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29/11/2022 | FRANCE | N°19/02752

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 29 novembre 2022, 19/02752


29/11/2022





ARRÊT N°22/691



N° RG 19/02752 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NA6Y

MLA/VM



Décision déférée du 26 Avril 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 16/22982

M. JL ESTEBE

















[R] [I]

[N] [W] [I] épouse [V]





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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [R] [I]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]





Madame [N] [W] [I] épouse [V]

[Ad...

29/11/2022

ARRÊT N°22/691

N° RG 19/02752 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NA6Y

MLA/VM

Décision déférée du 26 Avril 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 16/22982

M. JL ESTEBE

[R] [I]

[N] [W] [I] épouse [V]

C/

[O] [L]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [R] [I]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Madame [N] [W] [I] épouse [V]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentés par Me Isabelle LORTHIOS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [O] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Cynthia PASQUALIN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. MICK et V. CHARLES-MEUNIER, conseillers, chargés du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. GUENGARD, présidente

V. MICK, conseiller

V. CHARLES-MEUNIER, conseillère

Greffier, lors des débats : M. TACHON

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement,par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, présidente, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Mme [A] [F] [I] veuve [D] est décédée le 16 mars 2015, laissant à sa survivance :

- son frère, M. [R] [I] ;

- ses neveux, M. [M] [I] et Mme [S] [I] épouse [V], venant par représentation de son frère prédécédé M. [X] [I].

La défunte a institué M. [O] [L] en qualité de légataire universel par testament olographe en date du 8 juin 2012 déposé le 2 octobre 2015 au rang des minutes du notaire en charge.

Le 16 octobre 2015, le notaire a établi un acte de notoriété présentant M. [L] en qualité de légataire universel.

Suite à sa requête en date du 22 octobre 2025, M. [L] a été envoyé en possession par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 26 octobre 2015.

Des difficultés sont survenues dans la liquidation de la succession entre les héritiers et le légataire universel.

Mme [S] [V] a déposé plainte entre les mains du procureur de la République de Toulouse à l'encontre de M. [L] le 25 janvier 2016 pour abus de faiblesse au préjudice de sa tante.

Suite à requête auprès du juge de l'exécution de Toulouse en date du 26 février 2016, Mme [S] [V] a été autorisée à pratiquer une saisie conservatoire sur le produit de la vente du bien opérée par M. [L] le 29 décembre 2015 portant sur le domicile de la défunte sis [Adresse 2] pour une somme de 200 000 € payée comptant, la somme de 101 490,19 € (subsistante après règlement de frais et droits de succession) étant ainsi saisie entre les mains du notaire le 10 mars 2016.

*

Par acte d'huissier en date du 8 avril 2016, Mme [S] [V], M. [R] [I] et M. [M] [I] ont fait assigner M. [L] aux fins de voir consacrer la nullité du testament devant le tribunal de grande instance de Toulouse.

Par conclusions en date du 11 juin 2017, les consorts [I] ont sollicité du tribunal un sursis à statuer dans l'attente des suites de la procédure pénale initiée à l'encontre de M. [L].

Par jugement contradictoire en date du 25 mai 2018, le tribunal a :

- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les consorts [I];

- renvoyé l'affaire à la mise en état et enjoint de conclure pour le 18 juin 2018.

Les consorts [I] ont ensuite à nouveau saisi le juge de la mise en état, par conclusions d'incident postérieures, d'une demande de communication des pièces détenues par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Toulouse, suite au placement sous curatelle renforcée de la défunte intervenu le 22 octobre 2013.

Par ordonnance contradictoire en date du 8 août 2018, le juge de la mise en état a rejeté leur demande.

Par jugement contradictoire en date du 26 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- rejeté les demandes de nullité du testament du 8 juin 2012 de Mme [A] [I] ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné solidairement M. [R] [I], M. [M] [I] et Mme [S] [I] aux dépens, dans lesquels sont compris ceux de l'ordonnance d'incident du 8 août 2018.

*

Par déclaration électronique en date du 14 juin 2019, M. [R] [I] et Mme [S] [V] ont conjointement interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de nullité du testament du 8 juin 2012 de Mme [A] [I] ;

- rejeté les autres demandes ;

- condamné solidairement M. [R] [I], M. [M] [I] et Mme [S] [I] aux dépens, dans lesquels sont compris ceux de l'ordonnance d'incident du 8 août 2018.

*

Par conclusions d'incident en date du 2 décembre 2019, M. [L] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande visant à voir déclarer irrecevables les pièces pénales communiquées par les appelants.

Par ordonnance contradictoire en date du 24 juin 2020, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande.

*

Dans leurs dernières conclusions d'appelants en date du 28 juillet 2021, M. [R] [I] et Mme [S] [V] demandent à la cour de bien vouloir :

- déclarer l'appeI recevable en la forme et bien fondé,

- déclarer recevables et fondées toutes les demandes formées par les appelants à titre principal et sur le fondement des articles 563, 565 et 566 et de l'article 910-4 du code de procédure civile,

- dire et juger recevable et fondée la communication devant la cour de l'entier dossier pénal concernant les poursuites à l'encontre de M. [O] [L], ayant donné lieu au jugement du tribunal correctionnel du 24 juillet 2020 ,et ce même sur le fondement de l'article R.155 du code de procédure pénale,

- débouter M. [L] de toutes ses demandes devant la cour, tant sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel que de toutes ses autres demandes dlrrecevabilité de forme, dénuées de tout fondement juridique sérieux,

Sur le fond,

réformant le jugement dont appel en ce qu'il a :

- rejeté les demandes de nullité du testament du 8 juin 2012 de [A] [I] veuve [D],

- rejeté les autres demandes présentées par les appelants,

- condamné solidairement M. [R] [I], M. [M] [I], Mme [S] [I] aux dépens, dans lesquels sont compris ceux de l'ordonnance d'incident du 8 août 2018,

Et statuant à nouveau

- dire et juger que le consentement de Mme [F] [D] pour rédiger le testament du 8 juin 2012 en faveur de M. [O] [L] a été vicié par les manoeuvres frauduleuses et dolosives commises par celui-ci pour s'emparer de l'héritage de la défunte, qui sont établies par le dossier pénal versé au débat qui a donné lieu au jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 24 juillet 2020,

- dire et juger qu'il ressort des pièces médicales et pénales produites par les héritiers légaux que Mme [F] [D] présentait au moment de la rédaction du testament du 8 juin 2012 des troubles du comportement dus à son âge et à une prodigalité excessive qui ont été médicalement constatés, qui ont eu pour effet d'altérer ou d'abolir son discernement et/ou son consentement pour instituer légataire universel M. [O] [L],

- dire et juger qu'il est établi par les pièces versées aux débats que M. [O] [L], en sa qualité d'employé de la caisse d'épargne et en vertu du règlement intérieur, n'avait pas le droit de recevoir de dons ou de legs, ni de sommes d'argent, ni d'accepter de succession testamentaire de sa cliente, et que malgré cette interdiction, qui lui a été notifiée le 20 octobre 2015 par son employeur, il a accepté purement et simplement ladite succession testamentaire de Mme [D], et a volontairement fait acte de renonciation tardif à ladite succession le 8 février 2016, après avoir été envoyé en possession et avoir vendu la maison de la défunte le 29 décembre 2015,

En conséquence

- prononcer pour insanité d'esprit et pour dol, sur le fondement de l'article 901 du code civil, la nullité du testament établi par Mme [A], [F] [D] née [I] le 8 juin 2012, instituant M. [O] [L] légataire universel, avec toutes les conséquences de droit qui y sont attachées, et ce pour les motifs sus exposés,

- dire et juger que M. [L] est déchu de tous droits sur la succession de Mme [F] [D], et ce pour tous les motifs sus exposés, et qu'il ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes pour échapper à ses responsabilités,

- valider la saisie conservatoire pratiquée le 10 mars 2016 par acte de la SCP Lopez & Malavaille, huissiers de justice, entre les mains de Maître [H] [E], notaire, portant sur le prix de vente de la maison ayant appartenu à Mme [A] [I], sise [Adresse 2], à hauteur de 101 940,19 euros, et lui donner son plein et entier effet,

- dire et juger que ladite somme devra être consignée entre les mains du bâtonnier qui sera désigné séquestre par la cour, dans I'attente de la désignation d'un notaire pour le règlement de la succession légale,

- ordonner en tant que de besoin la désignation d'un notaire qui sera chargé de procéder au règlement de la succession légale de Mme [D],

- condamner M. [L] à rembourser tous les frais de succession réglés au notaire et à l'administration fiscale, en sa qualité de légataire universel, sur le prix de vente de la maison de Mme [D],

- condamner M. [O] [L] à restituer aux héritiers légaux ou à la succession légale par I'intermédiaire du notaire désigné l'intégraIité des sommes, effets et biens mobiliers qu'il a perçus indument du vivant de Mme [D] mais également en sa qualité de légataire universel, à la suite du décès de celle-ci le 16 mars 2015,

- condamner M. [O] [L] à rembourser aux parties civiles, héritiers légaux, et ayants droit de Mme [F] [D] ou en tout état de cause à la succession légale les sommes détournées en espèces soit la somme de 37 800 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 30 mai 2012,

- condamner M. [O] [L] à rembourser à la succession légale la somme de 10 000 euros reçue par trois chèques de Mme [F] [D], de son vivant, avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 8 avril 2016 devant le tribunal de grande instance de Toulouse,

- condamner M. [O] [L], déchu de tous droits dans la succession de Mme [F] [D], au remboursement de toutes ces sommes d'argent sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- dire et juger que toutes ces sommes devront être consignées entre les mains du bâtonnier qui sera désigné séquestre par le tribunal, dans I'attente de la désignation d'un notaire pour le règlement de la succession légale qui sera ordonnée en tant que de besoin par la cour d'appeI,

- condamner M. [O] [L] à payer aux appelants la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices distincts subis par les héritiers légaux, toutes causes de préjudices confondus,

- condamner M. [O] [L] au paiement d'une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner M. [O] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant tous les frais de procédure de saisie conservatoire entre les mains du notaire.

*

Suite à conclusions d'incident déposées en date du 29 juin 2021 par l'intimé, le conseiller de la mise en état a, par ordonnance en date du 19 octobre 2021, déclaré irrecevable l'appel principal formé et condamné les appelants aux dépens d'appel et d'incident.

Par arrêt en date du 4 avril 2022, suite à requête en déféré des appelants en date du 30 octobre 2021, cette cour a :

- annulé l'ordonnance du conseiller de la mise en état ;

- évoqué l'incident ;

- dit que le conseiller de la mise en état est compétent pour connaître de la fin de non-recevoir tiré de l'irrecevabilité de l'appel ;

- dit que la fin de non-recevoir peut être soulevée d'office ou à la demande de l'une des parties et à tout moment de la procédure ;

- débouté M. [L] de sa demande tendant à voir prononcer l'irrecevabilité de l'appel principal ;

- constaté que la demande liée à l'irrecevabilité de l'appel tiré du défaut de mention des chefs de jugement critiqués n'est plus soulevé par M. [L];

- condamné M. [L] aux dépens de l'incident et du déféré ;

- débouté M. [L] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 10 mai 2022, M. [O] [L] demande à la cour de bien vouloir :

- juger irrecevables les pièces adverses 8 à 71 comme méconnaissant les dispositions de l'article R.155 du code de procédure pénale,

- juger irrecevables les demandes 'nouvelles et additionnelles' formées en cause d'appel par les consorts [I] au terme de leurs conclusions du 28 juillet 2021,

- débouter les consorts [I] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel,

- condamner les consorts [I] au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 26 septembre 2022.

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions développées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la qualification de prétentions des parties :

Les demandes visant à 'dire et juger', de plus fort lorsqu'elles ne constituent que des moyens de fait ou de droit, ne qualifient pas, par définition, des prétentions cernant l'objet du litige au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile dès lors qu'elles n'ont vocation à conférer ni ne confèrent aucun droit à celui qui la requiert.

La cour, qui n'est tenue que de répondre aux seules prétentions énoncées au dispositif en application de l'article 954 du code de procédure civile, n'a donc pas à statuer dessus.

Ainsi en est-il des demandes suivantes des appelants, tous constitutifs de moyens, à savoir :

'- dire et juger que le consentement de Mme [F] [D] pour rédiger le testament du 8 juin 2012 en faveur de M. [O] [L] a été vicié par les manoeuvres frauduleuses et dolosives commises par celui-ci pour s'emparer de l'héritage de la défunte, qui sont établies par le dossier pénal versé au débat qui a donné lieu au jugement du tribunal correctionnel de Toulouse du 24 juillet 2020,

- dire et juger qu'il ressort des pièces médicales et pénales produites par les héritiers légaux que Mme [F] [D] présentait au moment de la rédaction du testament du 8 juin 2012 des troubles du comportement dus à son âge et à une prodigalité excessive qui ont été médicalement constatés, qui ont eu pour effet d'altérer ou d'abolir son discernement etlou son consentement pour instituer légataire universel M. [O] [L],

- dire et juger qu'il est établi par les pièces versées aux débats que M. [O] [L], en sa qualité d'employé de la caisse d'épargne et en vertu du règlement intérieur, n'avait pas le droit de recevoir de dons ou de legs, ni de sommes d'argent, ni d'accepter de succession testamentaire de sa cliente, et que malgré cette interdiction, qui lui a été notifiée le 20 octobre 2015 par son employeur, il a accepté purement et simplement ladite succession testamentaire de Mme [D], et a volontairement fait acte de

renonciation tardif à ladite succession le 8 février 2016, après avoir été envoyé en possession et avoir vendu la maison de la défunte le 29 décembre 2015,

- dire et juger que M. [L] est déchu de tous droits sur la succession de Mme [F] [D], et ce pour tous les motifs sus exposés, et qu'il ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes pour échapper à ses responsabilités'

de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de statuer dessus.

Sur la recevabilité des demandes des appelants visant à condamnation de l'intimé au remboursement : d'une somme de 37 800 euros, d'une somme de 10 000 euros, d'une somme de 100 000 €, des frais de succession réglés au notaire et à l'administration fiscale en sa qualité de légataire universel sur le prix de vente de la maison de la défunte ainsi qu'au prononcé d'une astreinte :

M. [L] entend voir déclarer irrecevables les 'demandes des appelants nouvelles et additionnelles aux termes de leurs conclusions du 28 juillet 2021", s'entendant dès lors, par comparaison nécessaire avec les premières conclusions des appelants en date du 13 septembre 2019 et celles de première instance : du remboursement d'une somme de 37 800 euros correspondant aux montants, selon eux, détournés au préjudice de Mme [I] veuve [D] au titre de l'escroquerie pour laquelle il avait été poursuivi, d'une somme de 10 000 euros correspondant à trois chèques établis en date du 2 novembre 2012 (5 000 €), 7 mai 2013 (2 500 €) et 29 mai 2013 (2 500 €) par la défunte à son profit, mis au jour au cours de la procédure pénale, des frais de succession réglés au notaire et à l'administration fiscale par ses soins suite à la vente de la maison de la défunte, l'intimé les ayant réglés avec le prix de vente de la maison de la défunte, du règlement d'une somme de 100 000 € au titre de dommages et intérêts, enfin du prononcé d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir des sommes en question, à l'exception des dommages et intérêts sollicités. Il fait valoir, sur le fondement des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, que ces demandes sont nouvelles pour ne pas avoir été soumises au premier juge et ne pas entrer dans le périmètre des dispositions des articles 565, 566 et 567 du code de procédure civile. Il se prévaut par ailleurs des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, exposant que ces demandes n'ont pas été présentées dans les premières conclusions des appelants en violation du principe de concentration des prétentions alors qu'elles ne relèvent pas des exceptions visées par l'alinéa 2 du même article. Il conclut enfin sur le fait que l'ensemble de ces prétentions a été formulée de façon strictement identique devant le juge pénal de sorte que, celui-ci ayant conclu au débouté au fond des parties civiles, elles se heurteraient au principe d'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil.

Les appelants, s'ils ne contestent pas le caractère nouveau de telles demandes, considèrent qu'elles demeurent recevables dès lors qu'elles sont nées de la survenance d'un fait nouveau, en application des stipulations de l'article 910-4 du code de procédure civile. Ils font valoir que les pièces du supplément d'information ordonné par la juridiction correctionnelle en date du 26 septembre 2019, remises pour l'audience au fond du 24 juillet 2020, en sus de l'aveu de l'intimé à cette même audience quant sa responsabilité dans l'établissement des faux bordereaux de retraits d'espèce au préjudice de la défunte et de la communication du règlement intérieur de la caisse d'épargne, employeur de l'intimé à l'époque, faisant état d'une interdiction d'acceptation par les employés de tout legs, qualifient ces éléments nouveaux et l'évolution du litige.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les articles 565, 566 et 567 énoncent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Enfin, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Enfin, aux termes de l'article 1351 du code civil et 122 du code de procédure civile, les décisions pénales ont autorité absolue au civil à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé. L'autorité de la chosée jugée constitue une fin de non-recevoir.

Les consorts [I] ont introduit l'action en première instance aux fins d'annulation du testament établi le 8 juin 2012 par Mme [I] veuve [D] instituant M. [L] en qualité de légataire universel de sa succession et ne poursuivaient pas une action en partage. Leurs dernières conclusions de première instance visaient également exclusivement à l'annulation dudit testament.

S'ils ont soutenu à cette fin deux moyens, l'un tiré de l'insanité d'esprit de la défunte, l'autre du dol, en mentionnant et s'appuyant initialement sur le dépôt d'une plainte pour abus de faiblesse en février 2016 puis sur l'existence de poursuites contre l'intimé exercées par le ministère public le 29 janvier 2019 du chef d'escroquerie, le préjudice qui résultait des faits d'escroquerie finalement poursuivis était dès l'origine sans lien avec l'objet du litige introduit devant le premier juge.

De la sorte, les prolongements procéduraux et au fond qui ont accompagné le traitement de cette procédure pénale, à travers notamment un supplément d'information ordonné par la juridiction correctionnelle le 26 septembre 2019, pour être certes postérieurs à l'expiration du délai de l'article 908 du code de procédure civile à savoir le 13 septembre 2018, n'en permettaient pas pour autant de qualifier des éléments nouveaux justifiant les prétentions formulées par les appelants s'appuyant sur le préjudice retenu ou sur celui résultant de la confection de chèques par la défunte à cette époque, au demeurant non poursuivis par le ministère public.

La demande visant dès lors à voir condamner l'intimé au réglement d'une somme de 37 800 €, montant correspondant au préjudice retenu résultant de l'escroquerie qui lui était alors imputé, à supposer que celle-ci ne se heurte effectivement pas à l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, tenant les conclusions au fond des parties civiles de ce chef lors de l'audience correctionnelle strictement identiques de ce chef, sera déclarée irrecevable, ne constituant par ailleurs ni l'accessoire, ni le complément, ni la conséquence de la prétention soumise au premier juge, ni une réplique aux prétentions de l'intimé.

Pour le même motif, la demande visant à le voir condamner à une somme de 10 000 €, en suite de la perception de chèques à une période alléguée d'insanité d'esprit de la défunte, sera également déclarée irrecevable, tout comme celle portant sur 'la condamnation à restitution aux héritiers légaux ou à la succession légale des sommes, effets et biens mobiliers perçus indument du vivant de Mme [D]' qui ne se rattache qu'à cette unique demande.

S'agissant de la demande respective de dommages et intérêt 'à raison du préjudice moral, affectif et matériel en relation directe avec les agissements délictuels de M. [L] et du fait qu'il s'est emparé de l'héritage par des manoeuvres dolosives et frauduleuses', à la supposer également épargnée par la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, et celle portant sur le remboursement par l'intimé des 'frais de succession réglés au notaire et à l'administration fiscale sur le prix de vente de la maison de Mme [D]', celles-ci ne figuraient pas au dispositif des premières conclusions des appelants en date du 13 septembre 2019 dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile alors que rien ne l'empêchait et qu'aucune notion d'évolution du litige suite à un élément nouveau n'est ni allégué ni établi.

De la sorte, l'ensemble de ces demandes seront déclarées irrecevables.

La demande de consignation entre les mains du bâtonnier désigné en qualité de séquestre de l'ensemble de ces sommes, tout comme celle d'astreinte ou d'intérêts de droit, qui constituent les accessoires de l'ensemble de ces demandes, seront par voie de conséquence également déclarées irrecevables.

Sur la recevabilité de la production des pièces n° 8 à 71 des appelants:

M. [L] se prévaut des stipulations de l'article R.155 alinéa 2 du code de procédure pénale pour solliciter l'irrecevabilité des pièces n°8 à 71 produites par les appelants. Il expose en premier lieu que ces pièces sont tirées de la procédure pénale initiée des suites de la plainte de Mme [I] à son encontre du chef d'abus de faiblesse et ayant finalement conduit à sa relaxe du chef final poursuivi d'escroquerie, pour cause de prescription. Il considère que la possibilité légale de produire ces pièces sans l'autorisation du ministère public, ce qui est le cas d'espèce, repose sur une double condition cumulative à savoir : l'engagement de poursuites et la finalité de la demande de copie dans l'intérêt exclusif des droits des parties civiles. Or, il soutient, dans un premier temps, que les appelants n'avaient pas la qualité de partie civile au cours de l'instance pénale faute d'être héritiers de la défunte au vu du testament l'instituant légataire universel. A ce titre, il ajoute que la communication de la date de l'audience de jugement dont ont bénéficié les appelants par le ministère public, effectuée au cours de l'enquête et actée par voie de procès-verbal, ne valait pas avis à victime. En toute hypothèse, il considère qu'à supposer établi leur qualité de partie civile, la production des pièces n'aurait pu servir que leurs intérêts dans le cadre de la procédure pénale et dans aucune autre instance. Dans un second temps, il fait valoir qu'en raison de l'extinction de l'action publique à son bénéfice pour cause de prescription, l'action civile, qui en était l'accessoire, a été nécessairement éteinte de sorte que les appelants ont désormais perdu leur qualité de partie civile. Il en déduit dans ces conditions qu'ils ne pourraient plus produire les pièces extraites de cette procédure qu'avec l'autorisation du ministère public, ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas fait avec le formulaire spécifique dédié à cet effet.

Les appelants soutiennent dans leurs écritures l'irrecevabilité de cette demande mais n'en tirent aucune conclusion à leur dispositif, revendiquant au final un débouté. Ils considèrent que l'autorisation du ministère public pour obtenir copie et produire les pièces de la procédure pénale n'était pas requise, conformément à l'article R.155 alinéa 2 du code de procédure pénale, dès lors que des poursuites étaient effectivement engagées contre l'intimé et qu'ils avaient la qualité de parties civiles. Ils ajoutent que le jugement de relaxe du tribunal correctionnel, avant certes un débouté logique au fond tenant la prescription retenue, a d'ailleurs déclaré recevable leur constitution de partie civile. Les appelants font valoir en tout état de cause leur qualité d'héritiers légaux venant aux droits et actions de la défunte, qualité qu'ils jugent non contestable tenant leur filiation et la dévolution légale.

Aux termes des stipulations de l'article R.155 alinéa 2 du code de procédure pénale, en matière criminelle, correctionnelle et de police, hors les cas prévus par l'article 114, il peut être délivré aux parties :

1° Sur leur demande, expédition de la plainte ou de la dénonciation des ordonnances définitives, des arrêts, des jugements, des ordonnances pénales et des titres exécutoires prévus à l'article 529-2, alinéa 2, du code de procédure pénale ;

2° Avec l'autorisation du procureur de la République ou du procureur général selon le cas, expédition de toutes les autres pièces de la procédure, notamment, en ce qui concerne les pièces d'une enquête terminée par une décision de classement sans suite. Toutefois, cette autorisation n'est pas requise lorsque des poursuites ont été engagées ou qu'il est fait application des articles 41-1 à 41-3 et que la copie est demandée pour l'exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile.

En premier lieu, le bordereau des pièces communiquées par les appelants indique formellement sur la côte transmise à la cour que les pièces n°20, 21 et 23 sont manquantes. En réalité, après examen, seules les pièces n°21 et

23 le sont effectivement de sorte que faute d'exister, ces pièces ne peuvent être déclarées irrecevables, sans même évoquer le caractère fondé ou non de l'irrecevabilité soulevée.

Ensuite, les pièces de la procédure qui peuvent être communiquées ou produites selon l'article R.155 précité s'entendent, aux termes dudit article,'notamment' des pièces de 'l'enquête pénale' laquelle est définie comme la phase de procédure pénale durant laquelle la police judiciaire recherche les auteurs des infractions qu'elle découvre et tente d'en rassembler les preuves.

Dès lors, et par définition, l'acte de renonciation de M. [L] à la succession et l'envoi de sa copie par le tribunal judiciaire aux appelants, à leur demande, tout comme la requête qui est d'ailleurs une pièce en réalité produite par l'intimé lui-même, reprise par les appelants, sont strictement sans lien avec les pièces de la procédure pénale en question, nul n'alléguant par ailleurs qu'elles en auraient été extraites. Dès lors, les pièces n°10, 11, 12 et 51 sont nécessairement recevables pour ne dépendre en rien du champ d'application des stipulations de l'article R.155 du code de procédure pénale.

De la même manière, les courriers adressés par le conseil des appelants pour obtenir copie de ladite procédure pénale auprès du service reprographie, constitutifs de la pièce n°9, sont pour le même motif recevables, ne revêtant en aucun cas la qualification de pièces d'une enquête pénale.

Le jugement avant dire droit du tribunal correctionnel de Toulouse en date du 26 septembre 2019 ordonnant un supplément d'information, constitutif de la pièce n°43, tout comme le jugement de renvoi des fins de la poursuite subséquent en date du 24 juillet 2020, numéroté pièce n°50, ne sauraient plus être qualifiés de pièces de l'enquête pénale, tenant leur nature, de sorte que leur production est également nécessairement recevable alors que ceux-ci, en application des stipulations de l'article R.166, peuvent être par ailleurs délivrés à tout tiers sans autorisation préalable, tenant leurs conditions de publicité.

S'agissant ensuite des pièces n°45, 46, 47 et 49, constitutives des conclusions au fond des différentes parties lors des deux audiences devant la juridiction correctionnelle, elle ne revêtent pas la qualification de pièces de la procédure pénale, ni au sens strict ni au sens large, s'agissant d'écrits émanant des parties pour des audiences publiques, leur caractère contradictoire n'étant pas discuté et l'étant en toute hypothèse par la présente instance. Elles sont donc nécessairement également recevables.

Enfin, le courrier en date du 13 octobre 2016 du conseil des appelants à l'adresse des enquêteurs, constitutif de la pièce n°53, n'est pas non plus une pièce de l'enquête pénale de sorte que celui-ci sera également déclaré recevable.

Pour le reste, la qualité de partie civile des appelants, sans qu'elle ne puisse être à nouveau examinée à l'aune des exigences de l'article 2 du code de procédure pénale tenant l'autorité de la chose jugée du pénal sur le civil comme tente vainement d'y procéder l'intimé, a été en effet définitivement consacrée par le jugement du tribunal correctionnel de Toulouse en date du 24 juillet 2020 lequel a déclaré leur action 'recevable', avant de les en débouter au fond, tenant logiquement le renvoi des fins de la poursuite de l'intimé pour cause de prescription de l'action publique.

Au demeurant, et en toute hypothèse, il ne fait aucun doute que les appelants, en leur qualité d'héritiers de la défunte à raison de la dévolution légale, avaient effectivement reçu un avis à victime aux fins de se constituer partie civile durant la phase d'enquête, ce qu'ils ont fait lors de l'audience, sans au demeurant aucune contestation de l'intimé quant à la recevabilité de leur constitution à l'époque.

Il n'est par ailleurs pas contesté que M. [L] a été poursuivi par le ministère public du chef d'escroquerie simple au préjudice de la défunte, s'agissant plus spécialement de l'établissement de faux bordereaux de retraits d'espèces pour un montant de 37 800€.

Dans ces conditions, qualifiant le double critère cumulatif exigé par l'article R.155, l'expédition c'est-à-dire l'obtention par les parties civiles de la copie de la totalité de la procédure pénale concernant M. [L] pour l'exercice de leurs droits a été régulière, aucune autorisation préalable du ministère public à cette fin n'étant requise.

Ensuite, les dispositions en question ne régissent que les conditions de production par une partie de pièces d'une procédure pénale clôturée par une décision, au cas d'espèce de poursuites, du ministère public.

Elles ne portent donc pas sur les conditions de communication desdites pièces à un tiers ou dans une instance distincte de l'instance pénale, à la différence des dispositions de l'article 114 du code de procédure pénale portant sur les pièces d'une procédure d'instruction en cours, inapplicables en l'occurrence.

Aucune disposition légale ou règlementaire n'interdit, sous réserve des prescriptions propres du code de procédure civile dont nul n'allégue une violation, la production devant le juge civil de pièces pénales obtenues régulièrement, ce qui est le cas.

Dans ces conditions, et au final, les pièces querellées seront dans leur intégralité, quel qu'en soit le motif, jugées recevables.

Sur la validité du testament en date du 8 juin 2012 établi par Mme [I] veuve [D] :

Les appelants soutiennent la nullité du testament en premier lieu au motif de l'insanité d'esprit de la disposante. Ils exposent une altération de ses facultés mentales dès l'année 2012 sur le fondement d'auditions de témoins dans le cadre de la procédure pénale à l'encontre de l'intimé, d'un certificat médical de son médecin traitant ainsi que sur l'ensemble des pièces de la procédure de curatelle renforcée. En second lieu, ils revendiquent la reconnaissance d'un vice du consentement par dol. Ils estiment que le gratifié a abusé de sa qualité d'employé de banque pour tromper Mme [D] à tester en sa faveur, profitant de sa vulnérabilité et de son grand âge. Ils exposent que celui-ci, évitant soigneusement de rencontrer les proches de Mme [D], a usé de stratagèmes pour s'introduire chez elle et gagner sa confiance jusqu'à développer un lien quasi filial avec elle. Ils s'interrogent sur les propos qu'il a pu lui tenir, peut-être en faisant du chantage affectif. Ils ajoutent que si la testatrice avait eu connaissance des détournements de fonds du gratifié dans les mois qui avaient précédé la rédaction de son testament en sa faveur, elle ne l'aurait jamais gratifié. Ils estiment également que si celle-ci avait eu connaissance de l'interdiction à laquelle était soumis l'intéressé de recevoir un legs en sa qualité de son conseiller bancaire, prescrite par son contrat de travail, elle ne l'aurait également jamais gratifié.

L'intimé soutient la validité du testament et revendique confirmation, indiquant que l'action des appelants n'est due qu'à leur frustration de ne pas avoir été gratifiés, malgré leur absence totale de relations avec la défunte à l'époque. Sous l'angle de l'insanité d'esprit, il expose que les appelants ne s'appuient que sur la teneur d'un unique certificat médical datant d'un an après l'établissement du testament querellé, impropre à démontrer une insanité d'esprit de son rédacteur au jour de sa confection, alors que le jugement de curatelle renforcée qui s'en est suivi a estimé que la disposante n'était pas hors d'état d'agir elle même, mais simplement d'être assistée dans les gestes de la vie courante. Il ajoute, s'agissant des éléments tirés de la procédure pénale que, d'une part, le ministère public a fait lui-même choix de ne pas poursuivre l'intimé pour abus de faiblesse ni retenir aucune circonstance aggravante portant sur la vulnérabilité de la victime, malgré la qualification originelle de la plainte de Mme [Z] [I], d'autre part, les auditions des témoins ne sont pas probantes, les principaux ayant été eux-mêmes gratifiés par une assurance vie de la défunte, voire des dons manuels, non contestés par les appelants, en réalité en échange de leurs témoignages plutôt défavorables à l'intimé. Il conclut sur le fait que le seul grand âge de la testatrice ne suffit pas à qualifier un discernement altéré lors de la souscription de la libéralité. Sous l'angle du dol allégué, il conteste toute manoeuvre destinée à faire tester la défunte en sa faveur, précision faite qu'il souligne avoir toujours ignoré l'existence de ce testament en sa faveur. Il revendique une relation quasi filiale avec la défunte dans une période objectivement difficile sur le plan psychologique pour lui à la suite du décès de son père. Il ajoute que la défunte n'avait en revanche plus aucun lien avec sa famille dont elle se plaignait. Il conclut en soulignant n'avoir jamais eu la gestion des avoirs bancaires ou du compte de la défunte laquelle avait un conseiller attitré alors qu'une voisine, Mme [K], vérifiait tous les comptes.

* sur l'insanité d'esprit :

Aux termes de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle en cas d'insanité.

La charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur, fait matériel dont la preuve est libre et peut être administrée dès lors par tout moyen, incombe à celui qui agit en annulation du testament de ce chef.

Le trouble mental au moment de l'acte est suffisamment établi s'il est justifié d'une démence constante du donateur ou s'il est démontré que le disposant avait été frappé d'insanité d'esprit dans la période immédiatement antérieure et celle immédiatement postérieure à la passation de l'acte incriminé, ou, enfin, si les facultés mentales du disposant avaient connu depuis plusieurs années une dégradation progressive et constante dont procédait son état inéluctable d'insanité d'esprit à l'époque de l'acte contesté.

Dans le cadre de la procédure pénale, Mme [B], aide familiale depuis septembre 2002 du couple [D], exposait qu'à compter plus précisément de l'année 2011, après une période dépressive latente de la défunte à la suite du décès de son mari en mai 2009, Mme [D], qui 'n'avait plus envie de vivre', 'perdait la mémoire et commençait à décliner, oubliant d'éteindre le gaz'.

Le Docteur [J], médecin traitant de la défunte depuis l'année 2004, déclarait de son côté que 'vers l'année 2012, [Mme [D]] faisait énormément de travaux dans sa maison dus à des démarchages' (toiture, fenêtre, porte, termites) et qu'il avait analysé cette attitude de dépense inconsidérée ou non rationnelle sous l'angle de la survenance d'une 'vulnérabilité'. De la sorte, il ajoutait qu'il avait alerté dans la foulée sa cousine Mme [C] afin qu'il 'soit envisagé une mesure de protection', établissant un certificat médical (finalement non produit).

L'audition de Mme [C] enseignait qu'à compter d'octobre 2013, elle avait noté que Mme [D] ne tenait plus son carnet de comptabilité comme par le passé, précision faite que celle-ci avait toujours été néanmoins très détachée par le passé des contingences matérielles dont elle ne s'occupait pas, cette dernière remarquant en particulier en avril 2013 que Mme [D] avait par ailleurs établi quatre chèques sans mention de leur motif pour des sommes proches de 20 000 €, refusant d'en dire plus sur leur bénéficiaire. Elle ajoutait, comme au demeurant le couple [K], voisins de la défunte, que Mme [D] avait proposé à chacun d'entre eux en réalité d'hériter de la maison au cours de l'année 2012, ce que tous avaient refusé, soit considérant que leur assistance et aide était bénévole, soit que Mme [D] était en fait trop fragile pour procéder à de telles libéralités. A ce titre, M. [P], époux de Mme [K], exposait dans son audition qu'en 2012 ' s'il avait demandé de l'argent à Mme [D], elle lui aurait donné'.

C'est d'ailleurs à la suite de l'ensemble de ces constats, alors que la rumeur courait déjà d'un legs de la maison au profit de M. [L], que Mme [C] avait de son côté alerté le Docteur [J] (qui ne s'en souvenait toutefois pas précisément) lequel avait sollicité que Mme [D] soit examinée dans le cadre d'une mesure de protection. Sur ce fondement, après saisine du juge des tutelles, le médecin expert, le Docteur [G], devait établir en date du 29 mai 2013 un certificat médical dans lequel il exposait que Mme [D] 'présentait des troubles de la mémoire, un comportement très désorientée pour la gestion économique de ses biens et de ses ressources [...] celle-ci étant sujette à une prodigalité excessive, ne pouvant plus gérer ses ressources'.

Un jugement de curatelle renforcée intervenait finalement en date du 22 octobre 2013.

Au final, le constat de prodigalité très excessive, désorientation mémorielle et incapacité à la gestion de ses ressources de la défunte a été objectivé in fine sans contestation possible dans le certificat du médecin expert précité. Certes, ce certificat a été établi à distance d'une année de la date de confection du testament querellé. Pour autant, sa teneur ne vient en réalité que conforter des éléments strictement de même nature, évoqués tant par différents témoins que le propre médecin traitant de la défunte, et ce dès a minima l'année 2012 soit à l'époque précise de la rédaction du testament, sous l'angle toujours d'une vulnérabilité quant à la gestion de son patrimoine et d'une volonté de céder son patrimoine à tout tiers, sans aucun motif.

Au demeurant, l'absence de tout lien antérieur démontré entre la défunte et M. [L], si ce n'est sur une brève période au maximum d'une année, doublé de la nature des dispositions testamentaires portant legs universel, c'est-à-dire dépouillement total de son patrimoine au profit d'un tiers quasi étranger, corrobore de plus fort le trouble de la défunte.

Dans ses conditions, l'insanité d'esprit de la défunte, à la date de confection du testament querellé, est suffisamment établie.

Tenant l'ensemble de ces éléments, le testament établi par Mme [D] sera dès lors annulé pour cause d'insanité d'esprit et le chef de dispositif attaqué infirmé en ce sens.

Sur la demande de validation du plein effet de la saisie conservatoire en date du 10 mars 2016 sur le prix de vente d'un bien appartenant à la défunte à hauteur de 101 940,19 euros :

Les appelants justifient avoir procédé à une saisie conservatoire sur le prix de la vente opérée par l'intimée de la maison de Mme [D] en date du 10 mars 2016. Ils en sollicitent 'validation' afin d'en assurer son plein effet.

L'intimé ne rétorque rien.

La saisie conservatoire, autorisée par le juge de l'exécution par ordonnance en date du 1er mars 2016, a produit la plénitude de ses effets de droit sans qu'aucune 'validation', au sens d'une ratification ou d'un brevet d'effectivité, par la cour a posteriori ne soit requise et alors en toute hypothèse qu'une demande de conversion en saisie attribution, à supposer qu'il s'agisse de la demande ainsi formulée, relève uniquement des attributions de ce même magistrat.

Cette demande sera rejetée, de même que celle de séquestre de cette somme dans les mains du bâtonnier qui n'en constitue que l'accessoire.

Sur la demande de désignation d'un notaire aux fins de règlement de la succession :

Le litige ne portant pas sur une demande de partage, les dispositions des articles 1359 et suivants du code de procédure civile ne sont pas applicables de sorte qu'il n'y a pas lieu à désignation judiciaire d'un notaire aux fins de règlement de la succession de la défunte.

Cette demande sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'intimé aura la charge des entiers dépens qui n'inclueront pas les frais de saisie conservatoire, ceux-ci n'étant ni dans un rapport étroit et nécessaire avec l'instance, ni relatifs à une instance ayant préparé celle dont le juge principal est saisi.

L'équité commande l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice des appelants.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

statuant dans les limites de sa saisine :

- déclare irrecevables les prétentions suivantes des appelants :

- condamner M. [O] [L] à rembourser aux parties civiles, héritiers légaux, et ayants droit de Mme [F] [D] ou en tout état de cause à la succession légale les sommes détournées en espèces soit la somme de 37 800 euros en principal avec intérêts de droit à compter du 30 mai 2012,

- condamner M. [O] [L] à rembourser à la succession légale la somme de 10 000 euros reçue par trois chèques de Mme [F] [D], de son vivant, avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 8 avril 2016 devant le tribunal de grande instance de Toulouse,

- condamner M. [O] [L], déchu de tous droits dans la succession de Mme [F] [D], au remboursement de ces sommes d'argent sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- dire et juger que toutes ces sommes devront être consignées entre les mains du bâtonnier qui sera désigné séquestre par le tribunal, dans I'attente de la désignation d'un notaire pour le règlement de la succession légale qui sera ordonnée en tant que de besoin par la cour d'appeI,

- condamner M. [O] [L] à payer aux appelants la somme de 100 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices distincts subis par les héritiers légaux, toutes causes de préjudices confondus,

- condamner M. [L] à rembourser tous les frais de succession réglés au notaire et à l'administration fiscale, en sa qualité de légataire universel, sur le prix de vente de la maison de Mme [D],

- condamner M. [O] [L] à restituer aux héritiers légaux ou à la succession légale par I'intermédiaire du notaire désigné l'intégraIité des sommes, effets et biens mobiliers qu'il a perçus indument du vivant de Mme [D],

- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

- rejeté la demande de nullité du testament du 8 juin 2012 de [A] [I] pour cause d'insanité d'esprit ;

statuant à nouveau du chef de jugement infirmé :

- annule le testament en date du 8 juin 2012 établi par Mme [A] [I] veuve [D] au bénéfice de M. [O] [L] ;

- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

- fixe à hauteur de 3 000 (trois mille) euros l'indemnité due par M. [O] [L] à Mme [S] [I] et M. [R] [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'y condamne en tant que de besoin ;

- dit que M. [O] [L] aura la charge des entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

M. TACHON C. GUENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 19/02752
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;19.02752 ?
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