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05/12/2022 | FRANCE | N°21/04393

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 05 décembre 2022, 21/04393


05/12/2022



ARRÊT N°22/712



N° RG 21/04393 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OOHT

SC - VM



Décision déférée du 05 Juillet 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 20/02005

JC. BARDOUT



















[L] [D]





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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame [L] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assist...

05/12/2022

ARRÊT N°22/712

N° RG 21/04393 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OOHT

SC - VM

Décision déférée du 05 Juillet 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 20/02005

JC. BARDOUT

[L] [D]

C/

[M] [P]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [L] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée par Me Aude ORLIAC, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [M] [P]

[Adresse 1]. 4

[Localité 2]

Représentée par Me Marie RIGOLE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022 en chambre du conseil, devant la Cour composée de :

C. GUENGARD, présidente

V. MICK, conseiller

M.C. CALVET, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. CENAC

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par M. JARDIN, substitut général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée les 05 novembre et 1er décembre 2021, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, présidente, et par C. CENAC, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE :

Mme [L] [D] et Mme [M] [P] ont contracté mariage le 27 avril 2019 devant l'officier de l'état civil de la commune de [Localité 5] (31).

Par le biais d'une procréation médicalement assistée réalisée au Danemark, Mme [D] a donné naissance à une enfant, [O], née le 19 mai 2019 à [Localité 6], actuellement âgée de 3 ans et demi.

Par acte notarié en date du 25 juillet 2019, Mme [D] a consenti à l'adoption plénière de l'enfant par son épouse.

Le couple s'est séparé en juin 2020.

Par requête en date du 30 juin 2020, Mme [D] a sollicité une ordonnance de protection auprès du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse lequel, par ordonnance contradictoire en date du 28 juillet 2020, l'en a déboutée.

Par acte d'huissier en date du 2 juillet 2020, Mme [D] a assigné Mme [P] sur une audience aux fins d'orientation et sur mesures provisoires dans le cadre d'une action aux fins de divorce.

Par ordonnance en date du 25 août 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse, statuant sur les mesures provisoires, a :

- débouté Mme [P] de sa demande de sursis à statuer dans l'attente du jugement suivant sa demande d'adoption plénière de l'enfant de Mme [D],

- attribué la jouissance du logement conjugal à Mme [D] (bien propre), à charge pour elle d'assumer définitivement les charges de cette occupation,

- ordonné, qu'à défaut pour Mme [P] d'avoir libéré le domicile conjugal, il sera procédé à son expulsion et à celle des occupants de son chef avec l'assistance de la force publique,

- dit que chacune des épouses peut reprendre ses vêtements et objets personnels.

Par acte d'huissier en date du 17 août 2020, Mme [P] a assigné Mme [D] devant le juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir un droit d'accueil de l'enfant.

Par jugement contradictoire en date du 14 septembre 2020, confirmé par arrêt de cour en date du 7 mai 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse a:

- fixé le droit de visite de Mme [P] à la convenance des parties et, en cas de difficulté, selon les modalités suivantes :

*les samedis des semaines paires de 10 heures à 18 heures,

*dit que l'enfant devra être prise et ramenée à sa résidence habituelle par la bénéficiaire du droit d'accueil ou par un tiers désigné par elle,

- dit, qu'à défaut d'accord amiable contraire, la bénéficiaire du droit d'accueil sera présumée avoir renoncé à son exercice si elle ne se présente pas au cours de ma première demi-heure,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire des parties,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.

Le 7 juillet 2020, Mme [P] a déposé une requête près le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir prononcer l'adoption plénière de l'enfant.

Par jugement contradictoire en date du 05 juillet 2021, la chambre du conseil du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- prononcé l'adoption plénière de [O], née le 19 mai 2019 à [Localité 6], de sexe féminin, par Mme [P],

- maintenu la filiation à l'égard de Mme [D], née le 22 avril 1980 à [Localité 6], exerçant la profession de responsable administrative et financière,

- dit que l'enfant portera le nom de famille [D] [P] (1ère partie: [D], seconde partie : [P]), tel qu'indiqué dans la requête et se prénommera [O], [N], [Y],

- dit que l'adoption produira ses effets à compter du 7 juillet 2020, jour du dépôt de la requête au secrétariat greffe du tribunal,

- ordonné la transcription du présent jugement sur les registres de l'état civil de [Localité 6] et dit que l'acte de naissance de l'enfant née le 19 mai 2019 à [Localité 6] dressé sous le numéro 703/3 sera revêtu de la mention 'adoption' et considéré comme nul,

- laissé les depens à la charge de l'adoptante.

*

Par déclaration électronique en date du 27 octobre 2021, Mme [D] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- prononcé l'adoption plénière de [O], née le 19 mai 2019 à [Localité 6], de sexe féminin, par Mme [P],

- maintenu la filiation à l'égard de Mme [D], née le 22 avril 1980 à [Localité 6], exerçant la profession de responsable administrative et financière,

- dit que l'enfant portera le nom de famille [D] / [P], tel qu'indiqué dans la requête et se prénommera [O], [N], [Y],

- dit que l'adoption produira ses effets à compter du 7 juillet 2020, jour du dépôt de la requête au secrétariat greffe du tribunal,

- ordonné la transcription du présent jugement sur les registres de l'état civil de [Localité 6] et dit que l'acte de naissance de l'enfant née le 19 mai 2019 à [Localité 6] dressé sous le numéro 703/3 sera revêtu de la mention 'adoption' et considéré comme nul.

*

Dans ses dernières conclusions d'appelant en date du 17 octobre 2022, Mme [D] demande à la cour de bien vouloir :

Sur la recevabilité de l'appel,

- constatant que la décision de première instance a bien été rendue en matière gracieuse,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel principal interjeté par Mme [D],

Sur le fond,

A titre principal,

- réformer le jugement rendu par la chambre du conseil le 5 juillet 2021 en ce qu'il a:

- prononcé l'adoption plénière de [O], [N], [Y], née le 19 mai 2019 à [Localité 6], de sexe féminin, par Mme [M], [F] [P],

- maintenu la filiation à l'égard de Mme [D] née le 22 avril 1980 à [Localité 6] exerçant la profession de responsable administrative et financière,

- dit que l'enfant portera le nom de famille [D] [P] (première partie [D], deuxième partie [P]) tel qu'indiqué dans la requête et se prénommera [O], [N], [Y],

- dit que l'adoption produira ses effets à compter du 7 juillet 2020, jour du dépôt de la requête au secrétariat greffe du tribunal,

- ordonné la transcription du jugement sur les registres de l'état civil de Toulouse et dit que l'acte de naissance de l'enfant né le 19 mai 2019 à [Localité 6] dressé sous le numéro 703/3 sera revêtu de la mention « adoption » et considéré comme nul,

- déclarer valable la rétractation de son consentement par Mme [D] à l'adoption de sa fille [O] [D] par Mme [M] [P],

- débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes et notamment de sa demande de voir prononcer l'adoption plénière d'[O] par ses soins et de voir l'enfant porter son nom de famille en plus de celui de Mme [D],

A titre subsidiaire, si la cour l'estime nécessaire, avant dire droit,

- ordonner une enquête sociale,

En tout état de cause,

- condamner Mme [P] à verser à Mme [D] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

*

Dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 25 mai 2022, Mme [P] demande à la cour de bien vouloir :

- prendre connaissance du dossier d'assistance éducative devant le juge des enfants,

- débouter Mme [D] de l'intégralité de ces demandes,

- confirmer le jugement en date du 5 juillet 2021 dans toutes ses dispositions en conséquence,

- prononcer avec toutes ses conséquences de droit l'adoption plénière par Mme [R]'[O], [N], [Y] [D] née le 19 mai 2019 à [Localité 6],

- dire que l'adoptée se nommera [O], [N] [Y] [E],

- ordonner la mention du jugement à intervenir en marge de l'acte de naissance des différentes parties sur les registres de l'état civil, conformément aux dispositions de l'article 354 du code civil.

*

Dans ses réquisitions écrites en date du 1er décembre 2021, le ministère public a sollicité l'infirmation du jugement déféré.

*

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 24 octobre 2022.

*

Par note en délibéré en date du 9 novembre 2022, la cour, après avoir sollicité communication du dossier d'assistance éducative des parties auprès du juge pour enfant compétent, a, après réception, laissé un délai expirant au 16 novembre pour leurs observations éventuelles.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions développées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande d'annulation du jugement déféré

Si l'appelante demande réformation 'voire annulation' du jugement déféré dans sa déclaration d'appel, elle ne soutient aucun moyen à cette fin dans ses dernières conclusions sans au demeurant reprendre à son dispositif une telle prétention de sorte que sa demande, à la supposer existante à l'origine, sera rejetée.

Sur la loi applicable

Aux termes de l'article 370-3 du code civil, dans sa version applicable à la date du dépôt de la requête aux fins d'adoption, les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l'un et l'autre époux la prohibe. L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France. Quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant.

Mme [P] épouse [D] étant de nationalité française, sans qu'il n'y ait lieu à prendre en considération d'autres éléments étrangers au cas d'espèce et alors que ce point n'est pas contesté, la loi française est applicable à la présente procédure de nature contentieuse.

Sur la demande d'adoption pleinière de l'enfant

A l'appui de sa demande d'infirmation du jugement déféré, Mme [D] expose qu'elle avait, depuis des années, le projet de devenir mère, bien avant sa rencontre avec Mme [P] en 2015. Elle ajoute que Mme [P], de manière insidieuse et complexe, a étendu son emprise sur elle à cette époque. Elle expose qu'elles ont cohabité à compter seulement de l'année 2017 et, qu'à partir de l'année 2018, elle s'est engagée dans un processus de procréation médicalement assistée au Danemark, dont elle a assumé seule le coût. Elle soutient que Mme [P] ne faisait pas partie du projet à ses débuts, qu'il ne s'agissait pas d'un projet commun que Mme [P] aurait accompagné de près, mais qu'elle a exigé de partager cette maternité et qu'elle a accepté, dans le cadre d'une relation déséquilibrée et anxiogène, de céder aux exigences de sa compagne, comme le démontreraient différents échanges électroniques. Elle expose de même que, fatiguée par ses journées de travail intenses et un traitement médicamenteux lourd, elle a accepté le mariage, puis l'apposition du nom de Mme [P] sur l'acte de naissance en qualité de tiers déclarant et enfin consenti devant notaire à l'adoption d'[O]. Elle affirme que ce n'est, qu'en mars 2020, qu'elle a compris qu'il y avait urgence pour elle et sa fille à s'éloigner de Mme [P], laquelle n'aura, en tout et pour tout, résidé avec [O] qu'à peine une année. Elle ajoute qu'elle a déposé deux plaintes à l'encontre de Mme [P], la première pour violences et la seconde concernant des comportements inacceptables sur [O] : bisous sur la bouche, attouchements sur le sexe de l'enfant, fait objet d'une première information préoccupante déclenchée par la protection maternelle infantile, le 27 juillet 2020, et d'une seconde information préoccupante réalisée par l'hôpital des enfants, en novembre 2020. La situation a fait l'objet d'une troisième information préoccupante émanant de l'assistante maternelle prenant en charge sa fille. Elle soutient d'une part la validité de la rétraction de son consentement sur le fondement des dispositions de l'article 348-3 alinéa 3 du code civil, lequel constituerait dès lors un obstacle à l'adoption pleinière. Elle souligne surtout que l'intérêt de l'enfant, seul critère à prendre en compte, doit s'apprécier in concreto, la charge de la preuve du fait que le maintien des liens est de l'intérêt supérieur de l'enfant reposant sur le candidat à l'adoption. Elle estime que le conflit grave et profond qui l'oppose à Mme [P] est un élément important à prendre en considération pour apprécier l'intérêt d'[O]. De plus, Mme [P] ne démontrerait pas sérieusement, qu'avant sa conception ou dans les premiers mois de sa vie, elle s'est impliquée sans faille vis-à-vis d'[O], qu'elle serait un adulte référent défini par la jurisprudence comme celui qui est stable, prévisible, accessible, capable de comprendre les besoins et d'apaiser les tensions, alors que l'assistante maternelle de l'enfant témoigne que celle-ci est très perturbée les jours qui suivent la visite de Mme [P], laquelle n'est pas identifiée par [O] comme étant une figure parentale. Elle conclut sur le fait que depuis l'élargissement des droits de Mme [P] par arrêt de cette cour, l'enfant présenterait des perturbations psychologiques qui se seraient aggravées notamment s'agissant de troubles du langage, le tout parfaitement objectivé par le psychologue qui la suit ainsi que par des attestations de proches outre le constat effectué par le juge des enfants dans son dernier jugement récent du mois de septembre 2022.

Pour sa part, Mme [P] conteste l'existence de violences et d'une contrainte sur Mme [D], aucun des faits reprochés par celle-ci n'ayant pu être constaté, les procédures ayant été classées sans suite. Elle souligne que leur relation qui a duré cinq ans s'est concrétisée par un mariage, un projet de procréation médicalement assistée et une procédure d'adoption.

Elle soutient qu'elle a été présente durant toute la grossesse de son épouse ne cessant de lui apporter assistance et soutien, qu'elle a été là pour la naissance de l'enfant, les soins, les nuits, les changes et au fil du temps, son éveil, son éducation et constitue une seconde figure parentale, pilier de la vie d'[O]. Elle déclare qu'il ne fait aucun doute que l'enfant est née du couple qu'elles formaient et le fruit d'un projet commun. Elle ajoute qu'elle est reconnue par l'ensemble des professionnels de la santé et de la petite enfance comme une personne aimante, bienveillante, attentive aux besoins de l'enfant et qu'il est urgent de sécuriser au plus vite son lien avec [O], afin de ne pas la priver de sa seconde figure parentale et de son droit d'entretenir des relations personnelles avec elle.

Le ministère public fait valoir de son côté que le prononcé de l'adoption pleinière ne ferait que prolonger ou du moins n'apaiserait pas le conflit familial exacerbé de sorte qu'il serait contraire à l'intérêt moral de l'enfant dans la mesure où il péreniserait son instrumentalisation et la priverait d'un cadre de vie stable. Il sollicite infirmation du jugement entrepris.

*

Aux termes de l'article 353 du code civil, l'adoption est prononcée à la requête de l'adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant.

Le contrôle de légalité opéré par le tribunal sur la différence d'âge entre l'adoptant et l'adopté prévu à l'article 344 du code civil ainsi que sur la durée minimale d'accueil de l'adopté âgé de moins de 15 ans prévue par l'article 345 du code civil ne fait l'objet d'aucune critique de sorte que ces critères légaux sont acquis aux débats, sans qu'il soit nécessaire d'y revenir.

S'agissant du consentement du conjoint de l'adoptant prévu par les dispositions de l'article 343-1 du code civil ainsi que ses modalités de rétractation fixées par l'article 348-3 du même code, Mme [D] se prévaut à tort d'une telle rétractation tenant son caractère tardif, au demeurant non contesté, pour avoir été formulé postérieurement au délai légal de deux mois dès lors que sa demande de validation de rétraction consiste en réalité à acter une demande en 'restitution' de l'enfant selon une procédure distincte, ce qui est donc sans rapport avec le cas d'espèce, Mme [D] intervenant volontairement à la requête aux fins d'adoption pleinière de Mme [P].

Dans ces conditions, la rétractation de Mme [D] quant au consentement de l'enfant n'est pas acquise, alors qu'en toute hypothèse l'intérêt de l'enfant la primerait à la supposer recevable, sans constituer un obstacle légal.

Au final, seul l'intérêt de l'enfant à son adoption par Mme [A], conjointe de la mère, est l'objet de discussions opérantes, l'ensemble des autres critères légaux étant acquis.

*

Il n'est pas contesté que Mme [D] et Mme [P] aient entretenu une relation qui s'est prolongée durant cinq années et au cours desquelles elles ont vécu ensemble à compter d'octobre 2017 jusqu'au 17 juin 2020, date à laquelle Mme [D] a quitté le domicile conjugal.

Il est établi que la déclaration de consentement pour traitement de la fertilité au Danemark, en date du 25 juillet 2018, a été signée par Mme [D] et Mme [P] qui ont alors déclaré vivre ensemble. L'acte contient une reconnaissance de la parentalité, qui comporte, sous la loi danoise, l'obligation de subvenir aux besoins de l'enfant jusqu'à ses 18 ans. Le couple s'est ensuite marié le 27 avril 2019 et [O] est née le 19 mai, soit moins d'un mois après le mariage.

Par acte du 25 juillet 2019, le notaire du couple a reçu le consentement exprès de Mme [D] à l'adoption plénière d'[O] par Mme [P] et il a certifié qu'aucune rétractation légale n'était intervenue dans le délai légal de deux mois.

Cette chronologie et les différents actes positifs posés par les parties (vie commune, déclaration de consentement commune pour le traitement de la fertilité, mariage, consentement à l'adoption) établissent, comme a pu déjà le rappeler la cour dans son arrêt en date du 17 mai 2022 sans aucun élément nouveau produit depuis contraire, que le projet de maternité était un projet familial commun, contrairement à ce qu'allégué par l'appelante.

Pour réfuter l'existence de ce projet commun, Mme [D] dépeint une relation d'emprise de Mme [P] et le fait que la vie commune, le mariage ainsi que le consentement à l'adoption résultaient de pressions et violences, dans le cadre d'une relation de domination de son ex-compagne.

Or, les plaintes déposées par Mme [D] ont été classées sans suite et elle a été déboutée le 28 juillet 2020 de ses demandes présentées au titre d'une ordonnance de protection au motif que les déclarations de mains courantes et les dépôts de plainte de mai et juin 2020, le certificat médical du 2 juillet 2020 attestant de troubles de l'attention du sommeil avec cauchemars multiples, perte de l'appétit et anxiété et les attestations produites ne permettaient pas de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence et le danger allégués.

En outre, la lecture des messages échangés entre les parties produits par Mme [P] révèle des échanges tendres, sans agressivité.

Ceux produits par Mme [D], soit des messages envoyés à des amis mettent au jour certes des critiques de Mme [D] sur son épouse qui ne se mobilise par pour retrouver un emploi, ainsi que des tensions, mais ne corroborent pas les faits de violences, pressions et de contraintes alléguées, encore moins un désintérêt de Mme [P] pour le projet de conception de l'enfant puisque ne figurent dans ses échanges rien de la main de Mme [P], l'ensemble résultant de l'analyse ou du sentiment de Mme [D] sur le positionnement de Mme [P], ce qui ne qualifie pas une vérité.

Les attestations de ses parents produites par Mme [D], notamment de son père, n'apparaissent pas objectives et se référer à des faits dont il a pu lui-même constater la réalité.

Le conflit apparaît en réalité, comme la cour a d'ailleurs pu également déjà l'énoncer, s'être noué autour de l'enfant. En effet, dans sa main courante en date du 12 juin 2020, Mme [D] indique: ' j'ai décidé d'entamer une demande de divorce pour protéger ma fille, car elle veut se l'approprier. Lors de son dépôt de plainte du 17 juin elle précise : 'cela ne va pas entre nous depuis le confinement. Depuis le confinement, elle s'accapare la petite. Elle lui parle gitan. Elle a une emprise sur elle (...)J'estime que ce n'est pas sa fille car c'est moi qui l'ai portée et j'ai tout payé'.

Mme [D] souligne, dans ses écritures, que le projet de maternité était le sien et que Mme [P] s'est imposée progressivement exigeant de partager cette maternité.

Elle rapporte effectivement la preuve qu'elle avait un projet de maternité avant même de connaître Mme [P]. Pour autant, la déclaration de consentement pour traitement de la fertilité du 25 juillet 2018, qui est un élément de preuve difficilement réfutable ainsi que la lecture des messages produits entre les parties établissent que la maternité était un projet commun. Elles s'écrivent ainsi à titre d'exemple : 'dis-moi quelles sont tes questions'; réponse: 'pour les donneurs, les examens nécessaires, et pour les paillettes que nous avons s'ils sont d'accord pour les utiliser' ou 'le projet bébé est depuis le début ta volonté et tu m'as convaincue de le faire. Pour le choix du père tu ne souhaitais pas qu'il y en ait justement pour qu'on reste dans notre famille et qu'il n'y ait pas d'interférences et pour que tu puisses avoir le droit de l'adopter. Du coup on a éliminé les garçons à qui on l'a demandé. Pour moi c'est important qu'il y ait deux parents au cas où il arrive quelque chose à l'un des deux. Je veux juste être assurée sur la priorité que tu donnerais à notre famille' , éléments qui corroborent donc la co-construction dans le temps de ce projet et son suivi.

Il est, dès lors, établi que Mme [P] était partie prenante du projet d'enfant. Ainsi, les parties ont discuté ensemble du donneur de telle sorte qu'un ami de Mme [D] pressenti a été écarté du projet par Mme [P], laquelle a proposé son frère alors qu'au final elles ont choisi une insémination au Danemark, où l'enfant pouvait connaître ses origines. Il est également établi que Mme [P] a accompagné Mme [D] lors des inséminations, durant la période du suivi médical et lors de l'accouchement.

Ensuite, il est justifié que Mme [P] a résidé de manière stable avec Mme [D] et l'enfant du temps de la vie commune soit entre le 27 avril 2019, date de naissance d'[O] et le 17 juin 2020, soit sur une durée de plus de treize mois de sorte que cette cohabitation sur le plan purement matérielle n'a pas été que ponctuelle.

Durant cette période, s'il est exact que l'enfant était gardée par une assistante maternelle, alors que Mme [P] ne travaillait pas, il ressort des messages échangés que Mme [P] s'en occupait avec sa compagne et apportait de l'attention et des soins à [O], à titre d'exemple: 'la petite je l'ai douchée lorsqu'elle s'est réveillée', 'on est sur la route pour aller chez le kiné', 'ça s'est bien passé chez la nounou', 'je lui ai fait sa toilette, elle est en pyjama, j'ai mis au lit la petite'.

Mme [W], médecin généraliste remplaçant, a attesté que Mme [P] avait amené [O] en consultation, alors qu'elle n'avait pas encore un mois et à la consultation du premier et du cinquième mois, qu'elle avait vu se créer le lien très fort entre [O] et Mme [P], laquelle était très à l'aise dans sa prise en charge. Elle souligne que l'enfant étant apaisée par sa présence. M. [V], kinésithérapeute, a exposé que Mme [P] avait amené [O] lors de séances de kinésithérapie, qu'elle était: 'toujours très attentive aux petits problèmes de santé de sa fille (rhume, encombrement)', ainsi que de l'existence d'une forte complicité entre [O] et Mme [P], qui se traduisait par de nombreux sourires mais aussi par l'apaisement de l'enfant lorsqu'elle la prenait dans ses bras. Mme [T], première assistante maternelle d'[O], a expliqué que, lors de la période d'adaptation de l'enfant, Mme [D] avait été présente une première fois mais que par la suite seule Mme [P] était présente et lui avait expliqué les habitudes de l'enfant, ses rituels, ses horaires et a attesté de l'implication de Mme [P] quant au bien-être et à l'épanouissement d'[O].

Mme [P] a ainsi participé à la protection, aux soins et à l'éducation de l'enfant durant la vie commune et sa prime enfance et a noué avec elle des liens d'affection. Son intention de maintenir ses liens sur la durée est, en outre, démontrée par le maintien de la procédure d'adoption après la séparation du couple, les procédures aux fins d'obtenir des droits de visite et d'hébergement et surtout l'exercice effectif des droits de visite dont elle a bénéficie suite au jugement lui ayant accordé lesdits droits.

Il résulte de ce qui précède que la naissance d'[O] résulte d'un désir et d'un projet commun parental du couple, qui vivait ensemble depuis octobre 2017 et qu'il a été porté par les deux femmes. Il est, en outre, rapporté la preuve que Mme [P] a pris soin, au quotidien, d'[O] avec Mme [D] de sa naissance en jusqu'à l'abandon du domicile par Mme [D] en juin 2020 et a noué avec la fillette, depuis sa naissance, il y a trois ans, des liens d'affection qu'elle entend maintenir sur la durée.

Mme [D] s'appuie ensuite sur le conflit parental existant et ses répercussions sur l'enfant pour conclure qu'il n'est pas dans l'intérêt d'[O] d'établir un lien de filiation avec Mme [P], ce qui rejoint les préoccupations du ministère public qui tend à infirmation du jugement entrepris pour ce motif.

Il résulte pourtant des pièces du dossier d'assistance éducative que ce sont les inquiétudes de Mme [D] qui sont à l'origine de la première information préoccupante émanant de l'hôpital des enfants, celle-ci ayant fait état de comportements inadaptés de Mme [P] (bain trop chaud, bises sur la bouche et sur le sexe...), le second émanant du service de prévention et d'accueil de la petite enfance, qui a relayé les dires de la seconde assistante maternelle d'[O].

Le rapport indique qu'il est difficile d'évaluer les propos de Mme [D] quant à la prise en charge de sa fille par son ex-compagne. [O] est décrite comme une enfant harmonieuse, sans problème de comportement. Ce même rapport se questionnait sur leur personnalité et sur le discours hypersexualisé que les deux femmes tiennent au sujet d'[O] et de ses comportements.

La première assistante maternelle de l'enfant s'était retrouvée prise à partie, les deux femmes lui demandant de fournir des attestations concernant la prise en charge de l'enfant. Pareillement, la seconde assistante maternelle avait été prise dans le conflit. Mme [D] lui avait révélé l'appartenance de Mme [P] à la communauté des gens du voyage, ce qui insécurise celle-ci encore aujourd'hui. Cette assistante maternelle avait signalé de la fatigue et quelques difficultés au retour des visites.

Mme [D] avait indiqué qu'il avait un intérêt pour [O] à voir Mme [P] mais qu'elle voulait compte-tenu de ses inquiétudes que cela soit encadré.

Les observations d'[O] par la psychologue avaient mis en évidence un attachement sécure à la mère. Il était constaté que la fillette s'exprimait très bien pour son âge et interagissait facilement avec l'adulte étranger.

Le signalement de l'aide sociale à l'enfance transmis au procureur de la République, objet de la requête du 12 février 2021, se fonde sur le conflit de couple, les accusations pouvant être très préjudiciables pour l'enfant, des questions restant posées quant à la personnalité des deux ex-compagnes, mais il note également qu'[O] n'a aucun trouble et a un bon développement psychomoteur.

La lecture des notes d'audience devant le juge des enfants permet de confirmer que rien de particulier n'a été observé chez l'enfant et que ce qui inquiète l'aide sociale à l'enfance c'était la persistance du conflit entre les adultes et la façon dont l'enfant est exposée, photographiée, interrogée.

Dans ces conditions, le juge des enfants de Toulouse, par jugement en date du 18 mars 2021, tenant compte de l'absence de communication et du conflit majeur dans un contexte de multiplication des procédures,donnant lieu à une interprétation systématique de tous les agissements d'[O], et impliquant l'assistante maternelle prise à partie ainsi que d'un discours hypersexualisé au sujet de l'enfant mais aussi les angoisses massives de Mme [D], a ordonné une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert jusqu'au 30 septembre 2022.

A la lecture de ces éléments et des pièces produites aux débats, aucune preuve objective du défaut de qualité éducative de Mme [P] ou de comportements inappropriés n'est apportée. Au contraire, elle est décrite, par les deux professionnels précités comme étant une personne attentive, ayant une présence apaisante auprès de l'enfant.

Les derniers éléments du dossier d'asssitance éducative, extrêmement récents, ne font que confirmer cette impression d'ensemble initiale d'un conflit qui ne se tarit pas, avec un discours hypersexualisé des deux parties au sujet de l'enfant à l'origine. S'ils concluent à des différences manifestes de cadres éducatifs justifiant le maintien d'un accompagnement, en aucune manière, ils ne stigmatisent, ni n'objectivent un désintérêt de la part de Mme [P] quant à l'enfant à l'origine et par la suite, pas plus que des défaillances éducatives de sa part conduisant à un mal-être de l'enfant en particulier depuis l'élargissement de ses droits comme allégué, aucun lien de cause à effet n'étant établi.

En réalité, les pièces du dossier font état d'une difficulté de la part de Mme [D] à se décaler du conflit conjugal dans l'intérêt de sa fille afin de parvenir à analyser l'impact de ses propres angoisses et la recherche systématique de preuves de manière inadaptée à l'égard de l'enfant. Il est aussi question d'un verrouillage de la parole de l'enfant de la part de Mme [D] à l'égard de Mme [P] avec une communication entre les deux parties difficultueuses.

S'il va de soit que l'intérêt d'un enfant est de grandir loin des conflits, la seule existence de relations désormais très conflictuelles entre les parties ne saurait priver l'enfant de la relation qui s'est nouée dans sa prime enfance avec Mme [P] et qu'il est dans son intérêt qu'elle conserve. La qualité de l'implication et de la relation affective de Mme [P] à l'égard de l'enfant, dès le projet de sa conception, est donc suffisamment établie, alors que ne sont pas discutées les dimensions matérielles d'accueil du jeune enfant.

La conflictualité survenue rapidement dans les mois qui ont suivi la naissance au sein du couple, aussi intense soit-elle, à la supposer au demeurant totalement indexée au seul positionnement de Mme [P], ce qui ne résulte ni des pièces du dossier d'assistance éducative, ni du rejet de l'ordonnance de protection de la mère, ni du classement pénal de ses plaintes contre son épouse, n'est au final pas différente par sa nature de celle qui peut survenir dans bien d'autres couples après la naissance d'un enfant commun sans qu'il ne soit envisagé, ni légalement, ni en pratique une destruction de la filiation de celui à qui elle est imputée, si tant est qu'une telle imputation unilatérale soit possible.

Ces éléments, postérieurs au projet de conception, à la naissance de l'enfant et ses premiers mois de vie, sont donc, au cas d'espèce, dépourvus de liens directs avec la consécration d'une filiation pour l'enfant par suite des conséquences d'une adoption pleinière, ne touchant en réalité qu'aux modalités d'exercice de l'autorité parentale et ses attributs dont le juge aux affaires familiales et le juge pour enfants ont déjà la charge dans leur pré-carré respectif.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont consacré l'adoption pleinière de l'enfant par Mme [P], épouse de la mère et tiré les conséquences qui s'imposaient s'agissant de son nom de famille sur le fondement de l'article 357, alinéa 4 du code civil, sans que la demande de tiret séparatif entre les deux noms de famille revendiqué par l'intimée à son dispositif malgré une demande de confirmation du premier jugement ne puisse être accueillie, faute de fondement légal.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Mme [D] aura la charge des dépens d'appel.

L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

statuant dans les limites de sa saisine :

- confirme le jugement attaqué ;

- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

- dit que Mme [L] [D] aura la charge des dépens d'appel.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

C. CENAC C. GUENGARD

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/04393
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;21.04393 ?
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