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22/11/2022 | FRANCE | N°20/02046

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 22 novembre 2022, 20/02046


22/11/2022





ARRÊT N°



N° RG 20/02046 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NU67

MD/NB



Décision déférée du 24 Juin 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/02573

(Mme. TAVERNIER)

















S.A.R.L. LES MAISONS DE MONDRAN





C/



S.C.I. LES TULIPIERS











































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.A.R.L. LES MAISONS DE MONDRAN

[Adresse 4],

[Localité 2]

Représent...

22/11/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/02046 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NU67

MD/NB

Décision déférée du 24 Juin 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 18/02573

(Mme. TAVERNIER)

S.A.R.L. LES MAISONS DE MONDRAN

C/

S.C.I. LES TULIPIERS

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A.R.L. LES MAISONS DE MONDRAN

[Adresse 4],

[Localité 2]

Représentée par Me Benoît ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.C.I. LES TULIPIERS, poursuites et diligences de son représentant légal domiciliéen cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me. Catherine GUEROT de RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, président et S. LECLERCQ, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Au cours de l'année 2015, la Sci Les Tulipiers a entamé des travaux de rénovation d'un bâtiment existant à usage d'habitation, de construction d'un bâtiment neuf à usage de centre médical ainsi que d'un garage et d'une piscine sur un terrain situé au [Adresse 1] (31).

Le 10 avril 2015, la Sci Les Tulipiers a fait réaliser un devis pour les travaux de gros oeuvre auprès de la Sarl Les Maisons de Mondran chiffrés à 120 033, 86 euros TTC. Il était également convenu la réalisation de travaux de voirie et de réseaux divers.

Déplorant des inexécutions, la Sci Les Tulipiers a fait procéder en référé à la désignation d'un expert judiciaire.

Suivant exploit d'huissier du 30 juillet 2018, la Sci Les Tulipiers a fait assigner la Sarl Les Maisons de Mondran devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins que cette dernière soit condamnée à l'indemniser du coût des travaux de reprise, de son préjudice de jouissance et de la perte des loyers subie.

Par jugement du 24 juin 2020, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- débouté la Sarl Les Maisons de Mondran de sa demande de sa demande visant à voir déduire une somme toutes taxes comprises de 7 415 euros du coût des travaux de reprise résultant de ses inexécutions,

- débouté la Sarl Les Maisons de Mondran de sa demande visant à voir juger que la Sci Les Tulipiers a engagé sa responsabilité à hauteur de 50% en qualité de maître d'oeuvre ;

- débouté la Sarl Les Maisons de Mondran de sa demande visant à voir déduire une somme toutes taxes comprises de 2 031 euros du coût de travaux de reprise résultant de ses inexécutions,

- dit que la Sarl Les Maisons de Mondran est redevable auprès de la Sci Les Tulipiers d'un montant total toutes taxes comprises de 52 424,48 euros au titre du coût des travaux de reprise dont les inexécutions de la Sarl Les Maisons de Mondran sont à l'origine,

- dit que Sarl Les Maisons de Mondran est redevable auprès de la Sci Les Tulipiers d'un montant total toutes taxes comprises de 35 832,48 euros au titre du coût des travaux de réfection de la voirie consécutifs à la reprise des réseaux dont les inexécutions de la Sarl Les Maisons de Mondran sont à l'origine,

- débouté la Sci Les Tulipiers de sa demande en indemnisation d'un préjudice consistant en la perte de revenus locatifs du fait du retard pris dans la livraison des travaux et de la perte de revenus locatifs eu égard aux travaux de reprise,

- dit que la Sci Les Tulipiers est redevable auprès de la Sarl Les Maisons de Mondran d'un montant de total toutes taxes comprises de 21 776, 30 euros,

- constaté en conséquence l'existence de dettes réciproques,

- dit que la compensation intervient entre ces dettes réciproques et constaté l'extinction des obligations à concurrence de la dette la plus faible,

- condamné en conséquence la Sarl Les Maisons de Mondran à verser une indemnité totale de 66 481, 01 euros à la Sci Les Tulipiers,

- débouté la Sci les Tulipiers de sa demande indemnitaire formulée au titre de la résistance abusive de la Sarl Les Maisons de Mondran,

- dit n'y avoir lieu à condamner solidairement la Sa Allianz iard qui mise en cause, à relever et garantir la Sarl Les Maisons de Mondran des condamnations mises à sa charge,

- condamné la Sarl Les Maisons de Mondran à verser une indemnité de 2 000 euros à la Sci les Tulipiers eu égard aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Les Maisons de Mondran aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a d'abord considéré que la Sci les Tulipiers ne pouvait être considérée comme maître d'oeuvre par le seul fait d'avoir effectué le suivi des travaux ou pour le gérant d'avoir utilisé une pelle-mécanique pour effectuer des sondages à l'occasion des opérations d'expertise. Il a ensuite jugé que :

- les travaux d'édification de la fosse d'ascenseur étaient compris dans le lot gros oeuvre exécutés par la Sarl Les Maisons de Mondrian qui en l'absence de maître d'oeuvre a manqué à son obligation de conseil en ne suggérant pas la pose d'un cuvelage de l'ascenseur pour éviter des problèmes d'étanchéité,

- que la société défenderesse s'est abstenue de réaliser des travaux d'enduit de façade prévus dans le devis, contribuant ainsi aux désordres,

- que l'entrepreneur qui devait exécuter le dallage du local poubelles conformément aux règles de l'art est responsable du défaut de planimétrie de ce dallage et du défaut de conseil du maître de l'ouvrage quant à l'utilité d'un raccord aux eaux usées, eu égard à sa destination,

- que la société Les Maisons de Mondran doivent réparation des dommages causés aux ouvrages et équipement existants,

- la société Les Tulipiers ne démontre pas le préjudice évoqué au titre des pertes locatives du fait d'un retard de livraison et durant l'exécution des travaux de reprise.

-:-:-:-:-:-

Suivant déclaration en date du 28 juillet 2020, la Sarl Les Maisons de Mondran a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 24 juin 2020.

La Sarl Les Maisons de Mondran a, par acte en date du 3 septembre 2020, reçu au greffe le 10 septembre 2020, fait assigner la Sci Les Tulipiers en référé devant le premier président de la cour d'appel de Toulouse sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019 aux fins de voir :

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire en date du 24 juin 2020,

- condamner la Sci Les Tulipiers aux entiers dépens outre la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 9 décembre 2020, le président de chambre délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 31 août 2020, a :

- débouté la Sarl Les Maisons de Mondran de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la Sarl Les Maisons de Mondran aux dépens de la présente instance de référé,

- condamné la Sarl Les Maisons de Mondran à payer à la Sci Les Tulipiers la somme de mille euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er 1°du code de procédure civile.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 avril 2021, la Sarl Les Maisons de Mondran, appelante, au visa de l'article 1353 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de la responsabilité de la Sci Les Tulipiers, des postes non-compris dans le marché, des dégradations et de sa demande au titre de la somme lui restant due,

- 'dire et juger' que la Sci Les Tulipiers a engagé sa responsabilité à hauteur de 50% en qualité de maître d'ouvre,

- débouter la Sci Les Tulipiers de toute demande au titre de l'étanchéité de la fosse d'ascenseur, du local poubelle et du mur de clôture,

- débouter la Sci Les Tulipiers de toute demande au titre des dégradations,

- débouter la Sci Les Tulipiers de toute demande au titre d'un préjudice de jouissance,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la Sci Les Tulipiers de toute demande au titre d'un préjudice locatif, y compris pendant les travaux de reprise,

- débouter la Sci Les Tulipiers de sa demande de dommages et intérêts au titre d'une prétendue résistance abusive,

- à titre infiniment subsidiaire, 'dire et juger' que le préjudice locatif ne saurait excéder une période de 4 mois et que la Sci Les Tulipiers doit assumer une responsabilité à ce titre, en qualité de maître d'ouvre, à hauteur de 75%,

- condamner la Sci Les Tulipiers à lui verser la somme de 36 135,90 euros TTC au titre du solde restant dû sur les travaux,

- condamner la Sci Les Tulipiers aux entiers dépens, outre la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 mai 2022, la Sci Les Tulipiers, intimée, demande à la cour de :

- débouter la Sarl Les Maisons de Mondran de son appel comme étant non fondé,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts

pour :

* ses pertes de loyers pendant l'exécution des travaux,

* son préjudice financier du fait de la livraison tardive,

* son préjudice résultant de la résistance abusive de la société Les Maisons de Mondran,

- condamner en conséquence la société Les Maisons de Mondran à lui payer les sommes suivantes :

* 6 485,98 euros pour les pertes de loyers pendant la réalisation des travaux de reprise,

* 60 423,60 euros pour le préjudice financier résultant de l'interruption des travaux et de la livraison tardive,

* 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour sa résistance manifestement abusive, procédant d'une mauvaise foi caractérisée,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

- ordonner l'indexation du coût des travaux de reprise eu égard à l'évolution des prix au jour de leur réalisation effective ; subsidiairement, ordonner l'indexation du coût des travaux de reprise au regard de l'indice BT 01.

- condamner la société Les Maisons de Mondran à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner au paiement des entiers dépens.

-:-:-:-:-

La clôture de l'instruction intervenue le 17 mai 2022 a été reportée, à la demande de la Sci Les Tulipiers et sans opposition par l'autre partie, à la date de l'audience qui s'est tenue le 30 mai 2022.

MOTIVATION

1. Il convient de rappeler les désordres relevés par l'expert judiciaire, M. [F] [W], s'agissant des travaux réalisés par la Sarl Maisons de Mondran soit directement pour l'exécution du lot gros-oeuvre, charpente et enduits extérieurs soit par celle-ci et son sous-traitant pour l'exécution du lot VRD.

1.1 Il était ainsi constaté pour les lots gros oeuvre, charpente et enduits :

. défaut d'étanchéité de la fosse d'ascenseur,

. défaut d'enrobage des aciers en sous face de l'escalier balancé du centre médical,

. empilement des briques sans décalage de 1/3 en non conformité au DTU 20.1,

. défaut de calage des entraits des fermettes, absence d'étriers de support et d'antiflambement- Non conformité au DTU 31.3,

. défaut de construction des rehausses des regards de béton extérieurs, absence de lèvres d'étanchéité pour recevoir les couvercles - non conformité au DTU 20.1,

. absence d'enduit de finition sous les appuis des baies - prestations inachevées des enduits extérieurs;

. absence de tampon de tringlage en pied de chute EP - non conformité au DTU 60.11,

. absence d'enduit sur les soubassements des murs de clôture - prestation inachevée des enduits extérieurs,

. défaut de planimétrie et de finition du sol du local poubelles, dallague rugueux et en contre pentes, absence de siphon de sol relié aux eaux usées,

. carreaux cassés en bordure de terrasse - travaux détériorés en cours de chantier et inachevés,

. capotage de l'unité extérieure du climatiseur endommagé par les enduits extérieurs,

. gouttières pendantes extérieures rivetées - raccordements fuyards - pose non conforme au DTU 60.11,

. absence de seuil béton à l'entrée du garage - travaux inachevés,

. absence de sommier béton ou étrier métallique de support de la panne faitière dans le local poubelle, non conformité au DTU 31.3,

. dimensions et positionnement de la piscine non conformes au plan de masse du permis de construire.

1.2 S'agissant du lot VRD l'expert a retenu :

. niche de raccordement aux réseaux publics inachevée et non conforme aux règles de l'art,

. superposition anarchique des réseaux dans les tranchées et profondeur insuffisante,

. écartement non-conforme entre le réseau gaz et le réseau d'adduction eau potable non conforme aux règles de l'art,

. réseaux d'assainissement EU/EV enterrés, du bâtiment neuf créé, à usage de cabinet médical et de la maison rénovée, non conforme aux règles de l'art, notamment au DTU 60.11

1.3 Aucune réception n'a été actée. L'expert relève que les travaux de gros oeuvre et d'enduits ont été intégralement réglés et un procès-verbal d'huissier a été dressé le 9 février 2016 pour dénoncer divers désordres et non conformités affectant les ouvrages avant l'achèvement des travaux VRD. Ces derniers travaux non réglés ont cessé en cours de chantier.

Le gérant de la société Les Maisons de Mondran a affirmé devant l'expert n'avoir pas abandonné le chantier mais l'avoir arrêté en raison de l'assignation introductive d'instance du 24 février 2016 et du non paiement d'une facture pour travaux complémentaires liés à la réalisation d'un mur séparatif et des enduits sur la clôture arrière. Il a ajouté que le gérant de la Sci Les Tulipiers, maître de l'ouvrage, a assuré la maîtrise d'oeuvre de l'opération en étant tous les jours sur le chantier et en donnant des instructions différentes.

2. La qualité de maître d'oeuvre prêtée au maître de l'ouvrage a d'abord été au centre du litige pour la détermination des responsabilités encourues dans la réalisation des désordres et non conformités.

Il est indubitable que la Sci Les Tulipiers a confirmé avoir effectué le suivi du chantier et que si l'expert judiciaire a relevé en page 34 de son rapport que la 'Sci Les Tulipiers a confirmé avoir réalisé la maîtrise d'oeuvre du chantier', ce dernier a néanmoins constaté qu'il 'n'existait pas de plans d'exécution de ces travaux qui sont en général dus par l'entreprise et soumis au visa du maître d'oeuvre'. Cette seule affirmation ne peut suffire à caractériser une mission de maîtrise d'oeuvre ni a fortiori en déterminer l'étendue.

2.1 Le maître de l'ouvrage ne doit pas s'immiscer dans la conception ou la réalisation de l'ouvrage. L'immixtion est fautive à la double condition qu'elle émane d'une personne notoirement compétente et qu'elle se traduise par une ingérence telle que le maître de l'ouvrage prend, en fait, la responsabilité technique de l'opération par des actes positifs.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le gérant de la Sci Les Tulipiers n'a aucune compétence en matière de construction d'immeubles. Il reconnaît dans ses conclusions être spécialisé dans la création d'espaces verts de grande superficie et connaître à ce titre le maniement d'une pelle mécanique dont il a fait usage durant les opérations d'expertise pour permettre la réalisation de sondages sans pour autant que cette compétence soit de nature à le qualifier pour conduire une opération de maîtrise d'oeuvre de conception ou de réalisation en matière de bâtiment. Il n'est d'ailleurs nullement précisé les interventions concrètes du maître de l'ouvrage dans la direction ou la coordination des travaux autrement que par un rappel de sa présence quotidienne sur le chantier. Ainsi que la société appelante le précise dans ses écritures, l'architecte mandaté par la Sci Les Tulipiers n'a reçu mission qu'en vue de l'obtention du permis de construire et le dossier ne comporte aucun élément pour justifier en quoi la Sci Les Tulipiers aurait exercé une activité de maîtrise d'oeuvre, spécialement pour le lot gros-oeuvre en présence d'une société spécialisée dans la maçonnerie générale et le gros-oeuvre de bâtiment.

2.2 La faute du maître de l'ouvrage qui engage sa responsabilité peut être exclusive de

toute immixtion et résulter de négligences telles que, à titre d'exemple, des manquements à ses obligations liées à la maîtrise de l'ouvrage, dans la fournitures de renseigements nécessaires à la réalisation des travaux ou des modifications inconsidérées apportées au projet.

Or en l'espèce, la Sarl les maisons de Mondran n'apporte aucun élément propre à caractériser une faute en lien de causalité avec les désordres et non conformités constatées.

2.3 C'est donc sans erreur manifeste d'appréciation ni contradiction avec les affirmations ayant pu être recueillies en cours d'expertise, que le premier juge a rejeté la demande tendant à voir imputer à la Sci Les Tulipiers une part de responsabilité en qualité de maître d'oeuvre dans la réalisation des dommages dont elle demande la réparation.

3. Selon les dispositions de l'article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable au litige 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

3.1 La Sarl Maisons de Mondran oppose le fait que certains des postes de préjudice concerne des prestations qui n'étaient pas incluses dans le marché.

3.1.1 S'agissant de la reprise de la fosse d'ascenseur non étanche, il convient de relever avec le premier juge que si la réalisation d'un cuvelage n'apparaît pas dans le devis, l'expert judiciaire a noté dans son rapport que 'l'absence de descriptif précis détaillé et de plan d'exécution ne permet pas de vérifier si la fosse de l'ascenseur était prévue au marché. Ces travaux étant inclus dans le creusement des fondations et dans les élévations des maçonneries, il est difficile de croire qu'une tierce personne ait en cours de chantier réalisé uniquement ces travaux de cage d'ascenseur'. C'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'absence de réalisation d'une étanchéité d'un tel élément qui justifiait une particulière protection relevait d'un manquement au devoir de conseil et d'information auquel l'entreprise était tenue en raison d'une part de l'absence de maîtrise d'oeuvre ainsi qu'il vient de l'être constaté et d'autre part de la nécessité d'un tel cuvelage.

Le dommage ainsi créé oblige, pour sa réparation, à une reprise qui doit être assumée intégralement par l'entrepreneur à hauteur de la somme de 1 440 euros évaluée par l'expert, dès lors que la perte de chance, liée à ce manque de conseil, d'éviter cette exposition à des infiltrations par la réalisation d'un cuvelage est maximale au regard de son objet et de l'absence de surcoût exhorbitant pour le maître de l'ouvrage et que les travaux préconisés par l'expert sont de nature à mettre fin à ce défaut de nature à créer, ainsi que l'a précisé l'expert, des dysfonctionnements électriques et à rendre l'ascenseur impropre à sa destination.

3.1.2 S'agissant des travaux non réalisés d'enduits des soubassements des clôtures, le premier juge a justement retenu que le devis du 6 novembre 2015 prévoyait au titre des enduits extérieurs, la 'rénovation des façades [de] l'ancien bâtiment et ses clôtures'. Cette prestation était donc bien due par l'entreprise.

3.1.4 Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, la Sarl Maisons de Mondran avait bien prévu dans le devis la construction de l'ouverture des fondations à leur réalisation d'un local à poubelles en mentionnant un 'dallage sur terre plein' de sorte que les désordres affectant ce dernier et justifiant la reprise du sol de ce local comme de son sommier béton sont bien imputables à l'entreprise appelante.

3.2 Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir écarter ces postes des travaux de reprises.

4. S'agissant des dégradations du carrelage et du capotage de l'appareil de climatisation, l'expert judiciaire a indiqué 'nous avons contradictoirement constaté, lors de nos réunions d'expertise, que les carreaux des bordures avaient été cassées par un engin mécanique lors du cylindrage du fond de forme du parking, par l'entreprise Maisons de Mondran' (page 38 du rapport), affirmation allant bien au delà de la simple constatation de l'existence de dégradtions, mais que celles-ci devaient être imputées à l'entreprise au regard des travaux réalisés. L'expert a aussi précisé que le capotage du climatiseur avait été endommagé lors de l'application des enduits extérieurs en raison de l'absence de protection des ouvrages existants (page 58 du rapport) de sorte que ces dommages sont bien imputables au fait de l'entreprise dont elle doit répondre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'exclusion de ces postes des travaux de reprise.

5. Les autres désordres et non conformités constatés font l'objet d'une évaluation des travaux de reprise qui n'est pas contestée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il jugé que la Sarl Les Maisons de Mondran est redevable auprès de la Sci Les Tulipiers d'un montant total toutes taxes comprises de 52 424,48 euros au titre du coût des travaux de reprise et de la somme de 35 832,48 euros au titre de la réfection consécutive de la voirie qui sera détériorée lors de l'exécution de ces travaux.

Il ajoute, conformément à la demande formulée par la Sci Les Tulipiers que lesdites sommes seront actualisées au jour de la présente décision en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre la date du rapport de l'expert, le 28 février 2018, et celle du présent arrêt.

6. La Sci Les Tulipiers a sollicité l'indemnisation d'un préjudice locatif à hauteur de la somme de 60 423,60 euros résultant de l'interruption des travaux et de la livraison tardive.

Il est constant que les travaux ont été arrêtés au début du mois de mars 2016. Les locaux dépendant de l'immeuble neuf ont été loués à usage professionnel à compter du 1er avril 2017.

Par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour adopte, il convient de confirmer le jugement entrepris contenant une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en rejetant cette demande en se référant aux constatations de l'expert et de l'huissier qui ne font pas apparaître une impossibilité d'engager les travaux de second oeuvre en raison des désordres et non conformités constatées, spécialement au regard de l'état des parkings et à la réalisation de l'essentiel du gros-oeuvre permettant la poursuite du projet.

7. La Sci Les Tulipiers a aussi demandé l'indemnisation du préjudice locatif à hauteur de la somme de 7 926,83 euros en raison des travaux de reprise dont la réalisation rendra l'immeuble inhabitable pendant quatre semaines, justifiant la suspension du loyer durant cette période. Elle a contesté sur ce point l'évaluation de l'expert qui a chiffré à 30 % du montant total des loyers perçus sur un mois au titre du préjudice de jouissance (1 945,79 euros).

En retenant qu'il est uniquement établi que la reprise des désordres dont la Sarl Les Maisons de Mondran se trouve à l'origine occasionnera des difficultés d'accès aux logements mais qu'à aucun moment des coupures d'alimentation prolongées des réseaux seront indispensables, le tribunal a rejeté cette demande.

Cependant, le principe d'une perturbation de l'occupation des locaux est admis tant par l'expert que par le premier juge et ne peut que conduire à une indemnisation à hauteur de l'atteinte à la jouissance locative dont le bailleur doit répondre à l'égard des preneurs. La certitude des désagréments n'est pas discutable et leur portée doit être appréciée au regard de la destination des immeubles dont une grande partie est occupée par un centre médical dont l'accessibilité et l'alimentation en électricité et en eau constituent des élements de jouissance particulièrement importants.

L'analyse de l'expert n'est pas utilement contredite quant aux conséquences dommageables pour l'occupation paisible des lieux loués et il convient de retenir le taux de décote du loyer susceptible d'être consentie aux preneurs durant la période des travaux de reprise soit 30 % en l'appliquant à un loyer dont il convient effectivement d'actualiser le montant au jour du présent arrêt soit 7 926,83 euros et de fixer ce poste de préjudice à la somme de 2 378,04 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.

8. Sur la résistance abusive, le jugement ayant écarté la demande de condamnation à des dommages et intérêts formée par la Sci Les Tulipiers sera confirmée en l'absence de démonstration d'un manquement de la Sarl Les Maisons de Mondran dans l'exercice de son droit de se défendre en justice en première instance. Il en est de même en appel.

Une telle demande en condamnation au titre d'une résistance abusive en appel sera rejetée.

9. Sur l'apurement des comptes entre les parties, le tribunal a jugé sur la base des éléments de l'expertise que le maître de l'ouvrage devait à la Sarl Les Maisons de Mondran un solde restant à régler de 21 776,30 euros après avoir déduit des factures recensées par l'expert le montant de l'application d'un enduit monocouche finition grattée en rénovation de façades de l'ancien bâtiment et de ses clôture, déjà acquité, ainsi que le paiement d'une somme de 10000 euros versée par le gérant de la Sci Les Tulipiers ainsi que l'a finalement reconnu celui de la Sarl Les Maisons de Mondran dans le cadre d'une confrontation organisée durant la garde à vue du premier à la suite d'une plainte pour faux déposée par le second.

La Sarl Les Maisons de Mondran maintient toujours sa demande ne prenant pas en compte, sans d'ailleurs s'en expliquer dans ses conclusions en appel, l'aveu de l'encaissement de la somme de 10 000 euros.

Le jugement sera confirmé sur ce point comme sur la compensation opérée.

Compte tenu du montant total de la réparation finalement retenue (52 424,48 euros + 35 832,48 euros + 2 378,04 euros = 90 635 euros), la somme devant être mise à la charge de la Sarl Les Maisons de Mondran après compensation est de 68 858,70 euros.

10. La Sarl Les Maisons de Mondrian, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel, la décision entreprise étant confirmée sur les dépens mis à la charge de cette même partie.

11. La Sci Les Tulipiers est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure d'appel. La Sarl Les Maisons de Mondrian sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sarl Les Maisons de Mondrian, tenue aux dépens, ne peut solliciter le paiement à son profit d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 24 juin 2020 en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la demande d'indemnisation du trouble locatif durant la période de reprise des travaux et fixé le montant de l'indemnité due par la Sarl Les Maisons de Mondrian après compensation.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la Sarl Les Maisons de Mondran est redevable auprès de la Sci Les Tulipiers d'un montant de 2 378,04 euros au titre du trouble locatif lié aux travaux de reprise.

Condamne Sarl Les Maisons de Mondran à payer la Sci Les Tulipiers, après compensation des créances réciproques, la somme de (soixante huit mille huit cent cinquante huit euros et soixante dix centimes (68 858,70 €).

Dit que les sommes dues au titre des travaux de reprise et de réfection consécutive de la voirie seront actualisées au jour de la présente décision en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 entre la date du rapport de l'expert, le 28 février 2018 et celle du présent jugement.

Déboute la Sci Les Tulipiers de sa demande d'indemnisation présentée au titre de la résistance abusive en appel.

Condamne la Sarl Les Maisons de Mondrian aux dépens de l'instance d'appel.

Condamne la Sarl Les Maisons de Mondran à payer la Sci Les Tulipiers la somme de cinq mille euros (5 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la Sarl Les Maisons de Mondran de sa propre demande à ce titre.

Le Greffier, Le Président,

R. CHRISTINE M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/02046
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;20.02046 ?
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