titre subsidiaire, déclarer irrecevable la demande d'expertise formulée par Mme [K] du fait de la prescription de son action à son encontre en application de l'article 1245-16 du code civil ;

- à titre très subsidiaire, rejeter toutes les demandes, fins et prétentions formulées par Mme [K] à son encontre compte-tenu de l'absence de motif légitime de Madame [K] à solliciter une expertise judiciaire ;

- à titre infiniment subsidiaire, confirmer l'ordonnance de référé rendue par Madame le Président du tribunal judiciaire de Toulouse du 7 octobre 2021 quant à la mission d'expertise

ordonnée aux frais avancés exclusivement de Mme [K] ;

- en tout état de cause, rejeter la demande de Mme [K] tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- et débouter Mme [K] de toute demande dirigée à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mars 2022, M.[X] [P] et M.[B] [G], intimés, appelants incidents demandent à la cour :

s'agissant du docteur [X] [P] de :

- constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre ;

- confirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise au contradictoire de la société Bayer Healthcare, des Docteurs [J] [R], [P] et [G], de l'Ansm, de la Cpam du Val d'Oise ainsi que du Ministre de la Santé et des Solidarités ;

- constater que la désignation d'un collège d'experts comprenant notamment un médecin gynécologue apparaît particulièrement utile à la réalisation de la mission d'expertise confiée

par le tribunal judiciaire de Toulouse à l'expert ;

- infirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a confié la mesure d'expertise exclusivement à un expert neurochirurgien ;

Et statuant à nouveau de ce chef en y ajoutant :

- commette un expert spécialisé en gynécologie, en complément d'un expert neurochirurgien.

S'agissant du docteur [B] [G] de :

A titre principal :

- constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre ;

- constater qu'il n'a à aucun moment de la prise en charge de Mme [K], prescrit ou renouvelé le traitement Androcur®, et qu'elle ne justifie en conséquence d'aucun motif légitime à ce que la mesure d'expertise sollicitée soit ordonnée à son contradictoire ;

- infirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise au contradictoire du Docteur [G] ;

Et statuant à nouveau :

- rejeter la demande d'expertise formulée par Mme [K] à son encontre compte-tenu de l'absence de motif légitime à solliciter une mesure d'expertise à son contradictoire,

A titre subsidiaire :

- confirmer l'ordonnance de référé dont appel en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise au contradictoire de la société Bayer Healthcare, des Docteurs [J] [R], [P] et [G], de l'Ansm, de la Cpam du Val d'Oise ainsi que du Ministre de la Santé et des Solidarités.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 janvier 2022, Docteur [J] [R] [Y], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1245-15 et 1245-16 du code civil, et l'article 145 du code de procédure civile de :

- 'dire et juger' que l'action n'est pas éteinte,

- 'dire et juger' que l'action n'est pas prescrite,

- 'dire et juger' que Mme [K] dispose d'un motif légitime pour solliciter l'expertise,

- confirmer l'ordonnance dont appel dans toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 janvier 2022, Mme [K] [S], intimée, demande à la cour, au visa des articles 145 et suivants du code de procédure civile et l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- confirmer l'ordonnance dont appel dans l'ensemble de ses dispositions,

- rejeter toute demande contraire,

- condamner la société Bayer Healthcare en raison du caractère abusif de son appel à lui payer le montant de 5.000 euros,

- condamner en conséquence la société Bayer à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile car la présente procédure et les frais engagés par l'intimée auraient dû être évités,

- réserver les dépens.

Le Ministre de la santé et des solidarités, l'Ansm et la Cpam du Val d'Oise auxquels la déclaration d'appel avec invitation à comparaître devant la cour a été signifiée à personne habilitée par actes d'huissiers des 25 et 26/11/2021 ainsi que les conclusions échangées signifiées n'ont pas constitué avocat. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR :

Selon les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'article 145 susvisé n'exige pas que le demandeur établisse le bien fondé de l'action en vue de laquelle la mesure d'instruction est sollicitée. Par ailleurs, seule une action manifestement irrecevable peut être de nature à caractériser l'absence d'un motif légitime à solliciter une mesure d'instruction sur le fondement du texte susvisé.

En l'espèce, il résulte des pièces produites au débat que Mme [K] s'est vue prescrire le médicament Androcur® à 50 mg à compter de l'année 1997 alors qu'elle était âgée de 14 ans, en raison d'une dystrophie polykystique de l'ovaire, de pilosité, et d'acné, par des gynécologues-obstétriciens, dont le docteur [P] entre 2000 à 2008, de même qu'en Espagne où elle résidait de 2010 à 2014, la dernière prescription justifiée remontant à mars 2013. Après réalisation d'un scanner le 30 septembre 2013 a été diagnostiquée une tumeur intra-crânienne dans la fosse de la tempe gauche, évoquant un méningiome. Il a été procédé à une biopsie puis à l'exérèse de la tumeur avec crânioplasie le 1er avril 2014, en Espagne. Un scanner cérébral du 4 juin 2015 a montré une ample résection du plus grand méningiome temporel gauche et la persistance de deux méningiomes en plaque temporels occipitaux gauche et frontal droit, sans modification par rapport à l'examen réalisé en 2013. Le scanner cérébral du 16 juin 2016 a montré une stabilité de méningiomatose.

Mme [K] se plaint notamment de séquelles physiques au niveau du visage (asymétrie, léger strabisme), d'une gêne visuelle et d'une modification de sensation au niveau du cuir chevelu.

Le docteur [B] [G], médecin généraliste, même s'il conteste toute prescription d'Androcur®, a quant à lui suivi régulièrement Mme [K] entre 1997 et 2005.

La discussion élevée par la société Bayer Healthcare sur le fondement et la recevabilité consécutive de l'action qui pourrait être engagée au fond par Mme [K], à savoir un manquement du fabricant à son obligation de pharmacovigilance et une insuffisance d'information dans les documents réglementaires de la spécialité pharmaceutique Androcur®, pouvant relever d'un régime de responsabilité pour faute, ou exclusivement le régime de la responsabilité des produits défectueux dont le producteur soutient la prescription en application des articles 1245-15 et 1245-16 du code civil, relève quant à elle de contestations sérieuses au fond sur le régime juridique applicable, la prescription qui en résulte, et le point de départ de cette dernière, toutes contestations dont l'appréciation ne relève pas des pouvoirs du juge des référés.

Il est non discuté en l'espèce que dès mai 2008 l'étude du Professeur [I] a signalé que les patientes ayant présenté des méningiomes multiples avaient toutes été traitées avec de l'acétate de cyprotérone (50mg/j) pour diverses indications pendant une période allant de 10 à 20 ans, mettant ainsi en évidence une association possible entre la prise d'acétate de cyprotérone et le développement de méningiomes, l'acétate de cyprotérone étant le principe actif de la spécialité pharmaceutique Androcur®, produite et exploitée par Bayer HealthCare selon autorisation de mise sur le marché du 8 avril 1980 ainsi qu'elle le précise. Le groupe de travail européen de pharmacovigilance (European Pharmacovigilance Working Party) auprès de l'Agence Européenne du Médicament (European Medical Agency) a formulé une recommandation le 31 août 2009 concernant l'acétate de cyprotérone et les méningiomes, imposant pour les spécialités contenant 10 mg d'acétate de cyprotérone ou plus une information sur le risque possible de méningiome conjointement avec une contre-indication chez les patients atteints de méningiomes ou ayant des antécédents de méningiomes. Il est établi qu'en décembre 2008 Bayer HealthCare a adressé à l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament une demande de modification des documents réglementaires de la spécialité pharmaceutique Androcur® portant sur les effets indésirables afin que soit mentionné que des cas de méningiomes cérébraux bénins avaient été rapportés en cas d'utilisation prolongée (plusieurs années) d'Androcur® à doses de 25 mg et plus, puis qu'une nouvelle demande de mise à jour a été adressée le 1er septembre 2009 alertant sur la révélation de cas de méningiomes multiples en cas d'utilisation prolongée sur plusieurs années du produit pharmaceutique à des doses de 25mg/j ou plus et sur la nécessité d'arrêter le traitement si un méningiome était diagnostiqué chez un patient traité par Androcur®, demandes de modifications qui ont été finalement approuvées par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament le 25 janvier 2011.

L'étude de cohorte publiée par la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie en mars 2019 confirme que depuis 2007 plusieurs séries de cas de méningiomes ont été rapportées dans la littérature scientifique lors d'exposition pendant plusieurs années à de fortes doses d'acétate de cyprotérone (25 à 100mg par jour), relevant, malgré l'absence de données épidémiologiques robustes et d'estimations du risque encouru, une plausibilité biologique avec la présence connue de récepteurs hormonaux sur les méningiomes, un risque de méningiome fortement lié à l'âge lors de l'instauration du traitement, augmenté par les prescriptions simultanées d'estrogène ainsi que par le cumul de dose dans la durée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, Mme [K] justifie d'un intérêt légitime à solliciter une mesure d'expertise judiciaire avant tout procès au contradictoire de toutes les parties en cause, y compris le docteur [G], médecin traitant qui l'a suivie depuis de nombreuses années, telle qu'elle a été ordonnée par le premier juge, aux fins, notamment de déterminer si sa pathologie est ou non imputable au traitement à l'Androcur® qui lui a été administré pendant de nombreuses années, si ce traitement était ou non adapté à son état, ses antécédents familiaux, et aux autres traitements médicamenteux qui ont pu lui être administrés, si l'information sur le traitement lui a été délivrée de manière complète, précise et circonstanciée notamment sur les effets indésirables, et si elle a perdu ou non une chance d'éviter les complications dont elle a été atteinte ainsi que de déterminer les conséquences préjudiciables de ces dernières .

La désignation d'un collège d'experts ne s'impose pas dès lors que le médecin spécialiste en neurologie chargé de la mission au regard des méningiomes développés par Mme [K] est habilité à recourir pour l'accomplissement de sa mission à tout sapiteur de son choix dans une spécialité distincte de la sienne en cas de besoin.

La décision entreprise doit en conséquence être confirmée en toutes ses dispositions.

L'exercice d'une voie de recours, même jugée mal fondée, ne peut justifier des dommages et intérêts qu'en cas d'abus de droit, non caractérisé en l'espèce, la mauvaise foi ou la malice dans le cadre de la présente procédure d'appel ne pouvant se déduire de décisions de justice étrangères à la présente instance, ni d'un rejet non motivé de pourvoi dans une autre instance au motif que le moyen de cassation invoqué tiré des périmètres respectifs d'intervention de la Sas Bayer dont de siège est à [Localité 16] et de la Sas Bayer HealthCare n'était manifestement pas de nature à entraîner la cassation. En conséquence, Mme [S] [K] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif formée à l'encontre de la Sas Bayer HealthCare.

Succombant en ses prétentions la Sas Bayer HealthCare supportera les dépens d'appel. Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Déboute Mme [S] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif

Condamne la Sas Bayer HealthCare à payer à Mme [S] [K] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Déboute la Sas Bayer HealthCare de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04564
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.04564 ?
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