18/11/2022
ARRÊT N°2022/490
N° RG 20/01115 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NRDH
SB/PG
Décision déférée du 06 Février 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( )
D. ROSSI
Section Commerce chambre 2
[Z] [Y]
C/
S.A.S. IROLY
INFIRMATION PARTIELLE
Grosses délivrées
le 18/11/2022
à
Me Thierry DALBIN
Me Olivier ROMIEU
ccc
le 18/11/2022
à
Me Thierry DALBIN
Me Olivier ROMIEU
Aide Juridictionnelle
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [Z] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Thierry DALBIN, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.006576 du 19/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEE
S.A.S. IROLY
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Olivier ROMIEU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUME et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
lors du prononcé : A.RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Z] [Y] a été embauchée le 31 octobre 2016 par la SAS Iroly en qualité d'employée commerciale suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 8 septembre 2017, Mme [Y] a présenté un arrêt de travail pour maladie
jusqu'au 9 octobre 2017. L'arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 30 novembre 2017.
Le 1er décembre 2017, lors de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de Mme [Y].
Après avoir été convoquée par courrier du 21 décembre 2017 à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 décembre 2017, Mme [Y] a été licenciée par courrier
du 30 décembre 2017 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 24 avril 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce, par jugement
du 6 février 2020, a :
- dit que le licenciement de Madame [Z] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- dit que la SAS Iroly n'a pas respecté le délai de convocation à entretien préalable au licenciement,
- dit que la SAS Iroly n'a pas organisé de visite médicale d'embauche,
- condamné la SAS Iroly à verser à Madame [Z] [Y], les sommes de :
1 543,13 euros au titre de dommages et intérêts pour non respect des délais de convocation à entretien préalable au licenciement,
1 500 euros au titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,
- débouté Madame [Z] [Y] du surplus de ses demandes,
- débouté la SAS Iroly de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [Z] [Y] aux entiers dépens de l'instance.
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Par déclaration du 12 avril 2020, Mme [Y] a interjeté appel partiel de ce jugement qui lui avait été notifié le 27 février 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 13 juillet 2021, Mme [Z] [Y] demande à la cour de :
- réformer partiellement le jugement en ce qu'il a :
* jugé que le licenciement de Mme [Y] n'était pas nul sur le fondement de l'article L 1132-1 du code du travail,
* jugé que le licenciement de Mme [Y] reposait sur une cause réelle et sérieuse,
* débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, brutal et vexatoire,
* débouté Mme [Y] de sa demande au titre de l'article L 1226-14 du code du travail,
* débouté Mme [Y] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L 1234-5 du code du travail,
* débouté Mme [Y] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,
* débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la visite médicale de reprise,
* débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* débouté Mme [Y] de sa demande au titre des frais irrépétibles,
* condamné Mme [Y] aux entiers dépens,
* débouté Mme [Y] de sa demande de condamnation aux intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil,
Et statuant à nouveau,
-juger que le licenciement de Mme [Y] est nul sur le fondement de l'article L 1132-1 du code du travail,
- condamner la société à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L 1235-3-1 du code du travail,
A titre subsidiaire:
- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1235-3-1 du code du travail,
- subsidiairement, condamner la société à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'article L 1235-3 du code du travail étant contraire aux articles 24 de la charte sociale européenne du 18 octobre 1961, 10 de la convention n°158 de l'oit et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- plus subsidiairement, condamner la société à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'article L 1235-3 du code du travail étant contraire dans le cadre d'un contrôle de conventionnalité in concreto aux articles 24 de la charte sociale européenne du 18 octobre 1961 et 10 de la convention n°158 de l'oit,
- condamner la société au paiement de la somme de 5 000 euros pour licenciement abusif, brutal et vexatoire sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail,
- condamner la société au paiement de la somme de 510,13 euros au titre de l'article L 1226-14 du code du travail,
- condamner la société au paiement de la somme de 1 686,55 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L 1234-5 du code du travail,
- à titre subsidiaire, condamner la société à régler à Mme [Y] la somme
de 1 855,21 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents sur le fondement des articles L 1234-1 et L 5213-9 du code du travail,
- condamner la société à régler à Mme [Y] la somme de 2 000 euros pour non-respect de la visite médicale de reprise sur le fondement de l'article R 4624-31 du code du travail,
- condamner la société à régler à Mme [Y] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral sur le fondement de l'article 1152-1 du code du travail,
- condamner la société à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention des risques sur le fondement des articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail,
- débouter la société de sa demande reconventionnelle tendant à condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 1 686,55 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
- condamner la société à verser à Me [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et 700 du code de procédure civile,
- condamner la société aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- juger que les dites sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes lesquels intérêts seront eux-mêmes productifs d'intérêts.
Mme [Y] soutient que son licenciement est nul en ce qu'il a été prononcé
le 30 décembre 2017 alors que son arrêt de travail pour maladie avait été prolongé le 30 novembre 2017 jusqu'au 07 janvier 2018 de sorte qu'elle était encore en arrêt de travail au moment de son licenciement.
Elle fait valoir qu'en tout état de cause son licenciement est sans cause réelle et sérieuse puisque l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement . Elle expose à cet égard :
-que seuls deux délégués du personnel ont été consultés alors que l'effectif de cinquante salariés requiert deux titulaires et deux suppléants ou quatre titulaires et quatre suppléants en l'absence de comité d'entreprise et de CHSCT.
- que les délégués du personnel n'ont pas reçu toutes les informations nécessaires sur les postes disponibles , de sorte que leur avis a été vicié
- que l'employeur ne justifie pas avoir effectué des recherches d'emplois comparables ou de possibles adaptations d'un poste aux contraintes physiques de Mme [Y], ni d'avoir étendu ses recherches à l'échelle de la société Les Mousquetaires, à laquelle la société franchisée appartient.
- L'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels en ce que Mme [Y] a subi un harcèlement moral. Elle expose avoir fait l'objet, le jour de sa reprise, de moqueries et propos culpabilisateurs, et ajoute avoir effectué des heures non rémunérées, avec une charge de travail et une surveillance accrues. Elle fait valoir que l'employeur a nécessairement été informé de ces faits puisqu'elle s'est déclarée en accident professionnel sans toutefois qu'il déclenche une enquête interne.
- La société ne peut être exonérée de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, même en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 10 janvier 2022, la SAS Iroly demande à la cour de :
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, si le licenciement était considéré comme sans cause réelle et sérieuse, de :
- débouter Mme [Y] de ses demandes suivantes :
5 000 euros au titre du licenciement abusif et vexatoire,
510,13 euros au titre du doublement de l'indemnité de licenciement,
1 686,55 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L 1234-5 du code du travail,
1 855,21 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents sur le fondement de l'article L 1234-1 et L 5213-9 du code du travail,
2 000 euros au titre du non-respect de la visite médicale de reprise,
10 000 euros au titre du harcèlement moral,
10 000 euros au titre du non-respect de l'obligation de prévention des risques,
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- constater la parfaite conventionnalité du barème d'indemnisation prévue à
l'article L 1235-3 du code du travail,
- réduire les dommages et intérêts à juste proportion,
- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 1 686,55 euros au titre de l'irrégularité de procédure non cumulable avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause, condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
La SAS Iroly soutient les moyens suivants :
- Le licenciement est licite puisqu'il a été procédé à la visite de reprise
le 1er décembre 2017 et qu'au-delà de cette date le contrat n'était plus suspendu. De plus l'employeur n'a pu avoir connaissance de la prolongation de l'arrêt maladie à la date de la visite, le certificat ayant été envoyé 4 jours plus tard.
- La procédure tenant à la consultation et à l'information des délégués du personnel qui n'obéit à aucun formalisme est régulière.
- Elle a procédé à des recherches de reclassement dans des postes compatibles avec les exclusions médicales, que les deux postes compatibles étaient déjà occupés par des salariés et qui ont refusé la permutation. Enfin, la société n'a pas l'obligation d'effectuer des recherches à l'échelle du groupe Les Mousquetaires, conformément à l'article L.2331-1 du Code du travail, étant indépendante financièrement et administrativement.
- les faits évoqués par Mme [Y] ne relèvent pas d'un harcèlement moral.
Le procès verbal d'audition établi par la CPAM n'a pas de force probante; la société produit plusieurs attestations de salariés présents lors des faits et qui décrivent des échanges calmes ainsi qu'une réaction normale de Mme [Y]. Les deux certificats du Dr [C] qui mentionnent de tels faits doivent être écartés en ce que le praticien a outrepassé ses fonctions, le Conseil de l'ordre des médecins du Tarn et Garonne ayant reconnu que les certificats établis pouvaient être de complaisance.
- les faits de harcèlement ne pouvaient être connus de la société, ce motif n'ayant été mentionné ni dans la déclaration d'accident de travail, ni dans l'arrêt de travail, de sorte qu'elle n'a pu manquer à son obligation de prévention des risques .
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date
du 9 septembre 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du licenciement
Mme [Y] se prévaut de la nullité de son licenciement pour harcèlement et discrimination à raison de son état de santé.
Sur le harcèlement
En application des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L1154-1 du code de travail dispose qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il en résulte que s'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque, les juges doivent quant à eux, appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué. En ce cas alors, il revient à l'employeur d'établir qu'ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement.
Il est rappelé qu'en vertu de l'article 954 du code de procédure civile la cour statue sur les prétentions des parties mentionnées au dispositif de leurs conclusions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées.
Mme [Y] fait valoir qu'elle a été l'objet de moqueries de la part de sa responsable le jour de sa reprise le 9 octobre 2017, qu'ainsi Mme [A], sa supérieure hiérarchique, a indiqué qu'elle marchait comme un canard et l'a répété à ses collègues. Elle ajoute qu'il lui a été demandé par Mme [A] d'aider ses collègues au rayon frais avec l'indication que ces heures ne lui seraient pas rémunérées, que celle-ci l'a également apostrophée en ces termes: 'il va falloir que l'on parle de votre projet professionnel, parce que vous pénalisez votre équipe, vos collègues et nous-même.'
Elle soutient également que M.[B], dirigeant de la société, l'a invitée à trouver un autre travail adapté à sa santé car l'équipe frais et lui-même ne pouvaient plus compter sur elle, que si elle ne se dépêchait pas de trouver une solution dans les prochains jours, il serait dans l'obligation de la mettre au rayon liquide et que cela la 'réveilllerait'; que sa seule proposition était qu'elle abandonne son poste.
Elle indique avoir déclaré un accident du travail le jour même et souffrir depuis d'un syndrôme anxio-dépressif aigu lié à un harcèlement.
A l'appui de sa demande elle produit les pièces suivantes:
- le procès-verbal de son audition par un agent de la CPAM le 6 décembre 2017 (pièce 9)
- un courrier adressé 23 mars 2018 à son médecin généraliste (Dr [C])par un rhumatologue mentionnant des rhumatismes inflammatoires (pièce 10)
- une déclaration d'accident du travail effectuée le 25 octobre 2017 pour l'accident du 9 octobre 2017 (pièce 11)
- des avis d'arrêt de travail établis par le Dr [C]: du 9 octobre 2017au 31 octobre 2017 , du 31 octobre 2017 au 30 novembre 2017, du 31 novembre 2017 au 7 janvier 2018 (pièces 8 et 12).
La cour estime que, pris dans leur ensemble, ces éléments font supposer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [Y], au sens de l'article L. 1152-1, caractérisé par des agissements répétés de sa hiérarchie ayant dégradé ses conditions de travail et altéré sa santé à son retour d'arrêt maladie.
Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La société Iroly conteste tout fait de harcèlement moral à l'égard de la salariée.
Elle objecte que le procès-verbal d'audition établi par la CPAM le 6 décembre 2017 ne fait que retranscrire les propos de la salariée, sans qu'ils soient corroborés par des éléments extérieurs, qu'au surplus la CPAM n'a pas reconnu le caractère professionnel de l'accident déclaré.
Afin de contrebattre la véracité des déclarations de la salariée, elle produit 7 attestations émanant de M.[B], directeur, et de salariés (mesdames [A], [L], [H], [I], [D] et [E]) écartant tout propos blessant tenu à l'égard de la salariée le 9 octobre 2017.
La cour observe que M.[B], qui diligente la procédure de licenciement, ainsi que Mme [A] , supérieure hiérarchique , tous deux directement mis en cause par la salariée, ne présentent pas l'impartialité suffisante permettant de donner force probante à leur témoignage. En revanche les salariés, Mesdames [L], [H], [I], [D] et [E], dont le témoignage est conforme aux exigences légales de l'article 202 du code de procédure civile et qui étaient présents dans le magasin le 9 octobre 2017, déclarent avoir vu la salariée s'entretenir avec Mme [A] et M.[B] sans entendre de propos déplacés et sans constatation de manifestation de malaise par Mme [Y] à l'issue d'échanges calmes et posés.
L'employeur fait valoir également que les certificats médicaux établis par le Dr [C] les 9 octobre et 31 novembre 2017 qui attribuent l'état dépressif de la salariée à un harcèlement au travail sont des certificats pouvant être de complaisance , ainsi qu'en a convenu le Dr [C] lors de la réunion de conciliation du conseil départemental de l'ordre des médecins du 9 octobre 2018, ce médecin n'ayant pas eu connaissance des conditions de travail de la salariée et s'étant fondé sur le seul sentiment exprimé par la salariée.
Les explications et éléments qui résultent des témoignages convergents de plusieurs salariés produits aux débats par l'employeur contrebattent les éléments fournis par la salariée et conduisent la cour à écarter le harcèlement invoqué par celle-ci.
Sur la discrimination
Selon l'article R4624-31 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, 'le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.'
Mme [Y] fait valoir que son licenciement est intervenu le 30 décembre 2017 dans une période où elle était toujours en arrêt maladie. Elle précise que son contrat de travail était toujours suspendu lors de la visite de reprise fixée le 1er décembre 2017, en considération d'une prolongation de son arrêt de travail par avis médical
du 30 novembre 2017 juqu'au 7 janvier 2018, de sorte que le licenciement qui est intervenu en raison de son état de santé est discriminatoire.
L'employeur objecte qu'il n'a eu connaissance de la prolongation de l'arrêt de travail pour maladie que le 5 décembre 2017.
La cour constate l'erreur matérielle qui affecte l'avis d'arrêt de travail établi par le Dr [C] le 31 novembre 2017 alors que le mois de novembre ne comporte
que 30 jours. Il en résulte une incertitude sur la date effective de prolongation de l'arrêt de travail (30 novembre ou 1er décembre ).
Au surplus si la salariée ne justifie pas de la date d'envoi de cet arrêt de travail , l'avis de réception que produit l'employeur démontre qu'il a reçu le 6 décembre 2017 l'avis de prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 7 janvier 2018 envoyé par la salariée
le 5 décembre 2017, alors même que les précédents avis d'arrêt de travail avaient été envoyés par la salariée le jour même de leur établissement par courrier recommandé (notamment les avis d'arrêt de travail des 9 et 31 octobre 2017).
De ces constatations il résulte que l'avis d'inaptitude établi lors de la visite de reprise effectuée le 1er décembre 2017 , après échéance de l'arrêt de travail fixé par l'avis médical du 31 octobre 2017, a mis fin à la suspension du contrat de travail. L'employeur n'a été informé d'une prolongation de l'arrêt maladie que 5 jours après la visite médicale de reprise.
L'irrégularité alléguée à l'appui de la demande de nullité du licenciement pour discrimination n'est donc pas caractérisée.
Sur les demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
La salariée soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse aux motifs que:
- son inaptitude trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité tenant au harcèlement moral et à l'absence de visite médicale d'embauche.
- la preuve n'est pas rapportée que l'ensemble des délégués du personnel, titulaires et suppléants ont été consultés sur le reclassement de la salariée , et la consultation a eu lieu sur la base d'éléments incomplets et erronés
- que divers postes de l'entreprise compatibles avec ses capacités ne lui ont pas été proposés (aide comptable, LS, responsable marée, responsable frais, responsable boucherie)
- que l'employeur s'est abstenu d'effectuer des recherches de reclassement au sein du groupe Les Mousquetaires et Intermarché qui compte 3100 sociétés franchisées dont 1832 magasins en France.
Sur les manquements à l'obligation de sécurité
La demande fondée sur le harcèlement ayant été écartée par la cour, aucun manquement à l'obligation de sécurité ne peut être imputé à l'employeur de ce chef.
Par ailleurs il n'est pas contesté par l'employeur que la salariée n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche en octobre 2016 , visite pourtant obligatoire en vertu des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail, ce qui a privé la salarié d'un examen médical pouvant être de nature à repérer une fragilité éventuelle de son état de santé . Le jugement sera confirmé en ses dispositions ayant condamné l'employeur à payer la somme de 1500 euros à la salariée à titre de dommages et intérêts.
Toutefois il résulte des débats que l'employeur a sollicité à deux reprises l'organisation d'une visite médicale par le médecin du travail entre le 24 janvier 2017 et le 9 octobre 2017 , visite qui a été finalement programmée le 8 novembre 2017, soit 9 mois après sa première demande, sans qu'il soit à l'origine de ce retard. Il ne peut en résulter un manquement caractérisé de l'employeur à son obligation de sécurité de nature à lui rendre imputable l'inaptitude de la salariée constatée
le 1er décembre 2017.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté la demande de la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'imputabilité de l'inaptitude à l'employeur pour manquement de celui-ci à l'obligation de sécurité.
Sur le reclassement
L4624-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : 'Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur'.
Selon l'article R4624-42 du code du travail: 'Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :
1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;
4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.
Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.
S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.
Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.'
Des mentions portées sur la fiche médicale d'inaptitude du 1er décembre 2017 il ressort que l'inaptitude au poste d'employée commerciale a été prononcée après une seule visite médicale et une étude de poste effectuée le 24 octobre 2017 et en l'état d'une fiche d'entreprise du 10 janvier 2013. L'irrégularité dont excipe la salariée pour absence d'étude de poste préalable n'est donc pas établie. Aucun élément ne vient par ailleurs objectiver l'inadéquation de la fiche d'entreprise visée par le médecin du travail. Au demeurant l'avis d'inaptitude n'a fait l'objet d'aucune procédure de contestation sur le fondement de l'article L4624-7 du code du travail.
Il est admis que l'employeur; en cas d'inaptitude d'origine professionnelle ou non professionnelle, est tenu de consulter les représentants du personnel sur les possibilités de reclassement.
Il ressort du compte rendu de réunion des délégués du personnel
du 18 décembre 2017 que deux délégués du personnel ont été consultés sur les possibilités de reclassement de la salariée suite à l'avis d'inaptitude, après avoir été informés du contenu suivant de l'avis d'inaptitude mentionné dans le compte rendu: 'inapte au poste d'employée commerciale. Reclassement possible sur un poste sans station debout prolongée, ni station accroupie ou à genoux, ni port de charges lourdes $gt; 5kg, ni gestes répétitifs avec les membres supérieurs.'
Il s'ensuit que les délégués du personnel étaient informés des conditions de reclassement adaptées aux capacités de la salariée. Les conditions de consultation des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement sont donc régulières. Aucune irrégularité ne saurait se déduire de l'absence des délégués du personnel suppléants dont la consultation ne s'impose qu'en cas d'empêchement , en l'espèce non caractérisé, des titulaires.
Selon l'article L1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige,
'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, le groupe est défini conformément au I de l'article L. 2331-1.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'
Selon l'article L2331-I, dans sa rédaction applicable au litige,un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le poste d'aide comptable que la salariée estime compatible avec sa capacité n'était pas disponible lors du constat de son inaptitude et dans la période contemporaine de son licenciement.
Par ailleurs les postes d'employé libre service , de responsable de marée, de responsable frais et responsable boucherie, dont les attributions sont précisées dans les fiches de postes produites par l'employeur, impliquent des positions debout prolongées ainsi qu'une utilisation répétée des membres supérieurs, contraires aux recommandations médicales telles que décrites par le médecin du travail et ne pouvaient donc constituer des postes de reclassements répondant aux recommandations médicales.
Par ailleurs les sociétés franchisées adhérentes à l'Union des Mousquetaires ne répondent pas à la notion capitalistique du groupe définie aux articles L2331, L233-3 du code de commerce qui implique la domination d'une entreprise principale sur les autres par un lien financier, ce qui n'est pas le cas des entreprises franchisées, notamment de la société Iroly qui , bien qu'exploitant un supermarché sous l'enseigne Intermarché, est financièrement et administrativement indépendante du groupement les Mousquetaires. Aucune obligation de reclassement ne s'imposait donc à la société Iroly au sein des entreprises du groupement Les Mousquetaires.
En conséquence la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le manquement allégué de l'employeur à l'obligation de reclassement et débouté la salariée de ses demandes financières pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le préavis
Par des motifs pertinents et juridiquement exacts que la cour adopte , les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnité compensatrice de préavis . Il suffira de rappeler
que, en l'état d'une inaptitude d'origine non professionnelle et d'un licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la salariée qui n'était pas en mesure d'exécuter le préavis ne peut prétendre à une indemnité compensatrice à ce titre.
Sur l'irrégularité procédurale
Les dispositions du jugement déféré ayant condamné la société Iroly au paiement de la somme de 1 543,13 euros au titre de dommages et intérêts pour non respect des délais de convocation à entretien préalable au licenciement ne sont pas remises en cause par l'acte d'appel partiel qui ne mentionne pas ce chef de jugement au titre des chefs expresséments critiqués. Ce chef de jugement n'est donc pas déféré à la cour.
La cour écartant les demandes formées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , la prétention de la société Iroly tendant à voir ordonner le remboursement par la salariée de la somme de 1 686,55 euros au titre de l'irrégularité de procédure non cumulable avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est sans objet et sera rejetée.
Sur le licenciement vexatoire
Mme [Y], qui échoue dans sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et discrimination ne justifie pas de l'existence de circonstances vexatoires précédant ou accompagnant son licenciement, et sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts distincts à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les frais et dépens
Mme [Y], partie principalement perdante, supportera les entiers dépens.
Aucune circonstance d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Confirme le jugement déféré et y ajoutant
Dit que les sommes ayant nature d'indemnité portent intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré qui en a ordonné le paiement
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties
Condamne Mme [Z] [Y] aux entiers dépens d'appel
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
A.RAVEANE S.BLUMÉ
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