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09/12/2022 | FRANCE | N°21/02961

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 09 décembre 2022, 21/02961


09/12/2022





ARRÊT N°22/734



N° RG 21/02961 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OIJW

MLA/VCM



Décision déférée du 01 Juin 2021 - Juge aux affaires familiales de MONTAUBAN - 20/00685

Mme [N] [B]

















[I] [D]





C/





[G] [U]



















































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INFIRMATION





Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [I] [D]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Martine ALARY, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIMÉE



M...

09/12/2022

ARRÊT N°22/734

N° RG 21/02961 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OIJW

MLA/VCM

Décision déférée du 01 Juin 2021 - Juge aux affaires familiales de MONTAUBAN - 20/00685

Mme [N] [B]

[I] [D]

C/

[G] [U]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU NEUF DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [I] [D]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Martine ALARY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [G] [U], es-qualité de représentant légal de sa fille mineure [Z] [D]-[U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Daniel GROS de la SCP SCP PUJOL - GROS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.016846 du 02/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. MICK et V. CHARLES-MEUNIER, conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. GUENGARD, présidente

V. MICK, conseiller

V. CHARLES-MEUNIER, conseillère

Greffier, lors des débats : M. TACHON

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée et qui a apposé son visa le 12-07-2021.

Représenté lors des débats par M. F. JARDIN, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DES MOTIFS

De l'union de M. [S], [Y] [C] [D] et de Mme [K], [O] [P] est né M. [I] [D] le 27 avril 1978.

Le 19 février 2013, M. [S] [D] a reconnu [Z] [D]-[U] née le 27 juillet 2013 à [Localité 4]. Il est décédé à [Localité 4] le 2 novembre 2019.

Par acte d'huissier de justice du 31 juillet 2020, [I] [D] a fait assigner Mme [G] [U], prise en qualité de représentante légale de sa fille mineure, [Z] [D]-[U], devant le tribunal judiciaire de Montauban en annulation de la reconnaissance de paternité effectuée par [S] [D].

Par jugement contradictoire en date du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a :

- dit que [Z] [D]-[U] dispose d'une possession d'état d'enfant de M. [S] [D] conforme à la reconnaissance du 29 juillet 2013 ;

- en conséquence, déclaré M. [I] [D] irrecevable en ses demandes;

- condamné M. [I] [D] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700,1° du code de procédure civile ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration électronique en date du 2 juillet 2021, M. [I] [D] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que [Z] [D]-[U] dispose d'une possession d'état d'enfant de M. [S] [D] conforme la reconnaissance du 29 juillet 2013,

- en conséquence, déclaré M. [I] [D] irrecevable en ses demandes,

- condamné M. [I] [D] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 1° du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'appelant notifiées via le RPVA le 29 juillet 2022, M. [I] [D] demande à la cour de bien vouloir :

Vu les articles 321 et 322 du code civil,

Vu les articles 332 et 334 du code civil,

Vu l'article 311-1 du code civil,

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par M. [I] [D] à l'encontre de du jugement rendu le 1er juin 2021 par le tribunal judiciaire de Montauban,

Y faisant droit,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a :

- dit que Mme [Z] [D]-[U] dispose d'une possession d'état d'enfant de [S] [D] conforme à la reconnaissance du 29 juillet 2013,

- déclaré M. [I] [D] irrecevable en ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- dire que l'enfant [Z] [D]-[U] n'a pas bénéficié d'une possession d'état de cinq ans,

- annuler la reconnaissance et par voie de conséquence, la filiation établie entre M. [S] [D] et l'enfant [Z] [D]-[U], selon acte de reconnaissance en date du 19 février 2013 dressé par la Mairie de [Localité 6],

- dire que [Z] [D]-[U] n'est pas la fille de M. [S] [D] né le 14 juillet 1946 à [Localité 5] et décédé le 2 novembre 2019 à [Localité 4],

- ordonner la transcription du jugement à intervenir sur les actes d'état civil de l'enfant et sur l'acte annulé, à la diligence du service civil du parquet,

- condamner Mme [G] [U] à verser à M. [I] [D] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel en accordant à Maître Martine Alary, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 29 novembre 2021, Mme [G] [U] demande à la cour de bien vouloir :

Vu les dispositions des articles L311-1, L311-2 et 333 du code civil,

- confirmer le jugement du 1er juin 2021,

- dire et juger l'existence d'une possession d'état de l'enfant [Z] [D]-[U] née le 27 juillet 2013 à [Localité 4] à l'égard de M. [S] [D], décédé le 02 novembre 2019,

- dire et juger irrecevables, et en tout cas infondées, les demandes de M. [I] [D],

- le débouter de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner aux dépens de l'instance, ainsi qu'au paiement d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par avis soutenu à l'audience, le Ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 26 septembre 2022 et l'affaire appelée à l'audience de plaidoirie en date du 11 octobre 2022.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIVATION

Selon les dispositions de l'article 333 du code civil, lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le véritable parent. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté. Nul ne peut contester, à l'exception du ministère public, la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance si elle a été fait ultérieurement.

Selon les termes de l'article 334 du code civil, à défaut de possession d'état conforme au titre, l'action en contestation peut être engagée par toute personne qui y a intérêt dans le délai prévu à l'article 321 du code civil, à savoir dix ans.

Selon l'article 311-1 du code civil, la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.

Les principaux de ces faits sont :

1° que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents;

2° que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;

3° que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;

4° qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;

5° qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.

La réunion de tous les éléments n'est pas nécessaire pour que la possession d'état puisse être établie, il suffit d'une réunion suffisante de faits indiquant le rapport de filiation et de parenté, étant précisé que selon l'article 311-2 du code civil, cette possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque.

En l'espèce, [Z] née le 27 juillet 2013 porte le nom de [D]-[U], faisant ainsi référence à la reconnaissance anticipée de M. [S] [D] en date du 19 février 2013, lequel faisait alors l'objet d'une mesure de curatelle renforcée depuis 2004 et renouvelée le 28 juin 2012 jusqu'au 30 janvier 2014, cette reconnaissance ayant été portée à la connaissance de son curateur dont il n'est pas établi qu'il se serait opposé à la levée de la mesure de protection quelques mois plus tard.

M. [I] [D] soutient que la reconnaissance de paternité est de pure complaisance en lien avec un abus de faiblesse de la part de Mme [U]: cependant la cour n'a pas à caractériser la réalité de la paternité pour vérifier la recevabilité de l'action de M. [I] [D] mais l'existence ou non d'une possession d'état de l'enfant conforme à la reconnaissance faite par le père déclaré pendant 5 ans.

A cet égard, le premier juge a parfaitement relevé que Mme [U] produisait aux débats trois attestations corroborant le fait que [Z] était présentée comme l'enfant de M. [S] [D] au centre aéré (en 2017), par des amis (au moins depuis 2016) et par le médecin depuis la naissance de l'enfant sans précision toutefois sur la date de la première rencontre entre ce médecin et M. [D]. Au soutien de ces attestations sont produites des pièces administratives qui peuvent caractérisant la volonté de M. [S] [D] de présenter [Z] comme sa fille : il en est ainsi de sa déclaration de rattachement de l'enfant à sa sécurité sociale dès le 15 juillet 2014, à sa mutuelle dès le 1er août 2014 au 31 décembre 2014 et pour les années 2018 et 2019 (photocopie seulement de la carte vitale), de même que les attestations d'assurance responsabilité civile pour la période du 22 mai 2015 au 30 juin 2015 et les factures de centre aéré qu'il a réglées en 2017 et 2018 et de cantine pour 2018.

Toutefois, il ne résulte pas de ces pièces qu'entre la naissance de l'enfant et juillet 2014 il soit démontré l'existence de la possession d'état au vu de l'imprécision de l'attestation du médecin : dès lors c'est à compter du 1er juillet 2014 que la période de 5 ans doit être démontrée, M. [D] étant décédé en novembre 2019.

Or sur sommation de déférer dans le cadre de l'instance d'appel, Mme [U] a produit un certificat de départ démontrant que l'enfant a été scolarisée au Maroc du 5 septembre 2018 au 25 août 2019, ainsi que la photocopie du passeport de l'enfant établissant qu'elle a quitté la France le 4 juillet 2018. Il ne résulte d'aucune pièce aux débats que pendant cette période de plus d'un an, M. [D] se soit comporté comme le père de [Z] soit en prenant en charge concrètement son quotidien en pourvoyant à son entretien et son éducation soit par le biais de contacts réguliers et publics : d'ailleurs aucune pièce ne permet de retenir que [Z] ait revu M. [D] postérieurement ou entretenu des liens de quelque nature que ce soit. Le seul fait qu'au moment du décès Mme [U] et M. [D] résidaient encore ensemble ne permet d'établir la permanence d'une possession d'état envers l'enfant, aucun témoin n'ayant pu constater les liens père/fille sur la période de vie au Maroc de l'enfant ou postéireure, ni même pendant la période antérieure de vie en France de l'enfant, à l'exception du médecin et de l'assistante du clae.

Ainsi contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il n'existe pas de possession d'état de l'enfant [Z] conforme à la reconnaissance de paternité de M. [D] durant cinq ans sans qu'il soit nécessaire de vérifier son caractère continu, paisible, publique et non équivoque.

Dès lors la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a dit que [Z] [D]-[U] dispose d'une possession d'état d'enfant de M. [S] [D] conforme à la reconnaissance du 29 juillet 2013 et a, en conséquence, déclaré M. [I] [D] irrecevable en ses demandes.

M. [I] [D] est dès lors recevable à contester la paternité de M. [S] [D] sur l'enfant [Z] : à cet égard, il résulte des déclarations même de Mme [U] que M. [D] n'est pas le père de l'enfant puisque le couple s'est rencontré alors qu'elle était enceinte de deux mois.

En conséquence, il convient d'annuler la reconnaissance de paternité et le lien de filiation établie entre M. [S] [D] et l'enfant [Z] [D]-[U] selon reconnaissance en date du 19 février 2013 dressé par la mairie de [Localité 6].

Sur les dépens

Mme [U] succombant principalement à l'instance sera tenue aux dépens d'appel et de 1ère instance par infirmation de la décision attaquée.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de M. [D] les frais irrépétibles non compris dans les dépens : une somme de 2.000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

la cour,

statuant dans les limites de sa saisine,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

- dit que [Z] [D]-[U] dispose d'une possession d'état d'enfant de M. [S] [D] conforme la reconnaissance du 29 juillet 2013,

- en conséquence, déclaré M. [I] [D] irrecevable en ses demandes,

- condamne M. [I] [D] aux dépens.

statuant à nouveau de ce chef,

- Déclare recevable M. [I] [D] en ses demandes en ce que [Z] [D]-[U] ne dispose pas d'une possession d'état d'enfant de M. [S] [D] d'au moins 5 ans,

- Annule la reconnaissance de paternité établie le 19 février 2013 auprès de la mairie de [Localité 6] par M. [S] [D] né le 14 juillet 1946 à [Localité 5] et décédé le 2 novembre 2019 à [Localité 4] sur l'enfant [Z] née le 27 juillet 2013 à [Localité 4],

- Ordonne la transcription du présent arrêt sur les actes d'état civil de l'enfant et sur l'acte annulé à la diligence du service civil du Parquet,

Condamne Mme [G] [U] à payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [G] [U] aux dépens de 1ère instance et d'appel et accorde à Me Martine Alary le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

M. TACHON C. GUENGARD .


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/02961
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;21.02961 ?
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