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22/11/2022 | FRANCE | N°19/05098

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 22 novembre 2022, 19/05098


22/11/2022





ARRÊT N°



N° RG 19/05098

N° Portalis DBVI-V-B7D-NKHY

CR / RC



Décision déférée du 13 mars 2014

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Angoulème RG 12/02251

Mme. GAUTHIER-BERNARD













[T] [C] [K]





C/



[S], [Z] [W] [A]

[G] [Y] veuve [A]

[J] [L] [A]

[B] [A]

[X] [A] épouse [P]


























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CONFIRMATION







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [T] [C] [K]

[Adresse 10]

[L...

22/11/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/05098

N° Portalis DBVI-V-B7D-NKHY

CR / RC

Décision déférée du 13 mars 2014

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Angoulème RG 12/02251

Mme. GAUTHIER-BERNARD

[T] [C] [K]

C/

[S], [Z] [W] [A]

[G] [Y] veuve [A]

[J] [L] [A]

[B] [A]

[X] [A] épouse [P]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [T] [C] [K]

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Sylvaine BOUSSUARD- LE CREN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame [S], [Z] [A]

Agissant ès qualités d'héritière de Monsieur [M] [A]

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [G] [Y] veuve [A]

Agissant ès qualités d'héritière de Monsieur [M] [A]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [J] [A]

Agissant ès qualités d'héritier de Monsieur [M] [A]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [B] [A]

Agissant ès qualités d'héritière de Monsieur [M] [A]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [X] [A] épouse [P]

Agissant ès qualités d'héritière de Monsieur [M] [A]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant C. ROUGER et A.M R, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier de chambre.

******

EXPOSÉ DU LITIGE ET PROCÉDURE

Courant avril 1998, par l'intermédiaire de M. [M] [A], courtier d'assurances, M. [T]-[C] [K] a souscrit deux contrats d'assurances multirisques à effet du 20 avril 1998 auprès de la Mutuelle de Poitiers Assurances, un contrat habitation destiné à couvrir une habitation de 16 pièces principales, en l'espèce un château dit de [Localité 11], non classé, de 725 m2 de surface développée, avec dépendances d'une surface au sol de 50 m2, et un contrat Multigarantie agricole couvrant des bâtiments d'exploitation, biens situés commune de [Localité 11].

En vertu d'une donation-partage du 24 octobre 1994 M. [T]-[C] [K] était nu-propriétaire desdits biens immobiliers sous l'usufruit de ses père et mère.

Suite à la tempête survenue les 27 et 28 décembre 1999, M. [K] a déclaré auprès de l'assureur un sinistre tempête le 31 décembre 1999 en raison des dommages causés aux biens assurés.

La compagnie d'assurances ayant refusé de payer la totalité de la somme réclamée en invoquant la prescription biennale prévue par le code des assurances, M. [K] a saisi le tribunal de grande instance d'Angoulême afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par arrêt du 9 décembre 2009 la cour d'appel de Bordeaux a confirmé partiellement un jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême le 18 octobre 2007 ayant déclaré irrecevables comme prescrites à l'égard de l'assureur les demandes d'indemnisation de M.[K] relatives tant à la maison d'habitation qu'aux bâtiments d'exploitation, l'infirmant uniquement ce qu'il avait déclaré prescrite l'action relative à la réparation des dommages occasionnés par la tempête à la maison d'habitation, la cour, statuant à nouveau sur ce point, déclarant cette action non prescrite et recevable, et ordonnant avant dire droit une expertise pour l'évaluation du préjudice de ce chef.

Par arrêt en date du 8 juin 2011, la cour d'appel de Bordeaux a notamment, au vu du rapport d'expertise judiciaire de M.[U] :

- déclaré irrecevable la demande de M.[K] en paiement de la somme de 15.941,96 € formulée au titre des travaux de réparation des bâtiments d'exploitation agricole au vu de la chose jugée par l'arrêt du 9 décembre 2009

- déclaré irrecevable la demande de M.[K] formulée au titre de la privation de jouissance de la maison d'habitation, retenant qu'il était nu-propriétaire de l'immeuble assuré, l'usufruit étant réservé à ses parents et qu'il n'avait aucune qualité pour réclamer un quelconque préjudice de jouissance

- condamné la Mutuelle de Poitiers, à payer à M. [K] la somme de 219.358,92 euros au titre des travaux de réparation de la maison d'habitation, correspondant à la valeur d'usage, vétusté déduite estimée à 50 % compte tenu de l'état des locaux avant tempête et d'une absence totale d'entretien, en l'absence de la souscription de l'option « valeur à neuf »

- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par M.[K] à l'encontre de la Mutuelle de Poitiers pour résistance abusive et manquement à son devoir de conseil et à son obligation de loyauté

Par acte d'huissier en date du 16 février 2012, M. [K] a fait assigner M. [M] [A], courtier, devant le tribunal de grande instance d'Angoulème en déclaration de responsabilité pour manquement à son devoir d'information et de conseil, sollicitant le paiement de la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre d'une perte de chance.

Par jugement contradictoire du 13 mars 2014, cette juridiction l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer à M. [A] une indemnité de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge, rappelant que le questionnaire rempli par le courtier en tant que mandataire de l'assuré se bornant à reprendre les déclarations de ce dernier, pouvait engager la responsabilité du courtier pour manquement au devoir de conseil, a retenu qu'en l'espèce, M. [K] avait déclaré au courtier agir en qualité de propriétaire et occupant selon les items proposés par le questionnaire, incomplet ou imprécis sur ce point (propriétaire-occupant-locataire-non occupant) et qu'il appartenait au candidat à l'assurance d'informer M.[A] de ce qu'il était en réalité nu-propriétaire des biens à garantir, le courtier ne pouvant le deviner alors que le demandeur à l'assurance ne pouvait l'ignorer pour avoir bénéficié devant notaire d'une donation-partage du 24 octobre 1994 ; que si effectivement le questionnaire pouvait être qualifié de trop imprécis, cette absence de qualité du questionnaire proposé par l'assureur n'était pas imputable au courtier alors qu'au demeurant le questionnaire au titre des clauses retenues par le sociétaire proposait trois options « usufruitier et nu-propriétaire agissant ensemble », « usufruitier agissant seul », « nu-propriétaire agissant seul », M. [K] s'étant abstenu de cocher au moins l'une d'entre elles ; que de surcroît à la réception par courrier des contrats d'assurance le 21 avril 1998 envoyés pour signature et faisant mention de la qualité de propriétaire occupant, M. [K] n'avait pas réagi alors qu'en relisant les documents avant signature il aurait dû réaliser que sa déclaration ne correspondait pas à sa situation juridique.

S'agissant de l'absence de garantie « valeur à neuf », le premier juge, reprenant la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux intervenu dans la procédure ayant opposé M. [K] à l'assureur, a retenu qu'au regard de l'article 45 des conditions générales des deux contrats, les bâtiments étaient estimés d'après leur valeur d'usage, au prix de reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite, et que le contrat concernant la maison d'habitation ajoutant « sauf option valeur à neuf article 30 », M. [K] ne démontrait pas avoir souscrit cette option ; que le devoir d'information et de conseil du courtier devait intervenir uniquement si les informations mises à disposition par l'assureur étaient insuffisantes en elles-mêmes, ce qui s'entendait de clauses contractuelles obscures ou imprécises, et que tel n'était pas le cas en l'espèce.

Il a déduit du tout qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre du courtier.

M. [K] a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 30 avril 2014.

Par arrêt contradictoire du 20 novembre 2015, la cour d'appel de Bordeaux a :

- déclaré irrecevables les conclusions de M. [K] en date du 14 septembre 2015,

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamné M. [K] à payer à M. [A] la somme de 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de la première instance,

- rejeté toute autre demande,

- condamné M. [K] aux dépens de la présente instance.

M. [K] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Rejetant la 4° branche du moyen qui tendait à contester la motivation de l'arrêt objet du pourvoi s'agissant de la non souscription de la valeur à neuf par laquelle la cour avait écarté tout manquement du courtier à l'obligation d'éclairer le souscripteur sur l'adéquation des garanties souscrites, par arrêt du 22 novembre 2017, la première chambre civile de la Cour de cassation a néanmoins cassé cette décision dans toutes ses dispositions au visa de l'article 4 du code de procédure civile, reprochant à la cour d'avoir retenu que "le courtier n'avait commis aucune faute en mentionnant inexactement dans le formulaire de déclaration du risque la double qualité de propriétaire et occupant du souscripteur dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il a rempli ce document sur la foi des déclarations de ce dernier dont il ne pouvait deviner l'inexactitude", alors que dans ses conclusions d'appel le souscripteur contestait être l'auteur des déclarations erronées portées sur le formulaire de déclaration du risque, soutenant que le courtier l'avait complété de sa main, à sa seule initiative, et dans un échange de demande d'informations préalables, de sorte que la juridiction d'appel avait méconnu l'objet du litige. Elle a désigné la cour d'appel de Toulouse comme cour de renvoi.

-:-:-:-:-

M. [K] a saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration en date du 22 novembre 2019.

M.[M] [A] s'étant avéré décédé depuis le 5 novembre 2016, sur incident, par ordonnance du 27 juillet 2020, le président de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée a :

- constaté l'interruption de l'instance,

- demandé à M. Le Procureur Général de bien vouloir recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d'instance et notamment la dévolution successorale de M. [M] [A] qui était domicilié [Adresse 2] [Localité 5],

- dit que les dépens de l'incident seront joints à ceux de l'instance au fond.

Suite aux informations communiquées par M. le Procureur général le 22 septembre 2020, par actes d'huissier du 30 novembre 2020 M.[T]-[C] [K] a attrait en intervention forcée en leur qualité d'héritiers de [M] [A], Mme [G] [Y] veuve [A], M. [J] [A], Melle [B] [A], Mme [X] [A] épouse [P], et Melle [S] [Z] [A], lesquels ont constitué avocat le 8 décembre 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 18 février 2022, M. [T]-[C] [K], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1135, 1147, 1149, 1151 du code civil, ainsi que les articles L.112-2 et suivants du code des assurances, chacun pris dans leur version en vigueur à la date de la souscription des contrats d'assurance litigieux, de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 13 mars 2014,

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [G] [Y] veuve [A], M. [J] [A], Mme [B] [A], Mme [X] [A] épouse [P], Mme [S] [A], pris ensemble ès-qualités d'héritiers de M. [M] [A], de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner Mme [G] [Y] veuve [A], M. [J] [A], Mme [B] [A], Mme [X] [A] épouse [P], Mme [S] [A], pris ensemble ès-qualités d'héritiers de M. [M] [A], à réparer le dommage qui lui a été causé par l'incompétence et la négligence de leur auteur, en contradiction avec les obligations légales ou réglementaires faites aux courtiers d'assurance,

- condamner; en conséquence, Mme [G] [Y] veuve [A], M. [J] [A], Mme [B] [A], Mme [X] [A] épouse [P], Mme [S] [A], pris ensemble ès-qualité d'héritiers de M. [M] [A], au titre de la responsabilité civile professionnelle de ce dernier, à lui payer la somme de 200.000 euros égale à la perte de chance subie par lui, en sa qualité d'assuré, condamnation assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 16 octobre 2012, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière au moins,

- les condamner en outre au versement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M.[K] reproche au courtier d'assurance de ne pas s'être montré particulièrement minutieux et vigilant au moment de la souscription du contrat d'assurance en lui suggérant d'opter pour la formule la plus complète possible à l'effet de le prémunir de toute mauvaise surprise en cas de sinistre et de ne pas avoir veillé à l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle.

Il reproche au courtier d'assurance de ne pas avoir précisément renseigné l'assureur sur sa situation juridique exacte au regard du bien à assurer, sachant qu'il en était simplement nu-propriétaire, alors que ce bien abritait sa résidence principale et qu'il devait donc être normalement couvert du préjudice de jouissance qu'il pourrait subir en cas de sinistre. Il soutient que le questionnaire ayant servi de base à l'établissement du contrat, non signé, a été complété à la seule initiative du courtier et de sa main, sans aucun échange d'informations ou demande d'informations, M.[A] s'étant selon lui contenté « d'inventer le détail des situations de fait » ; qu'en toute hypothèse, tenu à une mission centrale de conseil, le courtier devait interroger le client sur les réponses à fournir et qu'en sa qualité de professionnel il était le seul à pouvoir réagir en cas d'ambiguïté ou d'impropriété des questions ou des réponses apportées afin de prémunir l'assuré contre les risques divers pouvant naître en cas de sinistre de telles ambiguïtés ou impropriétés, au besoin en se référant au titre de propriété ou en interrogeant l'assureur de manière à pouvoir apprécier la situation du futur assuré, le devoir d'information et de conseil imposant au courtier d'intervenir si les informations mises à disposition par l'assureur sont insuffisantes en elles-mêmes, obscures ou imprécises. Il soutient qu'en tant que profane, il pouvait légitimement ignorer l'importance des mentions portées dans les conditions particulières soumises à sa signature sur lesquelles il n'avait reçu aucune précision de son conseil et que c'était au courtier de l'interroger sur les qualifications, l'existence éventuelle d'un bail, et à défaut de bail, la charge de l'entretien et du gros entretien de l'immeuble, de manière à évaluer les risques et les primes à réclamer, lui-même, apiculteur totalement étranger au domaine de l'assurance, ne connaissant pas la différence entre un nu-propriétaire et un propriétaire.

Au regard de la particularité du bien à assurer, à savoir un château ancien, partiellement vétuste, comprenant 16 pièces principales représentant une surface habitable de 725 m² dont la construction remontait à plus d'un siècle et qui présentait des caractéristiques architecturales remarquables, notamment une imposante toiture en ardoise représentant un coût particulièrement onéreux en cas de sinistre, il reproche au courtier de ne pas lui avoir proposé une garantie suffisante et adaptée, de ne pas l'avoir alerté sur l'absence de garantie « valeur à neuf », de ne rien lui avoir expliqué quant au texte des conditions générales et de ne pas lui avoir présenté les avantages susceptibles de résulter en cas de sinistre de la souscription de l'option valeur à neuf, soutenant que pour sa part il était persuadé que l'immeuble était garanti pour la totalité de sa valeur estimée par la société d'assurance, contre tous dommages, notamment ceux résultant des catastrophes naturelles, et qu'il n'avait aucun intérêt à une couverture partielle. Il relève enfin que tous les écrits soumis à sa signature étaient d'ores et déjà signés par la compagnie, ce qui rendait toute discussion impossible quant au texte qui n'avait jamais été élaboré avec lui.

Il estime avoir subi un préjudice résultant des fautes du courtier en ce qu'il a perçu une indemnisation moindre que celle à laquelle il aurait pu prétendre s'il avait été correctement conseillé, invoquant une perte de chance dont il chiffre l'indemnisation à 200.000 €.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 22 février 2022, Mme [S] [A], Mme [G] [Y] veuve [A], M. [J] [A], Mme [B] [A], Mme [X] [A] épouse [P], pris ès qualités d'héritières et héritiers de M. [M] [A], intimés, demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de :

- confirmer le jugement du 13 mars 2014 en ce qu'il a conclu à l'absence de responsabilité de M. [A],

En conséquence,

- juger que M. [A] n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité vis-à-vis de M. [K],

- juger que le préjudice invoqué par M. [K] n'est ni justifié ni dans un lien de causalité avec les fautes invoquées,

- débouter purement et simplement M. [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [K] aux dépens de première instance et d'appel, et à leur verser 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Relevant que M.[A] n'est pas le rédacteur de la police établie par La Mutuelle de Poitiers et que les termes et conditions du contrat ont déjà été examinés par la cour d'appel de Bordeaux dans le cadre du litige ayant concerné l'assureur, estimant que l'assuré ne pourrait faire juger une seconde fois les mêmes faits, ils contestent toute faute de M.[A].

Ils soutiennent que M.[A] a rempli le questionnaire de sa main suite aux réponses de M.[K] à ses questions, que M.[K] n'a alerté ni le courtier ni l'assureur sur sa seule qualité de nu-propriétaire, et que le courtier, tenu d'une obligation d'information et de conseil reposant sur les éléments d'information communiqués par le souscripteur éventuel, n'a pas à se livrer à des investigations pour découvrir des données cachées volontairement ou non, n'étant tenu d'aucune obligation d'investigation ou de vérification des informations communiquées par le souscripteur.

Ils relèvent qu'au surplus, quand bien même M.[K] aurait correctement déclaré à l'assureur être nu-propriétaire, il n'aurait pas pu souscrire d'assurance le garantissant au titre d'une privation de jouissance en cas de sinistre, n'ayant au demeurant pas qualité pour agir sur ce poste de préjudice ainsi que retenu par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 8 juin 2011.

Au regard des conditions générales jointes aux conditions particulières, opposables à l'appelant, ils estiment que le courtier n'a pas manqué à son devoir de conseil dans la mesure où la police d'assurance indiquait clairement l'absence d'une garantie « valeur à neuf » et soutiennent que M.[K] n'établit pas que correctement informé et conseillé il aurait pu ou souhaité agir autrement ni qu'il existait de meilleures solutions que celle proposée.

Contestant l'existence même du préjudice invoqué, ils soutiennent l'absence de tout lien de causalité entre le préjudice invoqué et la faute reprochée à M.[A], rappelant que la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mars 2022.

SUR CE, LA COUR :

Les fautes imputées au courtier en l'espèce sont contemporaines de la souscription des polices en 1998. Elles relèvent donc du régime juridique applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 transposant la directive n°2002/92 du 9 décembre 2002 qui a défini l'étendue de l'obligation d'investigation pré-contractuelle du courtier aux termes de l'article L 520-1 II 2° du code des assurances. Les manquements invoqués relèvent donc du devoir général d'information et de conseil inspiré, antérieurement à la réforme, des règles du mandat, imposant d'une part la recherche et la transmission des renseignements nécessaires à l'appréciation du risque par l'assureur, d'autre part l'obligation de conseiller une police adaptée aux besoins du preneur d'assurance.

A ces titres, l'intermédiaire d'assurance doit transmettre à l'assureur les renseignements nécessaires à l'appréciation du risque avec diligence et en temps utile, sans avoir à vérifier leur exactitude. Il répond envers le preneur d'assurance des conséquences dommageables de l'inexactitude des renseignements déclarés s'il disposait d'éléments connus de lui dont il ne pouvait ignorer l'utilité pour l'appréciation du risque.

Commerçant indépendant et professionnel de l'assurance, le courtier est en outre redevable à l'égard de son client d'une obligation de conseil et d'exacte information.

Le preneur d'assurance doit lui-même fournir au courtier les indications sur les garanties qu'il souhaite souscrire. Il n'est pas dispensé de lire attentivement la police avant de la signer, mais il est créancier de prestations d'information et de conseil pré-contractuelles destinées à optimiser ses chances de souscrire une police adaptée à son besoin d'assurance recouvrant :

- la fourniture de tous les éléments objectifs de choix d'une couverture appropriée à son risque,

- la délivrance d'un conseil opportun sur l'adaptation de la garantie aux risques présentés, l'obligeant notamment à attirer l'attention du candidat à l'assurance sur les absences, limitations ou exclusions de garantie de la police qui touchent à des risques prévisibles encourus par l'assuré.

La preuve de l'exécution de l'obligation d'information et de conseil incombe au courtier.

Sur la qualité de nu-propriétaire de M. [K] au moment de la souscription du contrat, situation dont il est acquis qu'elle n'a pas été portée à la connaissance de l'assureur lors de la souscription du contrat d'assurance habitation, à supposer que cette absence de précision puisse être imputée au courtier, il ne peut qu'être constaté, ainsi que le soutiennent les intimés, que quand bien même M.[K] aurait correctement déclaré à l'assureur être nu-propriétaire, il n'aurait pas pu souscrire d'assurance au titre du contrat proposé par La Mutuelle de Poitiers de nature à le garantir d'une privation de jouissance en cas de sinistre.

En effet, selon l'article 32 des conditions générales de la police produites au débat par les intimés relatif à la privation de jouissance pour l'occupant, conditions générales mentionnées sur les conditions particulières-Adhésion comme jointes auxdites conditions particulières que M.[K] ne conteste pas avoir retournées signées à l'assureur pour la mise en 'uvre effective du contrat d'assurance à compter du 20 avril 1998, au titre de la privation de jouissance pour l'occupant est mentionné comme garanti le préjudice résultant de l'impossibilité pour l'assuré d'utiliser temporairement, à la suite d'un sinistre garanti, tout ou partie des locaux dont il a la jouissance au jour du sinistre. Or, par arrêt du 8 juin 2011, définitif, la cour d'appel de Bordeaux a déclaré M.[K] irrecevable à agir à l'encontre de l'assureur La Mutuelle de Poitiers en garantie d'un préjudice de jouissance dès lors qu'il était nu-propriétaire, l'usufruit étant réservé à ses parents, lesquels avaient seuls qualités pour agir afin de réclamer les sommes éventuellement dues au titre de la privation de jouissance subie. M. [K] n'a par ailleurs jamais prétendu être lui-même locataire de ses parents ou bénéficier d'un titre d'occupation lui conférant un droit de jouissance sur les biens assurés en lieu et place des usufruitiers.

Il en résulte que l'absence de garantie du préjudice de jouissance invoqué par M.[K] suite au sinistre tempête des 27 et 28 décembre 1999 ne résulte pas d'un manquement aux obligations d'information et de conseil telles qu'alléguées à l'encontre du courtier quant à la vérification et la précision de sa qualité de nu-propriétaire lors de la souscription du contrat d'assurance, mais précisément de la qualité de nu-propriétaire de M.[K] et d'usufruitiers de ses parents. L'absence de garantie par La Mutuelle de Poitiers à ce titre aurait donc été identique si la qualité de nu-propriétaire de M.[K] avait été effectivement déclarée lors de la souscription du contrat, étant acquis que l'assureur n'a jamais revendiqué la nullité du contrat pour fausse déclaration. En conséquence, aucune perte de chance de garantie du fait du courtier ne peut être invoquée à ce titre.

S'agissant du reproche fait par M.[K] au courtier de ne pas avoir attiré son attention sur le fait que la police d'assurance ne garantissait pas la valeur à neuf, il convient de relever que l'article 45 des conditions générales de la police d'assurance jointes aux conditions particulières lesquelles, signées par le souscripteur, s'y réfèrent pour constituer l'ensemble du contrat, stipule clairement le plafonnement de l'indemnité au prix de la reconstruction au jour du sinistre, vétusté déduite, sauf souscription de l'option « valeur à neuf » prévue au titre des garanties complémentaires à l'article 30 des mêmes conditions générales. Ledit article 30, auquel renvoie l'article 45, précise que seuls les dommages d'incendie-explosion-électricité (article 1), dégâts des eaux (article 2), chute d'appareils de navigation aérienne (article 11) et choc de véhicule (article 12) sont indemnisés en valeur à neuf. L'article 4 des mêmes conditions générales relatif aux garanties inhérentes au risque tempête-ouragan-avalanche-grêle et poids de la neige sur les toitures, applicable au sinistre tempête tel que déclaré par M. [K] le 31 décembre 1999, exclut quant à lui de la garantie, même s'ils sont couverts au titre de l'assurance incendie, les dommages résultant d'un défaut d'entretien ou de réparations indispensables incombant à l'assuré tant avant qu'après sinistre, et exclut la garantie valeur à neuf. Enfin, la garantie catastrophes naturelles prévue à l'article 41bis s'applique dans les limites et conditions prévues au contrat lors de la première manifestation du risque. L'indemnisation des effets d'une catastrophe naturelle était donc soumise aux conditions stipulées dans le contrat socle.

Ainsi, à la simple lecture de la police comportant des stipulations claires et complètes, le souscripteur était en mesure de connaître les conditions précises du contrat, type de sinistre par type de sinistre garanti, et le courtier n'avait pas à attirer son attention sur le fait qu'il ne pouvait prétendre à la garantie « valeur à neuf », ainsi que le soutiennent les intimés, une telle option ne pouvant en toute hypothèse pas être souscrite pour un sinistre tempête, même reconnu catastrophe naturelle, de sorte qu'aucun manquement de nature à avoir généré un préjudice par perte de chance de garantie en valeur à neuf ne peut être reproché au courtier.

En conséquence, le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême le 13 mars 2014 doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en appel M. [K] supportera les dépens d'appel, en ceux compris les dépens inhérents à l'arrêt cassé, et se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant sur renvoi de cassation,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême le 13 mars 2014 en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Condamne M.[T]-[C] [K] aux dépens d'appel, en ceux compris les dépens inhérents à l'arrêt cassé

Condamne M.[T]-[C] [K] à payer à Mmes [G] [Y] veuve [A], [B] [A], [X] [A] épouse [P], [S] [A] et M. [J] [A], pris ensemble en leur qualité d'héritiers de [M] [A], une indemnité de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Déboute M.[T]-[C] [K] de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE C. ROUGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/05098
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.05098 ?
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