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06/12/2022 | FRANCE | N°19/05183

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 06 décembre 2022, 19/05183


06/12/2022



ARRÊT N°476/2022



N° RG 19/05183

N° Portalis DBVI-V-B7D-NKS5

AMR / RC





Décision déférée du 06 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance de FOIX 09 (18/00461)

M. [O]

















[V], [P] [H]





C/



[I], [T], [B] [C]

[U], [D], [X] [S] épouse [C]





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame Dominique, [P] [H]

Le Vignau

09800 ENGOMER

Représentée par Me Marie BARAT d...

06/12/2022

ARRÊT N°476/2022

N° RG 19/05183

N° Portalis DBVI-V-B7D-NKS5

AMR / RC

Décision déférée du 06 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance de FOIX 09 (18/00461)

M. [O]

[V], [P] [H]

C/

[I], [T], [B] [C]

[U], [D], [X] [S] épouse [C]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame Dominique, [P] [H]

Le Vignau

09800 ENGOMER

Représentée par Me Marie BARAT de la SCP BARAT BALARD, avocat au barreau D'ARIEGE

INTIMES

Monsieur [I], [T], [B] [C]

Le Vignau

09800 ENGOMER

Représenté par Me Philippe SALVA de la SELARL PLAIS-THOMAS - SALVA, avocat au barreau D'ARIEGE

Madame [U], [D], [X] [S] épouse [C]

Le Vignau

09800 ENGOMER

Représentée par Me Philippe SALVA de la SELARL PLAIS-THOMAS - SALVA, avocat au barreau D'ARIEGE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.M ROBERT, conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] est propriétaire sur la commune d'Engomer (09), d'une maison d'habitation avec jardin sur les parcelles cadastrées [Cadastre 2] et [Cadastre 1], lesquelles voisinent la maison avec jardin propriété de M. [C] et Mme [S] épouse [C] cadastrée [Cadastre 3], lesquels ont fait édifier dans leur jardin et contre la façade arrière de leur maison une terrasse en surplomb.

Estimant que ses voisins bénéficiaient d'une vue droite irrégulière sur sa propriété et privait cette dernière d'ensoleillement, Mme [H] les fait assigner le 19 avril 2018 devant le tribunal de grande instance de Foix aux fins de voir ordonner la démolition de la terrasse.

Par jugement contradictoire en date du 6 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Foix a rejeté toutes conclusions contraires des parties, débouté Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer aux époux [C] la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que si, au regard des dispositions des articles 678 et 679 du code civil, la terrasse litigieuse créait une vue droite, la pose de cloisons en matériaux opaques en bois sur le bord de la terrasse d`où s`exerce la vue droite était de nature à empêcher toute vue irrégulière sur le fonds voisin. Il a relevé en outre que le défaut d'ensoleillement allégué, tel qu'il résulte des photographies ll et ll bis, provenait non pas des panneaux en bois mais de l'importance de la maison [C] et qu'ainsi la preuve de l'existence d'un trouble anormal du voisinage n'était pas rapportée par Mme [H].

Par déclaration en date du 2 décembre 2019, Mme [H] a relevé appel de ce jugement en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

DEMANDE DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 décembre 2021, Mme [H], appelante, demande à la cour, au visa des articles 544, 1240 et 678 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer aux époux [C] la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- ordonner aux époux [C] la suppression de la terrasse litigieuse dans un délai de 15 jours à compter de la décision à venir et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai ;

- prenant acte que les époux [C] ont en tout état de cause modifié les lieux postérieurement à la délivrance de l'assignation introductive d'instance,

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance en ce compris le coût du procès-verbal de constat en date du 19 avril 2018, outre une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

A titre subsidiaire,

- les condamner solidairement à lui verser une somme de 3 000 € de dommages et intérêts pour leur résistance abusive,

- condamner les époux [C] aux entiers dépens d'appel, outre une somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Elle fait valoir que ce n'est que postérieurement à l'assignation, en cours de procédure et pour les besoins de la cause que les époux [C] ont modifié la situation en remplaçant les panneaux translucides par des panneaux «pleins» afin d'essayer de se mettre un peu plus en conformité avec les textes applicables en la matière.

Elle relève que la hauteur de la terrasse est aisément déterminable au vu des éléments contenus dans la déclaration de travaux et le plan qui y est joint et que le non-respect de cette hauteur aggrave la servitude de vue et le trouble anormal de voisinage qu'elle subit.

Elle fait valoir que les panneaux «pleins» posés en remplacement des panneaux translucides laissent subsister une servitude de vue en ce que les lattes dont ils sont composés ne jointent pas entre elles et sont décalées les unes par rapport aux autres, créant des espaces où la vue est possible et qu'au-delà les époux [C] ont toujours une vue droite et confortable sur l'ensemble de son fonds qui est dominé par leur terrasse d'une hauteur de 2,70 mètres.

Elle soutient enfin que la terrasse des époux [C] occasionne une perte de vue et d'ensoleillement à son fonds déjà peu favorisé sur ces points de par sa situation.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 février 2020 M. [C] et Mme [S] épouse [C], intimés, demandent à la cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement dont appel et y ajoutant, de condamner Mme [H] à leur payer la somme de 2400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Ils font valoir que la hauteur de la terrasse a dû être adaptée au terrain en pente générant un écart de seulement 6 centimètres par rapport à la déclaration de travaux, que la terrasse a été construite conformément à l'accord auquel ils sont parvenu avec Mme [H] le 15 octobre 2017 en présence d'un témoin M. [G], qu'en suite de la mise en place des panneaux en bois plein toute vue droite sur le fond voisin est impossible et que s'agissant de la vue oblique la distance de 60 cm prévue par l'article 679 du code civil est respectée.

Ils soutiennent que Mme [H] n'établit pas quelle subit du fait de leur terrasse un trouble anormal de voisinage concernant la vue et l'ensoleillement et précisent que c'est en réalité leur maison qui crée l'ombre.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 1er février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La demande de suppression de la terrasse

Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi et les règlements, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage. La limite de la normalité des troubles de voisinage doit être appréciée en fonction des circonstances de temps et de lieu.

Il ressort tant du constat d'huissier dressé le 19 février 2018 à la demande de Mme [H] que de celui dressé le 11 mai 2019 à la demande de M. et Mme [C] que la terrasse édifiée par ces derniers a une hauteur de 2 mètres 63 à 2 mètres 76 depuis le sol naturel côté propriété [H], qu'elle s'étend sur 4 mètres de large à compter du mur façade de la maison [C] et que son plancher se situe à 50 cm de la limite de propriété, ce dont il résulte que des vues droites et obliques ont été créées sur le fonds voisin appartenant à Mme [H], contraires aux dispositions des articles 678 et 679 du Code civil.

L'accord des parties dont se prévalent M. et Mme [C] n'est pas établi dans la mesure où d'une part aucun écrit le constatant n'a été dressé et où d'autre part le témoin M. [R] [G] ayant assisté à une rencontre le dimanche 15 octobre 2017 entre Mme [H] et M. et Mme [C] n'en précise pas les termes. En effet il se borner à indiquer : «Après une heure de discussion il semblait qu'une entente avait été décidée sur la manière de réaliser cette terrasse afin que chacun y trouve son compte. J'ai donc quitté cette rencontre après que chacun des parties ai trouvé un accord et cette terrasse a été ensuite réalisée en tenant compte de cet accord oral dont j'ai été témoin ».

Il ressort du procès-verbal de constat dressé le 21 août 2018 à la demande de M. et Mme [C] que les vues droites sur le terrain de Mme [H] ont été supprimées par la pose de panneaux en bois de 1,80 à 2,04 mètres de haut (s'agissant des arrondis en partie haute des panneaux) sur toute la largeur de la terrasse, de la façade à l'angle Sud de la terrasse, et que les vues obliques ont été réduites par la pose d'un retour au Sud-ouest consistant en un panneau en bois fixé à l'angle Sud et présentant une largeur d'environ 0,90 mètre pour une hauteur de 1,88 mètre.

Pour autant, il résulte des photographies et constats d'huissier produits par les parties que la terrasse litigieuse et les panneaux occultants qui y ont été rajoutés en cours de procédure de première instance ont une hauteur côté propriété [H] de 4 mètres 43 à 4 mètres 80 par rapport au terrain naturel et créent une avancée par rapport à la maison [H] d'une longueur totale de 6 mètres 30 alors qu'à l'origine la maison [C] avait une avancée de 2 mètres 30 par rapport à la maison [H].

Cette avancée aggrave considérablement la situation du fonds [H] situé en retrait du fonds [C], créant un sentiment d'enfermement et entraînant nécessairement une perte de luminosité, ce dont M. et Mme [C] avaient bien conscience à l'origine puisque ils avaient mis en place des panneaux translucides.

Dans un lieu où plusieurs maisons ont été édifiées en alignement de façade avec des jardins sur l'arrière, ces troubles excèdent les inconvénients normaux du voisinage.

Pour y remédier, la destruction de la terrasse s'impose dans la mesure où la réduction de la hauteur des panneaux où la mise en place de panneaux translucides aurait pour effet de restaurer la vue droite et plongeante sur la propriété voisine.

Il convient en conséquence d'ordonner la suppression de la terrasse édifiée par M. et Mme [C] et des panneaux qui y sont posés dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et au-delà sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant 120 jours, le jugement étant infirmé.

La cour faisant droit à la demande principale de Mme [H], il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Les demandes annexes

M. et Mme [C] qui succombent dans leurs prétentions seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Le coût du constat d'huissier dressé le 19 février 2018, soit 338,09 €, dépense destinée à assurer la sauvegarde des droits de Mme [H], relève des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être pris en considération à ce titre.

M. et Mme [C] sont redevables d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, et ne peuvent eux-mêmes prétendre à l'application de ce texte à leur profit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement rendu le 6 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Foix ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

- Ordonne la suppression de la terrasse édifiée par M. [I] [C] et Mme [U] [S] épouse [C] et des panneaux qui y sont posés dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision et au-delà sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant 120 jours ;

- Condamne M. [I] [C] et Mme [U] [S] épouse [C] aux dépens de première instance et d'appel ;

- Condamne M. [I] [C] et Mme [U] [S] épouse [C] à payer à Mme [V] [H] la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- Déboute M. [I] [C] et Mme [U] [S] épouse [C] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/05183
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;19.05183 ?
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