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29/11/2022 | FRANCE | N°21/00985

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 29 novembre 2022, 21/00985


29/11/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/00985

N° Portalis DBVI-V-B7F-OAIZ

MD / RC



Décision déférée du 04 Février 2021

Juge de la mise en état de TOULOUSE (20/00801)

Mme [M]

















[W] [P]

[X] [P]





C/



[B] [Y]

S.A.R.L. VERMEIL ASSURANCES

Société CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE) VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE CNA INSURANCE LIMITED

















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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [W] [P]

Agissant à t...

29/11/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/00985

N° Portalis DBVI-V-B7F-OAIZ

MD / RC

Décision déférée du 04 Février 2021

Juge de la mise en état de TOULOUSE (20/00801)

Mme [M]

[W] [P]

[X] [P]

C/

[B] [Y]

S.A.R.L. VERMEIL ASSURANCES

Société CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE) VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE CNA INSURANCE LIMITED

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [W] [P]

Agissant à titre personnel et en qualité d'ayant droit de Madame [Z] [P] née [O]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Sandrine NEFF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [X] [P]

Agissant ès-qualités d'ayant droit d'[Z] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Sandrine NEFF, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [B] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Nicolas RAYNAUD DE LAGE de la SELARL CABINET RAYNAUD DE LAGE, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.R.L. VERMEIL ASSURANCES

[Adresse 3]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-david BASCUGNANA de la SCP GARY, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A. CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE)

Exerçant sous le nom commercial CNA HARDY, venant aux droits de la société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, société de droit anglais immatriculée au Registre du Commerce et des Sociètés de PARIS sous le numéro 844115030, prise en la personne de son représentant légal en France domicilié en cette qualités audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Ingrid CANTALOUBE-FERRIEU, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Claire-Marie QUETTIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

******

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

À la fin des années 2000, la société Aristophil a proposé à un réseau de courtiers en assurance et de conseillers en gestion de patrimoine de commercialiser un produit dénommé Aristophil permettant l'acquisition en pleine propriété ou en indivision de diverses collections de lettres et manuscrits anciens.

La distribution du produit Aristophil était principalement assurée par la société Art Courtage, laquelle a souscrit plusieurs partenariats afin d'organiser la commercialisation de ce produit, mission qu'elle a notamment confiée M. [B] [Y].

Le 11 février 2011, Mme [Z] [P], née [O] a acheté, par l'intermédiaire de M. [B] [Y], une collection de lettres et manuscrits historiques, 'uvres d'art anciennes et moderne auprès de la Sas Aristophil, pour un montant de 13 000 euros.

Le 25 juillet 2011, Mme [Z] [P] a acheté, par l'intermédiaire de M. [Y], quatre parts de 5 000 euros chacune dans une indivision composée d'un ensemble de lettres et manuscrits historiques dessins et objets, auprès de la Sas Aristophil.

Le 9 octobre 2013, Mme [Z] [P], par l'intermédiaire de M. [Y], a également fait le choix d'échanger deux parts d'un montant total de 20 000 euros dont elle se trouvait propriétaire au sein d'une indivision arrivant à son terme, par des parts d'une nouvelle indivision, augmentée de l'acquisition de parts supplémentaires, se trouvant alors propriétaire de deux-cent-quatre-vingt-dix parts de 100 euros chacune.

Le 22 avril 2012, M. [W] [P] a, quant à lui, acheté, par l'intermédiaire de M. [Y], une collection de lettres et manuscrits historiques, 'uvres d'art anciennes et modernes, auprès de la Sas Aristophil, pour un montant de 25 000 euros.

Le 14 février 2013, M. [W] [P], toujours par l'intermédiaire de M. [Y], a acquis deux parts de 15 000 euros chacune dans une indivision.

Il a été à chaque fois prévu que les acquéreurs confiaient pour cinq années à la Sas Aristophil, la garde, la conservation et les expositions de leurs collections, par dépôt.

En novembre 2014, à l'issue d'une enquête menée par la DGCCRF, les locaux de la Sas Aristophil ont été perquisitionnés et les collections conservées, dont celles acquises en indivision par les appelants, ont été mises sous scellés.

Le 5 mars 2015, une information judiciaire a été ouverte à l'encontre de la Sas Aristophil, pour des faits d'escroquerie en bande organisée, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de confiance notamment.

Le 16 février 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la Sas Aristophil, suivie de sa liquidation judiciaire, le 5 août 2015.

Mme [Z] [P] est décédée le 2 février 2019.

Le 27 décembre 2019, M. [W] [P] en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de Mme [Z] [P] et M. [X] [P] en qualité d'ayant droit de cette dernière ont fait adresser à M. [B] [Y] un courrier recommandé avec avis de réception, sollicitant sur le fondement d'un manquement par ce dernier à son obligation d'information et de conseil, la présentation d'une proposition indemnitaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception, outre la déclaration de son sinistre auprès de son assureur de responsabilité civile professionnelle.

Le même jour, les consorts [P] ont également fait adresser à la Sa CNA Insurance company (Europe) un courrier recommandé avec avis de réception sollicitant l'enregistrement d'un sinistre au titre des polices d'assurance concernées et de leur proposer une proposition indemnitaire sous quinze jours.

Par actes d'huissier des 11 et 12 février 2020, les consorts [P] ont fait assigner M. [B] [Y] la Sa CNA Insurance company (Europe) et la Sarl Vermeil assurances, mandataire d'intermédiaires d'assurance et mandant de M. [B] [Y], devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins notamment de voir condamner M. [B] [Y] et la Sa Vermeil assurances à réparer leur préjudice consistant en une perte de chance de ne pas souscrire les contrats litigieux et de faire fructifier le capital investi dans un produit d'épargne plus avantageux, outre leur préjudice moral, et condamner la SA CNA Insurance company (Europe) à garantir M. [B] [Y] et la Sa Vermeil assurances de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre.

Par ordonnance du 4 février 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] irrecevables en leurs prétentions indemnitaires formulées à l'encontre de la Sa Vermeil assurances, faute d'intérêt à agir ;

- débouté la Sa Vermeil assurances de sa demande indemnitaire d'un montant de 5 000 euros présentée à l'encontre de M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] au motif d'un abus de droit ;

- déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], irrecevables comme prescrits, en leurs prétentions indemnitaires fondées sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil de M. [B] [Y] ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à M. [B] [Y] une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à la Sa CNA Insurance company (Europe) une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à la Sa Vermeil assurances une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], aux entiers dépens ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré que les consorts [P] « ne font qu'alléguer qu'ils ont acquis leurs collections tant par l'intermédiaire de la Sa Vermeil assurances que de Monsieur [B] [Y] » et ne démontrent ni l'existence de liens entre la société Vermeil assurances et la société Aristophil, ni sa participation à l'opération de vente des collections qu'ils ont acquises.

Il a d'autre part considéré que les demandeurs « ne pouvaient ignorer l'existence de leur préjudice dès la fin de l'année 2014 alors que les principaux organes de presse à diffusion nationale (') faisaient état de la procédure pénale suivie à l'encontre de la Sas Aristophil (') ces éléments, associés à la production par la Sa CNA Insurance company (Europe) d'une lettre adressée par la Sas Aristophil à « tous [ses] clients et leurs conseillers » du 4 décembre 2014 ('), les informant de la mise sous scellés des collections, du blocage de ses comptes bancaires lui interdisant notamment « régler les options d'achats en cours, pour ceux [.:.1 qui avaient demandé la revente de leurs collections ou de leurs parts d'indivision », l'obligeant à « demander dans un premier temps le redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce de Paris », sont autant d'indices précis et concordants caractérisant que dès la fin de l'année 2014, Monsieur [W] [P] en son nom personnel et Monsieur [W] [P] et Monsieur [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Madame [Z] [P] née [O], sur lesquels pèse la charge de la preuve visant à démontrer que Madame [Z] [P] née [O] et Monsieur [W] [P] n'ont pas eu connaissance de leur dommage dès le moment de la conclusion du contrat, ne pouvaient plus légitimement ignorer leur perte de chance de ne pas contracter, point de départ du délai de prescription de son action en indemnisation à l'encontre du conseiller en gestion de patrimoine. »

***

Par déclaration du 2 mars 2021, M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] ont relevé appel de cette ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] irrecevables en leurs prétentions indemnitaires formulées à l'encontre de la Sa Vermeil assurances, faute d'intérêt à agir ;

- déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], irrecevables comme prescrits, en leurs prétentions indemnitaires fondées sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil de M. [B] [Y] ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à M. [B] [Y] une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à la Sa CNA Insurance company (Europe) une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à la Sa Vermeil assurances une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], aux entiers dépens ;

- rejeté les demandes autres des parties.

***

Par conclusions du 30 juillet 2021, M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] ont saisi le président de la 1ère chambre civile - section 1, aux fins de voir déclarer irrecevables les conclusions d'intimée, régularisées dans l'intérêt de la Sa Vermeil Assurances le 31 mai 2021 pour avoir été déposées hors délai.

Par ses conclusions déposées le 1er octobre 2021, la Sarl Vermeil assurances a pour sa part principalement demandé au président de la chambre de prononcer sa mise hors de cause et de confirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 4 février 2021 en ce qu'elle a condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le président de la 1ère chambre civile - section 1 s'est notamment déclaré incompétent pour connaître de la demande de mise hors de cause de la Sarl Vermeil Assurances et a déclaré irrecevables les conclusions déposées par la Sarl Vermeil Assurances le 31 mai 2021 sauf le droit de déférer la présente ordonnance à la Cour dans les quinze jours de sa date par application de l'article 916 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 avril 2022, M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], appelants, demandent à la cour de :

- infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état de Toulouse en date du 4 février 2021, sauf en ce qu'elle a débouté la Sa Vermeil assurances de sa demande indemnitaire d'un montant de 5 000 euros présentée à l'encontre de M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] au motif d'un abus de droit,

Et, statuant à nouveau,

- déclarer M. [W] [P], à titre personnel et ès qualités d'ayant-droit d'[Z] [P] et M. [X] [P], ès qualités d'ayant-droit d'[Z] [P] recevables en leur action dirigée contre M. [B] [Y] et la société Cna Insurance Company (Europe),

- condamner in solidum M. [B] [Y] et la société Cna Insurance Company (Europe) à verser à M. [W] [P] et M. [X] [P] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur la fin de non-recevoir,

- condamner in solidum M. [B] [Y] et la société Cna Insurance Company (Europe) aux dépens occasionnés par la fin de non- recevoir,

- débouter M. [B] [Y] et les sociétés Vermeil assurances et Cna Insurance Company (Europe) de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- inviter les parties à conclure sur la responsabilité intentée à l'encontre de M. [B] [Y] et sur la garantie de l'assureur Cna Insurance Company (Europe) afin de donner une solution définitive au litige.

À l'appui de ses prétentions, les consorts [P] soutiennent que le point de départ de la prescription de leur action doit être reporté au jour où ils ont eu connaissance des faits leur permettant d'exercer leurs droits. Ils expliquent que le montage réalisé par la société Aristophil s'apparentait à un système dit de Ponzi, consistant à rémunérer les investisseurs initiaux par les fonds apportés par les nouveaux entrants, la valeur alléguée des collections étant fantaisiste et largement surévaluée. Ils allèguent des pratiques commerciales trompeuses de la part du vendeur de nature à laisser croire à une obligation de rachat pesant sur la société Aristophil à l'issue d'un délai de cinq années.

Ils reprochent à M. [Y] dont la responsabilité est recherchée, d'une part d'avoir manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de leur fournir une information claire et circonstanciée sur le mécanisme complexe de l'opération et notamment sur l'absence d'obligation de rachat par Aristophil à l'issue d'une période de cinq années.

D'autre part, il reproche également à M. [Y] de leur avoir assuré que l'évolution du marché était la seule cause de dévaluation possible de leur investissement, alors que les biens acquis avait été surévalués, cette surévaluation ne leur étant apparue qu'au moment de la vente des collections de la société Aristophil, dans le cadre de la liquidation judiciaire de cette dernière.

En tout état de cause, ils exposent que les constitutions de partie civile du 2 février 2016 ont produit un effet interruptif de prescription à l'égard de M. [Y] et de son assureur, le premier ayant contribué à leur dommage.

Enfin, ils expliquent que leur condamnation aux dépens exposés par la société Vermeil assurances serait inéquitable.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 août 2022, la Sa CNA Insurance company (Europe), intimée, demande à la cour, au visa des articles 122, 568 et 789 du code de procédure civile et 2224 du code civil, de :

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse le 4 février 2021 en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu'il a :

* déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] irrecevables en leurs prétentions indemnitaires formulées à l'encontre de la Sa Vermeil assurances, faute d'intérêt à agir ;

* déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], irrecevables comme prescrits, en leurs prétentions indemnitaires fondées sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil de M. [B] [Y] ;

* condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à la Sa CNA Insurance company (Europe) une indemnité de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], aux entiers dépens ;

*rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

- débouter les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe) SA

En tout état de cause,

- débouter les consorts [P] de leur demande d'évocation par la cour ;

- condamner les consorts [P] à verser la somme de 4 000 euros à la société CNA Insurance Company (Europe) SA, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les consorts [P] aux dépens.

À l'appui de ses prétentions, la Sa CNA Insurance company (Europe) soutient à titre principal, que le point de départ de la prescription de l'action des appelants est au jour de la conclusion du contrat, la clarté de la convention leur permettant de savoir, dès ce moment, que la société Aristophil n'avait que la simple faculté d'acquérir les 'uvres objet de la promesse de vente. De même, elle affirme que les appelants avaient parfaitement connaissance de la fluctuation possible de la valeur de leur investissement.

Subsidiairement, elle demande que le point de départ de la prescription soit reporté au jour de la divulgation publique de l'enquête préliminaire ouverte à l'encontre de la société Aristophil et de la mise sous séquestre des collections.

Encore, elle fait observer que le point de départ de la prescription de l'action engagée par les appelants à l'encontre de M. [Y] courrait à compter de la conclusion du contrat et qu'elle ne peut être interrompue par la constitution de partie civile à son égard, dans la mesure où il n'est pas concerné par l'information judiciaire, les procédures n'intéressant ni les mêmes personnes ni ne poursuivant les mêmes faits.

Elle s'oppose enfin à la demande d'évocation par la cour de l'entier litige afin que soit respecté le double degré de juridiction.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 août 2022, M. [B] [Y], intimé, demande à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil de :

- confirmer l'ordonnance rendue le 4 février 2021 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Toulouse,

- juger irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité délictuelle engagée par MM. [W] et [X] [P] à l'encontre de M. [B] [Y],

- débouter purement et simplement MM. [W] et [X] [P] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner MM. [W] et [X] [P] à verser à M. [B] [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

À l'appui de ses prétentions, M. [Y] soutient que le point de départ de l'action engagée par l'appelant à son encontre courrait à compter de la conclusion du contrat de sorte que l'action engagée à son encontre est désormais prescrite.

Il fait également observer que le point de départ de l'action engagée par les appelants à son encontre courrait à compter de la conclusion du contrat et qu'elle ne peut être interrompue par la constitution de partie civile, dans la mesure où il n'est pas concerné par l'information judiciaire, les procédures n'intéressant ni les mêmes personnes ni ne poursuivant les mêmes faits.

Par ses dernières conclusions déposées le 31 mai 2021, la Sarl Vermeil Assurances a demandé à la cour, en rejetant l'ensemble des demandes, fins et conclusions des appelants 'comme étant injustes et tout cas mal fondées', de :

- confirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 4 février 2021 en ce qu'elle a déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] irrecevables en leurs prétentions indemnitaires formulées à l'encontre de la société Vermeil Assurances, faute d'intérêt à agir ;

- confirmer cette même en ce qu'elle a condamné in solidum ces mêmes parties à verser à la société Vermeil Assurances une indemnité de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à verser à la société Vermeil Assurances la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Les condamner solidairement aux entiers dépens de la procédure dont distraction pour ceux

d'appel au profit de Maitre Jean-David Bascugnana sur ses affirmations de droit.

La société Vermeil Assurance soutient que son activité se borne strictement aux opérations d'assurance et qu'elle n'est pas intervenue dans le cadre de la conclusion de la convention litigieuse.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 27 septembre 2022.

MOTIVATION :

- À titre liminaire, sur l'étendue de la saisine de la cour

1. Les consorts [P] critiquent l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a « déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] irrecevables en leurs prétentions indemnitaires formulées à l'encontre de la Sa Vermeil assurances, faute d'intérêt à agir »

2. Conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. »

3. Les consorts [P], dans le dispositif de leurs conclusions, ne soumettent à l'examen de la cour aucune prétention dirigée contre la société Vermeil assurances.

4. Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise sur ce point.

- Sur la prescription de l'action dirigée contre M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe)

5. Aux termes de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

En application de ce texte, si le dommage résultant d'un manquement à une obligation d'information de mise en garde ou de conseil consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter ou de contracter dans de meilleures conditions se réalise lors de la conclusion du contrat, le délai de prescription de l'action engagée contre l'auteur de ce manquement ne court que du jour ou le dommage s'est révélé au contractant lorsque ce dernier établit qu'il n'en avait pas eu connaissance au jour du contrat.

6. Ainsi, indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués au fond qu'il n'appartient pas à la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de la mise en état, d'apprécier dans le cadre de la présente instance, il convient de retenir, que dès lors que les acquéreurs invoquent une tromperie, tant sur la valeur des biens que sur la portée du contrat les liant à la société Aristophil, le point de départ du délai de prescription ne peut être en l'espèce fixé à la date de la convention dès lors que les acquéreurs, eu égard à la nature des biens et prestations en cause, ne pouvaient avoir conscience, à cette date de la surévaluation qu'ils allèguent et que le préjudice né de l'impossibilité de mettre en 'uvre la clause de rachat demeurait purement hypothétique avant l'expiration d'un délai de cinq années après la conclusion du contrat compte tenu des stipulations contractuelles.

Aucun des éléments débattus ne permet d'affirmer que les appelants ont eu connaissance d'articles parus à la fin de l'année 2014 dans divers médias nationaux faisant état de l'ouverture d'une enquête préliminaire du chef d'escroquerie et il ne saurait être reproché aux consorts [P] de ne pas avoir pris connaissance des articles que la presse, fût-elle nationale, a consacré aux développements judiciaires intéressant la société Aristophil.

Ni l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, qui permettait l'adoption d'un plan de redressement, ni le courrier en date du 24 mars 2014 émanant de Me [L] désigné en qualité d'administrateur, par lequel les acquéreurs ont été avisés de cette procédure, n'ont révélé à l'appelant la surévaluation des biens et les pratiques commerciales qu'ils estiment trompeuses, et par conséquent les manquements qu'ils imputent désormais aux commercialisateurs.

7. Seule l'information pénale, ouverte par réquisitoire introductif du 5 mars 2015 visant des faits d'escroquerie en bande organisée, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de confiance, leur a permis de prendre connaissance des faits susceptibles de fonder une action en responsabilité à l'encontre des intermédiaires ayant procédé à la commercialisation des produits litigieux, même dans l'hypothèse où ces intermédiaires n'auraient pas fait l'objet d'une mise en cause sur le plan pénal.

Les consorts [P] justifient avoir adressé au juge d'instruction deux plaintes avec constitution de partie civile le 2 février 2016. Ces actes ont eu pour effet d'interrompre la prescription alors en cours pour l'ensemble des faits litigieux, de sorte que la présente action, introduite par assignation des 11 et 12 février 2020, est manifestement recevable

8. L'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a jugé les consorts [P] irrecevables comme prescrits, en leurs prétentions indemnitaires fondées sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil de M. [B] [Y].Statuant à nouveau de ce chef, la cour déclare recevable l'action des consorts [P] dirigée contre M. [B] [Y] et la société CNA Insurance company (Europe).

Sur la demande d'évocation de l'affaire par la cour

9. Les consorts [P] sollicitent de la cour qu'elle invite les parties à conclure sur l'entier litige pour y apporter une solution définitive.

10. Aux termes de l'article 568 du code de procédure civile, « lorsque la cour d'appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction. »

Le choix de la cour d'évoquer une affaire relève de son pouvoir discrétionnaire.

11. En l'espèce, il n'apparaît pas opportun d'évoquer l'affaire, afin de permettre la mise en 'uvre effective du double degré de juridiction au regard de la nature du litige.

Il n'y a donc pas lieu à évocation de l'affaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

12. M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe), parties perdantes, seront condamnés au paiement des entiers dépens à l'exception de ceux liés à la mise en cause de la Sarl Vermeil Assurances qui resteront à la charge des consorts [P].

.

13. L'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse le 4 février 2021 sera donc infirmée en ce qu'elle a condamné les consorts [P] aux dépens de première instance et à verser à M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe) la somme de 800 euros à chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance. Elle sera en revanche confirmée en ce qui concerne la condamnation prononcée sur le même fondement au profit de la Sarl Vermeil Assurances.

14. Les consorts [P] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais irrépétibles exposés en appel. M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe) seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Les consorts [P] seront tenus sur le même fondement de régler à la Sarl Vermeil Assurances la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 précité.

La Sa CNA Insurance company (Europe), partie tenue aux dépens, ne peut bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse le 4 février 2021 sauf en ce qu'elle a déclaré M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] irrecevables en leurs prétentions indemnitaires formulées à l'encontre de la société Vermeil Assurances, faute d'intérêt à agir et condamné ces derniers à payer à cette société d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable l'action de M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] dirigée contre M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe).

Dit n'y avoir lieu à évocation de l'affaire.

Condamne M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe) aux entiers dépens à l'exception de ceux liés à la mise en cause de la Sarl Vermeil Assurances qui resteront à la charge des consorts [P].

Autorise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maitre Jean-David Bascagnuna, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Condamne in solidum M. [B] [Y] et la Sa CNA Insurance company (Europe) à payer à M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O], la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel et en première instance.

Condamne in solidum M. [W] [P] en son nom personnel et M. [W] [P] et M. [X] [P], en leur qualité d'ayants droit de Mme [Z] [P] née [O] à payer à la Sarl Vermeil Assurances, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel et en première instance.

Déboute la Sa CNA Insurance company (Europe) de sa propre demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00985
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;21.00985 ?
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