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13/12/2022 | FRANCE | N°20/03805

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 décembre 2022, 20/03805


13/12/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/03805

N° Portalis DBVI-V-B7E-N4MM

CR / RC



Décision déférée du 01 Octobre 2020

Juge de la mise en état de CASTRES

20/00146

Mme [G]

















S.C.I. PROGEST





C/



[H] [E]




















































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.C.I. PROGEST

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP PERES-RENIER-ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE

...

13/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/03805

N° Portalis DBVI-V-B7E-N4MM

CR / RC

Décision déférée du 01 Octobre 2020

Juge de la mise en état de CASTRES

20/00146

Mme [G]

S.C.I. PROGEST

C/

[H] [E]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.C.I. PROGEST

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP PERES-RENIER-ALRAN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [H] [E]

[Adresse 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me François AXISA de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

J.C. GARRIGUES, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc (Crcam du Languedoc) a confié à Maître Franck Rigaud, avocat au barreau de Béziers, la rédaction d'un cahier des charges en vue d'une saisie immobilière d'une propriété sise à [Localité 2] cadastrée section [Cadastre 4] lieudit [Adresse 5] pour une contenance de 1 are 48 ca à l'encontre de M.[R] [S].

Un dossier de diagnostic technique a été établi.

La Sci Progest a acquis cet immeuble à la barre du tribunal de grande instance de Béziers suivant jugement d'adjudication du 3 septembre 2013.

Suite à un rapport du service public d'assainissement non collectif (Spanc) du 2 octobre 2017, la Sci Progest a fait l'objet par la communauté des communes des Monts de Lacaune et de la Montagne du Haut-Languedoc le 4/10/2017 d'une mise en recouvrement d'une astreinte pour non-respect du délai de mise en conformité de l'assainissement non collectif, pénalité réitérée pour les années 2018 et 2019, ainsi que d'un rappel de mise en conformité du système d'assainissement par lettre du 16 mars 2018.

Par acte d'huissier du 28 janvier 2020, la Sci Progest a fait assigner M. [H] [E] devant le tribunal judiciaire de Castres en responsabilité pour ne pas s'être assuré lors de l'établissement du cahier des charges de la vente du contrôle du système d'assainissement.

Suivant ordonnance du 1er octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Castres a déclaré prescrite l'action engagée par la Sci Progest en application de l'article 2224 du code civil, débouté la Sci Progest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et condamné la société Progest aux dépens ainsi qu'à payer à Maître [E] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge de la mise en état, au visa des dispositions de l'article 2224 du code civil a retenu que Mme [D] [V], gérante de la Sci Progest, avait pris connaissance en 2014 de la localisation de la fosse septique chez le voisin et avait demandé à la mairie de lui vendre une parcelle pour y faire installer une fosse septique toutes eaux conforme à la réglementation ; que si le rapport du Spanc de 2017 mentionnait d'autres irrégularités affectant la fosse du voisin, la seule localisation de la fosse chez le voisin rendait déjà indispensable la réalisation d'une nouvelle installation sur la propriété de la Sci Progest, les autres défauts signalés ne modifiant ni la nature des travaux requis ni leur ampleur ; qu'en sollicitant le rachat d'une parcelle publique pour y installer sa fosse dès 2014, Mme [V] reconnaissait explicitement sa connaissance de la nécessité d'installer une nouvelle fosse conforme sur son terrain dès cette date. Il en a déduit, faisant droit à la fin de non recevoir, que l'action diligentée contre Me [E] était prescrite depuis 2019, rejetant les demandes de la Sci Progest tendant à la recevabilité de son action et à la condamnation du défendeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- : - : - : - : -

Par acte électronique du 23 décembre 2021, la Sci Progest a interjeté appel de l'intégralité des dispositions de cette décision.

Par ordonnance du 17 février 2022, le magistrat chargé de la mise en état a :

- débouté Maître [H] [E] de la fin de non-recevoir soulevée au titre de l'irrecevabilité de l'appel pour tardiveté,

- condamné Maître [H] [E] aux dépens de l'incident,

- débouté la Sci Progest de sa demande reconventionnelle formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 février 2021, Sci Progest, appelante, demande à la cour, au visa des articles 2224 du code civil, 122 et 789-6° du code de procédure civile, de :

- réformer l'ordonnance dont appel dans toutes ses dispositions,

- déclarer recevables ses demandes formulées à l'encontre de Maître [H] [E],

- rejeter, par voie de conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par Maître [H] [E],

- le condamner à payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que si elle savait que la fosse septique était située sur le terrain de son voisin elle ignorait en revanche qu'elle n'était pas aux normes en vigueur et surtout que cela l'empêcherait de vendre son immeuble, voire la contraindrait à réaliser sans délai des travaux importants de mise aux normes (14.000 €) alors qu'elle pensait pouvoir le céder en l'état pour l'avoir acquis à la barre du tribunal en cet état sans que soit mentionnée une difficulté quelconque à ce titre ; qu'elle ne pouvait par ailleurs se douter de la non conformité du système d'assainissement alors qu'aucun rapport n'avait été annexé à son titre de propriété contrairement à ce qu'impose la réglementation et qu'elle n'avait aucune conscience du problème jusqu'à ce qu'elle prenne la décision de revendre son immeuble ; qu'un rapport de contrôle de l'installation sollicité auprès du Spanc dans l'optique de la vente, datant du 2 octobre 2017, a relevé :

- la présence d'un bac dégraisseur sur domaine public sans convention d'occupation

- la présence d'une fosse toutes eaux située sur la parcelle voisine sans aucune servitude

- l'absence de ventilation secondaire aval et l'absence de traitement de rejet supposé d'eaux usées vers un probable puisard situé sur la parcelle voisine sans servitude

- une filière non conforme car incomplète.

Qu'en l'absence de difficulté soulevée par le voisin s'agissant de l'absence de servitude, elle ne pouvait se douter qu'elle serait dans l'impossibilité de revendre son bien ; qu'elle ne se doutait pas non plus que les autorités administratives lui imposeraient la modification sous astreinte du système d'assainissement .

Elle soutient, relevant sa qualité de Sci familiale, non professionnelle des activités immobilières, et le caractère modeste et profane de sa gérante, Mme [V], qu'elle n'a eu connaissance du fait générateur, du préjudice et du lien de causalité à savoir la non conformité de son installation impliquant l'impossibilité de revendre son immeuble qu'à la réception de la lettre de la communauté de communes du 2 octobre 2017 accompagnée du rapport du Spanc.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 mars 2022, M. [H] [E], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 2224 du code civil et des articles 122 et 789 6° du code de procédure civile, de :

- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Castres le 1er octobre 2020,

- débouter la Sci Progest de toutes autres demandes plus amples et contraires,

- condamner la Sci Progest à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outres les entiers dépens de l'instance.

Relevant qu'il lui est reproché de ne pas avoir transmis dans le diagnostic technique un document concernant les installations d'assainissement non collectif qui lui aurait permis de s'apercevoir de la non conformité de ces dernières, M. [E], soutient que la gérante de la Sci avait une parfaite connaissance d'une part, de la non conformité de la fosse septique,

d'autre part, de ce qu'elle se trouvait chez le voisin dès 2014 ainsi qu'il résulterait des termes d'un courrier adressé par sa gérante à la communauté de communes le 28 mars 2018, par lequel elle indiquait qu'après l'acquisition elle avait pu constater que la fosse septique se trouvait chez le voisin M.[S] et qu'elle avait essayé de régulariser de suite la situation en demandant à la Mairie de [Localité 2] de lui vendre une petite parcelle de terrain devant la maison pour y faire installer une fosse septique toutes eaux conforme à la réglementation et se mettre ainsi en conformité, joignant à cette correspondance un courrier adressé à la Mairie de [Localité 2] en 2014, non produit, le service d'assainissement ayant quant à lui répondu que l'attente de disposer du terrain communal jouxtant son habitation depuis 2014 ne pouvait constituer un argument recevable.

Il soutient que le fait que la fosse septique soit située sur le terrain du voisin sans servitude constitue en soi une non conformité que la Sci Progest, professionnelle des activités immobilières, n'ignorait pas et que la recherche d'une parcelle auprès de la Mairie en 2014 avait dès l'origine pour objectif d'installer une fosse septique conforme à la réglementation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2022.

SUR CE, LA COUR :

Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En matière de responsabilité extra-contractuelle, le point de départ de la prescription de l'action est celui de la manifestation du dommage allégué.

En l'espèce, la Sci Progest a assigné M.[H] [E], avocat, en responsabilité délictuelle par acte du 28 janvier 2020, lui reprochant de ne pas s'être assuré au visa de l'article L 271-4 du code de la construction et de l'habitation, que le dossier de diagnostic technique annexé au cahier des conditions de la vente contenait bien le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif mentionné à l'article L 1331-11-1 du code de la santé publique, invoquant une perte de chance de ne pas acquérir l'immeuble à hauteur du coût des travaux de mise en conformité et des astreintes mises à sa charge par la communauté de communes.

La Sci Progest, société civile immobilière inscrite au Rcs de Béziers, a acquis la propriété immobilière sise commune de [Localité 2] cadastrée section [Cadastre 4] lieudit [Adresse 5] pour une contenance de 1 a 48 ca par jugement d'adjudication du 3 septembre 2013 en l'état d'un diagnostic technique portant sur l'amiante, la présence de termites, le gaz, l'électricité, le plomb, le diagnostic de performance énergétique, la superficie loi Carrez, ainsi qu'il résulte du procès-verbal descriptif du 2 octobre 2012. L'absence de procès-verbal de contrôle des installations d'assainissement de l'immeuble saisi objet de la vente publique résultait donc du cahier des charges lui-même auquel étaient annexés tant le procès-verbal descriptif que le dossier de diagnostic technique unique.

Il ressort par ailleurs du courrier adressé par la Sci Progest sous la signature de sa gérante Mme [V] le 28 mars 2018 tendant à la remise des pénalités pour délai non respecté de mise en conformité de l'assainissement non collectif, qu'après l'acquisition de cette maison qu'elle date de 2014, elle a constaté que la fosse septique se trouvait chez son voisin M. [N] [S] ; qu'elle a de suite essayé de remédier à cette situation en demandant à la Mairie de [Localité 2] de lui vendre une petite parcelle de terrain devant la maison pour y faire installer une fosse septique toutes eaux conforme à la réglementation pour se mettre en conformité, et qu'elle restait dans l'attente de cette vente.

Si la Sci Progest admet aujourd'hui qu'elle savait que la fosse septique était située sur le terrain de son voisin, elle soutient n'avoir eu connaissance du fait générateur, du préjudice et du lien de causalité qu'à la réception de la lettre de la communauté de communes du 2 octobre 2017 accompagnée du rapport du service d'assainissement non collectif du même jour, révélant la non conformité de l'installation et l'impossibilité de revendre son immeuble et l'obligation de procéder à une mise en conformité sous astreinte.

Or, ce qui a été révélé par le rapport du service d'assainissement du 2/10/2017, chargé du contrôle de la filière d'assainissement non collectif de la propriété de la Sci Progest et nécessitant une mise en conformité pour la propriété de la Sci Progest, ce n'est pas une non conformité de la fosse toutes eaux ou de la filière d'évacuation située sur le terrain voisin, dont la mise en conformité éventuelle relève du propriétaire de ce fonds et non de la Sci Progest , c'est une filière incomplète s'agissant de l'évacuation et du traitement des eaux usées de la propriété de la Sci Progest, en ce sens qu'il a été constaté d'une part, la présence d'un bac dégraisseur où sont pré-traitées l'ensemble des eaux ménagères sur le domaine public sans convention d'occupation, d'autre part, la présence d'une fosse toutes eaux située sur une parcelle voisine sans aucune servitude, rendant l'ouvrage de rejet inaccessible, le service d'assainissement préconisant la création pour la propriété de la Sci Progest d'un système d'assainissement non collectif conforme par la mise en place d'une fosse toutes eaux avec filtre compact en position hors-sol dans le sous-sol de ladite propriété.

Les éléments du dossier établissent que la Sci Progest était parfaitement informée de cette situation dès 2014, ayant dès cette époque sollicité la Mairie de [Localité 2] pour que lui soit vendue une petite parcelle de terrain dépendant de la propriété de la commune pour y faire installer une fosse septique toutes eaux conforme à la réglementation afin de se mettre en conformité.

Dès lors, la Sci Progest a eu connaissance de l'intégralité des faits caractérisant pour elle le dommage invoqué par la nécessité d'une mise en conformité de son système d'assainissement, que ce soit afin de vente ou non de son fonds, à savoir la nécessité d'installer sur sa propriété un système d'assainissement non collectif autonome, au plus tard en 2014, de sorte que le juge de la mise en état a justement retenu que son action en responsabilité délictuelle à l'encontre de M. [H] [E] était prescrite depuis 2019, la décision entreprise devant être confirmée en toutes ses dispositions.

Succombant en ses prétentions en cause d'appel, la Sci Progest supportera les dépens d'appel. Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne la Sci Progest à payer à M.[H] [E] une indemnité de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Déboute la Sci Progest de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/03805
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.03805 ?
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