25/11/2022
ARRÊT N° 2022/506
N° RG 20/00796 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NPZO
NB/KS
Décision déférée du 03 Février 2020
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE
( 19/00019)
S.W. PRECIGOUT
SECTION ENCADREMENT
[N] [V]
C/
S.A.S. KASSBOHRER ENGINS SERVICE ENVIRONNEMENT
INFIRMATION PARTIELLE
Grosses délivrées
le 25/11/2022
à
Me Michel JOLLY
Me Jean-marc DENJEAN
ccc
le 25/11/2022
à
Me Michel JOLLY
Me Jean-marc DENJEAN
Pôle Emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [N] [V]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Jean-marc DENJEAN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.S. KASSBOHRER ENGINS SERVICE ENVIRONNEMENT
[Adresse 5]
[Localité 4] / FRANCE
Représentée par Me SAINTHON-WINCKEL de la SELARL BRUN-KANEDANIAN, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mmes M.DARIES et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
lors du prononcé : A.RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [N] [V] a été embauché à compter du 18 décembre 2000 par la SAS Kassbohrer Engins Service Environnement (ESE) en qualité de mécanicien suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des entreprises de maintenance, distribution et location de matériels de travaux publics, de manutention et activités connexes. Son contrat de travail stipulait que 'M. [V] exercera ses fonctions dans la zone pyrénéenne à partir de son domicile. Il sera en outre amené par ses fonctions à effectuer des déplacements, y compris des séjours à l'établissement du [Localité 2] (Haute Savoie).'
La convention collective a été révisée le 23 avril 2012 et a pris le titre de convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiments, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [V] avait le statut de cadre, coefficient C10, niveau VII de la convention collective et percevait un salaire moyen mensuel de 4 116,67 euros.
Il a déclaré, le 23 avril 2010, une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57: affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures, en l'occurrence un syndrome du canal carpien gauche, prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre de la législation sur les risques professionnels selon décision notifiée à l'assuré le 30 septembre 2010. Il a ensuite subi une rechute le 19 juillet 2017, également prise en charge par la caisse au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par notification d'une décision de la MDPH du 6 août 2015, la qualité de
travailleur handicapé a été accordée à M. [V], à compter du 1er juin 2015 et
jusqu'au 31 mai 2020.
En juillet 2017, M. [V] a fait l'objet d'un arrêt de travail au terme duquel il a repris son activité le 27 octobre 2017 à la suite d'un avis d'aptitude dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique.
A l'issue de celui-ci, M. [V] a repris son travail à plein temps le 19 janvier 2018.
Par courrier du 7 février 2018, la société employeur a sollicité l'ouverture de pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle, convoquant M. [V] à un entretien fixé
au 13 février, un deuxième étant prévu le 20 février.
M. [V] ayant été placé en arrêt de travail dès le 14 février, l'entretien
du 20 février n'a pas eu lieu.
Par la suite, les arrêts de travail ont été régulièrement prolongés jusqu'à ce que, selon avis émis à l'occasion des visites de reprise des 19 et 30 octobre 2018, le médecin du travail déclare M. [V] inapte au poste de technicien de maintenance.
Les délégués du personnel, consultés sur les possibilités de reclassement de M. [V] ont, lors d'une réunion qui a eu lieu le 19 novembre 2018, émis un avis favorable à son reclassement sur un poste d'assistant administratif technique basé au siège de la société à [Localité 4].
Par courrier du 20 novembre 2018, la société Kassbohrer ESE a proposé à M. [V] son reclassement sur un poste d'assistant administratif technique, catégorie technicien coefficient B20 niveau IV, impliquant une mobilité géographique. M. [V] a refusé cette proposition par courrier du 30 novembre 2018.
Par courrier recommandé du 5 décembre 2018, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 décembre 2018. Le salarié ne s'est pas présenté à cet entretien.
Son licenciement a été notifié au salarié par lettre recommandée du 21 décembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Gaudens, section Encadrement, le 29 avril 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Par jugement 3 février 2020, le conseil a :
- jugé que le licenciement de M. [V] n'est pas entaché de nullité,
- jugé que le licenciement de M. [V] présente une cause réelle et sérieuse,
- jugé que les heures supplémentaires sont dues à M. [V],
- jugé ne pas avoir constaté de violation des règles sur la durée du travail,
- jugé ne pas avoir constaté de travail dissimulé concernant M. [V],
- jugé ne pas avoir établi de causalité entre l'origine professionnelle de l'affection dont souffre M. [V] et l'activité du salarié,
- jugé que M. [V] est fondé à réclamer une nouvelle attestation pôle emploi mais que la fixation d'une astreinte pour l'exécution de cette obligation n'est pas utile en l'état,
- jugé ne pas ordonner l'exécution provisoire,
- jugé que la société Kassbohrer sera condamnée aux dépens de la présente instance conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,
- jugé que l'équité justifie le versement à M. [V] par la société Kassbohrer de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Kassbohrer à verser à M. [N] [V] les sommes suivantes
*21 464,92 euros au titre des heures supplémentaires,
*2 146,49 euros au titre des congés payés,
*1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [N] [V] du surplus de ses demandes,
- ordonné à la société Kassbohrer de délivrer à M. [N] [V] une attestation pôle emploi rectifiée,
- débouté la société Kassbohrer de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Kassbohrer aux dépens de l'instance.
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Par déclaration du 3 mars 2020, M. [V] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 3 juin 2022, M. [N] [V] demande à la cour de :
-confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société Kassbohrer à lui payer, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande, la somme
de 21 464,92 euros au titre des heures supplémentaires effectuées non prescrites, outre la somme de 2 146,49 euros au titre des congés payés,
- l'infirmer en ce qu'elle a :
*jugé que le licenciement de M. [V] n'était pas entaché de nullité et débouté celui-ci de sa demande de dommages intérêts en réparation de son préjudice ainsi que des indemnités de préavis, congés payés et licenciement,
*jugé que le licenciement de M. [V] présentait une cause réelle et sérieuse et débouté celui-ci de sa demande de dommages-intérêts et de paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et de congés payés,
*débouté M. [V] de sa demande de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,
*débouté M. [V] de sa demande de dommages-intérêts pour violation des règles relatives à la durée du travail et au droit au repos,
*débouté M. [V] de sa demande de délivrance d'un certificat de travail rectifié,
Statuant à nouveau :
-condamner la société Kassbohrer à payer à M. [V] :
*la somme de 26 687,64 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
*la somme de 25 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice tiré de la violation des règles relatives à la durée du travail et au droit au repos,
-à titre principal, juger que le licenciement de M. [V] est entaché de nullité,
-condamner la société Kassbohrer à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral,
-la condamner également à lui payer, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :
*la somme de 13 343,82 euros au titre de l'indemnité de préavis,
*celle de 1 334,38 euros au titre des congés payés sur préavis,
*la somme complémentaire de 23 478 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
-à titre subsidiaire, juger que le licenciement de M. [V] est dénué de cause réelle et sérieuse,
-condamner la société Kassbohrer à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral,
-la condamner également à lui payer, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :
*la somme de 13 343,82 euros au titre de l'indemnité de préavis,
*celle de 1 334,38 euros au titre des congés payés sur préavis,
*la somme complémentaire de 23 478 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement (s'ajoutant à l'indemnité légale de licenciement versée),
-ordonner à la société Kassbohrer de remettre à M. [V] une attestation pôle emploi conforme sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,
-ajoutant à la décision déférée, condamner la société Kassbohrer à payer à M. [V] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-la condamner aux entiers dépens.
Il soutient, en premier lieu, qu'aucune convention de forfait ne lui était applicable, en l'absence d'écrit signé par lui, et qu'il était soumis à l'ensemble des dispositions relatives à la durée du travail et au paiement des heures supplémentaires ; qu'il verse aux débats de nombreux éléments de nature à étayer sa demande ; en deuxième lieu, que le caractère intentionnel du travail dissimulé est établi, et que l'employeur doit être sanctionné en raison du non respect de la durée de travail et du droit au repos ; en troisième lieu, que son inaptitude a pour origine les agissements fautifs de la société employeur, de sorte que son licenciement devait être prononcé en raison d'une inaptitude d'origine professionnelle ; qu'ayant connaissance du mauvais état de santé de M. [V], la société employeur a multiplié les mesures vexatoires pour le pousser à quitter l'entreprise, de sorte que son licenciement doit être déclaré nul comme discriminatoire.
A titre subsidiaire, il demande à la cour de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant manqué à son obligation de reclassement en lui faisant une proposition qui n'était pas loyale, impliquant une rétrogradation et un changement de lieu géographique ; qu'il a, en tout état de cause, droit au doublement de l'indemnité de licenciement et au paiement de l'indemnité de préavis.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 16 juin 2022, la SAS Kassbohrer Engins Service Environnement demande à la cour de :
- constater que l'inaptitude de M. [V] est intervenue au terme d'une procédure régulière,
- constater l'absence de pression exercée par l'employeur sur le salarié,
- constater que l'employeur a respecté son obligation de reclassement,
- constater le caractère non professionnel de l'inaptitude de M. [V],
-constater la carence M. [V] dans l'administration de la preuve de la réalisation d'heures supplémentaires,
- constater la bonne foi de la société Kassbohrer dans la gestion du temps de travail de M. [V] et dans la rémunération versée,
-constater que M. [V] avait créé une activité professionnelle parallèle à ses fonctions,
- constater que M. [V] travaillait pendant son arrêt de travail,
- constater la mauvaise foi et la déloyauté de M. [V],
- prendre acte de ce que la société Kassbohrer a remis à M. [V] les chèques vacances pour une valeur de 200 euros ainsi que l'attestation destinée à la CPAM et qu'il lui a été versé une somme de 1 206 euros correspondant aux frais professionnels non payés, outre une somme de 3 257,53 euros correspondant à la prime de direction de l'année 2008,
En conséquence,
-A titre principal :
*confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes, à l'exception du rappel d'heures supplémentaires,
*le réformer en ce qu'il a condamné la société Kassbohrer à lui verser une somme de 21 464,92 euros au titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents,
*débouter incidemment M. [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
*condamner M. [V] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- Subsidiairement :
*fixer le salaire moyen brut à 4 116,67 euros,
*limiter l'indemnisation de M. [V] à 3 mois de salaire si le licenciement de M. [V] était jugé sans cause réelle et sérieuse ou à 6 mois de salaire brut en cas de nullité.
Elle conteste l'existence d'une quelconque discrimination du salarié en raison de son état de santé et fait valoir que le licenciement est intervenu au terme d'une procédure régulière en raison d'une inaptitude d'origine non professionnelle ; que M. [V], qui avait créé en parallèle une autre activité, souhaitait quitter l'entreprise ; que les recherches de reclassement ont été sérieuses et loyales.
Sur les demandes formées par le salarié au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé, elle fait valoir que M. [V] était rémunéré depuis 2005 au forfait jour, à une date à laquelle la signature d'une convention individuelle n'était pas obligatoire ; qu'en tout état de cause, la demande du salarié n'est pas suffisamment étayée.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 17 juin 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
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MOTIFS DE LA DECISION:
- Sur les demandes formées au titre de l'exécution du contrat de travail:
* la convention de forfait en jours:
M. [N] [V] a été embauché à compter du 18 décembre 2000 en qualité de mécanicien par contrat à durée indéterminée à temps complet, ses bulletins de salaire mentionnant une durée mensuelle de travail de 151,57 heures.
A compter du 1er novembre 2005, ses bulletins de salaire font état d'un forfait annuel de 218 jours. Cette mention disparaît toutefois à partir de janvier 2008, les bulletins de salaire de M. [V] faisant référence à une rémunération mensuelle pour 151,67 heures de travail.
A compter du mois d'avril 2009, les bulletins de salaire de M. [V] mentionnent le statut de cadre, coefficient 295, niveau 4, échelon 3.
A partir du mois de juillet 2013, la mention 'salaire mensuel cadre forfait jour, base annuelle 218 jours' réapparaît sur les bulletins de salaire de M. [V].
La convention collective modifiée définit comme suit les salariés cadres:
Tels que mentionnés dans l'avenant modifié du 16 décembre 2010 relatif à la classification conventionnelle des emplois, sont considérés comme cadres les salariés occupant des emplois faisant appel à des compétences appuyées sur une formation généralement supérieure ou acquises par une expérience équivalente et comportant des responsabilités élevées dans des activités dominantes :
' soit d'encadrement d'autres salariés, c'est-à-dire des responsabilités d'animation et de communication, d'organisation, de contrôle et d'appréciation, de formation;
' soit d'expertise, d'étude ou de conseil, qu'elles relèvent de domaines techniques, financiers, commerciaux, de gestion, etc.
Au sens de la présente convention collective nationale, sont cadres les salariés classés aux niveaux VII à IX.
Tel n'était pas de cas de M. [V], qui n'a accédé au niveau VII de la convention collective qu'à compter du 1er mars 2013.
Le forfait jour du cadre déroge à la règle des 35 heures par semaine prévue par l'article L. 3121-27 du code du travail. Le forfait jour doit être prévu par un accord d'entreprise ou de branche, et le salarié doit y consentir en signant un avenant à son contrat de travail, après avoir été dûment informé sur l'impact de ce système. L'employeur ne peut en aucun cas imposer au salarié le forfait jour.
Il est constant en l'espèce que M. [V] n'a jamais signé avec son employeur de convention individuelle de forfait en jours, de sorte que le forfait jour est inopposable au salarié qui peut demander le paiement des heures supplémentaires qu'il a effectuées.
* les heures supplémentaires:
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions réglementaires et légales précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il les évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [V] verse aux débats un décompte de ses heures de travail entre le 21 décembre 2015 et le 14 février 2018, ainsi que le cahier de compte rendu de ses interventions au cours de cette même période, sur la base desquels était établie la facturation adressée aux clients( pièces n° 57 à 66). Ce faisant, il verse aux débats des éléments suffisamment précis, qui ne sont pas sérieusement contestés par la partie adverse, laquelle se borne à affirmer que le salarié était rémunéré sur la base du forfait jour.
Cette argumentation étant rejetée par la cour, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société employeur à payer à M. [V] la somme de 21 464,92 euros au titre des heures supplémentaires par lui effectuées, outre 2 146,49 euros au titre des congés payés y afférents.
La violation par l'employeur des règles relatives à la durée du travail et au droit au repos a occasionné pour le salarié un préjudice qu'il convient de réparer par la condamnation de la société Kassbohrer ià lui payer une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
* le travail dissimulé:
Au terme de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de
la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l'espèce, le fait que l'employeur ait irrégulièrement rémunéré son salarié sur la base du de forfait en jours, sans avoir signé avec lui de convention individuelle à ce titre, ne caractérise pas suffisamment l'élément intentionnel prévu par la loi, de sorte que M. [V] sera débouté, par confirmation sur ce point du jugement déféré, de sa demande formée au titre du travail dissimulé.
- Sur les demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail:
* l'origine professionnelle de l'inaptitude:
M. [N] [V] a été licencié par courrier du 21 décembre 2018 pour inaptitude d'origine non professionnelle constatée par le médecin du travail et régie par les articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3, suite à un arrêt maladie renouvelé depuis le 14 février 2018.
Nonobstant la maladie professionnelle déclarée le 23 avril 2010, M. [V] a été déclaré apte à la reprise du travail à mi-temps thérapeutique par le médecin du travail le 26 octobre 2017 (alternance entre un jour de travail et un jour de repos). Il a repris son travail à plein temps le 19 janvier 2018, sur le site de [Localité 4].
Cette reprise a toutefois été de très courte durée, l'employeur ayant convoqué M. [V], dès le 7 février 2018, à un entretien en vue d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, entretien qui n'a pas abouti suite au refus de M. [V].
Avant même son licenciement, M. [V] a déclaré, le 15 décembre 2017, une seconde maladie professionnelle inscrite au tableau n° 69: troubles angioneurotiques de la main droite, prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision notifiée à l'assuré
le 10 décembre 2018, puis le 27 avril 2018, une troisième maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57: rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels suivant décision notifiée à l'assuré le 12 décembre 2018.
Il résulte de la chronologie de ces événements et de l'ensemble des pièces versées aux débats que la société Kassbohrer avait obligatoirement connaissance de l'origine au moins en partie processionnelle de l'inaptitude de son salarié.
* l'existence d'une discrimination:
Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (...), en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap,
L'article L. 1132-4 du même code précise que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de dispositions du présent chapitre est nul.
En l'espèce, et comme il a été rappelé ci-dessus, la société Kassbohrer avait connaissance de la dégradation de l'état de santé de M. [V]. A l'issue de sa période de reprise du travail à mi-temps thérapeutique, le 19 janvier 2018, au lieu de permettre au salarié de reprendre son travail à plein temps sur le site des Pyrénées, la société Kassbohrer il l'a envoyé en mission dans les Alpes, ce qui a provoqué chez M. [V] un stress important.
Dès le 7 février 2018, la société employeur a sollicité l'ouverture de pourparlers en vue d'une rupture conventionnelle, ce qui témoigne d'une volonté de rupture du contrat de travail du salarié, en raison de son état de santé, dont la dégradation est essentiellement d'origine professionnelle. Il s'ensuit que le licenciement prononcé
le 21 décembre 2018 est nul.
* Les conséquences de la rupture:
L'inaptitude de M. [V] étant d'origine professionnelle, celui-ci est fondé à prétendre au doublement de son indemnité de licenciement à hauteur de la somme
de 23 478 euros qu'il réclame à ce titre.
Il a droit également au paiement des indemnités de préavis et de congés payés y afférents à hauteur des sommes brutes de 13 343,82 euros et de 1 334,38 euros, ainsi qu'à des dommages intérêts pour licenciement nul, dont il convient de fixer le montant à une somme de 49 400 euros représentant l'équivalent de douze mois de salaire brut.
Il y a lieu en outre d'ordonner la remise par la société employeur à M. [N] [V] d'une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d'un bulletin de salaire récapitulant l'ensemble des condamnations prononcées, dans le délai de quarante cinq jours à compter de la signification du présent arrêt, sans astreinte.
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la société Kassbohrer à Pôle Emploi Occitane des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.
- Sur les demandes annexes:
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Kassbohrer Engins Service Environnement aux dépens de l'instance, ainsi qu'à payer à M. [V] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Kassbohrer Engins Service Environnement, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [N] [V] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit, en cause d'appel, à sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'une somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 3 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Saint Gaudens en ce qu'il a :
- jugé que les heures supplémentaires sont dues à M. [V],
- condamné la société Kassbohrer à verser à M. [N] [V] les sommes brutes suivantes:
*21 464,92 euros au titre des heures supplémentaires,
*2 146,49 euros au titre des congés payés,
*1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [V] de sa demande au titre du travail dissimulé,
- débouté la société Kassbohrer de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Kassbohrer aux dépens de l'instance.
L'infirme pour le surplus :
Et, statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant:
Juge que l'inaptitude de M. [N] [V] est d'origine professionnelle et que son licenciement et nul comme prononcé en raison de son état de santé.
Condamne la Sas Kassbohrer Services Environnement à payer à M. [N] [V] les sommes suivantes:
* 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur des règles relatives à la durée du travail et du droit au repos,
* 13 343,82 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,
* 1 334,38 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
* 23 478 euros au titre du complément de l'indemnité spéciale de licenciement,
* 49 400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Ordonne la remise par la société employeur à M. [N] [V] d'une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiée et d'un bulletin de salaire récapitulant l'ensemble des condamnations prononcées, dans le délai de quarante cinq jours à compter de la signification du présent arrêt, sans astreinte.
Ordonne le remboursement par la société Kassbohrer à Pôle Emploi Occitane des indemnités chômage éventuellement payées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.
Déboute M. [V] du surplus de ses demandes.
Condamne la Sas Kassbohrer Services Environnement aux dépens de l'appel.
Condamne la Sas Kassbohrer Services Environnement à payer à M. [N] [V], en cause d'appel, une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
A.RAVEANE S.BLUMÉ
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