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05/12/2022 | FRANCE | N°21/00716

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 05 décembre 2022, 21/00716


05/12/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/00716

N° Portalis DBVI-V-B7F-N7LF

CR/RC



Décision déférée du 26 Novembre 2020

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 18/00681

MME [Y]

















S.A.S.U. CLINIQUE D'OCCITANIE

SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES





C/



[K] [I]

[T] [I]

[G] [I]

[J] [R]

[L] [F]

[D] [I]

[V] [B]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ DECEMB...

05/12/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/00716

N° Portalis DBVI-V-B7F-N7LF

CR/RC

Décision déférée du 26 Novembre 2020

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 18/00681

MME [Y]

S.A.S.U. CLINIQUE D'OCCITANIE

SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES

C/

[K] [I]

[T] [I]

[G] [I]

[J] [R]

[L] [F]

[D] [I]

[V] [B]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ DECEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTES

S.A.S.U. CLINIQUE D'OCCITANIE

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Georges DAUMAS de la SCP GEORGES DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Georges DAUMAS de la SCP GEORGES DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [K] [I]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représenté par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [T] [I]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représenté par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [G] [I]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentée par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [J] [R]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représenté par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [L] [F]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Mademoiselle [D] [I]

Représentée par Monsieur [T] [I]

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [V] [B]

Représenté par Madame [G] [I]

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Carole KIRSCH, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE prise en la personne de son directeur général en exercice domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 15]

Représentée par Me Sandrine BEZARD de la SCP VPNG, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

J.C [I], conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

***

OBJET DU LITIGE ET PROCÉDURE

Mme [H] [I], née le [Date naissance 7] 1950 et âgée de 65 ans au moment des faits, après avoir ressenti des céphalées pendant plusieurs jours présentait dans la nuit du 11 au 12 novembre 2015, vers 4 heures du matin, de violents maux de tête qui conduisaient son époux à l'amener aux urgences de la clinique d'Occitanie à [Localité 12] située à environ 10 minutes de leur domicile (7 km).

Arrivé devant la clinique aux environs de 5h, après avoir sonné à l'interphone des urgences de cette clinique, il lui était demandé par un membre du personnel paramédical qui ne lui ouvrait pas la porte, de conduire son épouse aux urgences neurologiques de l'hôpital Purpan à [Localité 15] (31).

Mme [I] s'était à nouveau sentie mal sur le parking et son époux insistait pour que la clinique prenne en charge son épouse. Il se heurtait de nouveau à un refus de prise en charge.

Il conduisait alors son épouse au centre hospitalier universitaire (CHU) de [Localité 15],

situé à environ 20 minutes de la clinique où il était arrivé à 5h27.

Dès la sortie du véhicule, Mme [I] s'effondrait. Prise en charge, elle présentait un score de Glasgow à 3, signe d'un coma extrêmement profond. Elle était intubée et un scanner montrait une volumineuse hémorragie compliquée d'hydrocéphalie débutante sur anévrisme de l'artère vertébrale droite. Une dérivation ventriculaire externe était installée.

Après un séjour en neurochirurgie, Mme [I] était transférée au centre de rééducation de [S] le 22 décembre 2015.

Les suites étaient marquées par de très nombreuses complications nécessitant notamment un nouveau drainage céphalo-rachidien destiné à empêcher une hydrocéphalie.

Le 16 septembre 2016, l'état de santé de Mme [I] se dégradait avec des troubles de la déglutition nécessitant une trachéotomie et la mise en place d'une sonde de gastrostomie.

Mme [I] décédait le [Date décès 6] 2017.

Par actes en date des 5 et 9 février 2018, [K] [I], époux de la victime, [T] et [G] [I], ses enfants, [J] [Z], [L] [F], [D] [I] et [V] [B], ses petits enfants assignaient la clinique d'Occitanie et son assureur, la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (Sham), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et de la mutuelle Mgefi, aux fins de déclaration de la responsabilité de la clinique et d'indemnisation de leurs préjudices, outre la condamnation solidaire de la clinique et de la Sham aux dépens avec distraction, frais d'expertise compris, et à leur payer une somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils sollicitaient avant dire droit une expertise médicale qui était ordonnée par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse par ordonnance en date du 14 juin 2018. Le docteur [E] était désigné.

Parallèlement les consorts [I] saisissaient la commission régionale de conciliation et d'indemnisation(Crci) de Midi-Pyrénées d'une demande d'indemnisation, ladite commission désignant le professeur [U] [O], neurochirurgien, et le docteur [W] [M], médecin urgentiste et anesthésiste réanimateur, aux fins de procéder à une expertise médicale. Ces derniers déposaient leur rapport le 4 octobre 2018, relevant un dysfonctionnement majeur du service des urgences de la clinique d'Occitanie pour avoir refusé assistance aux époux [I] et retenant que l'absence de soins lorsque Mme [I] se trouvait sur le parking de la clinique constituait un manquement fautif et que sans avoir recours à une chirurgie immédiate, toute mesure aurait pu être prise par la clinique pour combattre utilement l'hydrocéphalie qui était à l'origine d'une anorexie cérébrale, précisant que des médicaments destinés à combattre l'oedème cérébral et favorisant le maintien de la tension dans des limites normales auraient été bénéfiques pour les suites de la maladie. Ils évoquaient également l'hypohèse de deux nouveaux saignements qui avaient suivi le malaise initial et dont les conséquences auraient pu être minimisées en cas de prise en charge médicale immédiate à la clinique. Ils ne retenaient en revanche aucune faute dans la prise en charge ultérieure de Mme [I] au CHU de Purpan.

Selon avis du 15 novembre 2018 la Crci estimait que même s'il demeurait une incertitude sur ce qu'aurait pu être l'évolution de la pathologie de Mme [I] dans l'hypothèse d'une prise en charge plus précoce, celle-ci avait été victime d'une perte de chance du fait du manquement fautif de refus de prise en charge. Même si l'étiologie exacte du décès de Mme [I] n'était pas certaine, les experts retenaient que le décès était lié aux conséquences de l'hémorragie cérébro-méningée qui avait débuté en novembre 2015. L'importance de la chance perdue était évaluée à 20%, la commission se fondant sur l'avis des experts selon lequel le refus de prise en charge initial par la clinique d'Occitanie avait abouti à un nouveau saignement qui avait eu des conséquences beaucoup plus graves, le taux de mortalité étant porté à 27% au lieu de 7% en l'absence de récidive.

M. [E] remettait quant à lui son rapport d'expertise judiciaire le 17 mars 2019, concluant à un retard de prise en charge pouvant manifestement impacter le pronostic et l'issue fatale.

Par jugement réputé contradictoire du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- jugé la clinique d'Occitanie responsable des conséquences dommageables résultant du refus de soins opposé à deux reprises à Mme [H] [I],

- dit que le refus de soins a occasionné une perte de chance d'éviter le décès de la victime évaluée à 51%,

- condamné, en conséquence, in solidum la clinique d'Occitanie et la Sham à payer à :

* La succession de Mme [H] [I] les sommes de :

569,71 euros au titre des frais divers,

6.275,55 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

17.850 euros au titre des souffrances endurées,

12.750 euros au titre du préjudice esthétique ;

* M. [K] [I] les sommes de :

4.590 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

15.300 euros au titre du préjudice d'affection,

1.524,92 euros au titre des frais divers,

1.168,16 euros au titre des frais d'obsèques ;

* Mme [G] [I] les sommes de :

3.060 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

7.650 euros au titre du préjudice d'affection,

1.340,08 euros au titre des frais divers ;

* M. [T] [I] les sommes de :

3;060 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

7.650 euros au titre du préjudice d'affection,

1.340,08 euros au titre des frais divers ;

* [J] [Z], la somme de :

2.550 euros au titre du préjudice d'affection ;

* [L] [F] et à [V] [B] représentés par [G] [I], la somme de :

2.550 euros chacun au titre du préjudice d'affection ;

* [D] [I] représentée par [T] [I], la somme de :

2.550 euros au titre du préjudice d'affection ;

* La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne,

220.782,04 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

767,67 euros au titre des frais divers,

1.091 euros sur le fondement de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale ;

- condamné in solidum la clinique d'Occitanie et la Sham sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer aux consorts [I] la somme de 2.000 euros ;

- condamné in solidum la clinique d'Occitanie et la SHAM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 1.000 euros ;

- condamné in solidum aux dépens la clinique d'Occitanie et la Sham dans lesquels seront compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction directe au bénéfice de Maître Carole Kirsch et de Maître Luc Moreau ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le premier juge, au visa des articles L 1142-1 et L 1110-5 du code de la santé publique ainsi que des deux expertises, prenant acte de ce que la clinique ne contestait pas le principe de sa responsabilité suite à un refus de prise en charge, a retenu le principe de responsabilité de la clinique.

S'agissant du taux de perte de chance indemnisable, au regard des explications de l'expert judiciaire, relevant la prédectivité d'un diagnostic d'hémorragie sous arachnoïdienne important, un taux d'évolution favorable de 91% si la prise en charge avait été réalisée dès la première sonnerie à l'interphone puisque à ce moment là Mme [I] était encore capable d'être debout et de se rendre jusqu'à l'interphone, et un taux de mortalité passant à 70% avec potentiel de récupération de 19% après l'aggravation brutale faisant suite au second malaise de Mme [I] signe d'un vraisemblable nouveau saignement, écartant les contestations de la clinique, il a retenu que le premier refus de prise en charge alors que la clinique, équipée d'un service d'urgences, avait les moyens d'entreprendre des soins permettant le maintien des constantes et de contrôler la tension artérielle, était responsable de l'aggravation de l'état de santé de Mme [I], et que dès lors le taux de mortalité était passé de 19 % après le saignement inaugural à 70% après le re-saignement, la perte de chance de survie en lien causal avec la faute de la clinique devait être estimée à 51%.

Par déclaration du 16 février 2021, la Sasu clinique d'Occitanie a relevé appel de ce jugement quant au taux de perte de chance retenu et au quantum des indemnisations consécutivement allouées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mai 2021, la Clinique d'Occitanie et la Sham, appelantes, demandent à la cour de :

- rejetant toutes conclusions contraires ;

- accueillir l'appel régularisé à l'encontre du jugement du 26 novembre 2020, comme régulier en la forme et bien fondé ;

- réformer le Jugement déféré ;

- donner acte à la clinique de ce qu'elle ne conteste pas le principe de sa responsabilité ;

- 'dire et juger' que cette responsabilité n'est engagée que dans la limite d'un taux de perte de chance de survie fixé à 20 %, l'étiologie exacte du décès étant, en outre, demeurée indéterminée ;

- donner acte, en conséquence, aux concluantes des offres d'indemnisation qu'elles formulent, les dire suffisantes et satisfactoires :

* Pour le préjudice personnel de Mme [H] [I]

DFT : 2.461 €

Frais divers : 223,50 €

Préjudice esthétique temporaire : 5.000 €

Souffrances endurées : 7.000 € ;

* Pour le préjudice des victimes par ricochet

Frais d'obsèques + Faire part + communication dossier médical : 531,40 €

Frais de déplacement des ayants droit : rejet à défaut de justificatifs

Préjudice d'accompagnement :

Pour Monsieur [I] : 1.800 €

Pour chacun des deux enfants : 1.080 €

Préjudice d'affection :

Pour Monsieur [I] : 5.000 €

Pour chacun des deux enfants : 2.400 €

Pour chacun des quatre petits-enfants : 1.000 €

- débouter les Consorts [I] du surplus de leurs injustifiées demandes ;

- ramener l'indemnité susceptible d'être allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à de plus justes proportions, eu égard à l'absence de poursuites, par les consorts [I], du processus amiable ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2021, M. [K] [I], époux de la victime, [T] et [G] [I], ses enfants, intimés, et [J] [Z], [L] [F], [D] [I] et [V] [B], ses petits enfants, intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles L1142-1 du code de santé publique et 1240 du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit que le refus de soins a occasionné une perte de chance d'éviter le décès de la victime évaluée à 51%,

* condamné, en conséquence, in solidum la clinique d'Occitanie et la Sham à payer à :

** La succession de Mme [H] [I] les sommes de :

569,71 euros au titre des frais divers,

6.275,55 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

17.850 euros au titre des souffrances endurées,

12.750 euros au titre du préjudice esthétique ;

** M. [K] [I] les sommes de :

4.590 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

15.300 euros au titre du préjudice d'affection,

1.524,92 euros au titre des frais divers,

1.168,16 euros au titre des frais d'obsèques ;

** Mme [G] [I] les sommes de :

3.060 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

7.650 euros au titre du préjudice d'affection,

1.340,08 euros au titre des frais divers ;

** M. [T] [I] les sommes de :

3.060 euros au titre du préjudice d'accompagnement,

7.650 euros au titre du préjudice d'affection,

1.340,08 euros au titre des frais divers ;

- l'infirmer en ce qu'il a alloué une somme de 2.550 euros à Messieurs [J] [Z], [L] [F], [V] [B] et Mademoiselle [D] [I], à chacun d'eux au titre de leur préjudice d'affection,

En conséquence, et statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés Clinique d'Occitanie et Sham à leur verser la somme de 3.060 euros à chacun d'eux, au titre de leur préjudice d'affection,

Y ajoutant,

- condamner in solidum les sociétés Clinique d'Occitanie et Sham à leur verser la somme de 1.000 euros à chacun, au titre de dommages et intérêts

- condamner solidairement la Clinique d'Occitanie et la société Sham aux entiers dépens de la présente instance, en ce y compris les frais d'expertise, dont distraction directe au bénéfice de Maître Carole Kirsch, Avocat au Barreau de Toulouse, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la Clinique d'Occitanie et la société Sham à leur régler, outre les frais irrépétibles de première instance, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juillet 2021, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Garonne, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale, L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, de :

- confirmer le jugement dont appel à l'exception des dispositions relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion et l'application des intérêts aux taux légal,

Ce faisant,

- fixer qu'à la date du 02 septembre 2019, sa créance définitive pour les prestations servies à Mme [H] [I] s'élève à la somme totale de 434.411,20 euros au titre des postes dépenses de santé actuelles et des frais divers ;

- condamner solidairement la Clinique d'Occitanie et son assureur la Sham à lui régler la somme de 221.549,71 euros au titre de sa créance définitive, après application du taux de la perte de chance subie par la victime avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande à savoir le 12 février 2020 décomposée comme suit :

* des dépenses de santé actuelles : 220.782,04 euros ;

* des frais divers : 767,67 euros,

Y ajoutant :

- condamner solidairement la Clinique d'Occitanie et son assureur la Sham à lui régler la somme actualisée de 1.098 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la Sécurité sociale ;

- condamner solidairement la Clinique d'Occitanie et son assureur la Sham à lui régler la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont la distraction au profit Maître Stéphanie Duarte sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 août 2022.

SUR CE, LA COUR

1°/ Sur l'étendue de la saisine de la cour

Au regard de l'appel principal diligenté par la Sasu Clinique d'Occitanie et son assureur la Sham, limité au taux de perte de chance retenu et au montant des indemnités allouées par le premier juge, et de l'appel incident diligenté par [J] [Z], [L] [F], [D] [I] et [V] [B],limité au montant des indemnités allouées au titre de leur préjudice d'affection, la disposition du jugement entrepris par laquelle le premier juge a jugé la clinique d'Occitanie responsable des conséquences dommageables résultant du refus de soins opposé à deux reprises à Mme [H] [I] ne relève pas de la saisine de la cour en application de l'article 562 du code de procédure civile.

2°/ Sur l'évaluation de la perte de chance de survie de Mme [H] [I]

C'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a retenu que les manquements de la clinique d'Occitanie dont le personnel des urgences a refusé à deux reprises la prise en charge de Mme [I] invitant son mari à la transporter lui-même au CHU de Purpan avaient généré pour Mme [I] une perte de chance de survie à hauteur de 51%.

Les experts, tant ceux mandatés par la Crci que l'expert judiciaire, estiment unanimement que si les causes du décès de Mme [I] n'ont pas été identifiées de manière précise, son décès est lié de manière certaine aux conséquences de l'hémorragie cérébro-méningée débutée dans la nuit du 11 au 12/11/2015.

De manière quasi-concordante les experts de la Crci et l'expert judiciaire ont évalué le risque de mortalité de Mme [I] lorsqu'elle s'est présentée avec son mari à la clinique si elle avait fait l'objet d'une prise en charge médicalisée dès le premier saignement, les premiers à 7% le second à 9%, soit des chances de récupération et de survie de l'ordre de 91 à 93% en cas de prise en charge adaptée.

Les experts sont en revanche en désaccord sur le pourcentage de risque de mortalité en cas de récidive de saignement, les experts de la Crci proposant une pourcentage de 27% non documenté ni expliqué, tandis que l'expert judiciaire retient, après nouveau saignement dans un contexte de non prise en charge, 70 à 80% de risques de mortalité en s'appuyant, en réponse aux critiques et interrogations formulées par Mme [A] à l'appui du dire de la Sham du 11/02/2019, sur deux thèses de médecine datant de 2014 et 2017 et la revue de l'encyclopédie médico-chirurgicale de 2013, et consécutivement des chances d'évolution positive réduites à 30 ou 20%.

En l'espèce, il est acquis que M.[I] et son épouse sont arrivés à la clinique d'[13] aux alentours de 5 h du matin, madame [I] se plaignant de violents maux de tête survenus vers 4 h du matin et se trouvant debout devant l'interphone lors du premier appel au service des urgences de la clinique à la suite duquel M.[I] était invité à se rendre aux urgences neurologiques de l'hôpital Purpan.

Il est médicalement acquis que la prévention d'un nouveau saignement hémorragique dépend notamment de la capacité à effectuer un diagnostic précoce par examen clinique et imagerie médicale, et à acheminer le plus vite possible le patient vers un centre spécialisé pour exclure au plus tôt le sac anévrismal.

Il ressort du rapport critique établi par le docteur [N] [A] à la demande de la Sham que les urgentistes-réanimateurs de la clinique d'Occitanie étaient en capacité de procéder à la stabilisation de l'état hémodynamique, au maintien des constantes vitales, au contrôle de la tension artérielle contre l'hypertension intra-crânienne dans l'attente d'une prise en charge neurochirurgicale en centre de référence avec transfert médicalisé. Les experts mandatés par la Crci retiennent quant à eux que, sans avoir recours à une chirurgie immédiate, si Mme [I] avait été prise en charge de manière normale à la clinique d'[13], des mesures visant à combattre l'hydrocéphalie, laquelle en provoquant une tension à l'intérieur du cerveau provoque une anoxie cérébrale, auraient pu minimiser les causes de cette hydrocéphalie. Ils précisent que des médicaments destinés à combattre l'oedème cérébral et à maintenir une tension dans des limites normales auraient été bénéfiques pour les suites de la maladie. L'expert judiciaire ajoute quant à lui que Mme [I] aurait pu bénéficier d'une stabilisation, voir probablement d'une intubation et d'une ventilation précoce permettant un transfert dans un deuxième temps.

Certes, Mme [I] était suivie pour hypertension artérielle, trouble constituant une co-morbidité préexistante pouvant majorer le risque d'issue fatale ou de mauvais pronostic, mais l'expert judiciaire relève sans être démenti, qu'il n'est pas rapporté de difficultés par rapport au traitement qu'elle suivait à ce titre ou de résistance de l'hypertension artérielle au traitement usuel dans les dossiers qui lui ont été transmis, tenant compte uniquement du risque majoré de formation et de rupture d'anévrisme intra-cérébral en l'état d'hypertension artérielle préexistante.

En conséquence, lorsqu'elle s'est présentée à la clinique avec son mari à 5 h du matin, debout et consciente, Mme [I], si elle avait été immédiatement prise en charge par le services des urgences comme il se devait au premier appel avait, nonobstant sa co-morbidité antérieure régulée, des chances très conséquentes d'une part, de la réalisation d'un diagnostic précoce, d'autre part, d'une stabilisation de son état hémodynamique, du maintien de ses constantes, et d'un contrôle de la tension artérielle contre l'hypertension intra-crânienne, de même que la possibilité d'être intubée et ventilée dans l'attente de l'organisation de son transport médicalisé vers l'unité spécialisée de l'hôpital Purpan.

Au lieu de cela, le premier refus de prise en charge a été suivi sur le parking de la clinique d'un nouveau malaise ce qui a amené M.[I] à le signaler au service des urgences pour une prise en charge, demande de secours qui a donné lieu à un nouveau refus via l'interphone, laissant les deux époux se débrouiller seuls pour réaliser un transport en véhicule particulier vers l'hôpital [14] sans aucune prise en charge médicale.

Les experts évoquent à ce propos la probabilité d'un nouveau saignement ayant aggravé l'état initial de Mme [I]. L'état de cette dernière s'est au demeurant de nouveau aggravé pendant le transport en véhicule particulier jusqu'à l'hôpital Purpan où elle est entrée à 5h27 minutes, puisqu'elle s'est effondrée à la descente du véhicule, se trouvant alors inconsciente avec un score de Glascow de 3 alors qu'il devait être de gravité I à II, c'est à dire sans déficit moteur lors de son arrivée sur le parking de la clinique d'[13] puisqu'elle se tenait debout et était consciente, en mesure de parler. Le second refus fautif de prise en charge par la clinique a alors généré pour Mme [I] un risque de mortalité de 70 à 80% alors que ce risque était limité entre 7 à 9% dans l'absolu lors de l'arrivée à la clinique d'Occitanie. Compte tenu de l'état antérieur de Mme [I], laquelle suivie pour hypertension artérielle était porteuse d'un anévrisme disséquant de l'artère vertébrale droite ayant généré une volumineuse hémorragie sous-arachnoïdienne compliquée d'une hydrocéphalie débutante du segment V4, et de l'aléa inhérent à l'évolution hémorragique, le premier juge a justement estimé que la perte de chance de survie résultant pour Mme [I] du défaut de prise en charge fautif et réitéré imputable à la clinique d'Occitanie avait fait perdre à cette dernière une chance de survie de 51%, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.

3°/ Sur l'évaluation des préjudices de la succession et des victimes par ricochet

La base retenue par le premier juge s'agissant des préjudices personnels de Mme [H] [I] n'étant pas contestée et le taux de perte de chance de 51% étant confirmé, les dispositions du jugement entrepris concernant les indemnités allouées à la succession de [H] [I] doivent être confirmées. Il en est de même pour les frais d'obsèques justifiés par facture alloués à M.[K] [I].

S'agissant des frais divers exposés par M.[K] [I], [G] et [T] [I], seuls les frais de déplacement sont contestés dans leur principe par les appelantes, lesquelles soutiennent qu'à défaut de production des cartes grises les demandes à ce titre devraient être rejetées. Or le premier juge a justement retenu que eu égard à la durée d'hospitalisation de Mme [H] [I] et aux relevés de distance kilométrique produits extraits du site internet « Mappy » entre les domiciles respectifs et le CHU de [Localité 15] d'une part et la clinique de rééducation de [S] d'autre part, les sommes réclamées étaient justifiées. Le premier juge ayant appliqué le coefficient de 51% correspondant au taux de perte de chance indemnisable sur les sommes retenues, la décision entreprise doit être confirmée s'agissant de ses dispositions relatives aux frais de déplacements. Il en va de même pour les frais de communication de dossier médical et les frais d'impression et d'envoi des faire-parts, non contestés dans leurs montants, alloués par le premier juge après application du taux de perte de chance indemnisable.

Le préjudice d'accompagnement réclamé par M.[K] [I], époux de la défunte, à hauteur de 9.000 € et pris en compte par le premier juge n'est pas contesté. Au regard du taux de perte de chance indemnisable l'indemnité retenue à ce titre par le premier juge à hauteur de 4.590 € doit être confirmée.

Le premier juge a par ailleurs justement apprécié le préjudice d'accompagnement des enfants de [H] [I], [G] et [T] [I], à hauteur de 6.000 € pour chacun d'eux. Compte tenu du taux de perte de chance indemnisable l'indemnité allouée à chacun d'eux à hauteur de 3.060 € doit être confirmée.

Le préjudice d'affection de M. [K] [I], époux de Mme [H] [I], a justement été chiffré par le premier juge à 30.000 €. Compte tenu du taux de perte de chance indemnisable la somme de 15.300 € allouée à ce titre doit être confirmée. Il en va de même pour le préjudice d'affection des deux enfants de Mme [H] [I], [G] et [T] [I], pour lequel le premier juge a retenu une base d'indemnisation de 15.000 € chacun et alloué à chacun d'eux, après application du taux de perte de chance, une indemnité de 7.650 €. Il en va aussi de même pour le préjudice d'affection de chacun des quatre petits-enfants de Mme [H] [I], pour lesquels le premier juge a retenu une base d'indemnisation de 5.000 € et alloué à chacun d'eux, après application du taux de perte de chance indemnisable, une indemnité de 2.550 € chacun.

En conséquence l'intégralité des indemnisations allouées aux victimes par ricochet par le premier juge doit être confirmée.

4°/ Sur la demande de dommages et intérêts des consorts [I]

Les consorts [I] sollicitent en appel une indemnisation à hauteur de 1.000 € chacun en raison du recours exercé et de l'argumentation de la Sham qu'ils soutiennent indécence et inconvenante, revendiquant à ce titre un préjudice particulier.

L'exercice d'une voie de recours ne peut être sanctionné par des dommages et intérêts que si un abus du droit d'agir ou défendre en justice est caractérisé. Tel n'est pas le cas en l'espèce, les appelantes ayant, sans abus, exercé leur droit de contester le taux de perte de chance retenu par le premier juge, l'abus du droit d'agir ne pouvant résulter du seul mal fondé du recours exercé. Par ailleurs, la teneur des écritures ou des pièces produites par les appelantes, même mal vécue par les intimés endeuillés, ne caractérise pas un abus dans l'exercice du droit d'agir ou défendre en justice. En conséquence, les consorts [I] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts complémentaires en cause d'appel.

5°/ Sur la créance de la Cpam de la Haute-Garonne

Le montant de la créance de la Cpam de la Haute-Garonne tel que chiffré par le premier juge au titre des dépenses de santé actuelles imputables à l'accident vasculaire cérébral dont a été atteinte Mme [H] [I] et à ses suites, ainsi qu'au titre des frais de transport n'est pas remis en cause par quiconque. Au regard du taux de perte de chance retenu, les condamnations mises à la charge de la clinique d'Occitanie et de son assureur au profit de la Cpam de la Haute-Garonne à hauteur de 220.782,04 € et 767,67 € doivent être confirmées.

En application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, l'indemnité de gestion allouée à l'organisme social, tiers payeur attrait à la procédure, doit être actualisée ainsi que demandé à la somme de 1.098 €.

6°/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Succombant, la clinique d'Occitanie et la Sham doivent supporter les dépens de première instance ainsi que retenu par le premier juge, et les dépens d'appel. Elles se trouvent redevables d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, telles que justement appréciées par le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine ne portant pas sur le principe de la responsabilité de la Sasu Clinique d'Occitanie,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf à actualiser le montant de l'indemnité de gestion due à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne,

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne in solidum la Sasu Clinique d'Occitanie et la société hospitalière d'assurances mutuelles « Sham » à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une indemnité de gestion de 1.098 €

y ajoutant,

Déboute les consorts [I] de leur demande de dommages et intérêts complémentaire pour préjudice particulier en cause d'appel

Condamne in solidum la Sasu Clinique d'Occitanie et la société hospitalière d'assurances mutuelles « Sham » aux dépens d'appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de Mmes Carole Kirsch et Stéphanie Duarte, avocats au Barreau de Toulouse, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Condamne in solidum la Sasu Clinique d'Occitanie et la société hospitalière d'assurances mutuelles « Sham » sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer, au titre de la procédure d'appel, à MM [K] [I], [T] [I], [J] [R], [L] [F], [V] [B] et Mmes [G] [I] et [D] [I] , pris ensemble, une indemnité de 4.000 €, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une indemnité de 1.000 €.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00716
Date de la décision : 05/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-05;21.00716 ?
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