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13/12/2022 | FRANCE | N°21/04515

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 décembre 2022, 21/04515


13/12/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/04515 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OOY3

MD/NB



Décision déférée du 14 Octobre 2021 - Président du TJ de TOULOUSE ( 20/04855)

(Mme. [V])

















[G] [J]





C/



S.A.S. IFB FRANCE

























































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOUL...

13/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/04515 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OOY3

MD/NB

Décision déférée du 14 Octobre 2021 - Président du TJ de TOULOUSE ( 20/04855)

(Mme. [V])

[G] [J]

C/

S.A.S. IFB FRANCE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Nicolas DALMAYRAC de la SCP CAMILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. IFB FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Edelis, anciennement Akerys Promotion, a entrepris la réalisation d'un ensemble immobilier situé à [Localité 5] (17). Cet ensemble a été commercialisé par la société Ifb France, vendu en l'état futur d'achèvement et soumis au régime de défiscalisation du dispositif de la loi de Robien.

Suivant contrat préliminaire de réservation du 12 juillet 2005, réitéré par acte authentique de vente signé le 6 février 2006, M. [G] [J] a acquis un appartement situé au sein de cet ensemble immobilier (lot n°89), ainsi que deux places de parking (lots n°167 et 168), pour un prix de 157 700 euros. Cette acquisition a été financée par un prêt d'un montant de 157 700 euros souscrit auprès de la société générale.

La livraison est intervenue le 7 octobre 2006 et un premier contrat de bail a pris effet le 1er juin 2007.

Le 26 mai 2015, ces biens ont été estimés par une agence immobilière à une valeur globale compris entre 70 000 et 80 000 euros.

Le bien a finalement été vendu 76 500 euros le 20 septembre 2018.

Par acte d'huissier du 27 novembre 2020, M. [J] a fait assigner la Sas Ifb France devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d'indemnisation.

La Sas Ifb France a notifié des conclusions d'incident le 9 mars 2021, demandant au juge de la mise en état de dire que l'action de M. [J] se heurtait à la prescription quinquennale et qu'elle était par conséquent irrecevable.

Par ordonnance du 14 octobre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré prescrite l'action introduite par M. [J] à l'encontre de la société Ifb France suivant exploit en date du 27 novembre 2020,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux entiers dépens de l'instance et autorisé Me [F] [Z] à recouvrer directement contre M. [J] ceux des dépens dont il a eu à faire l'avance sans avoir reçu provision,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

***

Par déclaration du 9 novembre 2021, M. [J] a relevé appel de cette ordonnance, en ce qu'elle a :

- déclaré prescrite l'action introduite par M. [J] à l'encontre de la société Ifb France suivant exploit en date du 27 novembre 2020,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux entiers dépens de l'instance et autorisé Me [F] [Z] à recouvrer directement contre M. [J] ceux des dépens dont il a eu à faire l'avance sans avoir reçu provision,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 11 mars 2022,

M. [G] [J], appelant, demande à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil et 700 du code de procédure civile de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :

* a déclaré prescrite l'action qu'il a introduite à l'encontre de la société Ifb,

* l'a condamné aux entiers dépens,

Et suivant, statuant à nouveau :

- « dire et juger » que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil consistant en la perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, se manifeste dès la réalisation du risque, à moins que la victime dudit manquement ne démontre qu'elle pouvait à cette date légitimement l'ignorer,

- « dire et juger » qu'en l'espèce le dommage qu'il a invoqué au titre de l'opération financière

litigieuse (perte de chance d'éviter le risque qui s'est réalisé que la valeur du bien au terme de l'engagement de location ne permette pas, d'une part de réaliser un capital supérieur à l'effort d'épargne fourni et donc d'avoir exposé en vain un important effort d'épargne, d'autre part de rembourser le solde de l'emprunt souscrit auprès de l'établissement ayant financé l'opération litigieuse) ne peut se réaliser de manière certaine que postérieurement au terme de l'engagement de location et être connu avant le terme de l'opération,

- « dire et juger » qu'eu égard à la date du terme de l'engagement de location (fixée au 2 juin

2016 compte tenu de la date d'effet du premier bail), son action, introduite par exploit d'huissier du 27 novembre 2020, est recevable et ne se heurte à aucune prescription,

- condamner la société Ifb aux entiers dépens de l'instance.

Les moyens soutenus par l'appelant à l'appui de ses prétentions sont repris dans les termes du dispositif de ses conclusions qui viennent d'être énoncés.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 septembre 2022, la Sas Ifb France, intimée, demande à la cour, au visa au visa de l'article 122 et suivants du code de procédure civile, 1116 et 1382 (anciens), 1240 et 2224 du code civil de confirmer en tous points, l'ordonnance dont appel et par conséquent :

- juger que l'action de M. [J] se heurte à la prescription quinquennale,

- juger par conséquent, M. [J] irrecevable en son action,

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Mathieu Spinazze, Avocat sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses prétentions, la société considère à titre principal que le point de départ de l'action introduite par M. [J] à son encontre est au jour de la conclusion du contrat de vente, soit le 6 février 2006, de sorte que son action est prescrite depuis le 19 juin 2013.

Subsidiairement, elle fait observer que l'acquéreur d'un bien immobilier a un devoir de curiosité l'obligeant à effectuer les vérifications élémentaires accessibles à tout futur acquéreur et que l'estimation du bien immobilier réalisée plusieurs années après la signature du contrat de réservation ne saurait constituer le point de départ du délai de prescription. Encore, elle explique que la moins-value réalisée résulte de l'évolution des prix du marché depuis l'acquisition de l'immeuble.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 27 septembre 2022.

MOTIVATION :

Sur la prescription de l'action :

Aux termes de l'article 2262, du code civil dans sa rédaction applicable au 6 février 2006, « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. »

La loi n°2008-562 du 17 juin 2008 a ramené ce délai de prescription à cinq ans par l'article 2224 du code civil qui prévoit désormais que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Le conflit de lois dans le temps est réglé par l'article 26 de la loi précitée qui prévoit que « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé, se manifeste dès la conclusion du contrat envisagé, à moins que l'investisseur démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage.

En l'espèce, M. [J] impute à la société Ifb un manquement à ses obligations d'information et de conseil lors de l'achat de l'immeuble, ce manquement lui ayant fait perdre la chance d'éviter le risque de réaliser une moins-value lors de la revente du bien.

Il sera rappelé que la réalisation d'une moins-value dépend de la différence entre le prix d'achat du bien et sa valeur lors de sa revente, de sorte que le prix de revente de l'appartement ne peut seul être pris en compte pour apprécier le préjudice dont M. [J] se prévaut.

3. S'agissant du prix d'achat de l'appartement, s'il ne peut être imposé à M. [J] de procéder à des investigations pour pallier l'absence d'information du vendeur, le devoir de vigilance oblige l'acquéreur à faire preuve d'une certaine curiosité au moment de la vente. Ainsi, doit-il effectuer la vérification élémentaire de se renseigner sur le prix moyen au mètre carré à la vente, dans le secteur du bien litigieux. Cette simple démarche, facilement réalisable, permet à l'investisseur, gérant de société n'ayant fait l'objet d'aucun démarchage et sans qu'il soit allégué des pratiques commerciales agressives, de disposer des éléments tendant à conforter ou à contredire les informations communiquées lors de la signature du contrat de réservation.

Cette vérification basique accessible à tout acquéreur avant de conclure la vente sur le prix moyen du mètre carré à [Localité 5] (17) pour des immeubles présentant des caractéristiques similaires, aurait mis ce dernier en mesure de détecter une éventuelle surévaluation du prix du bien, cette surévaluation étant l'un des éléments du risque de moins-value réalisé qu'il reproche à la société Ifb France. Cette surévaluation doit être appréciée à la date de la vente.

4. M. [J] considère non l'acquisition d'un immeuble, pour ce qu'elle est, mais comme étant le support d'un investissement financier se déployant en plusieurs éléments formant un tout. Or, il ne querelle que la rentabilité vénale de l'opération, indépendamment des conditions du prêt et de l'avantage fiscal, en sorte que l'investissement n'est en réalité pas appréhendé comme une totalité. M. [J] qui n'allègue pas de préjudice fiscal ne considère donc son investissement que du point de vue de l'acquisition immobilière à des fins de location sans d'ailleurs qu'il évoque un préjudice locatif. Il ne peut donc prétendre à l'appréhension de l'opération sous l'angle du délai imposé pour le bénéfice de la défiscalisation pour obtenir le report du point de départ du délai de prescription de son action.

En outre, le risque de perte de valeur vénale de son bien dans les années qui suivent la vente en raison d'une crise immobilière et de la fluctuation du marché est inhérent à tout achat immobilier et ne peut être ignoré de l'acquéreur de sorte que le point de départ du délai de prescription ne peut être fixé au gré des intérêts de l'acquéreur au moment où l'opération devient déséquilibrée pour l'acheteur après un renversement de conjoncture et après la sortie des avantages fiscaux dont il a bénéficié.

5. M. [J] ne peut en conséquence valablement soutenir que le point de départ du délai de prescription de son action doit être repoussé à la date d'estimation de son bien effectuée le 26 mai 2015, soit plus de neuf ans après son acquisition.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action introduite par M. [J] à l'encontre de la société Ifb France suivant exploit en date du 27 novembre 2020.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

6. M. [G] [J], partie perdante, sera condamné au paiement des dépens d'appel, en faisant droit à la demande présentée par Maître [F] [Z] en lui accordant le bénéfice du droit de recouvrement direct des dépens.

7. L'ordonnance rendue le 14 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Toulouse sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. [G] [J] aux dépens et en ce qu'elle a rejeté les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

Il n'est par ailleurs pas inéquitable de laisser à la charge de la société Ifb les frais non compris dans les dépens qu'elles ont pu exposer pour la présente procédure d'appel.

M. [G] [J], partie perdante, ne peut bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue 14 octobre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse.

Y ajoutant,

Condamne M. [G] [J] aux dépens d'appel,

Autorise Maître [F] [Z] à recouvrer directement contre M. [G] [J] les frais dont il a eu à faire l'avance sans avoir reçu provision,

Déboute la Sas Ifb de sa demande en paiement présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Déboute M. [G] [J] de sa propre demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04515
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.04515 ?
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