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29/11/2022 | FRANCE | N°20/01409

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 29 novembre 2022, 20/01409


29/11/2022





ARRÊT N°



N° RG 20/01409

N° Portalis DBVI-V-B7E-NSXC

SL/NO



Décision déférée du 02 Juin 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/02491

Mme [W]

















[J] [V]

[O] [H] épouse [V]





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DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES






































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [J] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me ...

29/11/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/01409

N° Portalis DBVI-V-B7E-NSXC

SL/NO

Décision déférée du 02 Juin 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/02491

Mme [W]

[J] [V]

[O] [H] épouse [V]

C/

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [J] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Arnaud LARRALDE DE FOURCAULD, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [O] [H] épouse [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud LARRALDE DE FOURCAULD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, devant M. DEFIX et Mme LECLERCQ, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

M. [J] [V] et Mme [O] [H], son épouse, sont assujettis à I'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2011 à 2016 et à la contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012.

Après contrôle sur pièce, ils ont été destinataires d'une proposition de rectification le 28 mars 2017.

Contestant la réintégration dans leur actif taxable des contrats d'assurance vie SEQUOIA n°00216-61659579 et ORADEA VIE n°01209/00001156 , M. et Mme [V] ont fait valoir leurs observations le 22 mai 2017 et 13 juin 2017.

Le service a maintenu sa position et les droits correspondants au rappel notifié ont été mis en recouvrement par deux avis du 16 août 2017 pour un montant total de 164 656 €.

Par courriers en date du 28 août 2017, Monsieur et Madame [V] ont formé des réclamations contentieuses.

Ces réclamations ont été rejetées.

Par acte du 18 juillet 2018, M. et Mme [V] ont fait assigner l'administration des finances publiques, prise en la personne du directeur régional des finances publiques, devant le tribunal judiciaire de Toulouse afin de voir prononcer la décharge de leurs droits.

Par un jugement contradictoire du 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse, a :

- débouté M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. et Mme [V] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré que M. et Mme [V] ne contestaient pas le caractère rachetable des contrats d'assurance-vie dont ils sont titulaires, et reconnaissaient expressément que les garanties constituées n'ont pas eu pour effet de modifier ce caractère rachetable ; que la perte temporaire de l'exercice du droit de rachat ne saurait se confondre avec la perte de la valeur rachetable ; qu'ainsi, c'est à juste titre, et en conformité avec la jurisprudence constante, que l'administration des finances publiques a estimé que la valeur de rachat de ces contrats devait être incluse dans l'assiette de l'ISF.

Il a considéré qu'en l'absence de démonstration de ce que l'imposition critiquée aurait eu pour effet d'absorber intégralement leur revenus disponibles ou les aurait contraints à aliéner une partie de leur patrimoine, les demandeurs n'établissaient pas son caractère confiscatoire.

Il a estimé que la décote suggérée à titre subsidiaire, qui ne résultait d'aucune disposition du code des assurances, n'était pas plus fondée. En effet, le nantissement ou l'encadrement de la faculté de rachat qui n'entraînent ni dépossession définitive, ni transfert de propriété et dont l'effet est limité dans le temps, n'ont aucune incidence sur la valeur de rachat des contrats.

Il a ajouté que les développements des demandeurs relatifs à une éventuelle inconstitutionnalité des dispositions du code général des impôts étaient inopérants dès lors que la juridiction n'était saisie d'aucune question prioritaire de constitutionnalité.

Par déclaration en date du 17 juin 2020, M. [V] et Mme [H] épouse [V] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a :

- déboutés de l'ensemble de leurs demandes,

- condamnés aux dépens.

Prétentions et moyens des parties :

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 1 avril 2022, M. [V] et Mme [H] son épouse, appelants, demandent à la cour, au visa la loi n°2000-321 du 12 avril 2000, des articles L 212-1 et L 212-2 du Code des Relations entre le Public et l'Administration, des articles L 80 A, L 252, L 256, L 257 A, R 196-1, R 199-1, R 202-1 à R 202-6, R 256-8 et suivants du Livre des Procédures Fiscales, le code de procédure civile, la loi n°2007-1775 du 17 décembre 2007, des articles 666, 885 D, 885 E, 885 F et suivants du code général des impôts et des articles L 132-9, L 132-10 et suivants du code des assurances, de :

'In limine litis',

- constater que l'avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF de 2011 à 2015 et à la CEF 2012 est affecté d'une irrégularité substantielle,

- En conséquence, prononcer la décharge intégrale des rappels d'ISF de 2011 à 2015 et de CEF de 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 149 351 €,

- ordonner en conséquence le dégrèvement intégral des rappels d'ISF de 2011 à 2015 et de CEF de 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 149 351 €,

- En conséquence, ordonner à l'administration fiscale de leur rembourser la somme de 149 351 € dont ils se sont acquittés, accompagné du paiement des intérêts moratoires.

Sur le fond du litige,

A titre principal,

- 'dire et juger' que les demandes des époux [V] sont recevables et fondées,

- constater que leur droit de rachat attaché aux deux contrats d'assurance-vie a été temporairement transmis à la banque, de sorte qu'ils n'en ont plus la disposition au 1er janvier des années d'imposition en litige,

- En conséquence, constater que la valeur de rachat de ces deux contrats d'assurance-vie n'a pas à être intégrée au patrimoine net taxable à l'Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) pour les années 2011 à 2016 et à la Contribution Exceptionnelle sur la Fortune (CEF) de l'année 2012,

- En conséquence, déclarer non-fondée la décision de rejet de l'administration fiscale datée du 1er juin 2018,

- En conséquence, condamner l'administration fiscale à décharger intégralement les rappels d'ISF des années 2011 à 2016 et de CEF de l'année 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 164 656 €,

- En conséquence, ordonner à l'administration fiscale de rembourser M. et Mme [V] de la somme de 164 656 € dont ils se sont acquittés suite au jugement dont appel accompagné du paiement des intérêts moratoires.

A titre subsidiaire,

- 'dire et juger' que leurs demandes sont recevables et fondées,

- retenir leur méthode destinée à déterminer la valeur réelle nette de rachat des deux contrats d'assurance-vie, en tenant compte des restrictions juridiques, c'est-à-dire des contraintes juridiques et contractuelles engendrées par le nantissement de ces deux contrats qui affectent le droit de rachat de ces derniers,

- En conséquence, retenir leur estimation relative aux restrictions apportées à leur faculté de rachat, soit les décotes suivantes :

' concernant le contrat d'assurance-vie « SEQUOIA » n°00216-61659579 : une décote égale à 40%, compte tenu des restrictions apportées au droit de rachat de ce contrat par le nantissement en date du 18 juin 2001,

' concernant le contrat d'assurance-vie « ORADEA VIE » n°01209/00001156 :une décote égale à 50%, compte tenu des restrictions apportées au droit de rachat de ce contrat par le nantissement en date du 24 avril 2012.

- En conséquence, que soient ajoutées à leur patrimoine taxable pour le calcul des rappels d'ISF 2011 à 2016 et de CEF 2012 les valeurs de rachat suivantes :

Concernant le contrat d'assurance-vie « SEQUOIA » n°00216-61659579 :

- pour l'année 2011 : à hauteur de la somme de 1 068 371 € (1 780 619 € x 60% = 1 068 371€),

- pour l'année 2012 : à hauteur de la somme de 1 125 825 € (1 876 375 € x 60% = 1 125 825€),

- pour l'année 2013: à hauteur de la somme de 1 229 980 € (2 049 967 € x 60% = 1 229 980€),

- pour l'année 2014 : à hauteur de la somme de 1 295 412 € (2 159 019 € x 60% = 1 295 412€),

- pour l'année 2015 : à hauteur de la somme de 65 319 € (108 865 € x 60% = 65 319 €).

Concernant le contrat d'assurance-vie « ORADEA VIE » n°01209/00001156 :

- pour l'année 2013 : à hauteur de la somme de 515 519 € (1 031 038 € x 50% = 515 519 €),

- pour l'année 2014 : à hauteur de la somme de 531 867 € (1 063 734 € x 50% = 531 867 €),

- pour l'année 2015 : à hauteur de la somme de 545 350 € (1 090 700 € x 50% = 545 350 €).

- En conséquence, déclarer partiellement non-fondée la décision de rejet de l'administration fiscale datée du 1er juin 2018,

- En conséquence, condamner l'administration fiscale à décharger partiellement les rappels d'ISF des années 2011 à 2016 et de CEF de l'année 2012, à concurrence des rappels en base suivants :

Concernant le contrat d'assurance-vie « SEQUOIA » n°00216-61659579 :

- pour l'année 2011 : à hauteur de la somme de 712 248 €,

- pour l'année 2012 : à hauteur de la somme de 750 550 €,

- pour l'année 2013 : à hauteur de la somme de 819 987 €,

- pour l'année 2014 : à hauteur de la somme de 863 607 €,

- pour l'année 2015 : à hauteur de la somme de 44 546 €.

Concernant le contrat d'assurance-vie « ORADEA VIE » n°01209/00001156 :

- pour l'année 2013 : à hauteur de la somme de 515 519 €,

- pour l'année 2014 : à hauteur de la somme de 531 867 €,

- pour l'année 2015 : à hauteur de la somme de 545 350 €.

- En conséquence, ordonner à l'administration fiscale de procéder en leur faveur au remboursement partiel à due concurrence de la décharge partielle des rappels d'ISF des années 2011 à 2016 et de CEF de l'année 2012 qui en résulte, accompagné du paiement des intérêts moratoires,

- réformer, en conséquence, le jugement dont appel,

- constater l'irrecevabilité de la demande de condamnation des appelants au remboursement des frais irrépétibles pour la somme de 3 000 € présentée par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- En conséquence, débouter l'administration fiscale de sa demande de condamnation des appelants au remboursement des frais irrépétibles pour la somme de 3 000 € présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'administration fiscale au paiement de la somme de 8 200 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'administration fiscale aux entiers dépens, dont notamment la somme de 225 € qu'ils ont réglé lors du dépôt de la déclaration d'appel conformément aux dispositions de l'article 1635 bis P du code général des impôts.

Ils soutiennent 'in limine litis' que l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00021, qui porte le nom et le prénom de l'agent, M. [N] [P] et une signature illisible, est entaché d'une irrégularité substantielle faute de mentionner la qualité de son auteur (fonction et grade) et le service auquel celui-ci appartient ; que la mention de Mme [F] [Z] en qualité de contrôleur des finances publiques est inopérante, car ce n'est pas elle qui a signé et rendu exécutoire cet AMR pour le compte du comptable public près le service des impôts des entreprises de [Localité 3] [Adresse 5].

Ils font valoir que l'indisponibilité temporaire du droit de rachat, mais effective à la date du fait générateur de l'imposition, produit les mêmes effets que l'indisponibilité définitive de ce même droit, le créancier nanti étant titulaire d'un droit de rétention, et le nantissement lui conférant un droit exclusif sur la valeur de rachat, cette restriction affectant de manière substantielle la valeur de la créance.

Ils estiment que l'ISF est confiscatoire à partir du moment où ils sont contraints de déclarer la valeur entière des deux contrats d'assurance-vie alors même qu'ils n'ont pas la jouissance immédiate de ce capital dans leur patrimoine. Ils estiment que l'accroissement artificiel de leur patrimoine qui entraîne une augmentation de l'ISF, en lien avec d'autres impositions, les contraints à aliéner une partie de leur patrimoine pour conserver leurs revenus ou simplement leur train de vie.

Ils soutiennent à titre subsidiaire que relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge l'application d'une décote destinée à tenir compte de la contrainte juridique ou contractuelle affectant le bien à évaluer à la date du fait générateur de imposition, et que le taux de décote est librement fixé par le juge.

A titre complémentaire, ils estiment que l'interprétation des dispositions de l'article 885 F du code général des impôts par la cour de cassation porte atteinte aux principes constitutionnels d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques énoncés aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, l'administration des finances publiques, prise en la personne du directeur régional des finances publiques de Provence- Alpes - Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, intimée, demande à la cour, au visa des articles 885E et 885F du code général des impôts, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- débouter M et Mme [V], appelants, de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner solidairement M et Mme [V] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que les appelants contestent 'in limine litis' la validité des avis de recouvrement.

Elle estime s'agissant de l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00021 que ni l'absence de signature ni l'absence de mention de la qualité de M. [N] [P] ne sont des vices substantiels, lorsque l'agent avait bien délégation de signature; qu'il porte la mention de Mme [F] [Z], contrôleur des finances publiques, et de M. [N] [P], les mentions présentes sur l'avis de mise en recouvrement permettant aux requérants de vérifier la qualité et la compétence des agents ; que la mention du service d'appartenance sous la mention 'service expéditeur : service des impôts des entreprises de [Localité 3] [Adresse 5]' justifie du service auquel appartient l'agent signataire ; que l'avis de mise en recouvrement est par ailleurs parfaitement régulier.

Sur le fond, elle soutient que c'est à bon droit que l'administration des finances publiques a intégré les contrats d'assurance litigieux à l'assiette de l'ISF pour leur entière valeur de rachat, d'autant qu'il n'y a pas eu appel de la garantie opérant transfert de valeurs du patrimoine du souscripteur au profit du créancier nanti.

Elle conteste le caractère confiscatoire, estimant que les appelants ne justifient pas que cette imposition aurait conduit à l'absorption intégrale de leurs revenus disponibles, à l'aliénation forcée de leur patrimoine ou même à une diminution de celui-ci.

Sur l'inconstitutionnalité de l'article 885 F du code général des impôts, elle fait valoir que seul le conseil constitutionnel peut se prononcer sur l'inconstitutionnalité d'un texte législatif ;

qu'aucun question prioritaire de constitutionnalité n'est posée par les appelants ; que cette question ne figure pas au rang des questions prioritaires de constitutionnalité déjà traitées.

Sur la décote demandée à titre subsidiaire, elle estime que cette demande est sans fondement, et que le montant proposé est arbitraire.

En application de l'article 768 du code de procédure civile, ils soulèvent l'irrecevabilité de la demande de l'administration fiscale au titre de l'article 700 du code de procédure civile, indiquant que cette demande est formée dans le dispositif des conclusions de l'administration fiscale, mais pas dans la discussion ; que le dispositif doit récapituler les prétentions et moyens figurant dans la discussion ; qu'en l'absence de demande dans le corps des conclusions, la demande formée dans le dispositif est irrecevable.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 20 juin 2022.

Motifs de la décision :

Sur l'irrégularité substantielle de l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00021 rendu exécutoire le 16 août 2017 :

L'avis de mise en recouvrement est un titre exécutoire émis par le comptable public compétent et adressé selon l'article L 256 du livre des procédures fiscales à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été fait à la date d'exigibilité.

En vertu de l'article L 257 A du livre des procédures fiscales, les avis de mise en recouvrement peuvent être émis et rendus exécutoires sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation.

La liste des documents administratifs dispensés de signature par l'article L 212-2 du CRPA a été étendue aux avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017, par l'article 90 de la loi 2016-1918 du 29 décembre 2016. Selon cet article, les avis de mise en recouvrement sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient.

En l'espèce, M. et Mme [V] demandent à la cour 'in limine litis' de constater que l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00021 rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF de 2011 à 2015 et à la CEF 2012 est affecté d'une irrégularité substantielle, qui doit entraîner l'abandon et la décharge intégrale de ces rappels, pour un montant total égal à 149.351 euros.

La demande tendant à faire déclarer irrégulier un AMR et à prononcer la décharge intégrale de rappels, pour un montant total égal à 149.351 euros, et ordonner le dégrèvement intégral de ces rappel, et en conséquence ordonner à l'administration fiscale de rembourser la somme de 149.351 euros, ne constitue pas une exception de procédure au sens des articles 73 et 74 du code de procédure civile. Elle n'avait donc pas à être formée avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, contrairement à ce qu'indiquent M. et Mme [V], qui ne l'ont d'ailleurs formée qu'en cause d'appel.

M. et Mme [V] soutiennent que l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00021 rendu exécutoire le 16 août 2017 est entaché d'une irrégularité substantielle, faute de mentionner la qualité de son auteur et le service auquel celui-ci appartient.

Par un simple tampon, ont été apposés le prénom, le nom et la qualité d'une Mme [F] [Z], en haut de l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00021 rendu exécutoire le 16 août 2017 .

M. [N] [P] y a également apposé son prénom et son nom, en-dessous de la mention : 'Nom et qualité du signataire : pour le comptable public.' La qualité de M. [P] n'apparaît pas.

M. [P] apparaît ainsi comme l'auteur de l'acte.

La signature est illisible. On ne peut pas la rattacher à M. [P]. Même si la doctrine BOI-REC-PREA-10-10-20 publiée au BOI le 17 juillet 2015 et sa version actuelle publiée au BOI le 15 juillet 2020, mentionnent que l'avis de mise en recouvrement doit être signé et qu'il doit indiquer la qualité, le nom et le prénom du signataire, le moyen tiré du défaut de signature est inopérant car l'avis de mise en recouvrement en l'espèce est signé. La question qui se pose en revanche est celle de savoir si, en présence d'une signature illisible, l'auteur de cet AMR peut être identifié.

Le nom et le prénom de M. [P] sont mentionnés.

L'avis de mise en recouvrement porte également la mention du service auquel la correspondance doit être adressée : 'Pôle de contrôle revenu/patrimoine de [Localité 3] [Adresse 5]. Centre des finances publiques.'Dès lors, le service d'appartenance de l'auteur de l'acte est bien mentionné.

Il manque en revanche la qualité de M. [P].

Or, les mentions sont visées à l'article l'article L 212-2 du CRPA sont cumulatives (étant réunies par 'et', 'ainsi que').

L'acte qui ne mentionne pas la qualité de M. [P] présente donc une irrégularité de forme.

La question se pose de savoir s'il s'agit d'une formalité substantielle, ou si la nullité de l'acte ne doit être prononcée qu'à condition de démontrer un grief.

Les mentions exigées par l'article L 212-2 du CRPA sont liées à l'exercice par le contribuable de son droit de vérifier la compétence du signataire des actes qui lui font grief.

Il est de principe que le contribuable auquel un AMR est notifié doit être à même de vérifier que son auteur est effectivement l'autorité compétente et que cet acte doit comporter des mentions propres à permettre l'identification de cet auteur, le Conseil d'Etat l'ayant également jugé en ce sens (CE 28 décembre 2012 n° 332399).

C'est donc une formalité substantielle.

Dès lors, il y a lieu de constater que l'avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF de 2011 à 2015 et à la CEF 2012 est affecté d'une irrégularité substantielle. Le fait que le prénom et le nom de Mme [Z] et la qualité de cette dernière figurent également sur l'acte, et le fait que tous deux aient bien reçu délégation de signature, n'est pas de nature à régulariser l'acte.

Il y a lieu en conséquence, infirmant partiellement le jugement dont appel, de prononcer la décharge intégrale des rappels d'ISF de 2011 à 2015 et de CEF de 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 149 351 €.

Il y a lieu d'ordonner en conséquence le dégrèvement intégral des rappels d'ISF de 2011 à 2015 et de CEF de 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 149 351 €.

L'administration des finances publiques sera condamnée à rembourser à M. et Mme [V] la somme de 149 351 € dont ils se sont acquittés, accompagné du paiement des intérêts moratoires avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018.

Sur l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00022 :

La régularité de l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00022 rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF 2016 n'est pas contestée. Il porte sur un montant de 15.305 euros.

Sur l'intégration de la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie dans le patrimoine du souscripteur :

L'article 885 E du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige, dispose que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.

L'article 885 F du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose que les primes versées après l'âge de 70 ans au titre des contrats d'assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur. Toutefois, la créance que le souscripteur détient sur l'assureur au titre de contrats, autres que ceux mentionnés à l'article L 121-23 du code des assurances, qui ne comportent pas de possibilité de rachat pendant une période fixée par ces contrats doit être ajoutée au patrimoine du souscripteur.

En l'espèce, M. et Mme [V] ne contestent pas le caractère rachetable des contrats d'assurance-vie dont ils sont titulaires. Ils reconnaissent que les garanties constituées n'ont pas eu pour effet de modifier ce caractère rachetable

Certes, les deux contrats d'assurance-vie font l'objet d'un nantissement.

L'accord exprès du créancier nanti est nécessaire pour le rachat pour le contrat SEQUOIA. Il y a une renonciation temporaire au droit de rachat pour le contrat ORADEA VIE.

Cependant, la perte temporaire de l'exercice du droit de rachat ne saurait se confondre avec la perte de la valeur rachetable.

En effet, le nantissement est une sûreté réelle mobilière par laquelle est accordé à un créancier un droit préférentiel sur un bien incorporel du débiteur en garantie du paiement de sa dette. Ainsi, il a pour but de garantir au créancier le paiement d'une dette.

Le bien nanti reste une valeur dans le patrimoine du débiteur, tant que la garantie n'a pas été appelée. Cette opération ne constitue qu'un changement d'affectation des valeurs, qui ne sortent pas du patrimoine du débiteur, et dont il retrouvera l'entière disposition lorsqu'il se sera acquitté définitivement de sa dette. M. et Mme [V] n'ont pas justifié de la mise en oeuvre de la garantie au 1er janvier de l'année d'imposition.

Les contribuables font valoir qu'aucun texte légal ne leur impose de déclarer le montant de la valeur de rachat tel que figurant dans les quittances que leur remet la banque chaque année.

Ils soutiennent que la doctrine administrative (BOI - PAT - ISF - 30 - 20 - 10) qui, selon eux, édicterait cette obligation leur serait inopposable car entachée d'illégalité. Cependant, cette doctrine administrative rappelle en premier lieu le principe de la déclaration à l'ISF de la valeur de rachat des contrats d'assurance-vie rachetables, puis en second lieu elle précise que la valeur de rachat est indiquée sur les quittances des primes annuelles que l'entreprise d'assurance ou de capitalisation communique au cocontractant. Dès lors, la doctrine administrative ne rajoute pas à la loi, en rappelant simplement ces principes légaux. Ce moyen est donc inopérant.

La valeur de rachat de ces contrats devait bien être incluse dans l'assiette de l'ISF du souscripteur, quelles que soient les restrictions apportées à l'exercice de la faculté de rachat (cass com 26 avril 2017 n° 15-27.967).

Sur le caractère confiscatoire de l'imposition :

Le caractère confiscatoire de l'imposition n'est pas démontré. En effet, les contribuables ne produisent aucune pièce de nature à établir que l'imposition aurait conduit à l'absorption intégrale de leurs revenus disponibles, ou à l'aliénation forcée d'une partie de leur patrimoine, ou même à une diminution de celui-ci, ou à une expropriation quelconque.

Sur l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 885 F du code général des impôts telles qu'interprétées par la cour de cassation :

Seul le conseil constitutionnel peut prononcer l'inconstitutionnalité d'un texte législatif.

Depuis la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la constitution, tout justiciable peut poser au juge en charge d'examiner sa prétention une question prioritaire de constitutionnalité, à l'occasion d'un procès.

En l'espèce, les moyens d'inconstitutionnalité sont inopérants dès lors que la juridiction n'est saisie d'aucune question prioritaire de constitutionnalité.

Subsidiairement sur la décote :

Une décote n'est prévue par aucune disposition du code des assurances. Les contribuables soutiennent que le juge est souverain pour faire une décote.

Une telle décote n'est pas fondée. En effet, le nantissement n'entraîne tant que la garantie n'est pas appelée de transfert de propriété. Le souscripteur conserve la libre administration de ses avoirs. Le bénéficiaire du nantissement n'a la disposition effective des capitaux investis qu'en cas de défaillance du débiteur. L'effet du nantissement est l'indisponibilité de la faculté de rachat, limitée dans le temps. Or, l'indisponibilité temporaire d'un droit n'affecte pas la valeur du bien (cass com 27 octobre 2009 n°08-11.362).

La valeur de rachat des contrats d'assurance-vie litigieux au 1er janvier de l'année d'imposition doit être comprise en totalité dans l'assiette de l'ISF, quelles que soient les restrictions apportées à l'exercice de la faculté de rachat.

En conséquence, confirmant partiellement le jugement dont appel, M. et Mme [V] seront déboutés de leurs demandes concernant la somme de 15.305 euros objet de l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00022 rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF 2016.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

M. et Mme [V], parties perdantes puisqu'ils ne sont pas déchargés intégralement, doivent supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Sur la recevabilité de la demande de l'administration fiscale au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 768 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dans le dispositif de ses conclusions, l'administration fiscale réclame la condamnation des époux [V] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans la partie 'discussion' des conclusions, l'administration fiscale ne demande pas la condamnation des époux [V] à lui payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ne présente aucun moyen à ce sujet.

Le dispositif récapitule les prétentions. Le dispositif doit donc reprendre l'ensemble des prétentions qui ont été énoncées dans la discussion.

Le fait qu'il récapitule les prétentions énoncées dans la discussion ne lui interdit pas d'en énoncer d'autres, non contenues dans la discussion.

Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, la prétention de l'administration des finances publiques relative à l'article 700 du code de procédure civile est bien formulée expressément dans le dispositif. Il n'y a pas lieu de la déclarer irrecevable du seul fait qu'elle n'était pas présentée dans la partie 'discussion'.

La demande de l'administration des finances publiques au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens sera donc déclarée recevable.

Sur le fond :

En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, 'le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.'

'Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.'

En l'espèce, il n'est pas inéquitable de débouter l'administration des finances publiques de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

M. et Mme [V], parties perdantes, seront déboutés de leur demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 2 juin 2020, sauf en ce qu'il a débouté M. [J] [V] et Mme [O] [H], son épouse, de leurs demandes concernant la somme de 15.305 euros objet de l'avis de mise en recouvrement n° 17 08 00022 rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF 2016, et sauf en ce qu'il les a condamnés aux dépens ;

Statuant à nouveau sur le chef partiellement infirmé,

Constate que l'avis de mise en recouvrement rendu exécutoire le 16 août 2017 et relatif à l'ISF de 2011 à 2015 et à la CEF 2012 est affecté d'une irrégularité substantielle ;

En conséquence, prononce la décharge intégrale des rappels d'ISF de 2011 à 2015 et de CEF de 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 149 351 € ;

Ordonne en conséquence le dégrèvement intégral des rappels d'ISF de 2011 à 2015 et de CEF de 2012 en principal, majorations et intérêts de retard, soit pour la somme totale de 149 351 € ;

Condamne l'administration des finances publiques, prise en la personne du directeur régional des finances publiques de Provence- Alpes - Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône à rembourser à M. et Mme [V] la somme de 149 351 € dont ils se sont acquittés, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2018 ;

Condamne M. et Mme [V] aux dépens d'appel ;

Déclare l'administration des finances publiques, prise en la personne du directeur régional des finances publiques de Provence- Alpes - Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône recevable en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

L'en déboute ;

Déboute M. et Mme [V] de leur demande sur le même fondement.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/01409
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;20.01409 ?
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