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13/12/2022 | FRANCE | N°19/02883

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 décembre 2022, 19/02883


13/12/2022





ARRÊT N°



N° RG 19/02883

N° Portalis DBVI-V-B7D-NBNZ

SL/RC



Décision déférée du 06 Mai 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 17/02603

Mme BERRUT

















[M] [T]





C/



[S] [K]

Etablissement Public OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM)

Organisme CPAM de la Haute Garonne

Organisme IPECA PREVOYANCE

Organisme CARPIMKO





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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE...

13/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/02883

N° Portalis DBVI-V-B7D-NBNZ

SL/RC

Décision déférée du 06 Mai 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 17/02603

Mme BERRUT

[M] [T]

C/

[S] [K]

Etablissement Public OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM)

Organisme CPAM de la Haute Garonne

Organisme IPECA PREVOYANCE

Organisme CARPIMKO

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [M] [T]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représenté par Me Anne-caroline VIVEQUAIN de la SELAS JEAN-CLAUDE MARTY, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Robert MALTERRE, avocat au barreau de PAU

INTIMES

Monsieur [S] [K]

Clinique [13]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Benjamin NATAF, avocat au barreau de TOULOUSE

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 11]

Représentée par Me Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT-RAVAUT & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

Organisme CPAM de la Haute Garonne

[Adresse 2]

[Localité 3]

Organisme IPECA PREVOYANCE

[Adresse 6]

[Localité 8]

Organisme CARPIMKO

Caisse Autonome de Retraite et de Prévoyance des Infirmiers, Masseurs-kinésithérapeutes, Pédicures-Podologue, Orthophonistes et Orthoptistes, dite CARPIMKO

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Christine DUSAN de la SELARL DBA, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, devant A.M ROBERT, et S. LECLERCQ magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

******

Exposé des faits et procédure :

M. [T] [M], né le [Date naissance 1] 1946, qui exerçait en tant que masseur-kinésithérapeute à la clinique [13], a fait dans la nuit du 19 au 20 septembre 2013 une chute dans un escalier. Il a été vu au CHU de [Localité 15] [Localité 14] pour traumatisme crânien avec perte de connaissance et amnésie, plaie du cuir chevelu frontal et pariétal, cervicalgies, facture du poignet gauche.

Il a été opéré le jour même par le docteur [S] [K], au sein de la clinique [13] à [Localité 15].

Le docteur [K] a procédé à une réduction avec ostéosynthèse d'une fracture comminutive du poignet gauche sans complications vasculo nerveuse, par mise en place de deux vis SBI et d'une broche de Kiershner. Une attelle métallique a été ensuite mise en place, laquelle a été remplacée 48 heures après par une attelle thermoformée.

Il regagné son domicile le 22 septembre 2013. Le docteur [K] a prévu le port d'une orthèse pendant 4 à 6 semaines et l'ablation de la broche à la 6ème semaine.

Le 19 novembre 2013, la broche a été retirée.

Le 3 décembre 2013, M. [T] a été vu en consultation par le docteur [K], qui a prescrit 20 séances de rééducation.

Il a présenté par la suite un syndrome neuroalgodystrophique sévère associant une raideur de l'épaule et des chaînes digitales incompatibles avec son activité professionnelle de kinésithérapeute, ce qui a occasionné un syndrome dépressif.

Le 5 mai 2015, lors d'une nouvelle consultation, le docteur [K] a prescrit une attelle du poignet ainsi que 20 séances de rééducation.

M. [T] [M] a saisi la Commission de Conciliation d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) par requête du 20 avril 2016, laquelle a confié une expertise médicale au docteur [B] [L], spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologique. Ce dernier a déposé le 28 juillet 2016 un rapport concluant que l'algodystrophie peut être consécutive à l'évolution naturelle de la fracture du poignet, d'autant que M. [T] présentait une tendinopathie calcifiante non récente du sus épineux, asymptomatique avant la chute, ce qui constitue un état de vulnérabilité susceptible d'induire l'apparition d'un syndrome algodystrophique et qu'il n'existe aucun lien de causalité certain et direct entre la prise en charge de M. [T] par M. [K] et la survenue de ce syndrome.

Par avis du 5 octobre 2016, la CCI a dit n'y avoir lieu à indemnisation possible par la solidarité nationale en application des dispositions de l'article L 1142-1 du code de la santé publique et rejeté la demande d'indemnisation de M. [T] aux motifs qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à M. [K], et qu'aucune indemnisation par la solidarité nationale n'était possible, en l'absence de lien de causalité entre sa pathologie et l'intervention chirurgicale.

M. [M] [T] a, par actes 13, 14 et 28, juin et 4 juillet 2017, assigné en déclaration de responsabilité et/ou indemnisation de son préjudice l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) et le docteur [S] [K], en présence de la Cpam de la Haute Garonne, de l'lPECA Prévoyance et de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes, dite Carpimko en leurs qualités de tiers payeurs.

Par jugement du 6 mai 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- jugé qu'aucune faute ne peut être reprochée au docteur [S] [K] tant dans la réalisation de son acte médical que dans son obligation d'information ;

- débouté M. [T] de ses demandes dirigées contre le docteur [K] ;

- jugé qu'il n'est pas démontré que la pathologie de M. [M] [T] résulte directement de façon certaine de l'intervention chirurgicale ;

- débouté M. [M] [T] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre l'Oniam ;

- rejeté les demandes de la Carpimko ;

- constaté que le jugement est opposable à la Cpam de la Haute Garonne et à l'lPECA Prévoyance ;

- condamné M. [M] [T] aux entiers dépens ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la faute technique dans l'acte médical du docteur [K] n'était pas démontrée, et que le lien de causalité entre l'acte chirurgical et l'algodystrophie n'était pas certain.

Il a considéré que le défaut d'information n'était pas démontré, car M. [T] avait demandé expressément que l'intervention soit réalisée par le docteur [K] qu'il connaissait pour travailler avec lui et que devant l'expert de la CCI, sur la question de l'information, il n'a formulé aucun grief sur un éventuel défaut d'information, ce qui induit qu'une discussion a pu avoir lieu entre le chirurgien et le patient, qui est lui-même un professionnel spécialiste en orthopédie et traumatologie ; que de plus, l'intervention du docteur [K] s'est faite dans l'urgence et que le protocole de la clinique dans cette hypothèse, ne prévoyait pas de recueil de consentement éclairé signé. Il a retenu qu'en outre, il était démontré que les conséquences d'une non intervention auraient été plus graves que les conséquences de l'algodystrophie, puisque cela aurait abouti à un cal vicieux du poignet, et qu'ainsi il n'y avait pas de préjudice.

Concernant les demandes faites à l'encontre de l'Oniam, le tribunal a estimé qu'en l'absence de démonstration que la pathologie de Monsieur [T] résultait directement de façon certaine de l'intervention chirurgicale, ce dernier n'était pas fondé en ses demandes d'indemnisation dirigées contre l'Oniam.

Par déclaration du 20 juin 2019, M. [T] [M] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

- 'dit et jugé' qu'aucune faute ne peut être reprochée au docteur [S] [K] tant dans la réalisation de son acte médical que dans son obligation d'information ;

- débouté M. [T] de ses demandes dirigées contre le docteur [K] ;

- jugé qu'il n'a pas démontré que la pathologie de M. [T] résulte directement de façon certaine de l'intervention chirurgicale ;

- débouté M. [T] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre l'Oniam ;

- condamné M. [T] aux entiers dépens ;

- débouté M. [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par une ordonnance du 28 mai 2020, conseiller de la mise en état a fait droit à la demande d'expertise médicale sollicitée et a désigné le docteur [R] pour la réaliser, et en cas d'empêchement, le docteur [J]. Le docteur [R] a refusé la mission. C'est le docteur [J] qui l'a réalisée.

Par requête du 15 avril 2021 M. [T] [M] a déposé au magistrat chargé du suivi de l'expertise une requête en récusation de M. [I] [J].

Par une ordonnance du 3 juin 2021, le magistrat chargé du suivi de l'expertise auprès de la cour d'appel a notamment :

- débouté M. [M] [T] de sa requête en récusation de l'expert judiciaire,

- condamné M. [M] [T] à payer à M. [S] [K] et à l'Oniam une indemnité de 800 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] [T] aux dépens de l'incident de suivi d'expertise.

Il a considéré qu'il n'était caractérisé en l'espèce aucune cause légale de récusation de l'expert judiciaire : ni une amitié ou une inimitié notoire du docteur [J] avec le docteur [K], ni un lien de subordination de l'un par rapport à l'autre, ni une subordination par rapport à l'Oniam du simple fait que le docteur [J] figure en tant que médecin expert sur la liste nationale des experts en accidents médicaux établie par la commission nationale des accidents médicaux.

M. [J] a déposé son rapport le 24 juin 2021.

Prétentions des parties :

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 février 2022, M. [M] [T], appelant, demande à la cour, au visa des articles l'article L. 1142-1, II, alinéa 1er, L. 1142-1-1, L. 1142-17, alinéa 2, et L.1111-2 du code de la santé publique, de :

- 'dire et juger' que le docteur [K] a engagé sa responsabilité professionnelle et commis des fautes en lien avec les préjudices qu'il a subi,

- 'dire et juger' que compte tenu des fautes commises par le docteur [K] , il a incontestablement subi une perte de chance,

- fixer à 95% sa perte de chance sauf en ce qui concerne la réparation de son préjudice professionnel,

- fixer à 100% sa perte de chance en ce qui concerne la réparation de son préjudice professionnel,

- condamner in solidum le docteur [K] et l'Oniam à lui verser au titre de la perte de chance, au paiement de la somme de 297 196 euros en réparation du préjudice professionnel subi outre intérêts légaux à compter de la présente assignation,

- fixer comme suit ses préjudices hors préjudice professionnel :

- condamner in solidum le docteur [K] et l'Oniam au paiement de la somme de 61.191 euros, outre intérêts au taux légaux jusqu'à parfait paiement et ce, à compter de la présente assignation, outre indexation sur le prix de l'indice de la consommation jusqu'à parfait paiement à compter de la date susvisée,

- condamner in solidum le docteur [K] et l'Oniam à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- condamner le docteur [K] à lui verser au titre du préjudice d'impréparation la somme de 20.000 euros,

- 'dire et juger' que la Cpam de la Haute Garonne, IPECA Prévoyance et la Carpimko ont été valablement mises en cause afin qu'elles puissent faire valoir le montant de leurs débours et afin qu'elles prennent telles conclusions qui leur appartiendra ;

- condamner in solidum le docteur [K] et l'Oniam au paiement d'une somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 février 2022, le docteur [S] [K], intimé, demande à la cour, au visa des articles L 1111-2 et L 1142-1 du code de la santé publique, de :

- rappeler que la responsabilité du professionnel de santé ne peut être retenue qu'en cas de faute prouvée ;

- dire, comme l'ont retenu les deux experts, que M. [T] a avant toute chose été victime d'un accident domestique grave, avec perte de connaissance et amnésie, ainsi qu'une fracture du poignet, avec comme antécédent une tendinopathie calcifiante à l'épaule gauche qui est un facteur reconnu comme prédisposant à l'algodystrophie ;

- dire, comme l'ont expliqué les 2 experts, que M. [T] ne pouvait se dispenser de l'opération réalisée, faute de quoi il aurait présenté un cal vicieux du poignet avec un tableau clinique plus grave que celui constaté au jour des expertises ;

- dire que les experts ont reconnu, sans être contesté, que l'opération était parfaitement indiquée et avait été effectuée dans les règles de l'art, de même que le suivi post-opératoire ;

- dire en outre, comme l'ont reconnu les 2 experts, n'y avoir pas lieu à retenir un manquement

au devoir d'information qui lui serait imputable, notamment compte tenu du contexte d'urgence à opérer M. [T] ;

- dire que ce reproche de défaut d'information est d'autant moins recevable que M. [T] avait indiqué lors de la réunion d'expertise initiale n'avoir aucun grief, ni à ce sujet, ni plus général, à son encontre, alors que de par sa profession, il n'ignorait absolument pas les complications rattachées à l'intervention et qu'il avait pu poser toute question au chirurgien qu'il connaissait très bien ;

- confirmer en conséquence en tous points le jugement contesté et débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer, pour les mêmes raisons, le débouté de la Cpam, de la Carpimko et d'Ipeca Prévoyance de toute demande formulée contre le Docteur [K] ;

- condamner enfin M. [T], outre les entiers dépens, de première instance,

et d'appel, à verser au Docteur [K] une somme de 4 900 euros au titre des frais irrépétibles correspondant à la présente procédure.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 septembre  2021, l'Oniam, intimé, demande à la cour, au visa de l'article L 1142-1 II du code de la santé publique, de :

- constater que le dommage n'est pas imputable à un acte de soin ;

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel ;

- prononcer sa mise hors de cause ;

- débouter Carpimko de ses demandes dirigées à son encontre ;

- condamner M. [M] [T] à lui payer une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] [T] aux entiers dépens d'appel.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2019, l'organisme Carpimko, intimé et appelant incident, demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tous cas mal-fondées,

- réformer la décision rendue en ce qu'elle n'a pas reconnu la faute du Docteur [K],

- voir reconnaître la responsabilité du docteur [K],

En conséquence,

- condamner solidairement le docteur [K] et l'Oniam à lui payer les sommes des 13.364,78 euros et 1.080 euros,

- les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La Cpam de la Haute Garonne à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée le 29 août 2019 et la Caisse de prévoyance Ipeca à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée le 4 septembre 2019 n'ont pas constitué avocat.

En vertu de l'article 474 du code de procédure civile, l'arrêt sera réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 26 septembre 2022.

Motifs de la décision :

Sur les données de l'expertise judiciaire :

L'expert judiciaire indique que l'ensemble de la prise en charge médicale de M. [T] par le docteur [K] a été réalisée de façon consciencieuse, selon les règles de l'art.

Il indique que l'algodystrophie est une possibilité évolutive d'un traumatisme. Selon lui, elle ne relève pas d'un aléa thérapeutique, ni d'une complication chirurgicale. Selon lui, l'algodystrophie apparue suite à l'intervention du 20 septembre 2013 n'est aucunement imputable aux soins réalisés par le docteur [K]. Il estime qu'il n'existe pas de réalisation d'accident médical ni d'aléa thérapeutique, et que la fracture est à l'origine et cause de l'algodystrophie. Il indique que les fractures du poignet sont compliquées d'environ 5 à 20% d'algodystrophie, qu'elles soient ou non opérées, et que ce n'est pas l'intervention chirurgicale du docteur [K] qui est à l'origine de la complication d'algodystrophie qu'a présenté M. [T]. Il estime qu'en l'absence de prise en charge chirurgicale proposée par le docteur [K], M. [T] aurait été exposé à la réalisation d'un cal vicieux, qui aurait eu des conséquences plus graves que la réalisation de l'algodystrophie. Il ne retient pas d'état antérieur.

Ceci vient corroborer le rapport amiable du docteur [B] [L], qui a estimé que le diagnostic de fracture déplacée du poignet, la proposition d'une réduction chirurgicale, l'acte chirurgical lui-même et le suivi ultérieur avaient été réalisés par le docteur [K] conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale en 2013.

S'agissant de l'information sur les risques encourus, le docteur [L] a relaté que M. [T] n'avait aucun grief sur un éventuel défaut d'information, d'autant qu'il avait lui-même désiré quitter le CHU de [Localité 14] pour être pris en charge par le docteur [K] avec qui il travaillait habituellement. Il a indiqué qu'il n'y avait pas eu de consentement éclairé signé, comme c'est le cas dans le cadre des urgences à la clinique Médipôle. Il a estimé que si M. [T] s'était soustrait à l'acte chirurgical effectué, il présenterait un cal vicieux du poignet avec un tableau clinique actuel plus grave que celui constaté à ce jour ;

Sur la cause de l'algodystrophie, le docteur [L] indique : 'Il nous est impossible de dire si la vraisemblable algodystrophie qu'a présenté M. [T] est en rapport avec l'évolution naturelle d'une facture du poignet ou avec l'acte chirurgical réalisé par le docteur [K]. Il  faut néanmoins souligner que le docteur [K] a rétabli parfaitement l'anatomie du poignet. Les règles de l'art ont été respectées. Nous n'avons aucune référence bibliographique permettant de dire si l'algodystrophie est due à l'évolution naturelle de la facture du poignet ou à l'intervention chirurgicale du docteur [K].'

Sur les antécédents, il a retenu que la présence d'une tendinopathie calcifiante du sus-épineux de l'épaule gauche, alléguée asymptomatique, constitue un état de vulnérabilité susceptible d'induire l'apparition d'un syndrome algodystrophique.

Sur la responsabilité du docteur [K] :

Aux termes de l'article L 1142-1 alinéa 1 du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soin qu'en cas de faute.

L'obligation de tout médecin est de donner à son patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science. La faute du professionnel est appréciée in abstracto par le juge, par comparaison avec un modèle abstrait de référence : celui d'un professionnel normalement avisé, diligent et compétent. Le juge doit toutefois tenir compte de la spécialité éventuelle de ce dernier et des circonstances de son intervention.

Si la simple erreur ne suffit pas à engager la responsabilité du praticien, toute faute, donc la faute simple, y suffit.

La preuve de la faute incombe au patient.

Sur l'obligation d'information :

Par application de l'article L 1111-2 ancien du code de la santé publique, dans sa version applicable en la cause, toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Seule l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent dispenser le praticien de son obligation.

En cas de litige, il appartient au professionnel d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.

En l'espèce, il n'y a pas eu de consentement éclairé signé, et M. [K] ne prouve pas avoir délivré l'information sur les risques de l'opération.

L'état du patient ne présentait pas le caractère d'un cas d'urgence dispensant le praticien du respect de son obligation d'information : en effet, M. [T] avait été transféré à la clinique [13] dans la matinée, et l'opération a eu lieu en début d'après-midi. L'information aurait pu être dispensée dans ce laps de temps. M. [T] avait repris conscience puisqu'il avait demandé lui-même à être transféré.

Le fait que M. [T] exerce la profession de kinésithérapeute ne dispensait pas de l'obligation d'information de ce patient sur les risques de l'opération.

Il y a donc eu manquement au devoir d'information.

Les préjudices invoqués sont la perte de chance de renoncer à l'opération, et le préjudice moral d'impréparation.

L'expert judiciaire indique que l'opération était nécessaire pour éviter un cal vicieux, qui aurait eu des conséquences plus graves que l'algodystrophie. L'éventualité d'une renonciation à l'opération n'est donc pas démontrée. Le préjudice de perte de chance de renoncer à l'opération allégué n'est donc pas constitué.

Par ailleurs, il est constant que le non-respect par un professionnel de santé de son devoir d'information sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles que comportait l'acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soin auquel il a eu recours, cause à celui auquel l'information est due, lorsque l'un de ses risques s'est réalisée, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies résultant d'un défaut de préparation à l'éventualité que ce risque survienne. Cependant, en l'espèce, il n'y a pas de preuve du lien de causalité entre l'opération et l'algodystrophie dont souffre M. [T]. L'expert judiciaire a indiqué que les fractures du poignet sont compliquées d'environ 5 à 20% d'algodystrophie, qu'elles soient ou non opérées. Selon la littérature médicale citée par M. [T], l'algodystrophie survient dans la plupart des cas après un traumatisme et/ou une intervention chirurgicale. Ce syndrome peut donc se développer naturellement après une fracture du poignet, d'autant qu'il existait chez M. [T] une tendinopathe calcifiante du sus-épineux de l'épaule gauche qui est un facteur prédisposant à l'algodystrophie. Il n'est donc pas démontré que c'est l'opération qui est la cause de l'algodystrophie. Le lien de causalité entre le défaut d'information et le préjudice moral d'impréparation allégué n'est donc pas démontré.

Sur la réalisation de l'acte médical :

Il ressort du rapport d'expertise amiable et du rapport d'expertise judiciaire que le diagnostic de la fracture et l'intervention chirurgicale ont été faits dans les règles de l'art.

M. [T] se plaint que dans les suites de l'opération, le syndrome algodystrophique n'a pas été correctement traité. Il se plaint que seuls ont été prescrits des séances de rééducation et bains écossais, et non pas une consultation auprès d'un médecin anesthésiste-algologue spécialisé dans cette pathologie ni de la vitamine C ou des orthèses de repos et orthèses dynamiques. Cependant, en tout état de cause, comme indiqué plus haut, il n'est pas démontré que l'algodystrophie résulte directement de façon certaine de l'intervention chirurgicale ni d'une insuffisance du traitement prescrit.

Au vu de ces éléments, la responsabilité du docteur [K] n'est donc pas engagée envers M. [T].

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes dirigées contre le docteur [K].

Sur les demandes contre l'Oniam :

L'article L 1142-1 II du code de la santé publique pose comme exigence pour permettre une indemnisation par la solidarité nationale que l'accident médical soit directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Cette exigence porte sur le caractère direct et certain du lien de causalité.

En l'absence de certitudes médicales permettant d'affirmer ou d'exclure qu'un dommage corporel survenu au cours ou dans les suites d'un acte de soins est imputable à cet acte, il appartient au juge, saisi d'une demande indemnitaire sur le fondement des dispositions relatives à la solidarité nationale de se fonder sur l'ensemble des éléments pertinents résultant de l'instruction pour déterminer si, dans les circonstances de l'affaire, cette imputabilité peut être retenue.

En l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, il n'est pas démontré que la pathologie de M. [T] résulte directement de façon certaine de l'intervention chirurgicale.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] [T] de ses demandes d'indemnisation dirigées contre l'Oniam.

Sur les demandes de la Carpimko :

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la Carpimko, en l'absence de responsabilité du docteur [K].

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité prévue par les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

Il sera condamné à payer au docteur [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Il sera condamné à payer à l'Oniam la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

La Carpimko sera déboutée de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] sera débouté de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 6 mai 2019, sauf en ce qu'il a dit qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au docteur [K] tant dans la réalisation de son acte médical que dans son obligation d'information ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,

Dit que la responsabilité du docteur [S] [K] n'est pas engagée envers M. [M] [T] ;

Condamne M. [T] aux dépens d'appel ;

Le condamne à payer au docteur [K] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Le condamne à payer à l'Oniam la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

Déboute la Carpimko de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [T] de sa demande sur le même fondement.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/02883
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;19.02883 ?
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