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22/11/2022 | FRANCE | N°19/03433

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 22 novembre 2022, 19/03433


22/11/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/03433

N° Portalis DBVI-V-B7D-NDLR

AMR / RC



Décision déférée du 18 Juin 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI

17/00898

M. ALZINGRE

















LA MAIF







C/



[F] [M]

[J] [M]

[W] [M]

[D] [U]








































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***







APPELANTE



LA MAIF

Mutuelle Assurance Instituteur France inscrite SIREN sous le numéro 775 709 ...

22/11/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/03433

N° Portalis DBVI-V-B7D-NDLR

AMR / RC

Décision déférée du 18 Juin 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI

17/00898

M. ALZINGRE

LA MAIF

C/

[F] [M]

[J] [M]

[W] [M]

[D] [U]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

LA MAIF

Mutuelle Assurance Instituteur France inscrite SIREN sous le numéro 775 709 702

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES

INTIMES

Madame [F] [M]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [J] [M]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [W] [M]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [D] [U]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Alain COMBAREL de la SCP R.F. RASTOUL-S. FONTANIER-A. COMBAREL, avocat au barreau D'ALBI

Représenté par Me Paul HERMANN de la SCP HERMAN & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 07 Février 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier de chambre.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 27 juillet 2011, Mme [H] [B] a acheté à M. [D] [U] une maison d'habitation à [Localité 11].

M. [U] avait souscrit un contrat d'assurance habitation multirisque habitation auprès de la Maif.

Un constat d'huissier du 21 octobre 2011 et un rapport d'expertise rendu le 8 novembre 2011 font état de nombreuses fissures sur l'immeuble.

Un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sur la commune de [Localité 11] a été publié le 22 juillet 2011 pour mouvement de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet au 30 septembre 2010.

La Maif, assureur de M. [U], a opposé un refus de garantie.

Mme [B] est décédée le 10 mai 2013, laissant pour héritières Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M].

Par ordonnance du 7 mars 2014, le juge des référés a fait droit à la demande de Mmes [M] en ordonnant une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [G].

Par ordonnance du 8 avril 2016, le juge des référés a déclaré communes et opposables à M. [U] les opérations d'expertise.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 18 novembre 2016.

Par exploit d'huissier du 18 mai 2017, Mmes [M] ont assigné devant le tribunal de grande instance d'Albi l'assureur et le vendeur aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire rendu le 18 juin 2019, le tribunal de grande instance d'Albi a :

- déclaré l'action aux fins de garantie des vices cachés recevable car non prescrite,

- condamné in solidum la société Maif et M. [D] [U] à payer à Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M] les sommes de 109 008,63 € pour la remise en état de l'immeuble, 48 000 € au titre de la perte de revenus locatifs et 7 000 € au titre du coût du déménagement et du stockage en garde meuble des meubles meublants,

- condamné in solidum la société Maif et M. [U] à payer à Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M] la somme de 3 000 € chacune au titre du préjudice moral,

- condamné la Maif à payer à M. [U] la somme de 7 500 € à titre de dommages-intérêts,

- condamné in solidum la société Maif et M. [U] à payer à Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M] la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Maif et M. [U] aux entiers dépens, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire et les dépens des ordonnances de référés des 7 mars 2014 et 8 avril 2016,

- rejeté le surplus des moyens, fins et prétentions.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré qu'au regard des constatations et conclusions de l'expert judiciaire ce n'était qu'à l'issue des opérations d'expertise, soit le 18 novembre 2016, que l'historique des troubles avait été au final reconstitué et que le vice dans toute son ampleur et ses conséquences avait été connu par Mmes [M].

Il a repris les conclusions de l'expert indiquant : «les désordres qui se sont manifestés Iorsque M. [U] était propriétaire n'ont pas été correctement réparés (pas de traitement des semelles de fondation ni du dallage, pas de traitement de l'environnement) et Ies embellissements réalisés en suivant par M. [U] ont fait que les désordres n'étaient pas visibles Iors de la vente à Mmes [M] l'année suivante. »

Il a considéré ainsi que M. [D] [U] ne pouvait invoquer sa bonne foi pour se dégager de l'action menée à son égard, que tout au contraire sa connaissance du vice et son omission volontaire de le signaler dans un document où il attestait n'avoir procédé à aucune réparation sur Ie bien vendu suffisaient à écarter la clause exonératoire figurant à l'acte de vente et à faire droit à l'action en paiement dommages et intérêts conformément aux dispositions de I'article 1645 du Code civil.

Il a retenu que l'ensemble des désordres était dû aux différentes sécheresses, reconnues ou non par l'administration et ayant affecté la villa depuis au moins 2003.

Rappelant qu'en application de l'article L 125-1 du code des assurances il n'appartient pas aux propriétaires de I'immeuble de prouver que Ies désordres sont apparus pendant la période visée dans l'arrêté mais qu'il suffit d'établir que Ies désordres sont consécutifs au phénomène de sécheresse visé par I'arrêté, il a estimé que la sécheresse qui avait sévi dès 2003 et qui s'était manifestée en 2006, fragilisant la structure du bâti, constituait l'élément déterminant de I'ensemble des désordres, y compris ceux de 2011, qui étaient au final Ies effets de catastrophes naturelles successives durant Ies 15 dernières années et qu'ainsi la garantie catastrophe naturelle était Iégitimement applicable.

Il a retenu la responsabilité délictuelle de la Maif qui, en tant que professionnel averti et rodé à ce type de procédure, aurait dû diligenter une expertise dès la deuxième déclaration de sinistre en 2009 et non pas attendre un nouvel épisode de sécheresse finalement intervenu en 2010 ; il a estimé que cette faute permettait d'écarter le moyen aux termes duquel I'assureur ne serait pas tenu des préjudices immatériels subis et que les consorts [M] étaient donc fondés à solliciter l'indemnisation de tous Ies préjudices subis, y compris ceux qui ne seraient pas garantis dans le cadre de l'assurance catastrophe naturelle.

Pour rejeter la demande de garantie de la Maif par M. [U], il a relevé que ce dernier aurait dû contester Ies deux refus de garantie notifiés par Ia Maif dans un délai de 2 ans, en application de I'article L114-1 du Code des assurances, et que s'agissant de la troisième déclaration de sinistre (2011), il était établi que la Maif avait eu recours à un expert et qu'ainsi elle avait respecté ses obligations contractuelles.

Il a retenu cependant que, dans la mesure où l'expert judiciaire avait relevé que l'absence de réparation en temps utile avait contribué à l'aggravation des désordres, la Maif avait engagé sa responsabilité contractuelle vis à vis de son assuré justifiant l'octroi de dommages et intérêts.

Par déclaration en date du 22 juillet 2019, la Maif a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions la concernant.

DEMANDE DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2020, la Maif, appelante, demande à la cour, au visa de l'article L. 125-1 du code des assurances, de :

- réformer le jugement dont appel,

- dire et juger que les désordres ne relèvent pas de la garantie catastrophe naturelle,

En conséquence,

- ordonner la mise hors de cause de la Maif,

A titre subsidiaire,

- débouter les consorts [M] de leurs demandes d'indemnisation au titre de la perte de revenus locatifs, des frais de déménagement, et de garde-meubles, des frais d'expert privé, du préjudice moral comme injustes et infondées,

En tout état de cause,

- ramener les demandes des consorts [M] à de plus justes proportions,

- dire et juger que les demandes de M. [U] à son encontre sont prescrites,

En conséquence,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 avril 2020, Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M], intimées et sur appel incident, demandent à la cour, au visa des articles L125-1 et L121-10 du code des assurances, des articles 1382, 1641 et suivants, 1109 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, à savoir en ce qu'il a :

* condamné in solidum la société Maif et M. [U] à payer à Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M] les sommes suivantes :

** 109 008,63 € pour la remise en état de l'immeuble,

** 48 000 € au titre de la perte de revenus locatifs,

** 7 000 € au titre du coût du déménagement et du stockage en garde meuble des meubles meublants,

* condamné in solidum la société Maif et M. [U] à payer à Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M] la somme de 3 000 € chacune au titre du préjudice moral,

* condamné la Maif à payer à M. [U] la somme de 7 500 € à titre de dommages-intérêts,

* condamné in solidum la société Maif et M. [U] à payer à Mme [F] [M], Mme [J] [M], et Mme [W] [M] la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Maif et M. [U] aux entiers dépens, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire et les dépens des ordonnances de référés des 7 mars 2014 et 8 avril 2016.

- actualiser les condamnations prononcées et en conséquence :

* indexer la condamnation au titre des travaux, à savoir 109 008,63 € sur l'indice BT01,

* fixer le préjudice de jouissance des lieux à 750 € par mois depuis décembre 2013 jusqu'à la décision définitive à intervenir,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a débouté de leur demande de condamnation de la Maif et de M. [U] aux frais de leur expert, et, en conséquence, les condamner in solidum au montant de la somme de 4 192,88 €,

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la Maif et de M. [U],

- condamner en outre la Maif et M. [U], in solidum :

* au paiement de la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* aux entiers dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Me Sorel.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 janvier 2020, M. [D] [U], intimé et sur appel incident, demande à la cour, au visa des articles L 125-1 du code des assurances, et 1109 ancien et suivants et 1641 et suivants du code civil, de :

A titre principal,

- débouter les consorts [M] et la Maif de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elle sont dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- condamner la Maif à le garantir de l'ensemble des condamnations éventuellement prononcées à son encontre,

- condamner la Maif à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses manquements à ses obligations contractuelles,

A titre infiniment subsidiaire,

- revoir dans de notables proportions les demandes indemnitaires présentées par les consorts [M],

En toutes hypothèses,

- condamner in solidum la Maif et les consorts [M] à lui payer la somme de 15 000 € à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes sous la même solidarité aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Combarel, avocat, sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 7 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - La garantie de la Maif

Les consorts [M] demandent la garantie de la Maif en faisant valoir que l'existence et l'ampleur des désordres actuels sont imputables à deux épisodes de sécheresse, 2003 et 2010, reconnus tous deux par arrêtés interministériels comme catastrophes naturelles et qui ont eu lieu alors que la Maif garantissait le bien.

La Maif soutient qu'elle ne doit pas sa garantie en faisant valoir que l'expertise judiciaire permet d'établir que les désordres sont apparus en 2006 et se sont aggravés en 2009, ces épisodes de sécheresse n'ayant pas fait l'objet d'une reconnaissance par arrêté interministériel, et qu'ainsi la cause déterminante des désordres n'est pas la période de sécheresse visée dans l'arrêté de catastrophe naturelle du 15 juillet 2011 qui vise la période du 1er juillet au 30 septembre 2010.

Aux termes de l'article L 125-1 du code des assurances : « les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'État et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l'objet de tels contrats. Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs «non assurables» ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. ».

Aux termes de l'article A. 125-1 du même code : «Les contrats d'assurance mentionnés à l'article L. 125-1 (premier alinéa) sont réputés comporter des clauses conformes à celles figurant à l'annexe I du présent article. (Annexe I) La garantie ne peut être mise en jeu qu'après publication au Journal officiel de la République française d'un arrêté interministériel ayant constaté l'état de catastrophe naturelle. L'assuré doit déclarer à l'assureur ou à son représentant local tout sinistre susceptible de faire jouer la garantie dès qu'il en a connaissance et au plus tard dans les dix jours suivant la publication de l'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle. ».

La commune de [Localité 11] a fait l'objet de quatre arrêtés de catastrophe naturelle concernant des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse, les 6 novembre 1992, 27 décembre 2000, 25 août 2004 (publié le 26 août 2004 portant sur la période du 1er juillet 2003 au 30 septembre 2003) et 15 juillet 2011 (publié le 22 juillet 2011 et portant sur la période du 1er juillet 2010 au 30 septembre 2010).

Les premiers désordres ont été constatés par M. [U] en septembre 2006.

L'expert judiciaire M. [G] a effectué les constatations suivantes :

«A l'extérieur, en façades, on observe une série de fissures (mur nord ouest, fenêtre, linteau) globalement peu marquées.

Les 'ssures sont surtout présentes et marquées à l'intérieur, en plafonds et en cloisons (couloir central, salon, chambres). Au plancher, on note une légère fissure en carrelage (salon). Enfin, en périphérie, on observe un vide sous plinthe dans le salon et les 2 chambres sud ouest. ».

Concernant la cause des désordres et leur imputabilité il conclut : «]e pense que la sévérité de la sécheresse 2003, reconnue par l'administration, avec la forte surconsolidation du sol conséquence du retrait subi, n'a pas permis à ce sol de retrouver totalement son état initial lors de sa réhumidi'cation durant l'année «normale» 2004 qui a suivi. Cette sécheresse 2003 a réorienté le réseau racinaire, notamment celui du mûrier proche, vers la maison (sous-sol non soumis à l'insolation et donc moins desséché).

Et ce sont finalement les sécheresses estivales 2005 et 2006, non reconnues Cat Nat par l'administration, qui ont sollicité une structure déjà affaiblie par la sécheresse 2003 et qui sont la cause du sinistre de 2006, M. [U] étant propriétaire.

Quant au sinistre découvert par Mme [B] [M] en 2011, il s'agit d'une reprise des désordres sécheresse de 2006, ceux-ci n'ayant pas été correctement réparés par M. [U] (pas de traitement des semelles de fondation ni du dallage, pas de traitement de l'environnement). Cette reprise est consécutive aux sécheresses 2010, reconnue par l'administration, et 2011. »

En page 53 de son rapport au paragraphe 3-1-14 « question no10 : informations utiles » il précise : « Il me semble utile d'attirer l'attention sur le fait qu'un épisode de sécheresse aggravée, dans un contexte d'argile sensible, n'implique pas forcément arrêté préfectoral reconnaissant l'état de catastrophe naturelle, arrêté ouvrant la voie à la solidarité nationale (indemnisation). Dans l'éclairage technique que je donne au premier chapitre, j'écris d'ailleurs, a ce sujet, au paragraphe 1.1.2. : «En fait, relèvent de ces arrêtés Cat Nat les seules communes dans lesquelles au moins un certain nombre d'administrés a fait part de dégâts de type sécheresse et où un dossier technique a été instruit puis validé par les autorités préfectorales ». Dans notre cas, nous sommes bien en présence d'un sinistre relatif à une succession de sécheresses aggravées mais l 'année où a été constaté le sinistre initial, à la base de cette affaire, n'a pas donné lieu à reconnaissance d'état de catastrophe naturelle pour la commune. »

Il ressort clairement des conclusions de l'expert mais aussi de la déclaration de sinistre faite par M. [U] en 2006 et du rapport du cabinet Soustelle établi le 5 octobre 2009 que les premières fissures sont apparues en septembre 2006 et ont pour cause déterminante l'épisode de sécheresse de l'été 2006 qui n'a pas donné lieu à un arrêté Catastrophe Naturelle pour la commune de [Localité 11] et qu'elles se sont aggravées en 2009 puis en 2011 lors des épisodes de sécheresse des étés 2009 et 2011.

Dès lors que les dommages matériels subis par la maison des consorts [M] de 2006 à 2011 ont pour cause l'épisode de sécheresse de l'été de 2006 qui n'a pas donné lieu à un arrêté Cat Nat, ils ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation par la Maif qui ne doit pas garantie, le jugement étant infirmé sur ce point.

2 - La garantie des vices cachés

La disposition du jugement entrepris ayant déclaré recevable comme non prescrite l'action aux fins de garantie des vices cachés exercé par les consorts [M] à l'encontre de M. [U] n'a fait l'objet ni de l'appel principal ni d'un appel incident. Elle ne relève dès lors pas de la saisine de la cour.

Les consorts [M] exercent à l'encontre de M. [U] l'action estimatoire sur le fondement des articles 1641 et 1645 du code civil en faisant valoir qu'ayant connaissance des vices avant la vente pour les avoir occultés de telle sorte qu'ils étaient cachés au jour de la vente, il ne peut bénéficier de la clause d'exonération de cette garantie stipulée à l'acte de vente.

M. [U] soutient que sa mauvaise foi ne peut se déduire de la connaissance qu'il avait des sinistres survenus avant la vente car il n'a pu ni appréhender leur origine ni mesurer Ieur gravité, et ce d'autant que la Maif lui a opposé des refus de garantie en considérant que les désordres ne pouvaient être reliés au phénomène de sécheresse et que le rapport Soustelle établi en 2009 les imputait à une rupture de canalisation.

L'acte authentique de vente signé le 27 juillet 2011 comprend une clause d'exclusion de garantie Iibellée en ces termes : «L'acquéreur, sauf à tenir compte de ce qui peut être indiqué par ailleurs, prendra Ie bien vendu dans l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison soit de l'état des constructions, de Ieurs vices même cachés, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires analysées le cas échéant cl-après (...) ».

Il résulte des constatations et conclusions de l'expertise judiciaire et du rapport Soustelle que M. [U] avait connaissance des désordres affectant l'immeuble avant la vente et s'est abstenu volontairement d'en informer l'acquéreuse.

En page 30 de son rapport M. [G] relate que lors de la réunion du 1er décembre 2015 il a été découvert un traitement de fissures sous le papier peint : présence d'un mortier dans les fissures de la cloison du couloir et de la chambre 1 ainsi que d'un rebouchage avec un calicot avant mise en place d'un papier peint sur le plafond du couloir.

Appelé en la cause, M. [U] a relaté à l'expert l'historique d'apparition des désordres et de déclarations de sinistres, mentionnant l'intervention du cabinet Soustelle et les travaux de couturage d'une fissure recouverte d'enduit en façade Sud de la maison en 2010 par l'entreprise Villa 2A ainsi que le « traitement » par ses soins des fissures intérieures.

Dans son rapport du 5 octobre 2009 le cabinet Soustelle préconisait de mettre en place des témoins dans un premier temps pour le suivi des fissures et en cas d'évolution de celles-ci de procéder à une étude du sol et de trouver un nouvel horizon fondable de la villa pour envisager une reprise en sous-oeuvre des fondations par la mise en place de micro-pieux. Le harpage des fissures par la mise en place d'agrafes n'était préconisé qu'en l'absence d'évolution des fissures.

Or, dans les faits, M. [U] a fait procéder au harpage de la fissure en façade en janvier 2010 puis aux travaux de peinture de la façade et traitement des fissures intérieures avant de mettre sa maison en vente en janvier 2011.

Il résulte de ces éléments que M. [U] avait connaissance de la gravité et de la nature des fissures qu'il a occultées avant la vente, les refus de garantie de la Maif, fondés sur l'absence d'arrêté Catastrophe Naturelle, étant sans incidence sur l'imputabilité de ces désordres aux phénomènes de sécheresse d'ailleurs évoqués en page 5 du rapport Soustelle.

Le fait que l'acte de vente mentionne que le bien est situé dans le périmètre d'un plan de prévention des risques ne dispensait pas M. [U] de son obligation d'informer l'acquéreur des désordres graves survenus avant la vente, étant précisé qu'il est stipulé à l'acte de vente que « le vendeur précise qu'aucune construction ou rénovation n'a été effectuée dans les dix dernières années ».

II s'en déduit, comme l'a relevé le premier juge, que M. [U] ne peut invoquer sa bonne foi pour se dégager de l'action menée à son encontre, que tout au contraire sa connaissance du vice et son omission volontaire de le signaler suffisent à écarter la clause exonératoire figurant à l'acte de vente et à faire droit à l'action estimatoire des consorts [M].

L'expert judiciaire a évalué le coût des travaux de remise en état à la somme de 109 008,63 € Ttc, somme non contestée par les parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à payer cette somme aux consorts [M]. Elle doit être assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement conformément aux dispositions de l'article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil et indexée sur l'indice Bt 01 du coût de la construction selon sa variation entre la date de dépôt du rapport d'expertise le 18 novembre 2016 et le 22 novembre 2022, date du présent arrêt.

L'expert a estimé que la location du bien en l'état était impossible et a évalué le préjudice de jouissance à la somme de 750 € par mois correspondant à la perte locative à compter du 13 décembre 2013, date de l'attestation dévolutive, jusqu'à l'issue des travaux qui s'effectueront en deux phases sur une durée totale de 14 mois. Il préconise de déduire les quatre mois durant lesquels la maison a été habitée par Mme [W] [M], soit 3 mois en 2014 et 1 mois en 2016.

Sur cette base le premier juge a retenu la somme de 48 000 € et les consorts [M] concluent à la confirmation du jugement et, à titre d'actualisation, à la condamnation de M. [U] à leur payer 750 € par mois depuis décembre 2013 jusqu'à la décision définitive à intervenir.

M. [U] fait valoir que ce poste de préjudice constitue une perte de chance qui ne peut être indemnisée qu'à hauteur d'une fraction des demandes présentées.

S'il existe un aléa inhérent à toute location, recherche d'un locataire, solvabilité de ce dernier, le préjudice de jouissance dont indemnisation est demandée par les consorts [M] est un préjudice consommé et non une perte de chance en ce qu'ils ont été privés, de décembre 2013 à novembre 2022, de la jouissance de leur maison à quelque titre que ce soit, ne pouvant ni la vendre, ni la louer.

Ce chef de préjudice, eu égard à la durée de la privation de jouissance, soit 104 mois après déduction des 4 mois d'occupation par Mme [W] [M], doit être évalué à la somme de 48 000 €, le jugement étant confirmé.

Les frais de déménagement des meubles meublant la maison auraient en tout état de cause dû être engagés par les consorts [M] en vue de la vente ou de la location de l'immeuble de sorte qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une indemnisation. Leur demande de ce chef doit être rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

Les désordres ainsi que le comportement déloyal de M. [U] ont entraîné des tracas divers induits par cette situation pour Mmes [M] qui seront suffisamment réparés par l'octroi d'une indemnité de 2.000 € à chacune, le jugement étant infirmé sur le quantum de la réparation.

Enfin les consorts [M] ont dû recourir aux services d'un expert M. [I] dont les conclusions leur ont permis notamment d'obtenir une mesure d'expertise judiciaire. Le coût de cette expertise, soit 4192,88 €, dépense destinée à assurer la sauvegarde des droits des demandeurs, relève des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et doit être pris en considération à ce titre dans la limite de la prétention formée à ce titre.

3 - La responsabilité délictuelle et contractuelle de la Maif

Les consorts [M] demandent l'indemnisation par la Maif de leurs préjudices immatériels et d'un préjudice moral en faisant valoir que la Maif a engagé sa responsabilité délictuelle à leur égard en raison de divers manquements dans l'exécution de ses obligations contractuelles de loyauté, d'information, de conseil et de diligence.

M. [U] demande à être relevé indemne par la Maif de toutes les condamnations mises à sa charge en invoquant des manquements de son assureur à ses obligation de loyauté, d'information et de conseil.

La Maif fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute en refusant sa garantie, que les consorts [M] ont saisi le juge des référés alors que l'expertise amiable était en cours et qu'elle n'avait aucune obligation de communiquer le rapport de son expert qui est un document interne.

Il appartient aux consorts [M] et à M. [U] de démontrer l'existence d'une faute et d'un préjudice en lien de causalité direct et certain.

M. [U] a constaté l'apparition de désordres sur sa maison en septembre 2006 et a fait une première déclaration de sinistre à la Maif le 25 septembre 2006 qui a fait l'objet d'un refus de l'assureur le 3 octobre suivant en l'absence d'arrêté de catastrophe naturelle.

Il a ensuite constaté l'aggravation des désordres en 2009 et a missionné le cabinet Soustelle qui a conclu le 5 octobre 2009 à un affaiblissement de la portance du sol suite à une rupture de canalisation pluviale non datée, la sécheresse étant une cause aggravante. Le cabinet Soustelle a sollicité la Maif pour une visite contradictoire des lieux par courrier du 22 octobre 2009, laquelle a opposé un refus le 10 novembre 2009 en indiquant :

« Parmi les éléments informatifs apportés dans le rapport joint j'ai noté :

1 - que votre maison, édifiée en l987 n'était plus sous garantie décennale depuis longtemps ce qui rendait inopérante toute action récursoire à l'encontre de son constructeur.

2 - que des 'ssures, déjà apparues courant l'été 2006 (cf votre déclaration de sinistre du 25/09/2006 qui avait généré, à l'époque, l'ouverture du présent dossier et la signification en date du 03/10/2006, d'un refus de garantie au motif de l'absence d'arrêté « CAT NAT SECHERESSE » paru pour la commune de [Localité 11] et visant cette période là), se seraient aggravées courant l'été 2009.

3 - que l'existence d'un lien de causalité éventuel avec la rupture, non datée, d'une canalisation d'évacuation d'une partie des EP recueillies sur la toiture de cette maison y est invoquée. Or aucun élément tangible n'y est toutefois apporté au sujet de l'origine de cette rupture. Plusieurs pistes y sont effectivement évoquées mais sans réelle preuve. Des travaux de réparation ont par ailleurs été déjà réalisés, courant juin 2009 au niveau de cet ouvrage défectueux en partie remplacé. »

Mme [M] ayant constaté, après la vente, l'apparition de fissures en octobre 2011 a mandaté le cabinet [I] qui a conclu le 8 novembre 2011 en imputant les fissures à la sécheresse. Elle a déclaré le sinistre à la Maif qui a opposé un refus de garantie le 28 décembre 2011 au motif que les désordres constatés n'étaient pas apparus dans la période visée par l'arrêté de catastrophe naturelle du 15 juillet 2011 en indiquant que ses sociétaires « ont confirmé qu'il n'y avait pas de fissures à l'époque.» Sur relance du conseil de Mme [M] elle a cependant accepté, sous toutes réserves, le 19 janvier 2012 de mandater le cabinet Polyexpert pour établir la cause des désordres.

Il ne peut être relevé aucune faute de la Maif dans l'exécution du contrat d'assurance la liant à M. [U] avant la vente de la maison ; elle a opposé deux refus de garantie justement motivés par l'absence d'arrêté de catastrophe naturelle pour les périodes considérées (2006, 2009).

Elle n'a certes pas spécifiquement informé son assuré dans chacun des deux courriers de refus de garantie de la possibilité de contester cette décision et du délai pour le faire mais le préjudice invoqué par M. [U] ne résulte pas de ce manquement au devoir d'information mais de son propre comportement déloyal à l'égard des acquéreurs et dont il doit seul répondre.

M. [U] sera en conséquence débouté de ses demandes à l'encontre de la Maif, le jugement étant infirmé.

Après la vente et suite à la déclaration de sinistre de Mme [B] la Maif a certes refusé dans un premier temps sa garantie pour des motifs erronés qu'elle n'aurait pu avancer s'il avait été procédé à une lecture attentive du dossier d'assurance multi risques habitation de M. [U] et s'est en outre montrée peu diligente dans la gestion du sinistre en restant taisante plusieurs mois à compter de mars 2012 jusqu'à son assignation en référé expertise en 2014 par les ayants-droits de Mme [B] [M].

Il ne peut en revanche lui être reproché « une obstruction à la manifestation de la vérité » comme le soutiennent les consorts [M] pour ne pas avoir informé ces derniers ni l'expert judiciaire des sinistres antérieurs dans la mesure où ils n'avaient pas donné lieu à garantie et où aucun expert mandaté par elle n'avait eu à intervenir.

Il résulte du tout qu'aucune faute de la Maif en lien de causalité direct et certain avec les dommages immatériels dont il est demandé réparation n'est démontrée, ces derniers ayant pour cause les désordres matériels apparus dès 2006 et non révélés par M. [U].

Les consorts [M] seront déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la Maif, le jugement étant infirmé.

4 - Les demandes annexes

M. [D] [U] qui succombe dans ses prétentions sera condamné aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et des procédures de référé, et d'appel, avec application au profit de maître Sorel, avocat, qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mmes [F], [J] et [W] [M] d'une part et la Maif d'autre part sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'exposer à l'occasion de cette procédure.

M. [D] [U] sera condamné à payer de ce chef à Mmes [F], [J] et [W] [M] la somme de 13 000 € , en ce compris les frais d'expertise amiable et à la Maif la somme de 3000 €.

Tenu aux dépens, M. [U] ne saurait pour sa part bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,

- Infirme le jugement rendu le 18 juin 2019 par le tribunal de grande instance d'Albi sauf ses dispositions condamnant M. [D] [U] à payer à Mmes [F], [J] et [W] [M] la somme de 109 008,63 € Ttc au titre de la remise en état de l'immeuble et celle de 48 000 € au titre du préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Dit que la Maif ne doit pas sa garantie catastrophes naturelles ;

- Déboute Mmes [F], [J] et [W] [M] d'une part et M. [D] [U] d'autre part de leurs demandes à l'encontre de la Maif ;

- Condamne M. [D] [U] à payer aux consorts [M] les intérêts au taux légal sur la somme de 109 008,63 € Ttc à compter du 18 juin 2019 ;

- Dit que la somme de 109 008,63 € Ttc est indexée sur l'indice Bt 01 du coût de la construction selon sa variation entre le 18 novembre 2016 et le 22 novembre 2022 ;

- Condamne M. [D] [U] à payer à Mmes [F], [J] et [W] [M], chacune, la somme de 2000 € au titre du préjudice moral ;

- Condamne M. [D] [U] aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et des procédures de référé, et d'appel, avec application au profit de maître Sorel, avocat, qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [D] [U] à payer à Mmes [F], [J] et [W] [M] la somme de 13 000 € et à la Maif la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- Déboute M. [D] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINE M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03433
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.03433 ?
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