La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/12/2022 | FRANCE | N°20/00516

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 06 décembre 2022, 20/00516


06/12/2022





ARRÊT N°481/2022



N° RG 20/00516

N° Portalis DBVI-V-B7E-NOMM

A.M R / RC





Décision déférée du 20 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de

SAINT-GAUDENS - 19/133

M. FOUQUET

















[X] [R]

[E] [G] [K]

épouse [R]





C/



S.C.P. CLAIRE LE DROFF - [C] [M]




























>

































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [X] [R]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me G...

06/12/2022

ARRÊT N°481/2022

N° RG 20/00516

N° Portalis DBVI-V-B7E-NOMM

A.M R / RC

Décision déférée du 20 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de

SAINT-GAUDENS - 19/133

M. FOUQUET

[X] [R]

[E] [G] [K]

épouse [R]

C/

S.C.P. CLAIRE LE DROFF - [C] [M]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [X] [R]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Gaëlle LEFRANCOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [E] [G] [K] épouse [R]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Gaëlle LEFRANCOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.C.P. CLAIRE LE DROFF et [C] [M] Société Civile Professionnelle titulaire d'un Office Notarial, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social de la société.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant C. ROUGER et A.M ROBERT, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 5 août 2016, maître [C] [M], notaire à [Localité 1], a rédigé un compromis de vente par lequel M. et Mme [R] se sont engagés à vendre à Mme [V] leur maison d'habitation située à [Localité 1] pour le prix de 145 000 euros.

Le notaire a interrogé la Crcam 31, titulaire d'une hypothèque, qui lui a adressé un décompte le 24 août 2016 faisant état d'un plan de surendettement du 15 mars 2012 et d'une décision de recevabilité d'une nouvelle demande de surendettement du 12 août 2016 en précisant qu'une seule mensualité avait été honorée et que le total restant dû s'établissait à un montant de 94 153,09 euros.

La Commission de surendettement a déclaré recevable la nouvelle demande de M. et Mme [R] par décision du 11 août 2016.

Le 18 octobre 2016, maître [M] a adressé au tribunal d'instance pour le compte de M. et Mme [R] une requête afin que le juge du surendettement autorise la poursuite de la vente du bien immobilier ainsi que de l'achat par M. et Mme [R] d'un autre bien immobilier situé à [Localité 1].

Par ordonnance du 25 octobre 2016, le tribunal d'instance de Saint-Gaudens a autorisé M. et Mme [R] à signer l'acte authentique de vente de leur bien immobilier moyennant Ie prix de 145 000 euros ainsi que l'acte authentique d'acquisition d'un nouveau logement à [Localité 1] moyennant le prix de 30 800 euros et a rappelé que les débiteurs devaient dédier le solde recueilli de la vente de leur bien immobilier au règlement de leur endettement restant pour 8 028,66 euros.

Par acte authentique du 9 novembre 2016, maître [C] [M] a procédé à la vente immobilière de la maison d'habitation de M. et Mme [R] et a réglé au Crédit agricole le solde du prêt immobilier soit la somme de 94 153,09 euros.

Par acte d'huissier en date du 26 juillet 2018, M. et Mme [R], estimant que leur dette auprès du Crédit Agricole était prescrite, ont fait assigner la Scp Claire Le Droff et [C] [M] devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens aux fins de la voir condamner à leur payer la somme de 94 153,09 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 20 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a débouté M. [R] et Mme [K] épouse [R] de l'intégralité de leurs demandes et les a condamné aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi il a considéré que le notaire avait procédé à tous les actes utiles à la perfection de la vente en faisant lever l'interdiction imposée aux époux [R] par l'article L 722-5 du code de la consommation de faire un acte de disposition étranger à la gestion normale de leur patrimoine et en assurant le transfert de la propriété à l'acquéreur en procédant à la levée des inscriptions prises sur l'immeuble par le paiement du créancier inscrit. Il a estimé que le devoir de conseil du notaire ne lui imposait pas de rechercher les moyens de soustraire les époux [R] à un paiement auquel ils n'avaient jamais contesté être tenus et dont ils reconnaissaient encore l'exigibilité par une nouvelle déclaration de surendettement.

Il a considéré que, surabondamment, le seul écoulement du délai de deux ans prévu à l'article L 137-2 du code de la consommation qui prévoit une prescription biennale en matière de crédit immobilier ne suffit pas à établir dans les rapports avec les tiers la prescription, celle-ci ayant pu être interrompue.

Par déclaration en date du 10 février 2020, M. et Mme [R] ont relevé appel de ce jugement, critiquant l'ensemble de ses dispositions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 7 août 2020, M. [R] et Mme [K] épouse [R], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1240 du code civil, de :

- infirmer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

Vu l'article 1240 du code civil,

- dire que la Scp [C] [M] a commis des fautes engageant sa responsabilité délictuelle,

- dire que le préjudice qu'ils ont subi au titre des fautes commises s'élève à la somme de 94 135 euros,

- condamner en conséquence la Scp [C] [M] à leur payer la somme de 94 135 euros,

Subsidiairement,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

- dire que la Scp [C] [M] a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle,

- dire que le préjudice qu'ils ont subi au titre des fautes commises s'élèvent à la somme de 94 135 euros,

- condamner en conséquence la Scp [C] [M] à leur payer la somme de 94 135 euros,

En toutes hypothèses,

-condamner la Scp [C] [M] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 novembre 2020, la Scp Claire Le Droff-[C] [M], intimée, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de confirmer le jugement dont appel, débouter les époux [R] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre et les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui afin qu'ils produisent toutes les conséquences attendues ; son devoir d'information et de conseil s'exerce à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours, quelle que soit la nature de son intervention, et il est tenu de les éclairer, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets de cet acte ; la mise en jeu de sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil devenus 1240 et 1241 du code civil est subordonnée à l'existence d'une faute en relation de causalité directe avec un préjudice subi.

M. et Mme [R] font valoir que le notaire a commis trois fautes :

- en rédigeant le compromis de vente du 5 août 2016, alors qu'ils n'avaient pas la libre disposition de leur bien en application de l'article L.722-5 du code de la consommation,

- en ne tenant pas compte de la lettre du Crédit Agricole du 24 août 2016 qui mentionnait les deux procédures de surendettement et dont les termes laissaient apparaître que la créance pouvait être prescrite,

- en acceptant de payer le créancier au-delà des inscriptions dont il bénéficiait sur le bien (privilège du prêteur de denier pour 43 000 € et hypothèque conventionnelle pour 37400 €).

Ils estiment que sans ces fautes ils n'auraient pas eu à payer le Crédit Agricole puisque la dette était prescrite.

La Scp Le Droff-[M] fait valoir qu'elle n'a été informée de la situation de surendettement de M. et Mme [R] qu'à la lecture du courrier du Crédit Agricole en date du 24 août 2016, qu'elle a tiré les conséquences de cette situation dans le cadre de la seule mission qui lui était confiée, recevoir l'acte authentique de vente immobilière, en saisissant le tribunal d'instance d'une requête en vue de vendre et d'acquérir puis en réglant le créancier hypothécaire, et qu'ainsi aucune faute ne peut lui être imputée, tant au stade de la réception du compromis de vente qu'au stade de la réitération de la vente en la forme authentique.

M. et Mme [R] ne peuvent reprocher au notaire d'avoir rédigé et reçu le compromis de vente alors qu'ils n'avaient pas la libre disposition du bien immobilier vendu.

En effet, ils ne démontrent pas avoir informé le notaire de leur situation de surendettement alors même qu'aux termes du compromis de vente qu'ils ont signé le 5 août 2016 ils déclarent « ne pas avoir et n'avoir jamais été en état de règlement judiciaire, liquidation judiciaire, liquidation de biens, cessation de paiement, redressement judiciaire ou autre » et qu'aux termes de l'acte authentique de vente signé le 9 novembre 2016 au paragraphe « Réglementation sur le surendettement », ils reconnaissent « n'avoir transmis les éléments relatifs à leur situation de surendettement qu'après réception du compromis de vente ».

Des pièces produites au débat par les deux parties il ressort que le notaire n'a appris la situation de surendettement des vendeurs et leur deuxième demande de surendettement datée du 8 juillet 2016 (soit un mois avant la signature du compromis de vente) qu'à la lecture du courrier du Crédit Agricole du 24 août 2016 qu'il avait sollicité au regard de l'état hypothécaire du bien faisant apparaître des inscriptions à son profit.

M. et Mme [R] ne peuvent pas non plus reprocher au notaire de ne pas avoir tenu compte de la lettre du Crédit Agricole du 24 août 2016 qui mentionnait les deux procédures de surendettement et dont les termes auraient laissé apparaître que la créance pouvait être prescrite ni d'avoir payé le créancier au-delà des inscriptions dont il bénéficiait sur le bien.

Le notaire a tenu compte des procédures de surendettement et des inscriptions révélées par l'état hypothécaire relativement aux actes qu'il avait pour mission de mener à bien, étant tenu, tant à l'égard des vendeurs qu'à l'égard des acquéreurs, de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui afin qu'ils produisent toutes les conséquences attendues.

Il a en effet adressé au tribunal d'instance compétent une requête afin que les vendeurs en état de surendettement soient autorisés à passer l'acte de vente puis l'acte d'achat de leur nouvelle maison et a procédé à la vente et au règlement du créancier hypothécaire et bénéficiant du privilège du prêteur de denier, conformément aux termes de l'ordonnance rendue le 25 octobre 2016 par le tribunal d'instance de Saint-Gaudens.

Statuant au visa des dispositions des articles L 722-2 à 16 du code de la consommation et de la décision de la commission de surendettement en date du 12 août 2016 déclarant M. et Mme [R] recevables au bénéfice de la procédure de surendettement, le tribunal a autorisé la vente de leur bien immobilier pour le prix de 145 000 € et l'acquisition d'un nouveau bien immobilier pour 30 800 € et a rappelé que les débiteurs devaient dédier le solde recueilli au règlement de leur endettement restant pour 8028,66 €.

Le tribunal a motivé sa décision en reprenant le décompte effectué dans la requête aux termes duquel après paiement du solde dû au Crédit Agricole au titre du crédit immobilier et des frais inhérents à la vente les époux [R] recevraient la somme de 43 346,91 € (145 000- (94153,09+600+6500+400)). Il a indiqué qu'après paiement du Crédit Agricole il restera un solde de dettes de 20 575,57 €, que M. et Mme [R] pourraient diminuer cet endettement à hauteur de 12 546,91 € (43346,91-30800), à l'issue de la vente de leur bien et de l'achat de leur nouvelle maison, et qu'au regard de la mensualité de remboursement retenue par la Banque de France à hauteur de 202,98 € le solde dû, soit 8028,66 € serait réglé en trois ans et demi.

Il n'entrait pas dans les obligations du notaire, tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, de conseiller les vendeurs relativement à une procédure de surendettement initiée par eux et pour laquelle son concours, à supposer qu'il puisse l'être, n'avait pas été requis.

Par ailleurs il doit être rappelé que la prescription biennale prévue à l'article L 218-2 du code de la consommation, invoquée par M. et Mme [R], ne concerne pas la créance en elle-même mais l'action en paiement de cette créance et qu'un notaire a l'obligation de lever un état hypothécaire du bien vendu et de régler les créanciers hypothécaires.

Il résulte du tout que dès que le notaire a eu connaissance de la situation de surendettement de M. et Mme [R], il a effectué toutes les démarches nécessaires à l'établissement des actes pour lesquels il avait été requis par M. et Mme [R], en s'assurant du transfert de propriété à l'acquéreur par la levée des inscriptions prises sur l'immeuble par le paiement du créancier inscrit et que par ailleurs aucun manquement à son devoir d'information et de conseil, circonscrit à l'efficacité de l'acte et qui ne comprend pas une assistance juridique complète, ne peut lui être reproché.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [R] de leur demande en paiement de la somme de 94153 € à titre de dommages et intérêts.

Les demandes annexes

Confirmé en toutes ses dispositions principales le jugement entrepris doit aussi être confirmé quant à ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant en appel, M. et Mme [R] seront condamnés aux dépens d'appel et ne peuvent bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la Scp Le Droff-[M] les frais irrépétibles qu'elle exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens ;

- Condamne M. [X] [R] et Mme [E] [K] épouse [R] aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00516
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.00516 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award