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06/12/2022 | FRANCE | N°20/00510

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 06 décembre 2022, 20/00510


06/12/2022



ARRÊT N°480/2022



N° RG 20/00510

N° Portalis DBVI-V-B7E-NOJ7

MD/RC



Décision déférée du 12 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI

(17/01632)

M. [X]

















[J] [I]

SCI SCI LA BOUTEILLERIE SUR CIEL





C/



SCI JMF










































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSOCI...

06/12/2022

ARRÊT N°480/2022

N° RG 20/00510

N° Portalis DBVI-V-B7E-NOJ7

MD/RC

Décision déférée du 12 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI

(17/01632)

M. [X]

[J] [I]

SCI SCI LA BOUTEILLERIE SUR CIEL

C/

SCI JMF

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [J] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES

SCI LA BOUTEILLERIE SUR CIEL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES

INTIMEE

SCI JMF

souel

[Localité 3]

Représentée par Me Florence PAMPONNEAU de la SCP PAMPONNEAU TERRIE PERROUIN BELLEN-ROTGER, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C GARRIGUES, conseiller

A.M ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 28 décembre 1970, M. [O] [S] et son épouse Mme [C] [V], épouse [S] ont acquis une maison d'habitation sise [Adresse 1].

La société civile immobilière (Sci) Jmf, dont le gérant est M. [O] [S], a acquis, par jugement d'adjudication du 20 février 1998, ladite maison d'habitation.

Cette maison est mitoyenne de celle qui appartient, depuis la conclusion d'un acte authentique de vente du 22 décembre 2009, à la Sci La Bouteillerie sur ciel dont le gérant est M. [J] [I].

Par courrier recommandé du 4 septembre 2010, M. [I] a informé les vendeurs M. et Mme [L] de la découverte du mauvais état du mur mitoyen et sollicité un règlement amiable relativement à ce vice caché.

Le 12 avril 2016, la Sci Jmf a fait dresser un procès-verbal de constat par huissier de justice, relativement à la déformation du mur et Ia présence d'étaiements.

Par courrier recommandé du 19 avril 2016, M. [S] a contacté M. [I] en lui demandant de prendre en charge la moitié du coût des travaux de consolidation du mur mitoyen, soit une somme de 6 443 euros.

Par acte d'huissier signifié le 21 octobre 2016, la Sci Jmf, alléguant une déformation du mur mitoyen au niveau du deuxième étage, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albi, aux fins de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 16 décembre 2016, le juge des référés a fait droit à cette demande, et désigné comme expert M. [B] [F].

Le 1er juin 2017, le cabinet d'expertise amiable [G], mandaté par M. [I] a rendu son rapport.

L'expert judiciaire M. [F] a déposé son rapport le 16 juin 2017.

Par acte d'huissier du 16 juin 2017, la Sci Jmf a fait constater l'état des tuiles du toit des immeubles appartenant à la Sci Jmf et à M. [I].

Par courrier du 27 juin 2017, la Sci Jmf a sollicité de la part de la Sci La Bouteillerie sur ciel la prise en charge de la moitié des frais de remise en état du mur mitoyen, d'un préjudice de perte locative ainsi que la réparation de tuiles menaçant ruine.

Par courrier du 26 juillet 2017, la Sci La Bouteillerie sur ciel a contesté la solution de reprise retenue et proposé de régler la somme de 2 883,12 euros à titre d'indemnité transactionnelle correspondant à la moitié du coût des travaux suivant devis de la société Pyrénées renov.

Par courrier du 11 octobre 2017, M. [S] a indiqué être d'accord pour faire travailler ladite entreprise et que chaque partie supporte la somme de 2 883,12 euros mais maintenir ses demandes concernant les demandes financières et la remise en état des tuiles.

-:-:-:-:-:-

Par acte d'huissier du 5 octobre 2017, la Sci Jmf a fait assigner la Sci La Bouteillerie sur ciel et M. [I] devant le tribunal de grande instance d'Albi en homologation du rapport d'expertise, et aux fins des condamnations subséquentes.

Par jugement contradictoire du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Albi a :

- dit que le mur mitoyen entre les propriétés de la Sci Jmf et de la Sci La Bouteillerie sur ciel nécessitait des travaux confortatifs tels que déterminés dans le rapport d'expertise judiciaire du 16 juin 2017,

En conséquence,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel, es-qualité de copropriétaire mitoyen du mur, à verser à la Sci Jmf la somme de 5 766,24 euros correspondant à la moitié du montant des travaux, sur la base du devis du 16 juin 2017 et produit par les défendeurs,

- dit que cette somme sera indexée sur l'indice du bâtiment tous corps d'état BT01 de l'INSEE à la date à laquelle la présente décision sera devenue définitive,

- dit que cette somme sera en outre assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur,

- dit que les travaux préconisés seront réalisés par la société Jmf,

- condamné les défendeurs à permettre l'accès aux lieux nécessaires pour la réalisation des travaux, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jour où le présent jugement sera devenu définitif,

- condamné la Sci La Bouteillerie Sur Ciel à procéder à la remise en état des tuiles menaçant ruine sur sa partie de toit, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jour où le présent jugement sera devenu définitif,

- dit que la Sci La Bouteillerie Sur Ciel doit indemniser la Sci Jmf au titre du préjudice de jouissance subi par cette dernière,

Par conséquent,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel à verser à la Sci Jmf une somme de 2 euros pour chaque jour écoulé depuis le 19 avril 2016, et ce jusqu'au jour du paiement de l'indemnité mise à la charge de la Sci La Bouteillerie au titre des frais de remise en état,

- dit que cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur,

- rejeté la demande indemnitaire formulée par les défendeurs à hauteur de 3 465 euros,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel à verser à la Sci Jmf la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel aux entiers dépens de la présente instance,

- rejeté toutes autres demandes des parties.

Le tribunal a retenu que chaque propriétaire avait connaissance de l'aggravation de l'état de leur immeuble respectif et pouvait effectuer des travaux plus tôt, et considéré que les deux propriétaires devaient supporter, à parts égales, le coût des travaux nécessaires.

Le tribunal a retenu le devis de la société Pyrénées rénov, initialement accepté par M. [S] et fondé sur les indications techniques de l'expert de M. [I].

Il a estimé que le non-scellement des tuiles du toit de l'immeuble de la Sci La Bouteillerie sur ciel présentait un danger pour la toiture de l'immeuble de la Sci Jmf.

Enfin, il a considéré que la non-exécution des travaux a concouru au préjudice de jouissance subi par la Sci Jmf sans en avoir été la seule cause.

-:-:-:-:-:-

Par déclaration du 7 février 2020, M. [J] [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel, es-qualité de copropriétaire mitoyen du mur, à verser à la Sci Jmf la somme de 5 766,24 euros correspondant à la moitié du montant des travaux, sur la base du devis le 16 juin 2017 et produit par les défendeurs,

- dit que cette somme sera indexée sur l'indice du bâtiment tous corps d'état BT01 de l'INSEE à la date à laquelle la présente décision sera devenue définitive,

- dit que cette somme sera en outre assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur,

- dit que les travaux préconisés seront réalisés par la société Jmf,

- condamné les défendeurs à permettre l'accès aux lieux nécessaires pour la réalisation des travaux, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jour où le présent jugement sera devenu définitif,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel à procéder à la remise en état des tuiles menaçant ruine sur sa partie de toit, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jour où le présent jugement sera devenu définitif,

- dit que la Sci La Bouteillerie sur ciel doit indemniser la Sci Jmf au titre du préjudice de jouissance subi par cette dernière,

Par conséquent,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel à verser à la Sci Jmf une somme de 2 euros pour chaque jour écoulé depuis le 19 avril 2016, et ce jusqu'au jour du paiement de l'indemnité mise à la charge de la Sci La Bouteillerie au titre des frais de remise en état,

- dit que cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur,

- rejeté la demande indemnitaire formulée par les défendeurs à hauteur de 3 465 euros,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel à verser à la Sci Jmf la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel aux entiers dépens de la présente instance,

- rejeté toutes autres demandes des parties.

EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 septembre 2020, M. [J] [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel, appelants, demandent à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- débouter la Sci Jmf de l'intégralité de ses demandes comme injustes et infondées,

- 'dire et juger' que les travaux confortatifs du mur incombent exclusivement à la Sci Jmf,

- à titre subsidiaire, 'dire et juger' que la somme mise à la charge de la Sci La Bouteillerie au titre des travaux de reprise ne saurait excéder la somme de 5 766,24 euros / 2 soit 2 883,12 euros suivant devis de la société Pyrénées Renov,

- à titre très très subsidiaire, 'dire et juger' que la responsabilité de la Sci Jmf concernant l'état du mur est prépondérante,

- en tout état de cause, condamner la Sci Jmf au paiement de la somme de 3 465 euros au titre des travaux réalisés par la Sci La Bouteillerie,

- en tout état de cause, condamner la Sci Jmf au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

À l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :

- la Sci La Bouteillerie sur ciel ne conteste pas la réalité des désordres et la nécessité de renforcer le mur mais conteste le principe d'une participation au financement de ces travaux,

- la déformation du mur est exclusivement imputable au défaut d'entretien de son immeuble par la Sci Jmf,

- la Sci La Bouteillerie sur ciel a entrepris des travaux sur son immeuble, sans incidence sur la déformation du mur, mais réalisés au contraire en raison du mauvais état du mur,

- le juge a mis à la charge de la Sci La Bouteillerie sur ciel la totalité du coût des travaux de reprise alors qu'ils devaient être pris en charge à parts égales entre les deux propriétaires,

- M. [I] entretient sa toiture et aucun désordre affectant les tuiles de la toiture de la Sci La Bouteillerie sur ciel n'a été constaté contradictoirement,

- le préjudice de jouissance allégué par la Sci Jmf est dû à la vétusté de l'immeuble et au défaut d'entretien exclusivement imputable à la Sci Jmf.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 juin 2020, la Sci Jmf, intimée, demande à la cour de :

- débouter M. [I] et la Sci La Bouteillerie de leur appel et de l'ensemble de leurs demandes,

- homologuer le rapport d'expertise judiciaire de M. [F],

- ' dire et juger' qu'il est nécessaire de procéder à des travaux confortatifs des deux propriétés mitoyennes chiffrés par l'expert judiciaire à 13 200 euros,

- condamner la Sci La Bouteillerie n° 22 représentée par M. [I] son gérant à lui payer les frais de remise en état du mur de 13 200 euros /2 soit 6 600 euros réévaluée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction à la date de la décision de première instance, somme assortie des intérêts à compter de l'assignation introductive d'instance au taux légal jusqu'à complet paiement, à charge pour M. [S] pour le compte de la Sci Jmf de réaliser les travaux urgents confortatifs décrits par l'expert judiciaire,

- condamner la Sci La Bouteillerie n° 22 et M. [I], occupant, à permettre l'accès nécessaire aux lieux pour la réalisation des travaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner la Sci La Bouteillerie n° 22 et M. [I], occupant, à procéder à la remise en état des tuiles menaçant ruine, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner la Sci La Bouteillerie n° 22 à payer les frais d'assignation en référé et de frais d'expertise judiciaire et le droit de plaidoirie de la procédure en référé, frais rendus nécessaires de par le comportement des appelants, outre les frais de 1ère instance et d'appel,

- condamner la Sci La Bouteillerie à payer la somme de 6 660 euros outre celle de 400 euros/mois au titre du préjudice de jouissance à compter d'octobre 2017 jusqu'au paiement de la somme dû en principal de 6 600 euros avec indexation, intérêts et frais,

- condamner la Sci La Bouteillerie n° 22 aux entiers dépens de la présente instance ainsi qu'au paiement de la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en 1ère instance et la même somme pour la procédure en appel,

- subsidiairement, confirmer en tout point le jugement dont appel,

- en outre, condamner M. [I] et la Sci La Bouteillerie Sur Ciel aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles en appel.

À l'appui de ses prétentions, l'intimée soutient que :

- ce n'est pas sur le terrain de la faute qu'il convient de se placer mais celui de la propriété mitoyenne du mur, les propriétaires devant assurer les dépenses d'entretien et de réparation chacun à concurrence de moitié, sauf si les réparations sont rendues nécessaires par le fait d'un seul propriétaire ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- c'est à compter des travaux réalisés par la Sci La Bouteillerie sur ciel que l'aggravation du mur a été constatée,

- la déformation du mur mitoyen n'est pas due à M. [S] et la Sci Jmf,

- plusieurs pièces produites aux débats par les appelants sont critiquables et non probantes,

- dès l'acquisition de son bien M. [I] avait connaissance de la déformation du mur mitoyen comme en atteste le courrier envoyé à son vendeur,

- M. [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel ont reconnu le bienfondé des demandes en acceptant de prendre en charge la moitié des frais tel que cela ressort du courrier du 11 septembre 2017,

- il convient de retenir l'estimation de l'expert judiciaire, et non pas le devis de l'entreprise Pyrénées rénov qui ne reprend pas les préconisations de l'expert judiciaire, a été rédigé sans visite sur place, et n'est pas réalisable à ce jour,

- M. [S] subit un préjudice de perte locative,

- les tuiles situées en limite du mur [I] ne sont pas fixées au mortier et menacent de tomber, M. [I] reconnaissant en outre l'absence de scellement des tuiles,

- la Sci Jmf ne peut être tenue de rembourser les aménagements réalisés par la Sci La Bouteillerie sur ciel qui ne concernent pas le mur mitoyen.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 5 avril 2022.

MOTIVATION :

- Sur les travaux relatifs au mur mitoyen :

1. En vertu de l'article 655 du code civil, la réparation et la reconstruction d'un mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont droit, et proportionnellement au droit de chacun. Néanmoins, le propriétaire d'un mur mitoyen doit supporter seul les frais de réparation de ce mur lorsque les réparations sont rendues nécessaires par son fait.

Tant la Sci Jmf que la Sci La Bouteillerie sur ciel reconnaissent l'état de délabrement du mur mitoyen et la nécessité d'effectuer des travaux, par ailleurs établie par les procès-verbaux de constat d'huissier, le rapport d'expertise amiable réalisé de manière contradictoire et le rapport d'expertise judiciaire selon lequel les désordres affectant le mur mitoyen compromettent la stabilité et la solidité des deux immeubles.

M. [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel soutiennent que la déformation du mur est exclusivement imputable au défaut d'entretien de son immeuble par la Sci Jmf, sans pour autant établir que l'état de l'immeuble de la Sci Jmf serait la cause de la déformation du mur mitoyen.

Il ressort des pièces produites aux débats que les deux propriétaires ont, depuis plusieurs années, connaissance de l'état du mur et que la Sci Jmf a mis en place des étais, dès avant 2010 comme cela ressort du courrier envoyé par la Sci La Bouteillerie sur ciel à ses auteurs mais également que la Sci La Bouteillerie sur ciel a réalisé une structure en bois sur son fonds.

Le rapport d'expertise amiable a conclu que la déformation du mur existait depuis des décennies et qu'il n'était pas établi que les travaux entrepris par les parties dans leurs immeubles respectifs avaient participé à la déformation du mur.

Le rapport d'expertise déposé par M. [F] le 16 juin 2017, pièce de la procédure judiciaire de référé qui a pu être librement débattue par les parties dans leurs écritures tout au long de la procédure au fond et finalement produite à la cour, a conclu que la déformation du mur côté Sci Jmf provenait de la poussée effectuée dans le temps par le plancher du 3e niveau côté Sci La Bouteillerie sur le mur mitoyen, que la déformation du mur était ancienne et s'était aggravée au fil du temps.

Dès lors qu'il n'est pas prouvé que les réparations sont rendues nécessaires par le fait de l'un seulement des propriétaires, il convient de mettre à la charge de la Sci La Bouteillerie sur ciel et de la Sci Jmf, chacune, la moitié des frais de réparation et reconstruction du mur mitoyen.

2. Dans son rapport déposé le 16 juin 2017, l'expert judiciaire M. [F] estime que pour remédier aux désordres constatés, il faut effectuer des travaux préparatoires, des démolitions nécessaires à la réalisation des travaux, des étaiements du mur mitoyen et des planchers intermédiaires, réaliser une poutre en béton armé prenant appui sur le mur de façade et le mur arrière, des ossatures d'appui en béton armé, démontage des installations de chantier, évacuation des gravats et nettoyage.

Il a estimé le coût des travaux de réparation à la somme de 13 200 euros au vu des devis et facture produits.

L'expert amiable M. [G] avait retenu un coût estimatif de travaux de 5 500 euros toutes taxes comprises pour réaliser la solution la plus adéquate selon lui : réaliser une demi-ferme, démolir et reconstruire le mur, et considéré la réalisation d'une poutre en béton comme un poste superflu recherché par M. [S] aux fins de servir de point d'appui pour une future terrasse.

Cependant, au regard des conclusions de l'expert judiciaire sur les désordres et la nécessité de réaliser des ossatures d'appui en béton armé, il apparaît nécessaire de réaliser une poutre en béton armé, indépendamment des projets ultérieurs d'aménagement de leur immeuble par chaque propriétaire.

De sorte qu'il convient de retenir la somme de 13 200 euros au titre du coût des travaux relatifs au mur mitoyen, chaque partie devant supporter ce coût pour moitié.

En conséquence, il convient de condamner la Sci La Bouteillerie sur ciel en sa qualité de copropriétaire du mur mitoyen à verser à la Sci Jmf la somme de 6 600 euros à charge pour la Sci Jmf de réaliser les travaux préconisés.

Le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel, es-qualité de copropriétaire mitoyen du mur, à verser à la Sci Jmf la somme de 5 766,24 euros.

3. La Sci La Bouteillerie sur ciel sollicite l'infirmation de plusieurs chefs de jugement sans présenter aucun moyen au soutien de ses prétentions, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a indexé la somme sur l'indice du bâtiment tous corps d'état BT01 de l'INSEE à la date à laquelle le jugement sera devenue définitif, dit que cette somme sera en outre assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur, dit que les travaux préconisés seront réalisés par la société Jmf, condamné les défendeurs à permettre l'accès aux lieux nécessaires pour la réalisation des travaux, sans qu'il n'y ait lieu de prononcer une astreinte.

- Sur la demande de remise en état des tuiles de la toiture de la Sci La Bouteillerie sur ciel :

3. La Sci Jmf sollicite la condamnation de la Sci La Bouteillerie sur ciel à procéder à la remise en état des tuiles menaçant ruine, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Une telle action ne relève pas de la responsabilité contractuelle mais de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

La mise en 'uvre de la responsabilité sur ce fondement ne nécessite que la démonstration du caractère anormal du trouble invoqué, dont la charge incombe à celui qui s'en plaint.

L'anormalité du trouble s'apprécie in concreto dans sa réalité, sa nature et sa gravité en fonction des circonstances de temps et de lieu, notamment eu égard à ses conséquences dommageables pour les voisins le subissant et, en fonction des droits respectifs des parties, le juge devant opérer une balance des intérêts en présence.

Il résulte des pièces produites aux débats que les tuiles de rives de la toiture de la Sci La Bouteillerie sur ciel ne sont pas scellées et que certaines penchent sur la toiture de la Sci Jmf.

Pour autant, alors que le procès-verbal de constat d'huissier relatif à la toiture de la Sci La Bouteillerie sur ciel date du 16 juin 2017, soit, plus de cinq années avant la présente décision, aucune chute de tuile n'a été rapportée depuis.

Dès lors, il y a lieu de considérer que la Sci Jmf, sur laquelle pèse la charge de la preuve du trouble anormal de voisinage n'établit pas le trouble ni qu'il présenterait un caractère réel, actuel et certain.

Sa demande doit en conséquence être rejetée et le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi infirmé sur ce point.

- Sur le préjudice de perte locative :

4. La Sci Jmf sollicite l'indemnisation d'un préjudice de perte locative, sans pour autant démontrer qu'une faute de la Sci La Bouteillerie sur ciel est à l'origine du préjudice allégué.

En effet, il résulte des courriers échangés entre les parties en septembre et octobre 2017 qu'elles approuvaient toutes deux le devis établi par la société Pyrénées renov et auraient pu, à cette date, réaliser les travaux nécessaires à la mise en état du mur mitoyen.

Il n'est pas établi que la non-réalisation des travaux est le fruit d'une opposition de la Sci La Bouteillerie sur ciel.

La Sci Jmf sera en conséquence déboutée de sa demande.

Le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la Sci La Bouteillerie Sur Ciel doit indemniser la Sci Jmf au titre du préjudice de jouissance subi par cette dernière, condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel à verser à la Sci Jmf une somme de 2 euros pour chaque jour écoulé depuis le 19 avril 2016, et ce jusqu'au jour du paiement de l'indemnité mise à la charge de la Sci La Bouteillerie au titre des frais de remise en état, et dit que cette somme sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur.

- Sur la demande d'indemnisation présentée par la Sci La Bouteillerie :

5. La Sci La Bouteillerie demande à la cour de condamner la Sci Jmf au paiement de la somme de 3 465 euros au titre des travaux qu'elle a réalisés.

L'un des deux propriétaires qui fait exécuter des travaux sur le mur mitoyen ne peut en obtenir le remboursement que s'il justifie que la réalisation des travaux devait être entreprise d'urgence ou que l'autre propriétaire a donné son accord pour cette réalisation.

Il résulte des pièces produites par les parties que des travaux de soulagement du mur mitoyen s'imposent et s'imposaient quand la Sci La Bouteillerie sur ciel a fait réaliser la structure en bois dans son fonds.

Cependant, seul le rapport d'expertise amiable indique que les travaux précisément réalisés par la Sci La Bouteillerie sur ciel étaient nécessaires, sans que cette pièce soit corroborée par une autre pièce suffisamment probante et, alors que le rapport d'expertise judiciaire indique que la structure bois réalisée s'appuie sur le plancher du 3ème niveau et est indépendante du mur mitoyen.

Il n'est pas non plus démontré que la Sci Jmf ait donné son accord à la réalisation de ces travaux.

La Sci La Bouteillerie sera en conséquence déboutée de sa demande de condamnation de la Sci Jmf à lui payer la somme de 3 465 euros et le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi confirmé de ce chef.

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

6. Il convient d'infirmer le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi en ce qu'il a condamné la Sci La Bouteillerie sur ciel aux entiers dépens de première instance et à verser à la Sci Jmf la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En effet, au regard de l'économie générale du litige, il convient de partager par moitié entre les parties les dépens qui doivent comprendre, en raison de l'intime connexité avec le litige au fond, les frais de référé-expertise.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties qui les ont exposés, les frais non compris dans les dépens. Elles seront déboutées de leur demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi en ce qu'il a :

- dit que le mur mitoyen entre les propriétés de la Sci Jmf et de la Sci La Bouteillerie sur ciel nécessitait des travaux confortatifs tels que déterminés dans le rapport d'expertise judiciaire du 16 juin 2017,

- dit que les travaux préconisés seront réalisés par la société Jmf,

- rejeté la demande indemnitaire formulée par M. [J] [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel à hauteur de 3 465 euros.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sci La Bouteillerie sur ciel en sa qualité de copropriétaire du mur mitoyen à verser à la Sci Jmf la somme de 6 600 euros.

Dit que cette somme sera indexée sur l'indice du bâtiment tous corps d'état BT01 de l'INSEE à la date à laquelle la présente décision.

Dit que cette somme sera en outre assortie d'intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision, et ce jusqu'à complet paiement par le débiteur.

Dit que M. [J] [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel devra permettre l'accès aux lieux pour la réalisation des travaux.

Rejette la demande de la Sci Jmf de condamner la Sci La Bouteillerie Sur Ciel à procéder à la remise en état des tuiles sur sa partie de toit.

Rejette la demande de la Sci Jmf en indemnisation de son préjudice locatif.

Condamne M. [J] [I] et la Sci La Bouteillerie sur ciel d'une part et la Sci Jmf d'autre part, à hauteur de la moitié chacun, aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront également les dépens de référé-expertise.

Rejette les demandes présentées au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00510
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.00510 ?
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