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13/12/2022 | FRANCE | N°19/03549

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 décembre 2022, 19/03549


13/12/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/03549

N° Portalis DBVI-V-B7D-NDWR

A.MR / RC



Décision déférée du 04 Juillet 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 18/00859

MME MARTIN DE LA MOUTTE

















[L] [T]





C/



SCP [Z] - BARTHES-ATTARD - [Z]













































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INFIRMATION







Grosse délivrée



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [L] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marion ARVET-THOUVET, avocat au barr...

13/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/03549

N° Portalis DBVI-V-B7D-NDWR

A.MR / RC

Décision déférée du 04 Juillet 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 18/00859

MME MARTIN DE LA MOUTTE

[L] [T]

C/

SCP [Z] - BARTHES-ATTARD - [Z]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [L] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Marion ARVET-THOUVET, avocat au barreau D'ALBI

INTIMEE

SCP [Z] - BARTHES-ATTARD - [Z]

Etude de Notaires

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant C. ROUGER et A.M ROBERT, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [N] [H] veuve [X] est décédée le [Date décès 3] 2010, laissant pour lui succéder en qualité de légataire universelle, Mme [J] [P] épouse [T].

Maître [E] [Z] a été chargé des opérations de succession.

Le 5 novembre 2010 une déclaration de succession partielle a été déposée, portant sur des contrats d'assurances-vie, conformément aux informations transmises par les établissements bancaires concernés.

Maître [Z] a établi une déclaration de succession générale aux termes de laquelle devait être versé un montant de 215 031 € euros de droits d'enregistrement après déduction d'un acompte de 160 000 € qui a été signée de la légataire le 11 mars 2011.

Mme [T] est décédée le [Date décès 6] 2011 laissant pour lui succéder son époux M. [L] [T] ainsi que ses deux enfants.

Le 3 octobre 2013 M. [T] a reçu de l'administration fiscale une demande de déclaration concernant la succession de Mme [H] veuve [X].

Le 11 mars 2014 la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] a adressé à l'administration fiscale la déclaration de la succession de Mme [H] veuve [X] en sollicitant l'autorisation d'acquitter en plusieurs versements les droits de mutation par décès, déclaration enregistrée par l'administration fiscale le 22 avril 2014.

Le 29 février 2016 M. [L] [T] a reçu de l'administration fiscale confirmation des sanctions fiscales prévues en cas de défaut ou de retard dans la souscription des déclarations.

Estimant que le notaire avait manqué à son obligation de conseil et de diligence, M. [L] [T] a fait assigner la Scp [Z] - Barthes-Attard - [Z] par acte d'huissier en date du 1er mars 2018 devant le tribunal de grande instance de Toulouse, en réparation du préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a débouté M. [L] [T] de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamné à payer à la société civile professionnelle [F] [Z], Myriam Barthes-Attard et [V] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui pourront être recouvrés par Me de Laforcade sur son affirmation de droit.

Pour statuer ainsi le tribunal a relevé que la succession ne disposait pas à la date à laquelle la déclaration de succession a été établie et signée des fonds nécessaires au paiement des droits restant dus et a considéré qu'à la supposer démontrée, la faute du notaire caractérisée par le défaut de mise en garde concernant le dépôt tardif d'une déclaration de succession n'aurait présenté aucun lien causal avec les intérêts et majorations réclamées qui sont résultés de la seule absence de fonds disponibles pour le paiement des droits.

Il a en outre estimé que dans la mesure où le principe d'un paiement des droits au moyen d'acomptes a été envisagé, le montant total des droits comme l'obligation au paiement dans les délais légaux et la sanction y attachée avaient été nécessairement portés par le notaire à la connaissance de l'héritière et que le paiement tardif des droits de succession par M. [T] était le seul fait générateur de l'obligation au paiement des pénalités et majorations.

Par déclaration en date du 25 juillet 2019, M. [T] a relevé appel de ce jugement en critiquant toutes ses dispositions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 29 juillet 2020, M. [L] [T], appelant, demande à la cour, au visa des articles 641 et 1728 du code général des impôts et 1240 (ancien article 1382) du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- condamner la société civile professionnelle « [F] [Z], Myriam Barthes-Attard et [V] [Z], Notaires, associés », à lui payer la somme de 84 129 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement du notaire à son devoir de conseil,

- condamner la société civile professionnelle « [F] [Z], Myriam Barthes-Attard et [V] [Z], Notaires, associés », à lui payer la somme de 37 975,56 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des intérêts d'emprunt,

- condamner la société civile professionnelle « [F] [Z], Myriam Barthes-Attard et [V] [Z], Notaires, associés », à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 mai 2020, la Scp [Z] - Barthes-Attard - [Z], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1353 du code civil, de confirmer, en toutes ses dispositions, la décision dont appel et de condamner M. [T] à verser la somme 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Selarl Clf sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Les demandes de M. [T]

En droit, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention de manière complète et circonstanciée sur la portée, les effets et les risques attachés aux actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, notamment quant aux incidences fiscales de l'opération envisagée. Il lui appartient de prouver l'exécution personnelle, effective et complète de ce devoir d'information et de conseil et il ne peut être déchargé de cette obligation nonobstant les connaissances personnelles du client. Ces obligations relèvent de la responsabilité délictuelle.

La Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] produit la déclaration de la succession de Mme [H] veuve [X] signée le 11 mars 2011 par Mme [T] dont il ne conteste pas qu'elle n'a pas été transmise aux services fiscaux, les déclarations d'acomptes de droits pour 100 000 € le 28 décembre 2010 et pour 60 000 € le 29 janvier 2011 enregistrées par les services fiscaux comme « paiements de droits sans déclaration de succession » ainsi qu'un acte de notoriété daté du 16 décembre 2010.

Il ne ressort d'aucun de ces documents la preuve de l'exécution effective et complète du devoir d'information et de conseil du notaire à l'égard de Mme [T].

L'acte de notoriété du 16 décembre 2010, produit pour la première fois en cause d'appel, n'est pas signé ni paraphé de Mme [T], de sorte que l'avertissement qui y figure concernant les obligations fiscales et notamment celle de déclarer à l'administration fiscale le patrimoine de la succession dans un délai de six mois à compter du jour du décès ne peut être considéré comme effectivement donné à Mme [T]. Au demeurant cet avertissement serait intervenu très tardivement puisque le décès de Mme [H] étant survenu le [Date décès 3] 2010 le délai de six mois pour déclarer sa succession expirait au 1er janvier 2011.

Maître [E] [Z] a bien soumis en revanche à la signature de Mme [T] la déclaration de succession, le 11 mars 2011, cette déclaration mentionnant les paiements d'acomptes de droits effectués les 28 décembre 2010 et 29 janvier 2011.

Il ne peut se déduire du seul paiement de ces deux acomptes et de la connaissance qu'en a eu Mme [T], que cette dernière était informée du délai légal de paiement des droits, des sanctions encourues ainsi que de la possibilité de payer par fractions en donnant une garantie.

Il résulte de ces éléments que le notaire a manqué à ses devoirs d'information et de conseil à l'égard de Mme [T].

Cette faute est en lien de causalité direct avec le préjudice dont se prévaut M. [T].

Le fait que le notaire n'ait pas disposé des fonds nécessaires pour payer les droits qui s'élevaient à 215 031 € déduction faite des acomptes versés pour 160 000 € n'affranchissait pas ce dernier de transmettre la déclaration de succession dans la mesure où l'actif net de la succession s'élevait à 626 621,94 €, dont un appartement situé à [Localité 7] évalué à 500 000 €, Mme [T] étant par ailleurs bénéficiaire de divers contrats d'assurance vie pour un total de 600 988,63 €, et qu'ainsi, au regard des dispositions des articles 1701, 1717-I du code général des impôts et des articles 396, 399 et 400 de l'Annexe 3 du même code, il lui appartenait soit de transmettre la déclaration de succession aux services fiscaux en recueillant les fonds nécessaire auprès de Mme [T], soit d'accompagner la déclaration de succession d'une demande de délai pour le paiement des droits en proposant une sûreté réelle sur l'immeuble, ce qui a d'ailleurs été fait, mais trop tard, le 11 mars 2014.

Il ne justifie pas de la demande « orale » de délais qui aurait été rejetée « oralement » par les services fiscaux à cette époque.

Le comportement ultérieur de M. [T], qui aurait notamment omis de se présenter à un rendez-vous auprès des services fiscaux, à le supposer établi, est sans incidence sur l'existence de la faute, d'ores et déjà consommée, et ses conséquences.

L'acte de notoriété signé le 28 avril 2012 par M. [T] à la suite du décès de son épouse survenu le [Date décès 6] 2011 contenait certes un avertissement concernant ses obligations fiscales mais seulement concernant la succession de son épouse. Il n'a été informé de ce que la déclaration de la succession de Mme [H] n'avait pas été transmise aux services fiscaux que le 3 octobre 2013 par ces derniers. Il a alors immédiatement avisé son notaire par courrier du 8 octobre 2013 lui demandant si « les démarches demandées » avaient été effectuées. Ce n'est que le 11 mars 2014 que le notaire a finalement transmis une déclaration de la succession de Mme [H] demandant un paiement fractionné avec hypothèque de l'immeuble dépendant de la succession.

Dans leur courrier du 29 février 2016 les services fiscaux informent M. [T] des rectifications opérées sur le fondement des articles 1727 et 1728 du code général des impôts et de leurs motifs :

- l'intérêt de retard est calculé à partir du 1er jour qui suit celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté, soit le 1er jour du mois suivant la date d'expiration du délai légal de dépôt de la déclaration de succession soit le 1er janvier 2011 jusqu'au [Date décès 3] 2015 ;

- la majoration de 10 % (article 1728 du CGI) s'applique dès lors que la déclaration de succession est déposée dans les 90 jours d'une mise en demeure et à compter du 13eme mois qui suit le décès.

Il n'est pas contesté que M. [T] a réglé à l'administration fiscale la somme de 57 165 € au titre des intérêts de retard et celle de 26 964 € au titre de la majoration de 10%.

Pour ce qui concerne les intérêts appliqués par l'administration au montant des droits non versés, M. [T] a pu conserver cette somme durant plusieurs années et la faire fructifier, de sorte que le paiement de ces intérêts ne peut constituer un préjudice indemnisable.

En revanche, la majoration de 10 % et les intérêts des prêts souscrits en 2015 pour acquitter les droits et pénalités constituent des préjudices indemnisables au titre de la perte de chance d'éviter de les subir, si le notaire avait accompli son obligation d'information et de conseil d'avoir à transmettre la déclaration de succession dans les délais en payant les droits afférents ou en bénéficiant de délais.

Au regard des liquidités dont disposait Mme [T] au 1er janvier 2011, de la possibilité d'offrir en garantie l'immeuble dépendant de la succession, ainsi que de l'accord donné par elle pour régler deux acomptes sur les droits de succession pour un montant de 160 000 €, cette perte de chance doit être évaluée, dans la limite de la demande subsidiaire de M. [T], à 80 %.

M. [T] justifie avoir été finalement contraint de souscrire, pour le paiement des droits, trois emprunts générant un montant total d'intérêts de 37 975,56 €, soit un total de frais financiers qui auraient pu être évités, majoration de 10 % pour 26 964 € comprise, de 64 939, 56 €.

La Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] sera en conséquence condamnée à payer à M. [T] la somme de 51 951,64 € (64 939,56x80%) outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 4 juillet 2019, date du jugement, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil, le jugement étant infirmé.

Les demandes annexes

Succombant dans ses prétentions la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] supportera les dépens de première instance et les dépens d'appel.

Elle se trouve dès lors redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt et ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit que la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de M. [L] [T] ;

- Condamne la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] à payer à M. [L] [T] la somme de 51 951,64 € outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 4 juillet 2019 ;

- Condamne la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] aux dépens de première instance et d'appel ;

- Condamne la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] à payer à M. [L] [T] la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- Déboute la Scp [Z]-Barthes-Attard-[Z] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03549
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;19.03549 ?
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