25/11/2022
ARRÊT N° 2022/505
N° RG 20/00469 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NOEW
SB/KS
Décision déférée du 23 Janvier 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Toulouse ( F 18/00441)
JC BARDOUT
SECTION COMMERCE CH 1
[H] [Y]
C/
La SELARL AXYME pris en la personne de M.[V] [F] ès qualités de co-liquidateur de la société LA HALLE
La SCP BTSG pris en la personne de Maître [E] [G] ès qualités de co-liquidateur de la société LA HALLE
L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
INFIRMATION
Grosses délivrées
le 18/11/2022
à
Me Stella BISSEUIL
Me Michel JOLLY
CCC
le le 18/11/2022
à
Me Stella BISSEUIL
Me Michel JOLLY
Pôle Emploi
Aide Juridictionnelle
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [H] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Stella BISSEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.003314 du 02/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉES
La SELARL AXYME pris en la personne de M.[V] [F] ès qualités de co-liquidateur de la société LA HALLE
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Véronique POUQUET, de la SELARL CAPSTAN, au barreau de SAINT ETIENNE et par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
La SCP BTSG pris en la personne de Maître [E] [G] ès qualités de co-liquidateur de la société LA HALLE
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Véronique POUQUET, de la SELARL CAPSTAN, au barreau de SAINT ETIENNE et par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST
[Adresse 3]
[Localité 8]
Sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUME et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
lors du prononcé : A.RAVEANE
ARRET :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [H] [Y] a été embauchée le 17 février 2004 par la SAS compagnie européenne de la chaussure, aux droits de laquelle vient la SAS la halle aux chaussures, en qualité de conseillère de vente suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce succursaliste de la chaussure.
Après avoir été convoquée par courrier du 26 janvier 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 février 2018, Mme [Y] a été licenciée par courrier
du 16 février 2018 pour faute grave.
Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 22 mars 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le 21 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société.
Le 2 juin 2020, la société a été placée en redressement judiciaire.
Un plan de cession a été arrêté par jugement du 8 juillet 2020.
Par jugement du 30 octobre 2020 la société LA HALLE a été placée en liquidation judiciaire et deux mandataires co-liquidateurs ont été désignés.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce, par jugement
du 23 janvier 2020, a :
-dit que sont établis des faits de harcèlements sexuels commis par [L] [D], supérieur hiérarchique, à l'encontre de [H] [T], salariée,
-dit que le licenciement n'est pas consécutif de faits de harcèlement,
-débouté Mme [H] [T] de sa demande d'annulation du licenciement,
-dit le licenciement fondé sur une faute grave,
-débouté Mme [H] [T] et la SAS compagnie européenne de la chaussure (la halle) pour le surplus de leurs demandes,
-dit que chaque partie supporte ses propres frais et dépens.
***
Par déclaration du 5 février 2020, Mme [Y] [T] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 29 janvier 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 5 mai 2020, Mme [H] [Y] demande à la cour de :
-confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit établis et caractérisés les faits de harcèlement sexuel commis par [L] [D], supérieur hiérarchique, à
son encontre ,
-réformer le jugement du 23 janvier 2020 dont appel dans toutes ses autres dispositions,
Sur les demandes de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement sexuel subis par Mme [Y] :
-condamner la compagnie européenne de la chaussure (la halle) au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts dus sur le fondement de l'article L 1153-1 du code du travail,
-condamner la compagnie européenne de la chaussure (la halle) au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts dus sur le fondement de l'article L 1153-5 du code du travail,
A titre principal, sur la nullité du licenciement :
-dire que le licenciement de Mme [Y] est entaché de nullité,
-condamner la compagnie européenne de la chaussure (la halle) au paiement des sommes suivantes :
*5 907,17 euros d'indemnité légale de licenciement
*4 623 euros d'indemnité compensatrice de préavis
*385,25 euros d'indemnité de congés payés due au titre de la période de préavis
*36 984 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif
A titre subsidiaire, sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
-dire que le licenciement n'est fondé sur aucune cause réelle et sérieuse,
-condamner la compagnie européenne de la chaussure (la halle) au paiement des sommes suivantes pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse :
*5 907,17 euros d'indemnité légale de licenciement
*4 623 euros d'indemnité compensatrice de préavis
*385,25 euros d'indemnité de congés payés due au titre de la période de préavis
*18 492 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
En tout état de cause :
-condamner la compagnie européenne de la chaussure (la halle) au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la compagnie européenne de la chaussure (la halle) aux entiers dépens de la procédure.
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Par leurs dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 30 août 2022, la SCP BTSG et la SELARL Axyme ès qualités de co-liquidateurs de la SAS LA HALLE demandent à la cour de :
Sur les agissements prétendument constitutifs de harcèlement sexuel :
- infirmant le jugement entrepris,
- constater que Mme [Y] ne remplit pas la preuve qui lui incombe,
- constater que la société démontre qu'aucun agissement constitutif de harcèlement sexuel n'est susceptible d'être imputé à M. [D],
- mais le confirmant pour le surplus,
- débouter Mme [Y] de ses demandes de dommages et intérêts :
*au titre de son obligation de prévention des agissements constitutifs de harcèlement moral,
*au titre desdits agissements constitutifs de harcèlement sexuel,
Sur le licenciement pour faute grave de Mme [Y] :
-à titre principal :
- confirmant le jugement entrepris,
- constater que le licenciement de Mme [Y] est intervenu pour des faits objectifs, matériellement vérifiables, totalement étrangers à un quelconque harcèlement,
- juger que son licenciement n'encourt donc pas la nullité et débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,
- à titre subsidiaire :
- confirmant le jugement entrepris,
- constater que Mme [Y] a gravement manqué à ses obligations contractuelles,
- juger que son licenciement pour faute grave est parfaitement fondé,
- en conséquence, débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,
- accueillir la demande reconventionnelle des représentants de la société,
- condamner Mme [Y] à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code
de procédure civile.
L'AGS assignée par acte d'huissier du 8 décembre 2020 n'a pas constitué avocat.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date
du 9 septembre 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Il sera précisé à titre liminaire que du fait de la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE, les demandes formées par la salariée à l'encontre de cette société ne peuvent tendre qu'à la fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire et non à la condamnation de la société.
Les demandes de la salariée inchangées depuis le prononcé de la liquidation judiciaire seront modifiées en ce sens.
Sur le harcèlement sexuel
L'article L 1153-1 du code du travail , dans sa version applicable à la date du litige telle qu'elle résulte de la loi du 6 août 2012, dispose qu'aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Selon l'article L1153-3 aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionnée , licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des faits de harcèlement sexuels pour les avoir relatés.
L'article L 1153-5 stipule que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel.
L'article L1153-4 dispose que toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions de l'article L1153-1 à L1153-3 est nul.
Aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement sexuel au sens des articles L. 1153-1 à L. 1153-4 du code du travail, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme [Y] expose qu'elle a été victime d'agissements répétés de harcèlement sexuel de son supérieur hiérarchique M.[L] [D].
Par des motifs pertinents et très détaillés que la cour adopte, les premiers juges ont retenu que les éléments produits par la salariée permettaient de présumer une situation harcèlement sexuel et qu'ils n'étaient justifiés ou expliqués par aucune cause objective établie par l'employeur .
Il suffira de rappeler que deux témoignages précis et circonstanciés émanant de salariés de la SAS LA HALLE ainsi qu'un courrier collectif du 9 février 2018 adressé à l'employeur signé par 5 salariés ont été fournis aux débats par la salariée:
- Mme [A] atteste avoir constaté que M.[L] [D] passait beaucoup de temps en caisse avec [H] et ne passait pas autant de temps avec les salariés de l'équipe pendant le travail. Elle ajoute avoir vu M.[D] s'être assis à côté de [H] [Y] en salle de pause alors qu'elle venait de changer de place pour ne pas être à ses côtés et qu'il lui avait touché l'épaule. Elle avait trouvé [H] [Y] plus silencieuse que de coutume.
- Mme [C], dans son témoignage établi le 25 février 2018, évoque le comportement étrange de M.[D] envers [H] [Y], précisant en ces termes qu'un mois auparavant il avait 'suivi [H] dans la réserve , fermé la porte alors qu'ils étaient deux et éteint la lumière. Du coup, [H] est sortie vite en ayant peur.' Elle ajoute qu'un samedi à 19h30 au moment où elle passait le ballet avec [H], [L] ([D]) est venu pour nous épier et a dit:'[H], depuis que tu fais de la boxe, tes fesses sont rebondies' et il a soulevé la veste de [H] pour voir ses fesses. [L] me disait plusieurs fois en venant dans mon rayon qu'il trouvait [H] ,jolie. [L] a suivi [H] un vendredi dans les vestiaires femmes. [L] m'a dit un jour 'c'est un péché si on embrasse une collègue du magasin'' [L] se plaçait à côté de [H] à la caisse et disait 'j'aime bien être à côté de [H].' . Au repas d'entreprise il y a quelques semaines, [L] la collait.'
- un courrier collectif daté du 5 février 2018 dans lequel 5 salariées dont Mme [Y] dénoncent une tension importante dans le magasin depuis l'arrivée de [L] ([D]) et [P] ainsi que des propos déplacés de M.[D] concernant [H] [Y] entendus par Mme [O] [C] (elle des 'fesses plus rebondies' depuis qu'elle fait du sport).
- un courriel adressé à M.[U] le 3 avril 2016 avec pour indication de son objet la mention 'harcèlement moral' , dans lequel Mme [Y] fait suite à un entretien téléphonique au cours duquel il lui a demandé d'établir un courriel relatant la situation. Elle y expose son malaise, ses peurs et difficultés d'endormissement en raison des tensions qui président aux relations avec [L] [D] sur le lieu de travail.
La salariée justifie également du dépôt d'une main courante le 6 février 2018 dans laquelle elle a signalé le comportement harcelant de M.[D] sur le lieu de travail, ses gestes à connotation sexuelle (lève sa veste pour voir ses fesses), la suit dans les vestiaires femme ou la réserve quand il pense qu'elle y sera seule, la complimente tous les jours depuis 3 mois sur son physique, devant ses collègues, précisant qu'elle n'a pu en parler avec son responsable qui est un ami intime de [L] [D].
Les éléments rapportés par les témoins sont précis, circonstanciés et concordants. Ils ne sont pas utilement remis en cause par l'employeur qui se contente de mettre en doute les agissements relatés de M.[D], en soulignant le caractère tardif du dépôt de main courante par la salariée sans autre élément probant de nature à invalider les multiples éléments de preuve fournis par la salariée.
Le jugement sera confirmé en ses dispositions ayant retenu le harcèlement sexuel dont la salariée a été victime sur son lieu de travail.
En réparation du préjudice subi par la salariée depuis plus de deux ans , il sera fait droit à sa demande indemnitaire pour harcèlement moral à hauteur de 5000 euros, créance qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société employeur.
Sur l'obligation de sécurité
De plus, selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'article L4121-2 du même code précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source (..) ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2.
Au cas d'espèce il n'est pas justifié d'une enquête spécifique sur les faits de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée. Ainsi si la directrice des ressources humaines annonce dans un courrier aux délégués du personnel le 25 février 2018 procéder à une enquête conjointe au sein du magasin de [Localité 4] [Localité 9] les 1er et 2 mars 2018, le procès-verbal non daté intitulé'procès-verbal d'alerte art L2313-2 du code du travail [Localité 4] [Localité 9]' produit aux débats (pièce 13 employeur) dans lequel est évoquée l'intention de l'employeur de promouvoir un 'travail important à mener sur le 'oser dire' (page 3)- ne fait aucune mention de la dénonciation de faits de harcèlement sexuel et du résultat des auditions sur cette problématique.
Par ailleurs il n'est pas justifié d'une diffusion effective aux salariés de l'entreprise du document non daté, intitulé 'souffrance au travail', produit aux débats par l'employeur.
Au vu de ces seuls éléments, il n'est pas démontré par l'employeur qu'il a pris les mesures nécessaires pour répondre de façon adaptée et dans un délai raisonnable aux faits de harcèlement dénoncés tant par la salariée dès le 3 avril 2016 (pièce 13-1) que par les délégués du personnel le 10 février 2018 (pièce 12 employeur) dans le cadre de l'exercice d'un droit d'alerte, ni qu'il a mis en oeuvre des opérations de prévention du risque de harcèlement.
Le manquement à l'obligation de sécurité qui en résulte justifie la fixation de la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la société LA HALLE à la somme de 2000 euros.
Sur le licenciement
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.
Suivant les motifs exposés dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche à la salariée d'avoir le 10 janvier 2018 procédé à l'encaissement des achats effectués par un client sans lui remettre le ticket de caisse. Il expose que lorsque le client s'est représenté afin d'obtenir son ticket, M.[D] responsable adjoint du magasin a vu Mme [Y] réaliser les opérations suivantes:
- reprise d'un ticket en attente
- validation d'un montant en espèces
- maintien du tiroir caisse afin d'en masquer l'ouverture
- impression d'un ticket
Un tel procédé permet de ne pas enregistrer des achats payés en espèces.
L'employeur précise que les vérifications opérées mettent en évidence que le tableau des incidents de caisse de Mme [Y] montre un nombre élevé d'ouverture de caisse comparativement aux autres salariés ainsi qu'un nombre significatif de tickets en attente en novembre et décembre 2017 alors que les autres salariés n'emploient jamais ce procédé.
Mme [Y] soutient que son licenciement est la conséquence exclusive du harcèlement sexuel et moral qu'elle a subi et de la violation par l'employeur à son obligation de sécurité en n'ayant pas pris les mesures nécessaires préventives et pour faire cesser les agissements.
Le non -respect de la procédure d'encaissement reproché à la salariée n'implique aucun reproche relatif à un détournement de fonds qui n'est pas même allégué par l'employeur. Au demeurant ce grief relatif au non respect de la procédure en vigueur dans le magasin n'a donné lieu à aucun rappel ou avertissement à la salariée qui bénéficiait pourtant d'une ancienneté importante de 14 années au sein de l'entreprise sans reproche particulier.
Il s'en déduit que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement .
S'il est relevé par les premiers juges que la salariée n'a déposé une main courante auprès des services de police que le lendemain de son entretien préalable au licenciement, ce simple constat est insuffisant à écarter tout lien entre la rupture et les faits de harcèlement portés à la connaissance de l'employeur dès le 3 avril 2016 par un courriel dont l'objet indiqué était précisément le harcèlement, faits qui ont été portés à la connaissance de l'employeur avant le prononcé du licenciement. Il importe de relever que les faits fautifs imputés à la salariée ont été rapportés à l'employeur par M.[D], précisément l'auteur des agissements dénoncés par la salariée et dont la cour comme les premiers juges ont reconnu la matérialité, ce qui conduit à invalider l'analyse des premier juges qui ont écarté tout lien entre le licenciement et les faits de harcèlement.
Au vu de ces considérations le licenciement est nul pour cause de harcèlement sexuel et justifie réparation sur le fondement de l'article L1153-4 du code du travail.
En considération de son ancienneté de 14 ans et de son salaire mensuel moyen de 1541 euros, la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE sera fixée comme suit:
- une indemnité légale de licenciement de 5 907,17 euros selon les éléments de calcul exacts fournis par la salariée qui ne donne lieu à aucune contestation de l'employeur.
- une indemnité compensatrice de préavis de 3082 euros correspondant à deux mois de salaire en application de l'article L1234-1 du code du travail et des dispositions conventionnelles outre l'indemnité de congés payés correspondante de 308,20 euros.
Mme [Y] , âgée de 38 ans lors du licenciement, ne justifie pas de sa situation professionnelle et financière depuis la rupture de son contrat de travail.
Au vu de son ancienneté, du montant de sa rémunération, il est justifié de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE à la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Le jugement est infirmé sur ce point.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à L'AGS, dans la limite du plafond de garantie applicable.
Sur les demandes annexes
Les sociétés SCP BTSG et la SELARL Axyme ès qualités de co-liquidateurs de la SAS LA HALLE qui succombent seront condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel, par infirmation du jugement déféré sur les dépens de première instance.
Eu égard à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE, aucune considération particulière d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article700 du code de procédure civile au profit de Mme [Y].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement , réputé contradictoire , en dernier ressort
Infirme le jugement déféré
Statuant à nouveau et y ajoutant
Fixe la créance de Mme [H] [Y] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LA HALLE représentée par les sociétés SCP BTSG et la SELARL Axyme ès qualités de co-liquidateurs de la SAS LA HALLE aux sommes suivantes:
-5 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral
- 2 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
- 18 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul
Déclare l'arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA Île de France Ouest
Rejette toute demande plus ample ou contraire
Condamne les sociétés SCP BTSG et la SELARL Axyme ès qualités de co-liquidateurs de la SAS LA HALLE aux entiers dépens de première instance et d'appel
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
A.RAVEANE S.BLUMÉ
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