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18/11/2022 | FRANCE | N°20/00971

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 18 novembre 2022, 20/00971


18/11/2022



ARRÊT N°2022/488



N° RG 20/00971 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQY4

CP/PG



Décision déférée du 05 Février 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 17/01989)

[G] [B]

Section Activités Diverses

















S.C.P. PIMOUGUET-LEURET-DEVOS BOT

SARL SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION





C/



[H] [J]
























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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le 18/11/2022



à

Me Damien DE LAFORCADE

Me Magali LAUBIES





CCC

le 18/11/2022

à

Me Damien DE LAFORCADE

Me Magali LAUBIES

Pôle emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D...

18/11/2022

ARRÊT N°2022/488

N° RG 20/00971 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQY4

CP/PG

Décision déférée du 05 Février 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 17/01989)

[G] [B]

Section Activités Diverses

S.C.P. PIMOUGUET-LEURET-DEVOS BOT

SARL SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION

C/

[H] [J]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 18/11/2022

à

Me Damien DE LAFORCADE

Me Magali LAUBIES

CCC

le 18/11/2022

à

Me Damien DE LAFORCADE

Me Magali LAUBIES

Pôle emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTES

S.C.P. PIMOUGUET-LEURET-DEVOS BOT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE et par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA WERQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

SARL SÉCURITÉ PRÉVENTION PROTECTION

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocat au barreau de TOULOUSE et par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA WERQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

Madame [H] [J]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Magali LAUBIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant, M. DARIES, conseillère, et C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,

composée de :

S. BLUMÉ, présidente

M. DARIES, conseillère

C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

lors du prononcé : A.RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [J] a été embauchée le 2 mars 2017 par la SARL Sécurité Prévention Protection en qualité d'agent de prévention et de sécurité suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité.

Ce contrat a fait l'objet de quatre avenants de renouvellement.

À compter du 1er juin 2017, les parties ont signé un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le 24 juin 2017, Mme [J] a déclaré un accident de travail et a été placée en arrêt de travail à partir du 3 juillet 2017 jusqu'à la fin de la relation de travail.

Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 22 novembre 2017 pour solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et demander le versement de diverses sommes.

Mme [J] a fait l'objet d'une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé le 16 janvier 2018.

Suivant avis des 2 et 16 juillet 2018, Mme [J] a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail.

Après avoir été convoquée par courrier du 14 août 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 août 2018, Mme [J] a été licenciée par lettre du 27 août 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La société Sécurité Prévention Protection a fait l'objet d'une mesure de sauvegarde selon jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 6 novembre 2018.

La SCP Pimouguet Leuret Devos Bot a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 5 février 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

-dit que Madame [H] [J] a été employée par la société Sécurité Prévention Protection dans le cadre d'un contrat de travail réputé à durée indéterminée

-en conséquence,

-fixé la créance de Madame [H] [J], à l'égard de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sécurité Prévention Protection, à la somme de 1 714 € nets au titre de l'indemnité de requalification,

-rejeté la demande de rappel de salaire et les congés payés afférents,

-fixé la créance de Madame [H] [J], à l'égard de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sécurité Prévention Protection aux sommes suivantes :

*840,39 € au titre de l'indemnisation complémentaire conventionnelle du régime de prévoyance,

*7 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

*7 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquements à l'obligation de sécurité et de résultat de l'employeur,

-dit que la société Sécurité Prévention Protection a manqué à ses obligations contractuelles et prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [J] [H] aux torts de la société Sécurité Prévention Protection à la date du 27 août 2018,

-dit que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-en conséquence,

-fixé la créance de Madame [H] [J], à l'égard de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sécurité Prévention Protection, aux sommes suivantes :

*878,64 € nets à titre de solde d'indemnité de licenciement,

*1 890,54 € à titre de solde d'indemnité de préavis,

*343,75 € bruts au titre des congés payés relatifs à l'indemnité compensatrice de congés payés qui s'établissait à un total de 3 437,48 €,

*2 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-rejeté les plus amples demandes,

-condamné la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sécurité Prévention Protection, à remettre à Madame [J] [H], l'attestation pôle emploi, le certificat de travail, le solde de tout compte et les bulletins de salaire rectifiés pour la période du 2 mars 2017 jusqu'à la date de rupture de la relation de travail, soit le 27 août 2018 conformément au jugement,

-dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte,

-rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 1 890,54 € et 343,75 €) produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, et qu'elles sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de

1 718,74 €,

-rappelé que les créances indemnitaires (soit les sommes de 1 714 €, 840,39 €, 7 500 €, 7 500 €, 870,64 € et 2 000 €) produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

-ordonné l'exécution provisoire de droit de la décision hormis les dommages et intérêts et les dépens,

-fixé la créance de Madame [H] [J], à l'égard de la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sécurité Prévention Protection, à la somme de 1 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-dit et jugé que le présent jugement ne sera opposable à l'AGS qu'à défaut de fonds disponibles dans l'entreprise dans la limite des textes légaux et des plafonds de garantie applicables,

-condamné la SCP Pimouguet Leuret Devos Bot, es qualités de mandataire liquidateur de la société Sécurité Prévention Protection, aux dépens.

Par déclaration du 16 mars 2020, la société Sécurité Prévention Protection et la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Sécurité Prévention Protection, ont interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Par ordonnance du 29 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par les appelantes.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SCP Pimouguet-Leuret-Devos-Bot et la SARL Sécurité Prévention Protection demandent à la cour de :

-surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du pôle social près le tribunal judiciaire de Toulouse dans l'instance enregistrée sous le n° 21/00765,

-infirmer le jugement entrepris,

-statuant à nouveau,

-juger que Mme [J] est défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe de faits de harcèlement sexuel,

-juger que la société Sécurité Prévention Protection n'a pas commis de manquement à son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [J],

-rejeter la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,

-débouter Mme [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce inclus en son appel incident,

-condamner Mme [J] au versement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la même aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 27 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [H] [J] demande à la cour de :

- rejeter la demande de sursis à statuer,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

*condamné les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot au titre de l'indemnité de requalification de CDD en CDI et fixé cette créance à la somme de 1 714 €,

*condamné les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot au titre de l'indemnisation complémentaire conventionnelle du régime de prévoyance et fixé cette créance à la somme de 840,39 €,

*considéré que Mme [J] a été victime de harcèlement sexuel qui lui ouvre droit à paiement de dommages et intérêts,

*considéré que Mme [J] a été victime de la part de la société Sécurité Prévention Protection de manquements à l'obligation de sécurité de l'employeur,

*prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 27 août 2018,

*condamné les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot au titre du solde de l'indemnité de licenciement et fixé cette créance à la somme de 878,64 €,

*condamné les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot au titre de solde de l'indemnité de préavis et fixé cette créance à la somme de 1 890,54 € et 343,75 € pour les congés payés,

*condamné les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fixé cette créance à la somme de 1 250 €,

-réformer le jugement, et ce faisant :

*augmenter le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse pour le porter à 21 000 €,

*augmenter le montant des dommages et intérêts pour harcèlement sexuel pour le porter à 15 000 €,

*augmenter le montant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur pour le porter à 15 000 €,

*entendre et juger qu'elle a droit au paiement de 55,21 € à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2017 et 5,52 € à titre de congés payés afférents,

-au surplus :

*condamner les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot à lui verser 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*débouter les sociétés Sécurité Prévention Protection et SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot de l'intégralité de leurs demandes,

*statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la demande de sursis à statuer

La société Sécurité Prévention Protection et son commissaire à l'exécution du plan demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse saisi de demandes d'indemnisation de la faute inexcusable de l'employeur et ce, aux fins d'éviter une contrariété de décisions entre cette cour et le pôle social.

Mme [J] s'y oppose ; le pôle social est saisi de demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et de l'indemnisation des préjudices causés par l'accident du travail distinctes de celles introduites devant le conseil de prud'hommes et poursuivies devant cette cour en contestation du licenciement et indemnisation des préjudices causés par la rupture du contrat de travail la déloyauté contractuelle, le harcèlement sexuel et le non respect de l'obligation de sécurité.

La cour estime, comme le magistrat chargé de la mise en état, n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur les demandes relevant de la compétence du conseil de prud'hommes, à savoir le bien fondé de la rupture du contrat de travail, l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais aussi l'indemnisation des préjudices en lien avec un harcèlement sexuel et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Elle constate qu'aucune partie n'a soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par une accidentée du travail au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il en résulte qu'elle rejettera la demande de sursis à statuer formée par la société Sécurité Prévention Protection et la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée

Le conseil de prud'hommes a fait une parfaite application de la loi en requalifiant le premier contrat à durée déterminée conclu pour la période du 2 au 30 mars 2017 et les avenants de prolongation jusqu'au 30 avril 2017 en un contrat à durée indéterminée en raison de l'absence de tout élément justifiant le prétendu surcroît d'activité mentionné comme motif du contrat à durée déterminée et du délai de 11 jours s'étant écoulé entre la prise d'effet du contrat et sa date de signature par la salariée, et ce, par application de l'article L. 1245-1 du code du travail et en allouant à Mme [J] la somme de 1 714 € à titre d'indemnité de requalification, somme correspondant à un mois de salaire.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire de juin 2017 et les congés payés y afférents

Il résulte de la lecture du bulletin de paye de juin 2017 que Mme [J] a travaillé en juin 2017 156 heures, horaire ayant permis le calcul de la prime d'habillage sans que l'employeur justifie s'être acquitté du paiement de ces heures supplémentaires effectuées en sus de l'horaire légal de travail et rien ne permet de déterminer que Mme [J] aurait été rémunérée de ces heures dans le cadre du lissage de sa rémunération annualisée.

De sorte qu'il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 55,21 €, outre 5,52 € au titre des congés payés y afférents par infirmation du jugement déféré.

Sur le paiement du complément prévoyance

Le jugement entrepris a fait une exacte application des dispositions de la convention collective prévention et sécurité en constatant que Mme [J], en arrêt de travail du 4 juillet 2017 au 27 août 2018, qui justifiait de 16 mois d'ancienneté dans la même branche avait droit au bénéfice des garanties de prévoyance prévues par la convention collective pendant toute la période d'absence causée par son accident du travail. Il a calculé le montant des indemnités en prenant en compte le montant des indemnités journalières perçues par Mme [J] pendant la période d'arrêt de travail et le salaire de référence de l'intimée.

Les appelantes se contentent de prétendre que la somme allouée est trop élevée compte tenu de l'incertitude tenant aux montants perçus par Mme [J] de la part de ses autres employeurs sans verser aux débats de pièce confirmant cette assertion de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [J] la somme de 840,39 € à titre d'indemnisation complémentaire conventionnelle.

Sur le harcèlement sexuel

Aux termes de l'article L.1153-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, aucun salarié ne doit subir des faits soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle.

L'article L. 1153-5 du code du travail ajoute : 'L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner.'

Et en application de l'article L. 1153-4, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Lorsque survient un litige relatif à des faits de harcèlement sexuel, au sens de l'article L. 1153-1 du code du travail, le salarié présente, conformément à l'article L. 1154-1 du code du travail, des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [J] présente à la cour les éléments de fait suivants : elle explique avoir subi de la part de son collègue de travail, M. [M] [U], des actes répétés de harcèlement sexuel qui ont entraîné des troubles et un malaise, actes qu'elle a dénoncés oralement puis par courrier à M. [V], chef d'exploitation, avant d'être placée en arrêt de travail pour maladie et de déclarer l'accident du 24 juin en accident du travail. Elle a déposé plainte contre M. [U] devant les services de police.

Elle relate le fait qu'elle connaissait M. [U] avant son embauche par la société Sécurité Prévention Protection et que c'est ce dernier qui l'a recommandée à cet employeur.

Elle verse aux débats :

- le courrier circonstancié adressé à M. [V] le 5 juillet 2017 dans lequel elle lui explique subir un harcèlement moral et physique quotidien de la part de M. [U] : ''tout a commencé mi-mai ', [U] [M]'était en rupture avec sa compagne dont le prénom est également [H]. [M] a commencé à faire une fixation sur moi-même en disant à certain agent en ma présence ''j'ai jeté la vieille [H] et je vais prendre la jeune''.Les premiers propos qu'il a eu à mon égard étaient irrespectueux ' mais aussi totalement déplacé et provocateur. Il me disait ''qu'est ce que tu veux ' Tu veux que je te prenne''. À partir de début juin, après avoir refusé nombreuses de ces avances, il continuait à être agressive et à tenir des propos aussi malsain à mon égard''. Il me disait également ''tu as un beau petit cul dit moi.' 'Vu que tu attends quelques mois pour coucher avec quelqu'un donc c'est bon vu qu'on se connait depuis 5 ans, on peut coucher ensemble maintenant''' A un moment je me suis retrouvée dans la cuisine avec lui et il m'a dit ''tu veux que je te prenne sur l'évier'' ' Il a reproduit ce comportement de nouveau dans un bureau en me disant ''tu veux que je te prenne sur le bureau maintenant'''. [E], mon collègue de travail, était à côté de l'entrée. [M] dit à [E] ferme la porte. [M] ma tiré le poignet pour me forcer à regarder un film pornographique et je lui ai crier dessus en lui disant ' lâche moi, lâche moi, c'est écoeurant. Sur son ordinateur il n'a que des films pornographiques ... Le 5 juin, j'étais assise seule sur le bureau d'entrée à côté de la porte, il est arrivé et a fermé la porte derrière lui. Il s'est approché de moi et a commencé à poser ces mains sur le haut de mes cuisses tout en se collant à moi, je me suis débattue de toutes mes forces pour me sortir de là. ''Le 20 juin, j'étais accompagné de [A] ', je voulais passer entre le mur et sa chaise, mon bras l'a effleuré et il m'a dit ''tu m'as touché avec tes tétons, tu as l'habitude de te frotter partout avec tes tétons'' et je lui ai répondu ''tu m'éc'ure''. 'J'ai demandé une dosette de café aux collègues et c'est [M] qui me la donner au moment où il me la donner, il m'a dit ''colle la entre tes jambes pour voir si tu mouilles et tu verras si elle se colle'' '.Le 24 juin, ...Il s'approcha de moi en me pointant son doigt contre moi en me disant 'pourquoi tu veux tout savoir' ensuite il s'est assis à côté de moi et il me poussa la tête en me disant ' allez c'est bon je rigole' ... ' c'est grâce à moi que tu es chez SPP donc tu me dois quelques chose' ensuite il ma repousser la tête au niveau de la tempe ...Le 25 juin [X] était avec [K] et me posa une question 'que se passe t il avec [M] ...'' Et je me suis mise à pleurer ... c'était trop pour moi et la [X] et [K] ont pris l'initiative d'appeler [V] ce que [L] avait déjà fait en appeler Monsieur [V] le vendredi pour dénoncer le comportement inacceptable de [M] ... je me suis senti faible et totalement désemparée. J'ai voulu partir en ronde ...et je me sentais partir en arrière j'ai eu un malaise vagal. Monsieur [V] est arriver vers 13 h 14 h Il m'a convoqué dans son bureau je lui raconter les faits et bien montrer la photo ci-joint il m'a dit qu'il allait s'en occuper tout en me rassurant. Le 28 mai 2017, [U] [M] continuer à me persécuter moralement en m'envoyant des photos inappropriés.( photo d'un pénis en dessert ) avec la mention : 'a consommer avec modération.' ...,

- la plainte déposée le 7 juillet 2017 par Mme [J] devant les services de police dans laquelle elle dénonce les mêmes faits, ajoutant qu'elle est en arrêt de travail pour maladie depuis le 3 juillet, son médecin lui ayant remis un certificat médical à transmettre au médecin du travail, fait des cauchemars et doit consulter un psychiatre et un psychologue la semaine suivante et les services de police ont annexé à leur procès-verbal la photographie du 28 mai 2017,

- sa déclaration d'accident du travail survenu le 24 juin dénonçant un harcèlement moral et sexuel de la part d'un collègue de travail depuis plusieurs jours et placage de ce collègue sur un bureau entraînant un malaise vagal le jour de la crise,

- les pièces de l'enquête sur l'accident du travail réalisée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne contenant :

* la demande de renseignement remplie le 16 août 2017 par M. [V] déclarant avoir été informé de l'accident le 16 juin 2017 par téléphone par M. [P], ce dernier lui indiquant que Mme [J] lui envoyait des sms et lui téléphonait pour se plaindre d'un de ses collègues et amis qui n'arrêtait pas de l'embêter avec des propos salaces et des gestes un peu tendancieux à son encontre,

* le procès-verbal d'audition de Mme [J] du 29 août 2017 dans lequel elle relate les conditions dans lesquelles elle a dénoncé à ses collègues de travail [X] et [K], le 24 juin, les gestes et propos de M. [U] du 5 juin qui l'avait fait basculer sur le bureau en lui touchant son corps, ses cuisses et ses hanches qu'elle l'avait repoussé et s'était débattue, ayant eu peur et étant alors trop mal pour le dénoncer à ses collègues ; que ses collègues ont téléphoné dans la matinée à M. [V] pour l'informer ; qu'elle a fait un malaise lors de la ronde qui a suivi, n'étant pas bien avec le coeur qui battait très vite ; que M. [V] est venu la voir en début d'après-midi ; qu'elle lui a dit qu'elle était d'accord pour que M. [U] soit convoqué et qu'elle le suppliait de ne plus travailler avec lui et lui a donné le nom des collègues témoins du comportement de M. [U] ; que le lendemain, elle est repartie travailler mais n'arrêtait pas de pleurer ; qu'elle a appelé son avocate le 27 juin qui lui a conseillé de déposer plainte et de consulter le médecin du travail et son médecin traitant ; qu'elle est repartie voir M. [V] lui demandant de prévenir la direction ; qu'il lui a donné le nom du médecin du travail et lui a demandé de faire un rapport ; que le 17 juillet elle a consulté le médecin du travail qui lui a indiqué qu'il allait alerter la direction ; elle a donné à l'inspectrice le nom des collègues de travail concernés. Sur demande de l'inspectrice, Mme [J] a relaté les faits qui avaient précédé l'accident; qu'elle a repris les faits du 23 juin au cours desquels, en présence de [X] [N], M. [U] s'est montré très agressif en lui disant : ' casse toi, casse toi ', que M. [U] s'est installé près d'elle et lui a dit en la pointant du doigt :'je fais tout pour le pousser à bout [H] pour arriver au clash' qu'il l'a poussée en lui mettant la main sur la tempe ; que ce jour là elle n'allait pas bien du tout et s'est confiée à son collègue [L] [T] qui a prévenu M. [V] le jour même,

- le procès-verbal d'entretien téléphonique de M. [V], responsable régional de la société Sécurité Prévention Protection, qui lui a déclaré avoir été averti le 16 juin par un salarié que Mme [J] se plaignait de propos déplacés de la part de M. [U], qu'il a reçu Mme [J] le 19 juin pour qu'elle lui relate les faits et lui a expliqué qu'elle avait deux choix possibles : soit il convoquait M. [U] afin de régler la situation en interne, soit Mme [J] déposait plainte ; que Mme [J] n'a pas souhaité déposer plainte ; que, le 24 juin, il s'est déplacé sur le site et a rencontré Mme [J] avec laquelle il est resté une demi-heure environ ; qu'elle pleurait beaucoup et n'a pas eu de malaise ; que M. [U] a toujours été irréprochable; que Mme [J] souhaitait sortir avec lui mais qu'il a refusé,

- le procès-verbal d'entretien téléphonique de M. [O] [D], agent de sécurité, qui a relaté que, le 24 juin, au PC, M. [U] s'est approché de Mme [J] et lui a mis un doigt sur la tête en lui parlant ; que Mme [J] s'est décalée pour se mettre près de lui ; que M. [D] et Mme [J] sont ensuite partis faire une ronde ensemble ; que le lendemain, lors d'une nouvelle ronde avec Mme [J], M. [D] a constaté que Mme [J] a failli avoir un malaise, qu'elle se sentait très mal et était tellement fatiguée qu'elle a failli tomber,

- le procès-verbal d'entretien téléphonique de M. [X] [N], agent de sécurité, qui relate qu'en juin 2017, à une date qu'il ne peut préciser alors qu'ils étaient dans la cuisine, M. [U] s'est approché de Mme [J] et a mis son torse contre sa poitrine ; qu'ils sont descendus au rez de chaussée et que M. [U] a mis sa main sur la tempe de Mme [J] en lui disant que çà allait clasher entre eux et lui a poussé la tête à deux reprises ; qu'au début il a cru que 'c'était fait sur le ton de la rigolade' mais que cette dernière a regardé M. [U] avec un regard suppliant et qu'il a en conséquence décidé d'intervenir ; qu'il a expliqué à Mme [J] que si elle se sentait agressée, elle devait utiliser les objets qui étaient à portée de main pour se défendre ; que M. [U] a acquiescé et est parti ; qu'après le départ de ce dernier, Mme [J] a fondu en larmes, qu'elle était vraiment très mal et lui avait expliqué qu'elle subissait des pressions d'ordre sexuel de la part de M. [U] ; que M. [N] a alors prévenu le responsable de secteur et lui a expliqué ce qui venait de se produire, ajoutant que M. [U] utilisait un langage très cru avec tout le monde,

-la reconnaissance de l'accident du travail par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne le 9 octobre 2017.

Mme [J] verse encore aux débats les pièces médicales suivantes :

- le certificat médical du 3 juillet 2017 de son médecin généraliste, le Dr [Z] qui certifie avoir reçu Mme [J] qui lui avait indiqué être victime de harcèlement ; qu'elle était en pleurs, lui décrivant des troubles du sommeil, une perte d'appétit et des angoisses, ainsi que les certificats d'arrêts de travail successifs jusqu'en septembre 2018,

- le certificat médical du 10 août du Dr [W], psychiatre au CHU de [7], certifiant que Mme [J] est suivie par le dispositif de soins portants en psychiatrie du CHU de [7] pour un état de stress post-traumatique avec orientation vers un suivi psychothérapique,

- l'extrait du dossier médical de Mme [J] auprès du médecin du travail qui fait état d'une visite du 20 juillet 2017 de Mme [J], visant la réaction à un facteur de stress sévère, sans précision harcèlement sexuel et moral du 20 juillet 2017, concluant à l'impossibilité pour Mme [J] d'occuper son poste , relève de la médecine de soins et nécessité d'être revue au moment de la reprise du travail.

La cour estime que, pris dans leur ensemble, ces éléments de fait dénoncés par Mme [J] de façon répétitive auprès de son supérieur hiérarchique M. [V], de son collègue de travail, M. [N], des services de police, qui ont entraîné un arrêt de travail ininterrompu du 3 juillet 2017 au 26 août 2018, la reconnaissance par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne d'un accident du travail et un suivi médical spécialisé en vue du traitement d'un stress post-traumatique laissent supposer l'existence d'un harcèlement sexuel subi par Mme [J] de la part de son collègue de travail M. [U], au sens de l'article L. 1153-1 sus-visé.

La société Sécurité Prévention Protection et son commissaire à l'exécution du plan, la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, qui contestent la réalité de ce harcèlement sexuel soutiennent que les simples déclarations de Mme [J] qui ont motivé le jugement entrepris sont insuffisantes à l'établir et elle produit les attestations de 3 collègues de travail de Mme [J] qui n'ont, selon elles, jamais été témoins des faits dénoncés , estime que l'enquête de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne n'en fait pas plus la preuve et contient des éléments contradictoires, que les déclarations de M. [U], entendu par la société Sécurité Prévention Protection font état d'une relation extra professionnelle sans difficulté avec Mme [J] qui ne s'est jamais plainte envers lui de son comportement et expose que le tribunal correctionnel de Toulouse du 13 avril 2021 a relaxé M. [U] des fins de la poursuite des faits de harcèlement sexuel qui lui étaient reprochés au motif de l'absence de témoin des faits reprochés, de l'absence de preuve d'un lien de causalité entre les faits dénoncés et le syndrome anxieux réactionnel présenté par Mme [J]. Les appelantes produisent également le dépôt de plainte pour déclarations mensongères de M. [U] du 1er juillet 2017.

La cour estime que ces productions des sociétés appelantes ne permettent pas de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement sexuel ; qu'en effet :

- M. [U] nie, dans son dépôt de plainte, toute responsabilité dans des faits de harcèlement sexuel à l'encontre de Mme [J], mais relate, dans son procès-verbal d'audition devant les services de police, avoir montré à Mme [J] une vidéo pornographique alors qu'il se trouvait dans le bureau avec M. [E] [R] et a demandé à Mme [J] de la regarder en mettant le son ; qu'elle s'est levée, a regardé le film et a dit que c'était 'dégueulasse' et est partie ; qu'il lui a déjà demandé une fois si elle s'imaginait qu'un jour il y aurait quelque chose entre eux et qu'elle lui a répondu oui pourquoi pas c'est à voir,

- les attestations de MM. [C] et [T], collègues de travail de Mme [J] et de M. [U], permettent de déterminer qu'ils n'ont jamais été témoins de faits de harcèlement sexuel de la part de M. [U] qu'ils apprécient et l'attestation de Mme [Y] amie de M. [U] qui relate des propos qu'elle aurait entendus sur le téléphone de M. [U] émanant d'une personne prénommée [H] n'emportent pas la conviction de la cour compte tenu des liens d'amitié entre le témoin et M. [U] et les conditions dans lesquelles ce témoin aurait entendu la conversation téléphonique.

L'analyse des pièces versées aux débats permet en effet d'établir qu'au moins à une reprise, M. [U] a eu devant le témoin [D] qui le relate une attitude de proximité physique, à savoir qu'il s'est approché de Mme [J] et lui a mis un doigt sur la tête en lui parlant, attitude qui a sérieusement perturbé Mme [J] dont il relate les pleurs, l'état de fatigue et le malaise qui en est suivi ; M. [N], autre collègue de travail, a confirmé lors de l'enquête de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne la réalité d'une attitude de proximité physique menaçante de la part de M. [U] qui s'est approché de Mme [J] et a mis son torse contre sa poitrine avant de mettre sa main sur la tempe de Mme [J] ; il décrit l'attitude de repli et de mal être de Mme [J] qui lui a expliqué le harcèlement sexuel dont elle était l'objet et il confirme que M. [U] tenait régulièrement des propos crus ; M. [V], responsable régional de la société Sécurité Prévention Protection, a déclaré avoir été informé dès le 16 juin par un salarié du fait que Mme [J] se plaignait de l'attitude de M. [U] ; qu'il l'a reçue le 19 juin puis le 24 juin qu'elle était alors en pleurs.

Les déclarations successives de Mme [J] devant ses collègues de travail, dans le mail adressé à M. [V], devant les services de police concordent sur les faits dénoncés pendant le mois de juin 2017, s'agissant d'attitudes de proximité physique au cours desquelles M. [U] a touché le corps de Mme [J], de rapprochements répétés sur les lieux du travail, de propos à connotation sexuelle répétés ; Mme [J] a ainsi entre le 16 juin et le 9 juillet 2017 entendu se plaindre du comportement de M. [U] devant ses collègues de travail, son supérieur hiérarchique et les services de police. L'envoi de la photographie d'un pénis par M. [U] avec la mention 'à consommer avec modération' est démontré.

Ces éléments sont confortés par les certificats médicaux versés aux débats émanant tant du médecin traitant de Mme [J] qui l'a reçue le 3 juillet 2017 et l'a orientée vers un suivi spécialisé que du service de psychiatrie de l'hôpital [7], des avis de la médecine du travail du 19 juillet 2017 et de l'avis d'inaptitude du 16 juillet 2018.

Les pièces médicales du service psychiatrique de l'hôpital [6] du 15 janvier 2018 et le certificat médical du Dr [Z] du 17 janvier 2019 confirment la réalité du stress post traumatique subi par Mme [J] que le service psychiatrique qualifie d'intense et de durable qui 'témoigne de la vulnérabilité de Mme [J] à toutes situations de manque de respect verbal et comportemental de la part d'une personne de sexe masculin'.

Le jugement de relaxe du tribunal correctionnel qui caractérise la réalité de comportement parfaitement inapproprié et de l'adoption d'un langage grivois par M. [U] n'empêche pas la juridiction prud'homale de considérer comme établi le harcèlement sexuel dénoncé par Mme [J], les pièces versées aux débats devant cette cour permettant de considérer comme établis des faits de harcèlement sexuel au sens de l'article L. 1153-1 du code du travail, à savoir des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui ont porté atteinte à la dignité de Mme [J] en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, les conséquences de ce harcèlement sur l'état de santé de Mme [J] étant parfaitement caractérisés par les pièces médicales versées aux débats.

La cour confirmera le jugement entrepris qui a retenu la réalité des faits de harcèlement sexuel subis par Mme [J] sur les lieux du travail et réformera le montant des dommages et intérêts alloués à Mme [J] qui seront réduits à la somme de 5 000€ compte tenu des conditions du harcèlement subi et de sa durée.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour manquement de la société Sécurité Prévention Protection à son obligation de sécurité

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de moyens renforcée en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

En l'espèce, la salariée reproche à son employeur de ne pas avoir évalué et pris en compte le comportement de M. [U] dès le 16.06.2017, lorsque celui-ci en a été averti, de ne pas avoir mené aucune action immédiate, de n'avoir réalisé aucune enquête objective, de n'avoir pas sanctionné M. [U], d'avoir tenté d'intimider Mme [J] et de l'avoir sollicité pendant son arrêt de travail pour maladie.

Les sociétés appelantes s'en défendent en soutenant que la première alerte date du 24 juin 2017 et que le 25 juin M. [V] a proposé à Mme [J] une médiation et une réorganisation des plannings et lui a demandé un rapport qui n'a été reçu que le 5 juillet et que M. [V] a à nouveau reçu Mme [J] le 3 juillet 2017 ; que M. [V] a interrogé M. [U] et les autres salariés ; qu'elle a effectué toute démarche nécessaire auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne dans le cadre de l'intruction du dossier d'accident du travail.

La cour constate, comme le conseil de prud'hommes, que la société Sécurité Prévention Protection a manqué à son obligation d'assurer la protection de la santé et de la sécurité de la salariée en tardant à intervenir alors que M. [V] reconnaît avoir été informé de la plainte de Mme [J] dès le 16 juin ; il résulte de ses réponses aux questions de l'inspectrice de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne qu'il a reçu Mme [J] le 19 juin pour qu'elle lui relate les faits et lui a expliqué qu'elle avait deux choix possibles : soit il convoquait M. [U] afin de

régler la situation en interne, soit Mme [J] déposait plainte ; que le 24 juin il s'est déplacé sur le site et a rencontré Mme [J] avec laquelle il est resté une demi-heure environ ; qu'elle pleurait beaucoup et n'a pas eu de malaise.

Mme [J] est bien fondée à soutenir que la société Sécurité Prévention Protection a laissé Mme [J] choisir les moyens de la protection de sa santé sans mettre en place les moyens adaptés à cette protection ; elle ne justifie pas des conditions dans lesquelles elle a mené l'enquête, se contentant de faire état d'entretiens avec M. [U] qu'elle n'a pas sanctionné et avec d'autres salariés ; M. [V] a laissé Mme [J] continuer à travailler après le 16 juin dans une équipe au contact de M. [U] jusqu'à la survenance d'un accident du travail ; la société Sécurité Prévention Protection n'a pas pris attache avec le médecin du travail et c'est Mme [J] qui a consulté son médecin traitant puis le médecin du travail aux fins de bénéficier d'un arrêt de travail pour maladie. M. [V] a persisté dans cette attitude en proposant à plusieurs reprises à Mme [J] de revenir travailler pendant son arrêt de travail pour maladie.

La cour confirmera en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a retenu la violation de l'employeur à son obligation de sécurité mais l'infirmera en ce qu'il a alloué à Mme [J] des dommages et intérêts en réparation de la violation de cette obligation, la cour considérant qu'aucun préjudice distinct de celui résultant des faits de harcèlement sexuel n'est caractérisé par Mme [J].

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [J] rapporte la preuve de la réalité de la violation par la société Sécurité Prévention Protection de son obligation de sécurité dont la gravité justifie que la poursuite du contrat de travail soit impossible.

Il en résulte que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties et l'a fixée à la date du licenciement pour inaptitude du 27 août 2018.

Cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul en application de l'article L. 1153-4, l'employeur ayant omis de protéger sa salariée contre les faits de harcèlement sexuel dont elle était la victime ; le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que la rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera alloué à Mme [J] qui percevait un salaire moyen de 1 718 € , comptabilisait une ancienneté de 15 mois, y compris les périodes d'arrêt de travail pour accident du travail, et qui justifie de sa situation de chômage jusqu'au 2 septembre 2019, en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, la somme de 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Il sera fait application d'office de l'article L. 1235-4 du code du travail à hauteur de 3 mois d'indemnités de chômage.

Le jugement entrepris sera confirmé sur l'allocation des indemnités de rupture dont le montant justement calculé par le conseil de prud'hommes n'est pas critiqué.

Sur le surplus des demandes

La société Sécurité Prévention Protection et la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Sécurité Prévention Protection, qui perdent le procès seront condamnées aux dépens et à payer à Mme [J] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement entrepris à l'exception de ses dispositions sur le rejet de la demande de rappel de salaire, le montant des dommages et intérêts pour harcèlement sexuel, l'allocation de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, le fait que la rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail liant les parties produit les effets d'un licenciement nul,

Fixe la créance de Mme [H] [J] au plan de sauvegarde de la société Sécurité Prévention Protection, assistée par la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, commissaire à l'exécution du plan, aux sommes suivantes :

- 55,21 € à titre de rappel de salaire du mois de juin 2017 et 5,52 € au titre des congés payés y afférents,

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

- 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Ordonne le remboursement par la société Sécurité Prévention Protection, assistée de la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, des indemnités de chômage versées à Mme [J] dans la limite de 3 mois d'indemnités,

Condamne la société Sécurité Prévention Protection, assistée de la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Sécurité Prévention Protection, à payer à Mme [J] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Sécurité Prévention Protection, assistée de la SCP Pimouguet-Fleuret-Devos-Bot, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Sécurité Prévention Protection, aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

A.RAVEANE S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00971
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;20.00971 ?
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