25/11/2022
ARRÊT N°400 /2022
N° RG 19/03425 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NDK6
NA/AA
Décision déférée du 05 Juillet 2019
Tribunal de Grande Instance de CAHORS
17/00231
Michaël TOUCHE
CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DU LOT
C/
[V] [M]
INFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
CPAM DU LOT
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par M. [X] [S] [Z] (Membre de l'organisme.) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
Madame [V] [M]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Pauline LE BOURGEOIS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 octobre 2022, en audience publique, devant Mmes N. ASSELAIN et M-P. BAGNERIS, conseillères chargées d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente
MP. BAGNERIS, conseillère
A.MAFFRE, conseillère
Greffier, lors des débats : A. ASDRUBAL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente , et par A. ASDRUBAL, greffière placée.
EXPOSE DU LITIGE:
Mme [V] [M], employée par la société [4] en qualité de monteur depuis le 12 janvier 2009, a demandé le 22 novembre 2016 à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot la prise en charge au titre de la législation professionnelle d'une rhinite récidivante avec irritation des voies respiratoires au titre des tableaux 10 bis (par utilisation de chromates) et 49 bis (par utilisation d'amines aliphatiques) en joignant un certificat médical initial daté du 22 novembre 2016 visant ces pathologies par exposition aux produits visés par ces deux tableaux et indiquant que la date de la première constatation médicale de ces maladies professionnelles est le 24 novembre 2014.
Le 1er juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du lot a:
* reconnu le caractère professionnel de la rhinite au titre du tableau 49 bis (affections respiratoires provoquées par les amines aliphatiques, les ethanolamines ou l'isophoronediamine),
* refusé la prise en charge de la maladie déclarée (rhinite) au titre du tableau 10 bis relatif aux affections respiratoires provoquées par l'acide chromique, les chromates ou bichromates alcalins, motif pris que la condition afférente à l'exposition au risque n'était pas établie.
Après rejet de son recours par la commission de recours amiable le 12 septembre 2017, contre la décision de refus de prise en charge au titre du tableau 10 bis, Mme [M] a saisi le 6 novembre 2017 le tribunal des affaires de sécurite sociale.
Par ailleurs, Mme [M] a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot un certificat médical de prolongation du 2 juin 2017, mentionnant une nouvelle lésion (dépression anxieuse secondaire à des troubles allergiques), que la caisse a refusé, le 25 juillet 2017, de prendre en charge au titre de la maladie professionnelle précédemment reconnue.
Mme [M] ayant contesté cette décision, la caisse, après expertise, a notifié à Mme [M] sa décision du 2 janvier 2018 maintenant le refus de prise en charge.
Après rejet de son recours par la commission de recours amiable le 6 février 2018, Mme [M] a saisi le 27 février 2018 le tribunal des affaires de sécurite sociale de sa contestation de cette seconde décision.
La caisse a déclaré Mme [M] consolidée à la date du 13 avril 2018.
Par jugement en date du 11 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Cahors, pôle social, après avoir joint les deux procédures, a ordonné la saisine pour avis du comite régional de reconnaissance des maladies professionnelles à la fois sur la prise en charge de la maladie déclarée au titre du tableau 10bis des maladies professionnelles et sur l'existence d'un lien direct entre la dépression réactionnelle (nouvelle lésion déclarée) et la maladie professionnelle reconnue au titre du tableau 49bis ou celle dont la reconnaissance est demandée au titre du tableau 10bis.
Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 6] a rendu son avis le 10 decembre 2018.
Par jugement en date du 5 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Cahors, pôle social, a:
* jugé que la rhinite récidivante déclarée par Mme [M] le 22 novembre 2016 remplit les conditions du tableau n°10bis des maladies professionnelles et doit être prise en charge à ce titre,
* jugé que l'asthme invoqué par Mme [M] ne peut être pris en charge au titre des maladies professionnelles,
* jugé que la pathologie de dépression réactionnelle déclarée par Mme [M] le 7 juin 2017 est constitutive d'une maladie professionnelle,
* condamné la caisse primaire d'assurance maladie du Lot à payer à Mme [M] la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie du Lot a interjeté appel partiel de cette décision, l'appel étant limité à la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la dépression réactionnelle de Mme [M] et à la condamnation au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par arrêt du 3 juillet 2020, la cour d'appel de Toulouse a:
- confirmé le jugement hormis en ce qu'il a jugé que la pathologie de dépression réactionnelle déclarée par Mme [M] le 7 juin 2017 est constitutive de maladie professionnelle;
- et avant dire droit sur la décision de prise en charge de cette pathologie de dépression réactionnelle, ordonné une nouvelle expertise technique pour déterminer si la lésion nouvelle de dépression anxieuse mentionnée sur le certificat de prolongation en date du 7 juin 2017 présente un lien direct, certain et exclusif avec les maladies professionnelles reconnues au titre des tableaux 49 bis et 10 bis.
L'expert, le docteur [F], a déposé son rapport le 4 novembre 2021, au terme duquel il conclut que cette pathologie ne présente pas de lien direct, certain et exclusif avec les maladies professionnelles reconnues au titre des tableaux 49 bis et 10 bis.
La CPAM du Lot conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il juge que la pathologie de dépression réactionnelle déclarée par Mme [M] le 7 juin 2017 est constitutive d'une maladie professionnelle, en se prévalant des conclusions concordantes des deux experts.
Mme [M] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que sa dépression réactionnelle déclarée le 7 juin 2017 est constitutive d'une maladie professionnelle, et demande paiement d'une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles. Elle conteste les conclusions de l'expert [F], en se prévalant d'un rapport du docteur [I].
MOTIFS:
Seul demeure en litige, après l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 3 juillet 2020, le rattachement de la nouvelle lésion déclarée par Mme [M] le 2 juin 2017 à l'une ou l'autre des maladies professionnelles dont elle est atteinte, reconnues au titre des tableaux 49 bis et 10 bis.
Pour le surplus, l'ensemble des dispositions du jugement de première instance rendu le 11 octobre 2018, y compris celles relatives aux frais irrépétibles et dépens, ont été confirmées.
En droit, les nouvelles lésions déclarées au titre d'une maladie professionnelle, avant consolidation, ne peuvent être prises en charge au titre de cette maladie que si elle s'y rattachent par un lien direct et certain. Les rechutes d'une maladie professionnelle, apparues après consolidation des lésions, ne peuvent être prises en charge au titre de la maladie que si elles s'y rattachent par un lien exclusif.
En l'espèce, le docteur [F], expert psychiatre mandaté pour réaliser la nouvelle expertise ordonnée par la cour d'appel, rejoint les précédentes conclusions du docteur [L], mandaté pour réaliser une première expertise médicale technique, ayant écarté l'imputabilité à la maladie 49 bis de la 'dépression anxieuse secondaire à des troubles allergiques' visée par le certificat médical de prolongation du 2 juin 2017.
Le docteur [F] conclut en effet, dans son rapport daté du 9 octobre 2021, déposé le 4 novembre 2021, qu' 'en dépit de la dépression sévère et caractérisée de Mme [M], il n'est pas possible de dire que sa dépression telle que mentionnée dans le certificat de prolongation en date du 7 juin 2017 (en fait 2 juin 2017) présente un lien direct, certain et exclusif avec les maladies professionnelles reconnues au titre des tableaux 49 bis et 10 bis'.
Si un lien exclusif avec les maladies reconnues n'est pas une condition de la prise en charge d'une nouvelle lésion apparue avant consolidation, il résulte des développements de l'expert que même l'existence d'un lien direct entre la dépression de Mme [M] et les maladies professionnelles déclarées n'est pas établie: le docteur [F] expose qu' 'il existe sans aucun doute des liens entre son état émotionnel et sa situation, mais il est difficile de les décrire comme directs. Ils relèvent plus des intrications complexes, comme celles qui régissent une approche psychosomatique de ses troubles, comme les recherches menées autour des pathologies allergiques'.
La note adressée le 5 octobre 2021 à l'expert par le docteur [I], mandaté par Mme [M] pour l'assister dans le cadre des opérations d'expertise, souligne qu'aucun épisode dépressif n'est retrouvé dans les antécédents de Mme [M] avant l'épisode de 2012, mais ne contient pas d'éléments nouveaux propres à remettre en cause les conclusions circonstanciées de l'expert. Les autres certificats médicaux produits par Mme [M], antérieurs à la décision de la cour d'appel ordonnant l'expertise, ne caractérisent pas davantage de lien direct et certain entre sa dépression et les maladies professionnelles: son psychiatre, le docteur [H], indique elle-même, dans un certificat du 23 février 2018: 'j'ai cependant considéré que la souffrance au travail était à cette époque responsable de son trouble anxieux', ce qui ne caractérise pas de lien direct avec les maladies professionnelles établies, le docteur [L] ayant également noté 'un fort ressentiment à l'encontre de son employeur' .
La dépression anxieuse déclarée comme nouvelle lésion le 2 juin 2017 ne peut donc être considérée comme imputable aux maladies professionnelles dont la première constatation médicale déclarée est en date du 24 novembre 2014.
Le jugement est par conséquent infirmé en ce qu'il a dit que cette pathologie est constitutive d'une maladie professionnelle.
La cour, statuant à nouveau, dit que la dépression anxieuse déclarée le 2 juin 2017 ne peut pas être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
En considération des circonstances de la cause, et notamment de la nécessité de rechercher l'éventuelle imputabilité de la nouvelle lésion à la maladie 10bis, la CPAM du Lot doit conserver la charge des dépens.
Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 5 juillet 2019, en ce qu'il a dit que la pathologie de dépression réactionnelle déclarée par Mme [M] le 7 juin 2017 (en fait 2 juin 2017) est constitutive d'une maladie professionnelle;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la dépression anxieuse déclarée le 2 juin 2017 ne peut pas être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Dit que la CPAM du Lot doit conserver la charge des dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par N. ASSELAIN, conseillère faisant fonction de présidente et par A. ASDRUBAL, greffière placée.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE
A. ASDRUBAL N. ASSELAIN
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