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13/12/2022 | FRANCE | N°20/00507

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 décembre 2022, 20/00507


13/12/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/00507

N° Portalis DBVI-V-B7E-NOJ2

AMR / RC



Décision déférée du 12 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 17/03771

MME [A]

















SARL AD VALIDEM ENR [Localité 21]

SCI AD VALIDEM IMMO [Localité 21]





C/



[G] [R]

[C] [P]

[Z] [J]

S.C.P. [G] [R] - SEBASTIEN BELVAL

S.C.P. DSM (DAYDE-[P]-[J])











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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTES



SARL AD VA...

13/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00507

N° Portalis DBVI-V-B7E-NOJ2

AMR / RC

Décision déférée du 12 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 17/03771

MME [A]

SARL AD VALIDEM ENR [Localité 21]

SCI AD VALIDEM IMMO [Localité 21]

C/

[G] [R]

[C] [P]

[Z] [J]

S.C.P. [G] [R] - SEBASTIEN BELVAL

S.C.P. DSM (DAYDE-[P]-[J])

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTES

SARL AD VALIDEM ENR [Localité 21]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse sous le numéro 512134628, agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Représentée par Me Cécile GUILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE

SCI AD VALIDEM IMMO [Localité 21]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse sous le numéro 820682797, agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 15]

[Adresse 15]

Représentée par Me Cécile GUILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Maître [G] [R]

Notaire associé au sein de la SCP [G] [R] - Sébastien BELVAL.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître [C] [P]

Notaire associé au sein de la SCP DSM

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître [Z] [J]

Notaire associé au sein de la SCP DSM

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.P. [G] [R] - SEBASTIEN BELVAL

Société civile professionnelle titulaire d'un Office Notarial, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social de la société.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

S.C.P. DSM (DAYDE-[P]-[J])

Société Civile Professionnelle titulaire d'un Office Notarial, agissant poursuites et diligences en la personne des représentants légaux domiciliés au siège social de la société.

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant C. ROUGER et A.M ROBERT, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

******

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique en date du 4 octobre 2002, reçu par maître [M] [W], notaire à [Localité 18], avec la participation de maître [T] [K], notaire à [Localité 21], Mmes [U] ont vendu à la SCI 2O un terrain à bâtir situé à [Adresse 15] à [Localité 19] [Adresse 15] et figurant au cadastre de ladite Commune section [Cadastre 17], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], afin d'y réaliser un local à usage professionnel.

Selon compromis de vente signé le 5 février 2016 en l'étude maître [R], notaire à [Localité 20] intervenant pour la venderesse, la Sci 2O a vendu cet ensemble immobilier, y compris le local professionnel édifié par la Sci 2O sur la parcelle [Cadastre 10], à la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] pour le prix de 402 000 €.

Il était déclaré dans cet acte que le vendeur n'avait créé ni laissé créer de servitude, et qu'à sa connaissance il n'en existait pas d'autre que celle résultant, le cas échéant, de l'acte, de la situation naturelle des lieux, de la loi, de l'urbanisme.

Par la suite, la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] s'est substituée à la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] pour acquérir le bien.

L'acte authentique de vente immobilière a été reçu le 27 juillet 2016 par maître [J], avec la participation de maître [R], au profit de la Sci Ad Validem Immo [Localité 21].

Aux termes de cet acte, il a été procédé au rappel de l'état des servitudes passives finalement révélées et/ou confirmées après la signature du compromis de vente du 5 février 2016.

Reprochant aux notaires la vérification tardive de l'existence de servitudes les privant de la possibilité de négocier une réduction du prix, les sociétés Ad Validem Enr [Localité 21] et Ad Validem Immo [Localité 21] ont, par actes d'huissier des 14 et 15 septembre 2017, fait assigner maîtres [P] et [J], la Scp DSM (Dayde-[P]-[J]), maître [R] et la Scp [G] [R]-Sébastien Belval devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'indemnisation.

Par jugement contradictoire du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes, condamnées in solidum à payer à Me [P], Me [J], la Scp DSM, Me [R], la Scp [G] Boyer-Sébastien Belval la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a constaté que les défendeurs ont renoncé au bénéfice des émoluments pour la somme de 7 647,12 euros, a débouté les parties de leurs plus amples demandes et condamné in solidum la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] et la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la Scp Larrat sur son affirmation de droit.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que si l'on pouvait relever une certaine légèreté des notaires au titre de leur devoir d'information et de conseil pour n'avoir pas immédiatement transmis à l'acquéreur l'information de l'existence de la servitude dont ils disposaient quelques jours avant la signature de l'acte authentique, ces éléments ne permettaient pas de caractériser une faute de ces derniers dès lors que la Sarl Ad Validem Immo [Localité 21] avait acquis le bien litigieux en connaissance des servitudes existantes et qu'ainsi les notaires avaient dressé un acte dont l'ef'cacité n'était pas discutée. Il a estimé en outre qu'il n'était pas démontré l'existence d'un lien causal entre le préjudice dont il était sollicité réparation pour la somme de 70.000 € et le manquement imputé aux notaires.

Il a considéré que s'il était établi que maître [P] avait expressément accepté de renoncer aux émoluments pour la somme de 7.647,12, la justification de leur paiement effectif n'était pas rapportée et qu'ainsi le principe même d'une obligation à remboursement n'était pas établi.

Par déclaration en date du 7 février 2020, la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] et la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] ont relevé appel de toutes les dispositions de ce jugement sauf celle ayant constaté que les défendeurs ont renoncé au bénéfice des émoluments pour la somme de 7 647,12 euros.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 3 septembre 2020, la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] et la Sci Ad Validem Immo [Localité 21], appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1113 et 1241 du code civil, de :

Réformant le jugement dont appel des chefs de jugement critiqués et statuant à nouveau,

- condamner solidairement Me [P], Me [J] et la Scp DSM, Me [R] et la Scp Boyer-Belval à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 70 000 euros à titre d'indemnités,

- condamner solidairement Me [P], Me [J] et la Scp DSM, Me [R] et la Scp Boyer-Belval à payer à la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] la somme de 4 000 euros,

- condamner solidairement Me [P] et la Scp DSM à rembourser à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 7 647,12 euros au titre des émoluments indûment versés en l'état de la renonciation à ces émoluments par le notaire,

- condamner solidairement Me [P], Me [J] et la Scp DSM, Me [R] et la Scp Boyer-Belval à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, outre 3 000 euros sur le même fondement en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 20 juillet 2020, M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J], intimés, demandent à la cour, au visa de l'article 1382 applicable au cas d'espèce devenu 1240 du code civil, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, débouter en conséquence les Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] et Sci Ad Validem Immo [Localité 21] de l'ensemble de leurs demandes et les condamner in solidum au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la Scp Larrat, avocats, sur son affirmation de droits.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La responsabilité des notaires

Le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui afin qu'ils produisent toutes les conséquences attendues ; son devoir d'information et de conseil s'exerce à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, quelle que soit la nature de son intervention, et il est tenu de les éclairer, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de cet acte ; la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil devenus 1240 et 1241 du code civil est subordonnée à l'existence d'une faute en relation de causalité directe avec un préjudice subi.

L'acte authentique de vente du 27 juillet 2016 mentionne (pages 26 à 34) trois servitudes de passage réelles et perpétuelles «tant à pied qu'au moyen de tout véhicule automobile, hippomobile ou tracté (')» qui ne l'étaient pas au compromis de vente du 5 février 2016.

Ces servitudes, qui résultent de deux actes des 29 juin et 2 octobre 1984, grèvent les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9], représentant un cinquième de la surface totale du bien acquis, au profit, en l'état des renonciations intervenues entre temps :

1 - des parcelles [Cadastre 5],[Cadastre 6],[Cadastre 7],[Cadastre 2],[Cadastre 3],[Cadastre 4] et [Cadastre 12] de la section [Cadastre 16],

2 - de la parcelle [Cadastre 13] de la section [Cadastre 16],

3 - de la parcelle [Cadastre 14] de la section [Cadastre 16].

Il est précisé en outre que les frais de mise en état, d'entretien ou de réparation de l'emprise des servitudes de passage sont pris en charge entre les propriétaires de divers fonds selon une clé de répartition définie à un acte du 29 juin 1984, le propriétaire de la parcelle [Cadastre 10] étant tenu de les supporter à concurrence de 278/1000èmes.

Il est mentionné que les renonciations aux servitudes des autres propriétaires de fonds dominants ont fait l'objet de différents actes authentiques reçus par maître [P] les 8 et 9 juin 1995, 27 juin 2000 et 18 septembre 2001.

Les paragraphes « Déclarations du vendeur » et « Précisions particulières sur les conditions d'extinction des servitudes » figurant en pages 31 et 32 de l'acte du 27 juillet 2016 font état pour le premier du non usage de la servitude sur la parcelle [Cadastre 9] depuis l'acquisition en 2002 par la Sci 2O, de l'absence de revendication des fonds dominants et de la configuration de cette parcelle présentant un mur à chacune de ses extrémités, et pour l'autre rappelle les causes d'extinction de servitudes comme l'extinction par le non usage ou par la modification de l'état des lieux, les notaires indiquant tout de même qu'ils ne peuvent garantir l'issue d'une procédure judiciaire.

Au paragraphe « Déclaration de l'Acquéreur » il est mentionné que ce dernier, averti du contenu de ces servitudes et informé des conditions de leur extinction, « entend régulariser l'acte en l'état, étant précisé que les parties n'ont pas procédé, malgré ces servitudes, à quelque négociation financière que ce soit, sous forme de réduction du prix ou d'indemnisation à la charge du vendeur ».

Aucun élément produit au débat ne permet d'établir que les trois servitudes grevant à ce jour les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9] seraient éteintes, étant précisé que toute démarche des acquéreurs pour informer les propriétaires des fonds dominants sur l'existence de droits très contraignants qu'ils détiennent à leur encontre apparaît particulièrement hasardeuse.

Il ne résulte pas des termes de l'acte authentique que l'acquéreuse aurait renoncé à toute action en responsabilité à l'encontre des notaires concernant ces servitudes, notamment celles grevant la parcelle [Cadastre 9].

De fait, la configuration des lieux, faisant apparaître d'une part la parcelle [Cadastre 8], très étroite et menant aux parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] et d'autre part les parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 9] formant un tout jouxtant la voie publique, la parcelle [Cadastre 9] correspondant à une bande de terrain constitutive d'espaces verts et fermée à ses deux extrémités, ne permettait pas à l'acquéreuse d'anticiper des difficultés liées à l'existence de servitudes grevant la parcelle [Cadastre 9]. En revanche elle s'est inquiétée auprès de son notaire maître [P] dès le 21 janvier 2016, soit avant même la signature du compromis de vente, de la possible existence d'une servitude grevant la parcelle [Cadastre 8].

Les déclarations du vendeur et les précisions des notaires figurant à de l'acte vente et rappelées ci-dessus concernent la parcelle [Cadastre 9], ce qui démontre bien que c'est la révélation des servitudes grevant cette parcelle qui a posé difficulté lors de la signature de l'acte.

Quand bien même l'acte d'achat des parcelles par la Sci 2O du 4 octobre 2002 ne mentionnait aucune servitude, la configuration des lieux aurait dû surtout alerter les notaires rédacteurs tant du compromis de vente que de l'acte authentique, d'autant que maître [P] avait eu pour sa part à connaître à plusieurs reprises de ces servitudes par le passé.

Le compromis de vente prévoyait la signature de l'acte authentique pour le 4 mai 2016 mais elle a été reportée une première fois au 20 juillet 2016, date à laquelle maître [P] a reporté le rendez-vous au 21 juillet au motif qu'il n'était pas en possession de la mainlevée du commandement de saisie concernant le vendeur. Le 21 juillet 2016 la réunion a été interrompue alors que l'acte était en cours de signature au motif qu'il y avait des doutes sur l'état des servitudes et que des recherches étaient en cours. Ce n'est donc que le 22 juillet 2016 que la Sci Ad Validem et la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] ont été informées de l'existence des servitudes grevant les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9], soit six jours avant la signature de l'acte authentique qui interviendra finalement le 27 juillet.

Les notaires ne justifient d'aucune recherche ou diligence antérieure au 21 juillet 2016 ni d'aucune information aux acquéreuses avant cette date.

Au 22 juillet 2016, le droit de préemption avait été purgé, l'acquéreuse avait obtenu le prêt immobilier souscrit pour l'achat du bien et le versement de la première mensualité allait intervenir le 5 août suivant. Surtout, la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] avait résilié le 4 juillet 2016 le bail commercial dont elle bénéficiait avec effet au 31 juillet 2016. Dans ce contexte, cette résiliation n'apparaît ni « audacieuse » ni « prématurée », comme le prétendent les intimés, mais plutôt comme un acte de bonne gestion, ces sociétés ayant un avantage économique certain à ne pas subir à la fois la charge d'un loyer commercial et celle du remboursement d'un prêt immobilier.

L'absence de servitudes figurait certes comme une condition suspensive sans délai stipulée au profit de l'acquéreuse dans le compromis de vente, mais si elle s'en était prévalu et avait renoncé à signer l'acte authentique ou même en avait reporté encore la signature, la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] aurait été privée de local commercial alors que son déménagement était d'ores et déjà programmé pour le 29 juillet avec ouverture des compteurs électriques et transfert des lignes téléphonique le 22 juillet, et la Sci exposée au coût d'une indemnité de résiliation concernant le prêt, autant de frais et de manque à gagner qu'elle n'a pas pris le risque d'engager, étant précisé que le vendeur ignorait de bonne foi l'existence des servitudes qui ne figuraient pas dans son acte d'achat.

Il résulte du tout qu'en n'informant l'acquéreuse de la possible existence de servitudes que lors du rendez-vous, déjà reporté, prévu pour signer l'acte authentique de vente le 21 juillet 2016, puis en l'informant le lendemain de l'existence avérée de trois servitudes grevant le bien acquis au profit de neuf fonds dominants alors que tant la configuration des lieux que la connaissance antérieure par maître [P] de ces servitudes auraient pu permettre que ces informations soient données dès la signature du compromis de vente presque six mois auparavant, les notaires ont manqué à leurs obligations de conseil, d'information, de loyauté et de diligence.

Ces manquements fautifs engagent leur responsabilité civile tant à l'égard de la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21], signataire du compromis de vente, qu'à l'égard de la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] qui s'y est substituée pour la signature de l'acte authentique et les obligent à en réparer les conséquences dommageables.

Les préjudices

1-La Sci Ad Validem Immo [Localité 21] fait valoir qu'elle subit un préjudice matériel au titre de la perte de chance de ne pas acquérir le bien au prix qu'elle a payé si elle avait été informée des servitudes le grevant et de leurs conséquences et au titre de la perte de chance de pouvoir construire sur la parcelle [Cadastre 9] qui représente une surface de 1,92 are.

Elle estime que les préjudices résultant de la perte intrinsèque de valeur de l'ensemble immobilier ainsi que la perte de chance de construire peuvent être évalués à 70 000 €.

Elle produit un rapport établi par la Sas Eol, agence immobilière, aux termes duquel elle évalue à 330 000 € net vendeur le prix de vente des biens acquis tenant compte de la moins value due à la servitude de passage le long du foncier à l'arrière du bâtiment.

La perte intrinsèque de valeur de l'ensemble immobilier à hauteur de 72 000 € est avérée s'agissant de parcelles destinées à un usage commercial dont un cinquième de la superficie est grevé de trois servitudes au profit de neuf fonds dominants, de sorte qu'il est certain que sans la faute, la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] aurait pu négocier à la baisse le prix du bien, ce qui permet l'indemnisation du dommage au titre de la perte de chance, toute négociation entraînant par nature un aléa.

Cette négociation aurait porté notamment sur les conséquences dommageables pour l'acquéreuse de l'existence des servitudes prohibant toute construction sur son assiette et imposant des charges d'entretien et d'exploitation à hauteur de 27,8 % comme stipulé à l'acte authentique de vente du 27 juillet 2016.

Au regard des données de la cause cette perte de chance de négocier à la baisse le prix d'acquisition, dans toutes ses composantes, doit être évaluée à 90 % de la perte intrinsèque de valeur du bien immobilier acquis.

M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] seront condamnés in solidum à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21]

la somme de 64800 € à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019, date du jugement, conformément à l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, le jugement étant infirmé.

2-La Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] fait valoir que ses représentants, MM [B] [Y] et [X] [D], co-gérants, qui sont aussi les représentants de la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] ont eu à se mobiliser successivement à quatre reprises, les 20, 21, 22 et 27 juillet 2016 et ont été particulièrement préoccupés par cette affaire ce qui a pénalisé leur activité commerciale nécessairement délaissée. Elle réclame à ce titre la somme de 4000 €.

Il est avéré que l'aboutissement de la vente a nécessité quatre rendez-vous reportés à l'initiative des seuls notaires et que la situation découlant des manquements des notaires à leurs obligations a généré des tracas divers (envois de mails, réclamation à la chambre des notaires, envois de lettres recommandées) pour les représentants de la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21], tous préjudices d'ampleur limitée qui seront suffisamment réparés par l'octroi d'une indemnité de 2000 €.

M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] seront condamnés in solidum à payer à la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019, date du jugement, conformément à l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, le jugement étant complété sur ce point.

Les émoluments indûment versés

La Sci Ad Validem Immo [Localité 21] fait valoir que maître [P] s'était engagé à ne pas facturer ses honoraires à hauteur de 7647,12 € mais que ces frais ont été débités des sommes qu'elle a versées au titre de ses engagements.

Maître [P] et la Scp Dsm font valoir qu'au-delà de la question du paiement effectif de ces honoraires par la société acquéreuse, aucun élément ne permet de considérer que le notaire a effectivement exprimé un accord ferme et définitif à cet égard alors surtout que les sociétés appelantes ont finalement mis en cause sa responsabilité civile professionnelle en saisissant le tribunal de grande instance et que l'acte critiqué a par ailleurs produit ses pleins et entiers effets juridiques.

La déclaration d'appel ne visant pas la disposition du jugement ayant constaté que « les défendeurs ont renoncé au bénéfice des émoluments pour la somme de 7647,12 € » et les intimés concluant à la confirmation du jugement « en toutes ses dispositions », la cour n'est pas saisie de ce chef de jugement.

La Sci Ad Validem Immo [Localité 21] produit un état de frais de la Scp Dsm daté du 26 juin 2017 faisant apparaître la somme de 7647,12 € Ttc au titre des honoraires et émoluments, ainsi qu'un relevé de compte établi par la Scp Dsm le 1er juin 2017 dont il ressort que cette somme a bien été débitée des sommes versées par la société au titre de ses engagements, le compte présentant un solde de zéro.

Maître [P] et la Scp Dsm seront condamnés à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 7647,12 € Ttc outre les intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2017, date de l'assignation, conformément à l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil.

Les demandes annexes

M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] qui succombent dans leurs prétentions, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Ils se trouvent redevables d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, et ne peuvent eux-mêmes prétendre à l'application de ce texte à leur profit.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,

- Infirme le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse ;

Le complétant,

- Condamne in solidum M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] à payer à la Sarl Ad Validem Enr [Localité 21] la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Condamne in solidum M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 64800 € à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2019 ;

- Condamne in solidum maître [P] et la Scp Dayde-[P]-[J] à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 7647,12 € Ttc au titre des émoluments outre les intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2017 ;

- Condamne in solidum M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] aux dépens de première instance et d'appel ;

- Condamne in solidum M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] à payer à la Sci Ad Validem Immo [Localité 21] la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- Déboute M. [R], M. [P], M. [J], la Scp [G] [R]-Sebastien Belval et la Scp Dayde-[P]-[J] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00507
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;20.00507 ?
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