La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2022 | FRANCE | N°20/00947

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 18 novembre 2022, 20/00947


18/11/2022



ARRÊT N°2022/487



N° RG 20/00947 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQXM

CP/PG



Décision déférée du 27 Février 2020 -

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CASTRES ( F 19/00144)



[X] [J]

Section Encadrement

















[H] [N]





C/



S.A.S. [E]





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosses délivrées

le18/11/2022

à

Me Karine BENDAYAN

Me Stéphane LEPLAIDEUR

ccc

le18/11/2022

à

Me Karine BENDAYAN

Me Stéphane LEPLAIDEUR

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU D...

18/11/2022

ARRÊT N°2022/487

N° RG 20/00947 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NQXM

CP/PG

Décision déférée du 27 Février 2020 -

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CASTRES ( F 19/00144)

[X] [J]

Section Encadrement

[H] [N]

C/

S.A.S. [E]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosses délivrées

le18/11/2022

à

Me Karine BENDAYAN

Me Stéphane LEPLAIDEUR

ccc

le18/11/2022

à

Me Karine BENDAYAN

Me Stéphane LEPLAIDEUR

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [H] [N]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Sarah MASOTTA de la SELARL ALTEO, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représenté par Me Karine BENDAYAN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , M. DARIES, conseillère, et C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de  :

S. BLUMÉ, présidente

M. DARIES, conseillère

C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

lors du prononcé : A.RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

La société [E] a pour activité la vente de poissons, d'invertébrés et de plantes aquatiques destinés aux aquariums.

M. [H] [N] a été embauché à compter du 17 juillet 1998 par la SA [E] en qualité de technicien contrôle qualité import.

M. [N] a exercé son activité comme salarié expatrié domicilié à [Localité 4] en Indonésie.

Il avait pour mission le contrôle des produits sélectionnés par les fournisseurs localisés en Indonésie avant leur exportation en France.

Par avenant du 21 octobre 2003, les parties ont défini les conditions financières d'indemnisation des photos de poissons et de coraux réalisées par M. [N] destinées à être vendues ou importées. L'article 6 de cet avenant était libellé comme suit : ' En raison de l'impossibilité matérielle de procéder au titre de sa prestation et de la cession de ses droits à l'établissement d'une rémunération proportionnelle et du caractère accessoire des photographies, la rémunération du salarié au titre de la cession de l'ensemble de ses droits patrimoniaux de propriété intellectuelle sera forfaitaire et fixée à un euro par photographie exploitée, quel que soit le mode d'exploitation et pour l'ensemble des modes d'exploitation résultant de la présente cession'.

Le 4 mai 2018, le ministère de la pêche d'Indonésie a interdit l'exportation de coraux sauvages et d'aquaculture pour une période indéterminée.

Le 16 mai 2018, la société [E] a placé M. [N] en activité à temps partiel après avoir obtenu l'accord de la DIRECCTE.

Par courriel du 3 juillet suivant, M. [N] a informé la société [E] de son refus d'être placé en activité partielle en raison de la baisse de sa rémunération.

Par lettre du 6 juillet 2018 la société [E] a proposé à M. [N] une modification de son contrat de travail pour motif économique, proposition refusée par ce dernier par courrier du 22 août suivant.

Par lettre du 19 septembre 2018, la société [E] a convoqué M. [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

M. [N] a été licencié par lettre du 5 novembre 2018 pour motif économique.

M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Castres le 15 juillet 2019 de diverses demandes.

Par jugement du 27 février 2020, le conseil de prud'hommes de Castres a :

- dit et jugé que M. [N] n'avait pas le statut de cadre,

- dit et jugé qu'il n' y a pas eu d'exécution déloyale du contrat de travail,

- dit que le licenciement économique est fondé,

- condamné la société [E] à payer à M. [N] la somme de 214 € au titre de la facture du 1er juillet 2016,

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- débouté la société [E] de sa demande d'application d'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [E] aux dépens.

M. [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 27 mars 2020 dans des conditions de forme et de délai non contestées.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 21 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [N] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception du rejet de la demande de remboursement des frais irrépétibles de la société [E], et demande à la cour de :

- juger qu'il était cadre et exerçait les fonctions de biologiste marin et condamner la société [E] au paiement de 14 850 € à titre de rappel de salaire et 1 485 € au titre des congés payés y afférents,

- condamner la société [E] au paiement de la somme de 15 000 € en réparation de ses préjudices résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société [E] au paiement de la somme de 49 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société [E] au paiement de la somme de 10 823 € en paiement des photographies réalisées par lui et, subsidiairement, retenir l'offre de règlement de 214 photographies réalisées entre 2012 et 2016 et dire nulle et non avenue la clause de cession des droits contenue dans l'avenant du 21 octobre 2003, s'agissant des autres clichés dont il est l'auteur,

- condamner la société [E] au paiement de la somme de 5 442,44 € à titre de rappel de salaire, outre 544,24 € au titre des congés payés y afférents, sauf à déduire les acomptes versés pendant la période de chômage partiel,

- condamner la société [E] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 27 septembre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société [E] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 214 € au titre des photographies et l'a déboutée de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau, de débouter M. [N] de sa demande en paiement des photographies et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 € au titre de frais irrépétibles de première instance,

- de confirmer le jugement entrepris sur le surplus, et notamment en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la demande de reconnaissance du statut de cadre de M. [N]

Il appartient à M. [N] de rapporter la preuve qu'il exerçait au sein de la société [E] non pas des fonctions de technicien, qualification figurant sur le contrat de travail conclu entre les parties mais des fonctions de cadre.

Il soutient qu'au cours de la relation contractuelle, il a négocié des exclusivités, des rabais avec certains fournisseurs, développé des fermes de production de coraux, inventé des techniques de culture de coraux qui ont été brevetées au nom de la société [E] ; il prétend avoir exécuté nombre de recherches et participé à de nombreux colloques en tant que biologiste marin, qualité qu'il revendique et qui figure sur sa carte de visite professionnelle ; il a travaillé de façon autonome en sélectionnant les fournisseurs de poissons et de coraux, a mis au point des méthodes de pêche durable, surveillé la mise en colis, choisi et testé les transporteurs aériens et recherché l'amélioration de toutes les procédures de pêche et d'envoi des poissons et coraux pour éviter leur mortalité. Il devait, en outre, encadrer l'ensemble des fournisseurs.

La société [E] s'y oppose, son statut de technicien contrôle qualité étant conforme à son diplôme de technicien spécialisé en aquaculture de sorte qu'il ne saurait revendiquer la qualification de biologiste ou d'ingénieur ; il exécutait des fonctions d'exécution et non d'encadrement, à savoir la sélection des espèces et l'établissement de la liste des espèces non disponibles pour chaque commande des clients ; il ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs et l'employeur avait la charge des commandes. Il n'a effectué aucun travail de recherche et le brevet d'aquaculture a été déposé en juin 2003 par la société [E] et non par M. [N].

La cour constate que la société [E] reconnaît avoir fait une application volontaire aux relations de travail de la convention collective nationale d'import-export n° 43 dont l'ancien intitulé figure sur les bulletins de paie. Cette convention collective définit les cadres comme les collaborateurs qui exercent une fonction complète d'encadrement et l'animation ou une fonction requérant des connaissances et capacités adaptées. Ils remplissent leurs fonctions dans des conditions impliquant initiative, décision et responsabilité, pouvant engager l'entreprise dans la limite de leur délégation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [N] était le seul salarié de la société [E] à travailler en Indonésie de sorte qu'il n'exerçait pas de fonction d'encadrement.

En revanche, les missions définies au contrat de travail et les conditions d'exercice de ces missions permettent à la cour de considérer qu'il a exercé pendant de nombreuses années seul ses missions prévues au contrat de travail dans des conditions impliquant initiative, décision et responsabilité au sens de la convention collective sus-visée.

Le contrat de travail du 17 juillet 1998 prévoit en son article 5 que M. [N] devait assister les fournisseurs dans la sélection des poissons et coraux vendus à la société mais également former ces fournisseurs et améliorer leur organisation, collaborer à la politique d'importation de l'entreprise, participer activement à la résolution des litiges entre son employeur et les fournisseurs, réaliser toutes tâches administratives commerciales et comptables liées à ces fonctions et exécuter toutes missions générales ou ponctuelles. Le contrat prévoyait en outre dans son article 7 que M. [N] bénéficiait d'une autonomie et de l'initiative de son emploi du temps.

Les nombreuses pièces versées aux débats par les parties démontrent que M. [N] a exécuté seul à [Localité 4] ses missions en toute autonomie ; qu'aucun contrôle n'a été effectué sur son emploi du temps, exception faite d'un rappel d'horaires effectué dans un mail en fin de relation contractuelle ; qu'il a participé à de nombreuses réunions et colloques et représenté la société employeur notamment lors d'une émission de télévision sur les coraux ; qu'il était reconnu comme spécialiste des coraux indonésiens dans la presse et lors des colloques auxquels il participait.

S'il ne peut effectivement, comme le soutient justement l'employeur, revendiquer le titre d'ingénieur biologiste à défaut d'établir la possession du diplôme d'ingénieur ou d'un diplôme de recherche en biologie, en revanche il est bien fondé à revendiquer une classification dans la catégorie des cadres au sens de la convention collective import-export eu égard à ses connaissances développées en matière d'aquaculture et à ses capacités adaptées.

La cour estime, au contraire du conseil de prud'hommes, que M. [N] est bien fondé à revendiquer sa classification en qualité de cadre ; la classification conventionnelle des emplois produite par la société [E] permet de le classer au niveau C 15 correspondant à la définition du cadre totalisant trois années de pratique au minimum, gérant sous contrôle une activité bien identifiée relevant d'une spécialisation professionnelle précise.

La société [E] est bien fondée à contester que M. [N] puisse revendiquer un rappel de salaire sur la base d'un salaire moyen de biologiste marin tel que figurant sur une publication universitaire.

Le rappel de salaire auquel M. [N] peut prétendre sera calculé par la cour sur la base des salaires minima conventionnels mensuels bruts pour 151,67 h et, contrairement à ce que soutient la société intimée, le salaire de référence est le salaire de base versé à M. [N] et non le salaire effectivement versé comprenant 4 heures supplémentaires et une prime d'ancienneté.

Pour l'année 2018, le rappel de salaire s'élève à la somme de 523 € par mois, soit

6 276 € par an, ce qui permet de faire droit à la demande de rappel de salaire formée sur la période des 3 années précédant la rupture du contrat de travail à hauteur de la somme de 14 850 €, outre 1 485 € au titre des congés payés y afférents, par infirmation du jugement entrepris.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Il appartient à M. [N] qui sollicite le paiement de 15 000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail d'établir la réalité de l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur la société [E] et le préjudice en résultant.

Il résulte de la lecture de la clause de non concurrence figurant au contrat de travail qu'effectivement M. [N] a bien été soumis pendant les 20 années d'exécution du contrat de travail liant les parties à une clause de non concurrence illicite en ce qu'elle n'était pas limitée dans l'espace, se contentant de viser l'ensemble des pays au sein desquels l'employeur possède des fournisseurs à la date de cessation du contrat et en ce qu'aucune contrepartie financière n'était prévue au profit du salarié.

Pour autant, M. [N] ne peut se prévaloir de l'illicéité de cette clause au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat dans la mesure où les pièces versées aux débats établissent que, pendant le cours de la relation de travail, il a travaillé pour le compte de la société [Localité 4] Aquarium, société fournisseur de la société [E] sans avoir sollicité de son employeur l'autorisation de travail.

Il résulte encore des pièces versées aux débats que M. [N] a également, pendant le cours de la relation de travail, travaillé au sein de l'organisme Océan Gardener alors qu'il s'était engagé dans le contrat de travail à consacrer l'intégralité et l'exclusivité de son activité professionnelle au profit de la société [E].

M. [N] ne fait pas plus la preuve qu'il ait, comme il le prétend, exécuté de nombreuses heures supplémentaires en sus des 39 h rémunérées par son employeur et il ne demande pas de rappel de salaire à ce titre, étant rappelé qu'il est démontré qu'il a, pendant le cours d'exécution de la relation de travail, travaillé pour le compte d'une autre société et effectué pour son compte personnel, des missions et participé à diverses colloques ou manifestations relatives à l'aquaculture des coraux.

Il prétend encore ne pas avoir pu prendre ses congés payés alors que ses bulletins de paie font état de la prise régulière de ses congés payés ; ses échanges épistolaires avec M. [E] ne permettent que de déterminer que les parties étaient en désaccord sur la date de prise ou de demande de certains congés en dehors des périodes habituelles mais non que l'appelant ait été privé de ses droits à congés payés.

M. [N] sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur les demandes en paiement des photographies prises par M. [N]

Il a été rappelé dans l'exposé du litige que, par avenant du 21 octobre 2003, les parties ont défini les conditions financières d'indemnisation des photos de poissons et de coraux réalisées par M. [N] destinées à être vendues ou importées.

L'article 6 de cet avenant était libellé comme suit : ' En raison de l'impossibilité matérielle de procéder au titre de sa prestation et de la cession de ses droits à l'établissement d'une rémunération proportionnelle et du caractère accessoire des photographies, la rémunération du salarié au titre de la cession de l'ensemble de ses droits patrimoniaux de propriété intellectuelle sera forfaitaire et fixée à un euro par photographie exploitée, quel que soit le mode d'exploitation et pour l'ensemble des modes d'exploitation résultant de la présente cession'.

M. [N] sollicite à titre principal le paiement de la somme de 10 823 € correspondant au paiement d'une facture de 10 823 photos du 1er juillet 2016 , cette facture comprenant pour les premières photos leur intitulé et, à compter de 2012, des numéros et l'indication de semaines avec la particularité que cette facture du 1er juillet 2016 comprend des photos prises jusqu'à la deuxième semaine de l'année 2017.

Il lui appartient d'établir que ces photographies ont fait l'objet d'une exploitation par la société au sens de l'avenant précité.

S'il établit par attestation et par la production de documents de la société que certaines des photographies utilisées par la société [E] ont été prises par lui, pour autant rien ne permet de confirmer qu'il s'agisse des photographies, objets de la facture du 1er juillet 2016, étant ajouté qu'une première facture du 1er juillet 2016 avait été éditée pour un montant de 214 € correspondant à 214 photographies et que M. [E] avait, par courriel, accusé réception de cette facture mais répondu qu'il ne les avait pas utilisées.

La cour estime que M. [N] ne fait pas la preuve qui lui incombe que les conditions prévues par l'avenant soient réunies de sorte qu'elle déboutera M. [N] de sa demande principale en paiement de 10 823 € et de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 214 € par infirmation du jugement déféré qui a condamné la société au paiement de 214 € sans autre explication que la présentation par M. [N] d'une facture.

M. [N] ne fonde pas juridiquement sa demande de nullité de la clause de cession des droits d'auteur contenue dans l'avenant au contrat de travail formée à titre subsidiaire de sorte que la cour rejettera cette demande par confirmation du jugement déféré.

Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire pendant la période de mise en chômage partiel

M. [N] soutient que, pendant la période de chômage partiel intervenue de mai à juin 2018, il n'a pas perçu l'intégralité de ses salaires de sorte qu'il sollicite le paiement de la somme de 5 442,44 € outre 544,24 € au titre des congés payés y afférents, demande à laquelle s'oppose la société [E] qui prétend que M. [N] a perçu pendant la période de chômage partiel une rémunération partielle de 1 208,49 € nette en mai 2018 et de 763,91 € net en juin 2018 et qu'en juillet 2018 sa situation a été régularisée par le paiement d'un différentiel de 1 312,72 €.

La cour constate que les paiements allégués par la société [E] figurent bien sur les bulletins de paie qu'elle verse aux débats mais rappelle que les bulletins de paie ne constituent pas un mode de preuve du paiement des sommes qui y figurent de sorte qu'elle condamnera la société [E] au paiement des salaires et congés payés sollicités, sauf à déduire les acomptes versés pendant la période de chromage partiel.

Sur le licenciement

Il appartient à la cour de statuer sur le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement de M. [N] en examinant les motifs développés par l'employeur dans la lettre de licenciement du 5 novembre 2018 qui fixe les limites du litige et les

conditions dans lesquelles la société [E] a respecté son obligation de reclassement.

La lettre de licenciement du 5 novembre 2018 à laquelle il est expressément fait référence expose en substance que l'interdiction d'exportation des coraux d'Indonésie depuis le 4 mai 2018 a contraint la société [E] à réorganiser l'activité de M. [N] qui consistait à réaliser le contrôle de la qualité des coraux depuis le fournisseur CV [Localité 4] Aquarium en Indonésie dans la mesure où la société [E] ne pouvait plus fournir à M. [N] d'activité dans ce pays.

...'Afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise qui ne peut supporter la perte de chiffre d'affaires générée par l'interdiction d'exportation des coraux depuis l'Indonésie, nous vous avons en conséquence proposé une modification de votre contrat de travail pour motif économique par courrier en date du 6 août 2018.

Cette modification de votre contrat de travail consistait à occuper un poste de technicien de serre, secteur eau de mer, acclimatation, emballage animaux aquatiques notamment coraux sur le site de [Localité 6].

Cette proposition démontrait notre volonté d'éviter votre licenciement car nous avions créé ce poste spécifiquement dans l'objectif de vous maintenir dans notre effectif. En outre, afin de vous inciter à accepter notre proposition, nous avions augmenté votre rémunération actuelle d'un montant de 200 € bruts par mois.

Par courrier du 22 août 2018, vous nous avez indiqué refuser cette proposition de modification pour motif économique.

Nos recherches de reclassement ne nous ont pas permis d'identifier d'autre poste disponible que celui que nous vous avions soumis dans le cadre de la proposition de modification de votre contrat de travail. Nous vous avons donc proposé ce poste à titre de reclassement et ce, afin de tenter d'éviter votre licenciement.

Par mail du mardi 30 octobre 2018, vous nous avez indiqué refuser cette proposition de reclassement.

Les raisons économiques et financières énoncées ci-dessus, la poursuite de l'interdiction d'exportation des coraux d'Indonésie ainsi que votre refus du poste de reclassement proposé justifient votre licenciement pour motif économique..'

L'article L 1233-3 du code du travail disposait dans sa rédaction applicable à la cause :

'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché...

Il résulte de la lecture de la lettre de licenciement que la société [E] a licencié M. [N] pour sauvegarder sa compétitivité mise en péril par l'interdiction d'exportation des coraux par les autorités indonésiennes à compter de mai 2018.

La société [E] justifie avoir dans un premier temps proposé à M. [N] une modification de son contrat de travail pour motif économique qu'il a refusée.

Elle produit en pièce 12 un récapitulatif des achats auprès de ses fournisseurs qui fait état d'une baisse de 469 106 € de ses achats fournisseurs vivant en provenance d'Indonésie entre 2017 et 2018.

Elle verse aux débats l'état de son chiffre d'affaires HT en provenance d'Indonésie entre mai 2017 et mars 2019 validé par son commissaire aux comptes qui révèle une baisse très importante de ce chiffre d'affaires passant de 147 752 € en mai 2017 à 37 017,51 € en novembre 2018, date du licenciement, l'année 2018/2019 présentant une baisse très significative du chiffre d'affaires passant de 194 818 € en avril 2018 à 63 633 € en mai 2018, baisse se poursuivant en octobre pour parvenir à 30 735 €.

Le chiffre d'affaires de la société [E] était de 3 981 517 € en 2017 et de 3 399 483 € en 2018, soit une baisse de 582 034 €.

La cour estime que la preuve est ainsi faite de la nécessité pour la société [E] de procéder à la sauvegarde de sa compétitivité mise en péril par l'interdiction d'exportation des coraux depuis l'Indonésie et rien ne l'obligeait, comme le soutient M. [N] à attendre que la dégradation se poursuive pour engager une procédure de licenciement pour motif économique.

La société [E] doit démontrer qu'elle a sérieusement et loyalement exécuté son obligation de reclassement prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail qui dispose dans sa rédaction applicable au litige :

' Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

La société [E] démontre qu'elle a proposé à M. [N] un reclassement sur un poste de technicien de serre qu'elle a créé pour M. [N] et que ce dernier a refusé.

M. [N] est mal fondé à prétendre que la société [E] aurait dû lui proposer les 6 postes proposés par elle à l'étranger, le code du travail ne prévoyant d'obligation de reclassement que sur des emplois disponibles situés sur le territoire national, étant précisé, au surplus, que M. [N] ne justifie ni qu'il avait les compétences pour occuper les 6 postes de commercial créés, ni qu'il parlait les langues des pays dans lesquels ces recrutements étaient recherchés ( Suède, Portugal, Grèce, Danemark et Finlande ) et qu'aucune partie ne soutient que la société [E] ferait partie d'un groupe.

La cour estime, comme le conseil de prud'hommes, que la société [E] fait la preuve d'avoir loyalement et sérieusement recherché le reclassement de M. [N] de sorte qu'elle confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement économique fondé et rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le surplus des demandes

La société [E] qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [N] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant infirmé sur les dépens mis à la charge de la société [E] et confirmé sur les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions sur le statut de cadre, sur la demande de remboursement des salaires pendant la période de temps partiel et en ce qu'il a condamné la société [E] au paiement de la somme de 214 € au titre de la facture du 1er juillet 2016, et le confirme pour le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que M. [H] [N] a exercé au sein de la société [E] des fonctions de cadre et condamne la société [E] à lui payer la somme de 14 850 € à titre de rappel de salaire et de 1 485 € au titre des congés payés y afférents,

Condamne la société [E] à payer à M. [N] la somme de 5 442,44 € à titre de rappel de salaire de mai et juin 2018 pendant la période de chômage partiel, outre 544,24 € au titre des congés payés y afférents, sauf à déduire les acomptes versés pendant cette période de chômage partiel,

Déboute M. [N] de sa demande en paiement de la somme de 214 € au titre de la facture du 1er juillet 2016,

Condamne la société [E] à payer à M. [N] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [E] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

A.RAVEANE S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00947
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;20.00947 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award