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25/11/2022 | FRANCE | N°20/01670

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 25 novembre 2022, 20/01670


25/11/2022



ARRÊT N°2022/508



N° RG 20/01670 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NT2H



CP/PG



Décision déférée du 12 Juin 2020 -

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CASTRES ( 18/00083)



D. LABORDE

Section Commerce

















S.A.S.U. BRICO DEPOT





C/



[N] [D]

Syndicat CFDT SERVICES DU TARN


























r>

































INFIRMATION PARTIELLE







Grosses délivrées



le 25/11/2022



à

Me. Bernard LAMY

Me Nathalie BIZOT



CCC

le 25/11/2022

à

Me Bernard LAMY

Me Nathalie BIZOT

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme...

25/11/2022

ARRÊT N°2022/508

N° RG 20/01670 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NT2H

CP/PG

Décision déférée du 12 Juin 2020 -

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CASTRES ( 18/00083)

D. LABORDE

Section Commerce

S.A.S.U. BRICO DEPOT

C/

[N] [D]

Syndicat CFDT SERVICES DU TARN

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le 25/11/2022

à

Me. Bernard LAMY

Me Nathalie BIZOT

CCC

le 25/11/2022

à

Me Bernard LAMY

Me Nathalie BIZOT

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A.S.U. BRICO DEPOT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me David BLANC de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

INTIMES

Monsieur [N] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Nathalie BIZOT, avocat au barreau de CASTRES

Syndicat CFDT SERVICES DU TARN

MAISON DES ASSOCIATIONS ET DES SYNDICATS

PLACE DU 1er MAI

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie BIZOT, avocat au barreau de CASTRES

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. BLUME, Présidente, et C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargées du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUMÉ, présidente

M. DARIES, conseillère

C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

lors du prononcé : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, président, et par A. RAVEANE, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [D] a été embauché le 28 août 2006 par la SASU Brico Dépôt en qualité de vendeur, coefficient 120, suivant contrat de travail à durée déterminée, devenu à durée indéterminée à compter du 29 octobre 2006, régi par la convention collective nationale du bricolage.

Il a été positionné sur le coefficient 160 de la convention collective le 11 avril 2007.

Le 23 juin 2015, M. [D] a été désigné en qualité de délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise par le syndicat CFDT des Services du Tarn.

M. [D] et le syndicat CFDT Services du Tarn ont saisi le conseil de prud'hommes de Castres le 5 juillet 2018 pour voir constater que M. [D] a été victime de discrimination salariale en raison de ses mandats de représentation, demander son classement au niveau 3, degré F, vendeur technique, coefficient 190 et solliciter le versement de diverses sommes.

Le 21 décembre 2018, M. [D] a été désigné membre du CHSCT de la société Brico Dépôt.

Par jugement de départition du 12 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Castres a :

-ordonné le classement de Monsieur [N] [D] au niveau 3, degré F, vendeur technique coefficient 190,

-dit que le salaire de base sera fixé aux sommes suivantes :

*1 549,61 € à compter du 1er juillet 2015,

*1 568,89 € à compter du 1er janvier 2016,

*1 587,40 € à compter du 1er janvier 2017,

*1 607,62 € à compter du 1er janvier 2018,

*1 609,79 € à compter du 1er janvier 2019,

-condamné la Sasu Brico Dépôt à payer à Monsieur [N] [D] les sommes suivantes :

*1 205,43 € au titre du rappel dû sur le salaire de base sur la période du 1er juin 2015 au 1er juillet 2018, outre la somme de 120,54 € au titre des congés payés y afférents,

*69,34 € au titre du rappel de prime de fin d'année,

*590,72 € au titre du reliquat de la prime trimestrielle de croissance,

-dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 5 juillet 2018,

-condamné la Sasu Brico Dépôt à payer à Monsieur [N] [D] les sommes suivantes :

*800 € à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

*4 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

-condamné la Sasu Brico Dépôt à payer à la CFDT Services du Tarn somme de            1 000 € à titre de dommages et intérêts,

-dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

-rejeté toutes autres demandes,

-condamné la Sasu Brico Dépôt à payer à Monsieur [N] [D] et à la CFDT Services du Tarn la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Sasu Brico Dépôt aux entiers dépens et aux frais d'exécution.

Par déclaration du 8 juillet 2020, la société Brico Dépôt a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 18 juin 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 29 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence la Sasu Brico Dépôt demande à la cour de :

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

-juger que M. [D] ne rapporte pas la preuve d'agissements laissant supposer une situation de discrimination syndicale,

-juger qu'elle a proposé, en dehors du présent contentieux, un avenant de passage au coefficient 190 sur la base des résultats de l'EDC du 14 juin 2018 et que M. [D] l'a refusé,

-juger que M. [D] ne rapporte pas la preuve de manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

-condamner M. [D] à lui verser la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 7 septembre 2022, M. [N] [D] et le syndicat CFDT Services du Tarn demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il :

*ordonne son classement au niveau 3, degré F, vendeur technique coefficient 190 et fixe les salaires de base comme suit :

1 549,61 € à compter du 1er juillet 2015,

1 568,89 € à compter du 1er janvier 2016,

1 587,40 € à compter du 1er janvier 2017,

1 607,62 € à compter du 1er janvier 2018,

*condamne la société Brico Dépôt à lui payer, sur la période du 1er juin 2015 au 1er juillet 2018, différents rappels de salaire sur la base de la classification au coefficient 190 (salaire de base, congés payés y afférents, prime de fin d'année et prime trimestrielle de croissance),

*dit que ces sommes porteront intérêts aux taux légal à compter de l'assignation du 5 juillet 2018,

*condamne la société Brico Dépôt au paiement de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale ainsi qu'au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

*condamne la société Brico Dépôt à payer au syndicat une somme à titre de dommages et intérêts ,

*condamne la société Brico Dépôt à lui et au syndicat la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamne la société Brico Dépôt aux entiers dépens et frais d'exécution forcée,

- infirmer le jugement en ce qu'il fixe le salaire de base, à compter du 1er janvier 2019, à la somme de 1 609,79 € et fixer le salaire de base, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019, à 1 625,63 €,

- y ajouter,

- fixer le salaire de base de M. [D], à la somme de

1 645,77 € à compter du 1er janvier 2020,

1 661,26 € à compter du 1er janvier 2021,

1 714,42 € à compter du 1er février 2022,

- réformer le jugement en ce qu'il fixe les reliquats de salaire, sur la période du 1er juillet 2015 au 1er juillet 2018 comme suit :

1 205,43 € au titre du rappel dû sur le salaire de base, outres les congés payés y afférents pour un montant de 120,54 €,

69,34 € au titre du rappel de la prime de fin d'année,

590,72 € au titre du reliquat de la prime trimestrielle dite de croissance,

- et condamner la société Brico Dépôt à lui payer au titre de rappels de salaire pour la période du 1er juin 2015 au 31 juillet 2022, les sommes de :

2 141,03 € au titre du rappel dû sur le salaire de base, outres les congés payés y afférents pour un montant de 214,10 €,

122,21 € au titre du rappel de la prime de fin d'année,

855,26 € au titre du reliquat de la prime trimestrielle dite de croissance,

- réformer le jugement en ce qu'il fixe les sommes à allouer à:

800 € à titre dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale et condamner la société Brico Dépôt à lui payer à ce titre, la somme de 15 000 €,

4 000 € à titre de dommages et intérêts dans le cadre de la violation de l'obligation de sécurité et condamner la société Brico Dépôt à lui payer sur ce fondement, la somme de 15 000 €,

1 000 € à titre de dommages et intérêts au syndicat CFDT Services du Tarn et condamner la société Brico Dépôt à payer au syndicat, à ce titre, la somme de               5 000 €,

- condamner la société Brico Dépôt à lui payer et au syndicat, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, la somme de 3 000 €, - condamner la société Brico Dépôt aux entiers dépens en cause d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la discrimination syndicale

En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, notamment, de ses activités syndicales.

Et, par application de l'article L 2141- 5 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Le régime probatoire de l'action en discrimination est fixé par l'article L. 1134-1 du code du travail qui dispose : ' lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

En l'espèce, M. [D] présente à la cour les éléments de fait suivants : il prétend subir depuis 2008 une différence de traitement avec certains de ses collègues de travail en restant positionné sur le coefficient 160 de la convention collective alors qu'il aurait dû être positionné sur le coefficient 190 et soutient que cette situation n'a pas été régularisée malgré les interventions répétées de l'inspecteur du travail.

Il verse aux débats :

- ses entretiens d'évaluation qui démontrent, selon lui, ses qualités professionnelles et sa demande répétée d'accession au coefficient 190 ;

- les courriers de l'inspecteur du travail des 14 février et 18 mai 2018 qui manifeste sa surprise sur la dégradation de ses entretiens d'évaluation, notamment en 2017, interpellant la société Brico Dépôt sur cette baisse spectaculaire de son évaluation professionnelle ;

- les alertes du syndicat CFDT Services du Tarn relatives à l'absence d'évolution du coefficient de M. [D] en lien avec l'exercice de son mandat,

- des attestations de ses collègues de travail, responsables de rayon, de caisse, vendeurs, qui vantent la qualité du travail de M. [D] ;

- une liste de 12 salariés auxquels il estime pouvoir se comparer qui ont atteint le niveau 190 ou 220 plus rapidement que lui et il demande à la cour de comparer les compétences telles qu'elles figurent sur les entretiens d'évaluation au moment de l'accession des salariés au coefficient 190 ;

- la liste de ses diplômes utiles à l'exercice de ses fonctions, étant précisé que la société Brico Dépôt ne lui a pas proposé de formation technique sur la connaissance des produits ;

- l'étonnante proposition de l'employeur du 19 juillet 2018 de signature d'un avenant de passage au coefficient 190 faisant immédiatement suite à la saisine du conseil de prud'hommes alors que, le 30 mai précédent, la société Brico Dépôt répondait à l'inspecteur du travail ne pouvoir envisager la promotion sollicitée en raison de certaines carences professionnelles de M. [D], que cette promotion n'était pas prévue lors de l'entretien professionnel du 11 juin 2018 et que ces compétences auraient brutalement progressé courant juin 2018.

La cour estime que, pris dans leur ensemble, ces éléments de fait font supposer l'existence d'une discrimination dans l'évolution de sa classification professionnelle ayant pour origine son activité syndicale au sein du syndicat CFDT Services du Tarn, M. [D] justifiant d'entretiens d'évaluation satisfaisants jusqu'en 2016 compris et brutalement insatisfaisant en 2017, date à laquelle l'inspecteur du travail a commencé à intervenir pour solliciter de l'employeur des explications sur l'absence d'évolution de carrière de M. [D] en rappelant à l'employeur ses obligations à l'égard de son salarié qui exerçait des fonctions syndicales ; le panel de 12 salariés embauchés entre 2006 et 2008 fait état du classement de 9 salariés au coefficient 190 alors que ses collègues de travail attestent de son sérieux, de sa bonne communication et de sa participation au travail réalisé dans les autres rayons ; la proposition d'avenant du 19 juillet 2018 fait immédiatement suite à la saisine du conseil de prud'hommes du 5 juillet et à la convocation du 9 juillet de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil.

En réponse, la société Brico Dépôt conteste fermement toute discrimination dans l'évolution de la carrière de M. [D] et soutient que son absence d'évolution de coefficient jusqu'en 2018 est justifiée par certaines carences dans l'exécution de ses tâches de vendeur ne lui permettant pas d'accéder au coefficient 190 dont relève le vendeur technique qui, selon la convention collective nationale du bricolage, est défini comme un vendeur qualifié qui, outre l'excellente connaissance technique des produits dont il a la charge dans son secteur, a acquis la compétence commerciale le rendant apte à répondre aux préoccupations exprimées par la clientèle ; ll contribue en outre à la formation technique des vendeurs sur les fonctions afférentes à la vente.

Elle analyse les entretiens d'évaluation de M. [D] qui comportent des réserves sur certaines compétences et produit les attestations du chef de rayon de M. [D], du chef secteur commerce et du directeur du magasin dans lequel travaille M. [D] qui exposent les difficultés de M. [D] dans l'exercice de ses missions qui ont justifié sa stagnation au coefficient 160 et ont constaté une évolution très positive en 2018 qui a justifié la proposition d'avenant du 19 juillet 2018, sans rapport avec la saisine du conseil de prud'hommes.

Elle a répondu aux courriers de l'inspecteur du travail qui n'est plus intervenu à la suite des explications circonstanciées du directeur de la société.

Elle entend contredire la discrimination en produisant les entretiens d'évaluation des vendeurs ayant obtenu leur classification au coefficient 190 qui justifient, selon elle, leur avancement en qualité de vendeur technique et en rappelant que M. [D] exerce ses fonctions dans le même rayon depuis son embauche, ayant refusé les mutations proposées ; elle entend démontrer par un tableau les formations suivies par M. [D].

Elle fournit un tableau de répartition des salariés par coefficient pour l'année 2018 qui démontre que sur 95 salariés présents au 30 septembre 2018, 24 étaient classés au coefficient 160 et 46 au coefficient 190, les autres salariés étant classés entre 200 et 400.

Elle conteste toute discrimination salariale en entendant démontrer que M. [D] a perçu jusqu'en 2018 une rémunération supérieure au minimum conventionnel jusqu'à percevoir un salaire supérieur au minimum du coefficient 190 et à l'augmentation moyenne des rémunérations décidée lors des NAO.

L'analyse des pièces versées aux débats par les parties permet de constater que M. [D] a bénéficié d'un avancement rapide entre 2006, date de son embauche et le 11 avril 2007, date de son accession au niveau 160 de la convention collective qui définit les fonctions de vendeur qualifié 160 comme celles du vendeur ayant acquis une bonne connaissance des produits de son rayon et une bonne compétence à la vente, ce qui lui permet de répondre aux besoins de la clientèle. Il participe aux tâches relatives à l'approvisionnement. En outre, il participe à la formation générale des vendeurs 1er et 2° échelon de son rayon. Il peut être titulaire ou non d'un CAP de vente.

Et aucune promotion ne lui a été accordée pendant 11 ans, depuis avril 2007, la seule proposition d'élévation d'échelon datant du 19 juillet 2018, soit de quelques jours après la saisine du conseil de prud'hommes et la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation. Ce, en dépit de plusieurs demandes de M. [D] mentionnées dans les entretiens de développement des compétences (EDC).

La cour constate que l'inspecteur du travail a analysé les EDC de M. [D] entre 2008 et 2017 et qu'il a notifié dans sa lettre du 14 février 2018 les observations suivantes : ...' jusqu'en 2012, les entretiens ne font remonter que des items 'maîtrisés'. A partir de 2013, il commence à apparaître des items partiellement maîtrisés mais les commentaires du manager donnent une bonne appréciation de M. [D] et tempèrent la notation des items par une année difficile et un changement de CS. C'est la 2ème année aussi qu'il y a une demande forte de changement de coefficient après cinq années d'ancienneté au sein de l'établissement.

Les années 2015 et 2016 sont des années où son évaluation précise que dans la majorité des items, il est noté comme 'maîtrisé', comme un salarié connaissant ses 'basiques', qu'il 'maîtrise son poste.

Pour l'année 2017, la notation par M. [H] [A] est bien différente. M. [N] [D] ne maîtrise plus les basiques qu'il maîtrisait depuis 11 ans comme par exemple 'transmettre son savoir faire', 'identifier les situations qui justifient d'alerter ou de réagir , proposer des adaptations, des actions opérationnelles' ou même ' travailler en équipe.' Dans les commentaires, le manager préconise à M. [D] de 'reprendre tous les basiques métiers Brico Dépôt', 'd'avoir un esprit d'équipe'.

Il semble très surprenant qu'un salarié avec 11 ans d'ancienneté, ayant eu des appréciations confirmant son expérience, son esprit d'équipe, la maîtrise de ses basiques soit évalué de la sorte alors que M. [N] [D] occupe les mêmes fonctions depuis son embauche sans aucune évolution de poste' et l'inspecteur du travail rappelle la définition du vendeur qualifié coefficient 160 ci-dessus rappelée par la société Brico Dépôt...

' La baisse considérable de la notation me semble plutôt surprenante alors qu'il en transparaît à aucun moment dans le compte-rendu d'entretien les événements qui ont eu lieu sur le rayon de M. [D] et qui le concernaient personnellement. Je vous rappelle que les problèmes sur le rayon ont entraîné une réorganisation du rayon ainsi que la sanction, près de 6 mois après la dénonciation des faits par M. [D] d'un de ses collègues' et l'inspecteur du travail rappelle ses précédentes alertes concernant le droit des représentants du personnel.

L'analyse par la cour des EDC transmis par M. [D] entre 2008 et 2017 confirme celle effectuée par l'inspecteur du travail sur les EDC, la survenance de certains items non maîtrisés en 2013 et 2014 après plusieurs années de maîtrise de tous les items avec des commentaires positifs du manager ; en 2015 et 2016, la majorité des items renvoient à une maîtrise du poste alors qu'en 2017 la notation baisse de façon surprenante sans exemple permettant d'objectiver les commentaires du manager nouvellement en fonction.

Les attestations du directeur du magasin, M. [J], du manager en charge de la notation de 2017, M. [A] ne permettant nullement d'objectiver les carences professionnelles de M. [D], M. [A] se contentant d'expliquer avoir constaté un manque d'envie, de motivation de respect des procédures Brico Dépôt, une communication inexistante et un manque d'intérêt et de suivi des nouveaux arrivants et M. [J] de faire état d'un refus de mutation de rayon que M. [D] conteste ; seule l'attestation de Mme [L], responsable du rayon, fait état d'un travail effectué de façon automatique, d'une absence de remplissage des têtes de rack, de son absence de participation aux revues de gamme et au refus d'aide aux collègues de travail qui auraient pénalisé ces derniers.

Pour autant, la cour ne peut considérer ces insuffisances comme démontrées en l'absence de toute pièce objectivant ces insuffisances alors que M. [D] verse aux débats pas moins de 16 attestations de collègues de travail et d'anciens chefs de rayon qui vantent ses capacités professionnelles, sa communication facile, sa formation de ses collègues de travail et son sérieux dans la tenue de son rayon.

Et elle constate qu'effectivement, cette baisse de notation est intervenue après les difficultés rencontrées par M. [D] avec un collègue de travail relativement à l'attitude de ce dernier à l'occasion de ses prises d'heures de délégation et des interventions du syndicat CFDT Services du Tarn et de l'inspecteur du travail au cours de l'année 2016 et 2017.

Le tableau intitulé : ' tableau de répartition par coefficient année 2018" ( pièce 25 de la société Brico Dépôt) met en évidence le fait que la majorité des 95 salariés présents au 30 septembre 2018 est classée au coefficient 190 puisque 46 salariés représentant 48 % de cet effectif est classée au coefficient 190 alors que 24 salariés représentant 25 % de l'effectif sont positionnés au coefficient 160, les autres salariés étant classés entre les coefficients 200 et 400 de la convention collective. Cette pièce ne permet pas de contredire la différence de situation dénoncée par M. [D] mais au contraire de constater qu'il fait partie du quart des salariés relevant du coefficient le moins élevé au sein de la société en septembre 2018.

Les EPC des salariés mentionnés sur le panel du salarié ( pièce 27 ) versés aux débats par la société Brico Dépôt permettent de faire la comparaison entre les évaluations des 9 salariés embauchés entre 2006 et 2008 promus au coefficient 190 et celles de M. [D], à l'époque de ces promotions.

Il en résulte qu'à l'exception de M. [X] qui comptabilisait en 2009 de nombreux items très positifs, de M. [Y], mieux noté que M. [D] en 2011, et de l'EDC de 2014, aux termes duquel M. [D] comptabilisait des items nettement moins bons que ceux de ses collègues promus début 2015 (Mme [R] et M. [S]), M. [D] a fait l'objet en 2008, 2009 et 2016 d'évaluations de qualité équivalente à celles de ses collègues [F], [G], [W] et meilleure que celle de M. [P] et [K].

La cour estime que la société Brico Dépôt n'objective pas le retard de progression de carrière de M. [D] par rapport à ses collègues de travail dont la promotion a été plus rapide, étant rappelé que de nombreuses attestations de chefs de rayon et de salariés de l'entreprise vantent les qualité professionnelles de l'appelant et qu'à l'exception de l'attestation de Mme [L], négative sur les qualités professionnelles de M. [D], la société appelante ne produit que les attestations du directeur du magasin et du dernier manager M. [A], salariés en charge de l'évolution de carrière de l'appelant. Elle ne justifie pas plus avoir proposé à M. [D] un changement d'affectation de rayon qu'il aurait refusé.

La proposition de signature d'un avenant de passage au coefficient 190 a été effectuée le 19 juillet 2018, après la saisine du conseil de prud'hommes, ce qui permet à la cour de constater que l'employeur a reconnu qu'à cette date, M. [D] avait les compétences lui permettant le classement sur le coefficient revendiqué.

Il en résulte qu'elle confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la réalité d'une discrimination dans l'évolution de la qualification de M. [D] liée au mandat syndical détenu par lui à compter de novembre 2015 et fait droit à sa demande de classement au niveau 3, degré F, vendeur technique coefficient 190 à titre de sanction de la discrimination subie par M. [D].

Elle l'infirmera en ce qu'il a fixé un rappel du salaire de base de M. [D] et alloué à M. [D] ce rappel de salaire à compter du 1er juillet 2015, la discrimination n'ayant pu être constatée qu'à compter de janvier 2016, année qui a suivi sa désignation en qualité de délégué syndical et représentant syndical du syndicat CFDT Services du Tarn. Elle confirmera la fixation du salaire de base de M. [D] à compter du 1er janvier 2016, du 1er janvier 2017 et du 1er janvier 2018 et modifiera par voie d'infirmation le montant du salaire de base applicable au 1er janvier 2019, M. [D] justifiant d'une erreur de calcul de ce montant devant le conseil de prud'hommes.

La cour estime que c'est à bon droit que M. [D] intègre dans sa demande de fixation du salaire de base les augmentations dont il a bénéficié quand il était classé au coefficient 160 dans la mesure où la reconstitution de carrière ainsi opérée à titre de sanction de la discrimination ne peut avoir pour effet d'annuler lesdites augmentations dont a bénéficié l'appelant.

Y ajoutant, la cour fixera le salaire de base de M. [D] à compter de janvier 2020 à la somme de 1 645,77 €, de janvier 2021 à la somme de 1 661,26 € et de janvier 2022 à la somme de 1 714,42 €.

Elle condamnera la société Brico Dépôt à payer à M. [D], sur la base du décompte des salaires constituant la pièce 32 de M. [D], pour la période du 1er janvier 2016 au 31 juillet 2022 la somme de 1 960,82 € au titre du rappel dû sur le salaire de base, de 107,19 € au titre du rappel de la prime de fin d'année et celle de 715,42 € au titre du reliquat de la prime trimestrielle de croissance.

En sus de cette réparation financière, la cour allouera à M. [D], par voie d'infirmation, la somme de 4 000 € en réparation de son préjudice moral résultant de la discrimination, la somme sollicitée étant d'un montant excessif eu égard à la réalité du préjudice démontré par l'appelant.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

La cour adopte les motifs du conseil de prud'hommes sur ce manquement à l'obligation de sécurité, le conseil de prud'hommes ayant caractérisé le manquement dénoncé par M. [D] consistant dans le fait que la société Brico Dépôt a tardé, dans des conditions caractérisées par le conseil, à prendre des mesures pour remédier aux difficultés rencontrées par M. [D] avec l'un de ses collègues en raison de l'exercice de ses mandats syndicaux ainsi que le préjudice psychologique en résultant pour le salarié constaté par les membres du CHSCT.

Elle réformera le montant des dommages et intérêts alloués à M. [D] en réparation de ce préjudice moral en allouant à ce dernier la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande du syndicat CFDT Services du Tarn

La cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a alloué au syndicat CFDT Services du Tarn la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession par la discrimination dont a été victime son représentant M. [D], la somme allouée par le conseil réparant le préjudice subi par le syndicat.

Sur le surplus des demandes

La société Brico Dépôt qui perd le procès sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et à payer à M. [D] et au syndicat CFDT Services du Tarn la somme

de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement entrepris étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-ordonné le classement de Monsieur [N] [D] au niveau 3, degré F, vendeur technique coefficient 190,

-dit que le salaire de base sera fixé aux sommes suivantes :

*1 568,89 € à compter du 1er janvier 2016,

*1 587,40 € à compter du 1er janvier 2017,

*1 607,62 € à compter du 1er janvier 2018,

- condamné la société Brico Dépôt à payer au syndicat CFDT Services du Tarn la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Brico Dépôt à payer à Monsieur [N] [D] et à la CFDT Services du Tarn la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Brico Dépôt aux entiers dépens,

L'infirme sur le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Fixe le salaire de base de M. [D], à la somme de

-1 625,63 € à compter du 1er janvier 2019,

-1 645,77 € à compter du 1er janvier 2020,

-1 661,26 € à compter du 1er janvier 2021,

-1 714,42 € à compter du 1er février 2022,

Condamne la société Brico Dépôt à payer à M. [D] à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 31 juillet 2022 les sommes suivantes :

-1960,82 € au titre du rappel dû sur le salaire de base, outres les congés payés y afférents pour un montant de 214,10 €,

-107,19 € au titre du rappel de la prime de fin d'année,

- 715,42 € au titre du reliquat de la prime trimestrielle dite de croissance,

Condamne la société Brico Dépôt à payer à M. [D] les sommes suivantes :

-4 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

-2 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

Dit que les condamnations à paiement porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition de l'arrêt,

Condamne la société Brico Dépôt à payer à Monsieur [N] [D] et à la CFDT Services du Tarn la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,

Condamne la société Brico Dépôt aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUMÉ, Présidente, et par A. RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

A. RAVEANE S. BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/01670
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.01670 ?
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