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18/11/2022 | FRANCE | N°20/00651

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 18 novembre 2022, 20/00651


18/11/2022



ARRÊT N°2022/485



N° RG 20/00651 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NPDB

MD/PG





Décision déférée du 28 Janvier 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 2] ( F 18/00546)

E. MOUILLERAC

Section activités diverses

















[H] [D]





C/



Association [Localité 2] AVIRON SPORT & LOISIRS



























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CONFIRMATION







Grosses délivrées

le 18/11/2022

à

Me Annie COHEN-TAPIA,

Me Jérôme MESSANT





CCC

le 18/11/2022

à

Me Annie COHEN-TAPIA,

Me Jérôme MESSANT

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TO...

18/11/2022

ARRÊT N°2022/485

N° RG 20/00651 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NPDB

MD/PG

Décision déférée du 28 Janvier 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 2] ( F 18/00546)

E. MOUILLERAC

Section activités diverses

[H] [D]

C/

Association [Localité 2] AVIRON SPORT & LOISIRS

CONFIRMATION

Grosses délivrées

le 18/11/2022

à

Me Annie COHEN-TAPIA,

Me Jérôme MESSANT

CCC

le 18/11/2022

à

Me Annie COHEN-TAPIA,

Me Jérôme MESSANT

Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [H] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Annie COHEN-TAPIA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Association [Localité 2] AVIRON SPORT & LOISIRS

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme MESSANT de la SELARL MESSANT ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N.BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

lors du prononcé : A.RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par A.RAVEANE, greffière de chambre

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [H] [D] a été embauché à compter du 1er avril 2014 par l'association [Localité 2] Aviron Sports et Loisirs (l'association TASL), en qualité d'animateur et d'entraîneur de l'école d'aviron, suivant contrat de travail à durée indéterminée, régi par la convention collective nationale du sport.

À la suite d'une visite médicale en date du 8 novembre 2011, le médecin du travail a déclaré M. [D] apte, avec réserves.

Le 16 octobre 2015, alors qu'il ramenait des collégiens dans leur établissement, M. [D] s'est aperçu qu'il s'était fait voler son téléphone portable dans le bus qu'il conduisait.

Le 17 octobre 2015, M. [D] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail.

La CPAM lui a notifié la prise en charge de l'accident du travail du 16 octobre 2015, suivant courrier du 23 décembre 2015.

Par décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 12 juillet 2016, M. [D] a été reconnu travailleur handicapé.

À la suite de la visite médicale en date du 8 décembre 2016, le salarié a été déclaré apte à la reprise au travail avec restrictions médicales.

Après examen de reprise en date du 29 juin 2017, il a été déclaré apte « sous réserve de passage à temps partiel à raison de 3 jours travaillés par semaine, soit 22 h semaine en libérant le samedi et le dimanche ».

Le certificat final d'arrêt de travail est intervenu le 21 juillet 2017.

Par courrier du 2 août 2017, l'association TASL a proposé au salarié de travailler à temps partiel, soit 22 heures hebdomadaires, réparties sur trois jours par semaine, hors samedi et dimanche.

Par courrier du 4 août 2017, le salarié a refusé l'avenant proposé au motif qu'il emportait une diminution importante de sa rémunération malgré l'aide financière du SAMETH (service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés).

Il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 18 octobre 2017, puis il a été licencié le 24 octobre 2017 au motif qu'il avait refusé l'avenant au contrat de travail et qu'aucune solution de reclassement n'était envisageable.

Il a quitté les effectifs de l'entreprise le 26 décembre 2017.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse, le 10 avril 2018, pour obtenir la nullité de la rupture du contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 28 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse, section activités diverses, a :

- jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté le salarié de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail ;

- dit qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [H] [D] aux éventuels dépens de l'instance.

***

Par déclaration du 20 février 2020, M. [H] [D] a interjeté appel de cette décision.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 mai 2020, M. [H] [D] demande à la cour d'infirmer le jugement et :

À titre principal,

- de juger que le comportement de l'association [Localité 2] aviron sports et loisirs à l'origine de l'accident du 17 octobre 2015 est constitutif d'un harcèlement moral ;

- de juger que le licenciement repose sur un motif discriminatoire lié à son état de santé ;

- de juger que le licenciement intervenu en raison de son inaptitude partielle est nul ;

- de condamner l'association à lui verser les sommes suivantes :

*15.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

*10.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée à son état de santé,

*5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

*34.351,38 € à titre d'indemnité forfaitaire pour la nullité de son licenciement résultant d'une inaptitude professionnelle,

*3.816,82 € à titre d'indemnité de préavis, outre 381,68 € de congés payés y afférents ;

À titre subsidiaire,

- de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- de condamner l'association TASL à lui payer :

*34.351,38 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*3.816,82 € à titre d'indemnité de préavis, outre 381,68 € de congés payés y afférents ;

En tout état de cause,

- de condamner l'association TASL à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner l'association aux dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 juillet 2020, l'association [Localité 2] aviron sports et loisirs (association TASL) demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de :

- débouter M. [H] [D] de toutes ses demandes ;

- condamner le salarié à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 2 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement :

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-3 du même code dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ce texte est nulle.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [D] invoque avoir subi un harcèlement moral compte tenu des conditions d'emploi insoutenables qui sont selon lui à l'origine de l'arrêt de travail du 17 octobre 2015. Il expose les éléments suivants :

Sur les missions confiées au salarié et la charge de travail,

- Il fait valoir que l'employeur lui confiait de nombreuses tâches annexes aux fins de palier la mauvaise gestion du personnel à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail. Le salarié produit à ce titre plusieurs comptes rendus du conseil d'administration de l'association, ayant eu lieu entre juin 2014 et avril 2015, qui font état d'une situation de sous-effectif permanente et d'une adaptation/flexibilité constante exigée des collaborateurs, au regard des tâches diverses qui leur étaient confiées : « recevoir 4 à 8 classes par jour, tous les jours de la semaine est épuisant pour les salariés » (compte rendu du 27 juin 2014) ; la « consigne » a ainsi été donnée de « ne pas user les collaborateurs » (compte rendu du 24 octobre 2014) ; « [A] et [H] seront là quand il y aura communication autour des entrainements le dimanche matin » (compte rendu du 18 décembre 2014).

- L'appelant explique que l'association lui faisait supporter la charge de nombreuses autres fonctions de nature à déstabiliser ses missions. Il démontre avoir préparé des calendriers sportifs et les divers documents administratifs de la saison 2015-2016, alors qu'il n'avait plus la responsabilité d'un groupe (pièce 27).

Sur le temps de travail,

- M. [D] reproche à l'employeur divers manquements aux règles relatives au temps de travail. M. [L], collaborateur de l'association entre 2000 et 2018, témoigne de ce que les salariés, qui subissaient une surcharge de travail, voyaient leurs plannings être modifiés à répétition, sans délai de prévenance ni information du directeur de la base. Concernant M. [D], il ajoute que celui-ci a « à plusieurs reprises, ramené le vendredi soir des jeunes lorsqu'il était en charge des entrainements avec sa voiture personnelle chez eux. Ce trajet en voiture s'est déroulé au-delà de 20 heures, heure de fermeture de la base nautique. Ces jeunes venaient à l'entrainement dans le cadre de la politique d'insertion par le sport menée par le TASL ».

- Il se plaint de ne pas avoir possédé de boite mail professionnelle avant le mois d'octobre 2015 (pièce 26), de sorte qu'il recevait des messages sur son adresse personnelle, même en dehors de son temps de travail, par exemple durant ses congés (pièce 24 et 25 ' courriels de M. [E] du 1er janvier 2015, mail collectif du directeur du 26 juin 2015 et mail à destination du salarié le 1er septembre 2015). Il soutient qu'il prenait connaissance et répondait aussitôt aux courriels envoyés sur sa boite personnelle.

- Il passait des appels téléphoniques professionnels entre 19h30 et 20h, après son travail, ainsi le 16 octobre 2015, jour où il a fait l'objet d'un accident du travail (pièce 25).

- Il indique avoir participé plusieurs dimanches à diverses compétitions nautiques en tant que chauffeur, entraineur et délégué du club, alors qu'il ne figurait pas sur les plannings ces jours-là (pièce 23). Depuis l'infraction de M. [U] au code de la route, Mme [B] [D], la fille de l'appelant, atteste de manière convergente avec Mme [S] (mère de [B] [D] et inspectrice du travail) que l'appelant était le seul à pouvoir conduire le camion transportant les bateaux et compétiteurs (pièce 29). Ces témoins évoquent notamment sa présence aux championnats de France d'aviron en qualité de délégué du club ou de conducteur du véhicule de l'association. Mme [S] souligne que celui-ci lui a indiqué qu'il conduisait le véhicule, car il ne pouvait faire autrement et « risquait de ne pas conserver son poste ».

Il est exposé que M. [D] était présent aux compétitions, sans être rémunéré, notamment le 12 avril 2015, à [Localité 5], car il était en congés ainsi qu'en atteste M. [C], ou le week-end du 9 au 10 mai 2015, à [Localité 4] (pièces 7, 23 et 29). Hors jours de compétition, M. [V], rameur et bénévole au sein de l'association, atteste avoir vu M. [D] les dimanches matins au TASL.

M. [D] fournit un relevé d'heures sur les semaines de l'année 2015 faisant mention des heures supplémentaires réalisées le week-end. Par exemple, la semaine 16 de l'année 2015, il indique avoir réalisé 58 heures hebdomadaires pour avoir travaillé les samedi 18 et dimanche 19 avril 2015.

Sur la santé de l'appelant,

- M. [D] produit l'attestation d'un ancien président de l'association expliquant que la structure avait une vocation sportive et sociale ayant engendré « des problématiques non seulement en termes de maintien des effectifs, mais aussi une charge de travail, qui de par la difficulté de la fonction tenue, entrainait une fatigue physique, mais aussi et surtout morale (') ayant eu pour conséquences du turn over et une surcharge et / ou une demande d'investissement trop importante pour nos employés ».

L'appelant verse également un courrier d'un membre du conseil d'administration, en date du 20 octobre 2015, à destination des autres membres de ce conseil, lequel expose : « j'éprouve une forte inquiétude en ce qui concerne son burn out. Sa perte de repères est fort simple à comprendre et vient d'une déstabilisation permanente dans sa fonction et dans la dérive du club dans certains domaines et surtout dans la non expérience de certains salariés et des nombreuses frustrations qu'il a vécues au club ».

Ce message est corroboré par des mails de soutien de collaborateurs à la suite de son accident du travail : « sans toi le club est totalement rien, t'es la pièce maîtresse du club ('), tu as fait ce que personne d'autre peut faire pour le club, ils auraient dû se rendre compte du surmenage qu'ils nous font subir » (courriel de M. [E]) et « je voyais bien que tu étais sous pression et très stressé, mais je ne pensais pas à ce point » (courriel de M. [P]).

- Dans le certificat médical d'accident du travail du 17 octobre 2015, et les suivants, le médecin du centre psychothérapique évoque « un état de stress posttraumatique : anxiété généralisée, idées suicidaires, intentionnalité de passage à l'acte authentique exprimée nécessitant un traitement psychotrope, réactionnel à un vol survenu sur le lieu du travail » et un « état dépressif majeur dans un contexte de stress au travail nécessitant la mise en place d'un traitement antidépresseur et suivi psychologique sur plusieurs semaines ».

Son psychanaliste certifie en outre que M. [D] présentait toutes « les caractéristiques du burn out avec des idées suicidaires (pendaison pensée) ('). Les évènements liés à la situation professionnelle ont encore plus mis à mal M. [D] ».

Mmes [T] et [N], psychologues exposent de surcroit que si M. [D] appréciait les fonctions occupées, « il décrit des conditions qu'il ne peut plus gérer : pas de régularité horaire, pas de limites, temps de travail souvent très conséquent, etc. aussi se sent-il épuisé ».

M. [D] s'est vu reconnaitre la qualité de travailleur handicapé, le 12 juillet 2016, et un taux d'incapacité permanente de 15 %, le 30 octobre 2017.

Il considère que le vol de téléphone portable intervenu le 16 octobre 2015, la veille de son arrêt de travail, n'en est pas la cause déterminante, mais qu'il s'agit de la pression qu'il subissait quotidiennement au travail depuis plusieurs années, si bien que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. Selon lui, l'employeur ne pouvait ignorer qu'en le soumettant à une telle pression, il mettait sa santé en danger.

Les faits pris dans leur ensemble permettent de laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Il revient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur oppose les éléments suivants:

- il soutient que le salarié ne s'est jamais prévalu d'une situation de harcèlement moral, tel qu'il s'évince du résultat de l'enquête de la CPAM du 26 novembre 2015 et de l'attestation de M. [G], ancien représentant du personnel de l'association entre 2013 et 2015 : « M. [H] [D], mon ancien collaborateur, ne m'a pas sollicité pour s'entretenir au sujet d'éventuels dysfonctionnements dans la gestion de l'association » ;

- les comptes rendus du conseil d'administration font ressortir la prise au sérieux des conditions de travail des salariés, avec des propositions pour combler les manques d'équivalents temps plein, expriment un contexte général mais ne font pas état d'une situation de crise ou de danger sur le plan social ;

- M. [D] n'a jamais été sollicité par l'association pour compenser des besoins en temps plein et il n'est pas démontré d'infraction au temps de travail du salarié, celui-ci ne formulant aucune demande de rappel d'heures supplémentaires à ce titre puisqu'il n'en a jamais revendiqué le paiement durant la relation de travail.

- les courriels échangés le week-end ou durant les congés, notamment avec le collaborateur qu'il avait sous sa tutelle, M. [E], n'impliquaient aucune réponse immédiate de sa part, comme pour les autres mails généraux envoyés à l'attention d'un grand nombre de personnes ;

- les missions du salarié sont conformes aux stipulations contractuelles, celui-ci demeurant bénévole lors de certaines compétitions de l'association pour supporter sa fille qui y participait et l'employeur estime que les attestations de sa fille et son ex-épouse devront être écartées des débats en ce qu'elles manquent d'objectivité ;

- les témoignages produits par le salarié et les éléments de comptes rendus du conseil d'administration ne font que relater des faits en lien avec la gestion du personnel, étrangers à la situation personnelle de M. [D];

- la plupart des éléments médicaux produits par le salarié rapportent seulement ses propres déclarations et contreviennent à l'obligation de prudence imposée aux médecins qui ont procédé par voie d'affirmation.

Sur ce, l'analyse de la cour :

Le contrat de travail de M. [D], embauché en qualité d'éducateur sportif avec la qualification de technicien, prévoit qu'il était chargé de :

- l'enseignement, proprement dit, collectif et individuel,

- l'accompagnement de groupes,

- l'encadrement des groupes de jeunes et d'adultes (lors des stages et sorties),

- le suivi et le développement du projet social d'insertion par le sport du TASL,

-la participation aux actions dans lesquelles l'association est impliquée (conception, encadrement, bilan),

- des tâches annexes pour assurer le bon fonctionnement de l'association.

Il en ressort que celui-ci pouvait, outre ses missions principales, réaliser toute tâche annexe.

M. [D] ne démontre pas avoir subi une déstabilisation permanente de ses fonctions dès lors qu'il n'explique pas en quoi les tâches effectivement confiées auraient été contraires aux prescriptions contractuelles et étrangères à ses fonctions ou relèveraient majoritairement des tâches annexes.

Si les comptes-rendus du conseil d'administration des 27 juin 2014, 24 octobre 2014 et 18 décembre 2014 font état d'un sous-effectif du club, les consignes données sont 'de ne pas épuiser les équipes' et 'de réduire la voilure'.

Le salarié ne se prévaut d'aucune directive de l'employeur permettant de caractériser une pression ou surcharge de travail dont il aurait souffert.

Quand bien même ses missions pouvaient être variées, en ce compris la réparation des bateaux, la conduite du fourgon de l'association et celles d'éducateur sportif, il n'est pas établi que ces tâches ont conduit à générer un dépassement régulier du temps de travail. En effet, il invoque avoir réalisé des heures supplémentaires plusieurs week-end en 2015 ; or, son contrat de travail prévoit qu'il devait effectuer 36 heures de travail par semaine avec, en contrepartie, 46 heures de récupération sur l'année, qu'il pouvait être amené à faire des déplacements sur le territoire national et travailler le dimanche (jour récupéré dans les conditions prévues par la convention collective).

M. [D] produit certains plannings renseignant qu'il ne devait pas travailler certains week-end, de sorte qu'il savait qu'il n'avait pas à se tenir à la disposition de l'employeur à défaut de directives établies en ce sens. Sa fille, qui participait aux compétitions, souligne expressément dans son attestation que son père était parfois présent en qualité de « supporter », notamment le week-end du 11-12 avril 2015, ce qui traduit sa volonté d'accompagner les jeunes du club en dehors de son temps de travail.

En outre, il n'est pas établi que M. [D], sur ordre de l'employeur, était tenu de ramener certains jeunes à leur domicile, après la fermeture de la base nautique.

S'il indique avoir reçu des courriels sur sa messagerie personnelle, le conseil de prud'hommes a justement relevé que ces courriels n'impliquaient pas de réponse immédiate de sa part compte tenu de leur expéditeur ou de leur contenu. La cour ajoute que M. [D] n'a jamais reproché à son employeur de lui adresser des courriels sur son adresse personnelle durant plusieurs années, alors que sa boite mail professionnelle a seulement été créée en octobre 2015.

M. [D] ne peut utilement se prévaloir d'un changement constant dans ses plannings. D'une part, il ressort de son contrat de travail que les heures de travail n'étaient pas contractualisées et qu'il pouvait travailler jusqu'à 20 heures le soir, heure de fermeture de l'établissement. D'autre part, il n'est fourni aucun élément suffisamment précis permettant d'affirmer qu'il était prévenu tardivement du changement de ses emplois du temps, au mépris du délai de prévenance, les éléments versés aux débats étant d'ordre général.

M. [D] n'a jamais alerté l'employeur des difficultés alléguées.

Il ressort tout particulièrement du certificat d'arrêt de travail du médecin psychiatre et de l'enquête de la caisse primaire d'assurance maladie fournie par l'employeur que seul le vol de son téléphone portable, le 16 octobre 2015, est à l'origine de ses problèmes de santé soudains. En effet, le certificat de travail fait état d'un stress post-traumatique, sans antécédent.

L'enquête révèle que M. [D] a déclaré : « Il s'est dit ''je ne vaux plus rien''. Il n'y a plus de respect, j'ai perdu tous mes repères », les jeunes du bus lui ayant dit que « c'était bien fait » pour lui.

Le vol du téléphone portable ne peut être vu comme l'élément déclencheur ayant laissé ressurgir un mal être profond au travail, lié à des agissements de harcèlement subis et répétés.

Le salarié ne développe aucun manquement de l'employeur en lien avec le vol de son téléphone ou résultant d'une agression au visage survenue à une date qui n'est pas renseignée, alors que M. [D] était en pause déjeuner (pièce n° 39), ni n'évoque une surcharge de travail.

Il ne fait nul doute que M. [D] était très investi dans ses fonctions, notamment auprès des jeunes du club. Toutefois, cet investissement spontané, dans un contexte de travail économique et social difficile, s'agissant d'une association tournée vers l'insertion des jeunes par le sport, ne peut suffire à caractériser un harcèlement moral de l'employeur.

Par conséquent, au regard des éléments développés, le harcèlement moral ne peut être caractérisé.

M. [D] sera donc débouté de ses demandes au titre du harcèlement, de même que celle relative au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qui repose sur les mêmes faits et n'est pas plus établie.

Sur la discrimination

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version en vigueur au moment des faits, prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article L. 1134-1 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au cas d'espèce, M. [D] fait valoir qu'il a été déclaré apte à reprendre son poste, à hauteur de 22 heures de travail hebdomadaires, à condition de travailler trois jours par semaine, hors samedis et dimanches. Il reproche à l'association de l'avoir licencié suite à son refus d'accepter la diminution corrélative de sa rémunération, alors qu'elle aurait pu maintenir son salaire à temps complet, pendant trois ans, avec l'aide proposée par la SAMETH, et ce, jusqu'à sa retraite. Il précise que son courrier de licenciement indique : « Les raisons en sont essentiellement économiques mais pas que », ce qui traduit selon lui la volonté de l'employeur de rompre le contrat de travail compte tenu de son état de santé et son statut de travailleur handicapé.

Compte tenu de la solution de financement du SAMETH dont il est fait état, les éléments invoqués, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de discrimination mettant en mesure l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'association y répond en fournissant les éléments suivants :

- elle a proposé au salarié un avenant conforme aux prescriptions médicales (pièce n° 9) que celui-ci a refusé à cause de la baisse de sa rémunération en résultant ;

- l'association explique que la proposition du SAMETH n'était pas certaine, mais il s'agissait seulement de calculs faits par une conseillère de l'organisme ; rien ne permet selon elle d'affirmer que M. [D] aurait pris sa retraite au bout de trois ans ainsi qu'il le prétend, de sorte que le financement de son contrat à temps plein ne pouvait être correctement budgété ;

- elle souligne en outre le coût de l'effort financier ne comprenant pas les charges en lien avec le collaborateur supplémentaire qu'il aurait fallu engager pour combler le temps plein non effectué par M. [D] ainsi que l'explique le vice-président de l'association au moment des faits : « nous avons vraiment étudié cette possibilité [du SAMETH], seulement cette aide est loin d'être suffisante, car en intégrant les charges patronales au salaire brut le reste à charge est d'environ 344 € par mois, l'aide était pour trois ans et nous n'étions pas certains du départ à la retraite à l'issue de cette période. De plus, nous sommes dans un contexte de baisse de subventions publiques qui impacte aussi notre association, nous subissons aussi une baisse du nombre d'adhérents. Il nous fallait aussi un autre emploi pour compléter les missions qui ne pouvaient être remplies par la baisse du temps de travail. Nous nous devons d'être vigilants avec notre trésorerie et préserver les autres emplois » (témoignage de M. [F] devenu président de l'association). L'association ajoute qu'un tel surcoût lié au salaire à temps complet de M. [D], ne pouvant travailler qu'à temps partiel, n'aurait pas été viable, étant précisé que l'association était déjà déficitaire de 12.634,31 € au titre de l'exercice 2015 (pièce n° 24, bilan comptable).

Sur ce, l'analyse de la cour :

Tout d'abord, l'employeur n'avait pas l'obligation de maintenir le salarié dans un emploi à temps partiel avec une rémunération à temps complet, étant rappelé que M. [D], apte avec réserves, a refusé l'avenant proposé conformément aux restrictions médicales du médecin du travail (22 heures hebdomadaires et 3 jours de travail hors samedi et dimanche).

Ensuite, le salarié se livre à une appréciation hypothétique de la situation, non appuyée par des preuves suffisamment tangibles : il se contente d'indiquer dans ses écritures, qu'avec l'aide de la SAMETH et l'effort économique de l'employeur (4.128 € / an), il aurait « validé le nombre de trimestres suffisants à 60 ans pour pouvoir partir en retraite progressive à partir du 1er janvier 2020, ce qu'il aurait fait s'il avait conservé son travail vu son état de santé ».

La cour relève que le calcul de sa propre masse salariale sur trois ans est erroné, les éléments de financement figurant dans le courriel du conseiller de la SAMETH étant chiffrés pour une aide sur une période de cinq ans. De plus, il ne s'agit que d'une simulation et non d'une offre officielle de l'organisme qui n'est pas contraignante pour l'employeur, étant ajouté, au surplus, que l'association établit qu'elle n'aurait pas été en mesure de prendre en charge un surcoût de rémunération, même avec l'aide de la SAMETH. Elle était déficitaire en 2014 et 2015 et indique à juste titre que M. [D] omet de chiffrer les coûts en lien avec l'embauche d'un autre salarié à temps partiel, afin de compenser les heures de travail non réalisées, solution qui n'aurait pas été viable pour l'entreprise (pièces n° 22 et 24 employeur).

Contrairement à ce que l'appelant soutient, la lettre de licenciement est dépourvue de toute connotation discriminatoire, la seule ambiguïté tenant au style de la phrase litigieuse dont il se prévaut ne pouvant caractériser une situation de discrimination. De surcroît, il ressort très manifestement de ce courrier que le motif déterminant du licenciement repose sur son refus d'avoir accepté la proposition d'avenant en raison d'une diminution de sa rémunération.

Par conséquent, aucune situation de discrimination en raison de l'état de santé ne peut être établie.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'obligation de reclassement de l'employeur :

Le salarié reproche à son employeur, sur le fondement de l'article L. 1226-10 du code du travail, de ne pas avoir satisfait à son obligation de reclassement en lui proposant un avenant ayant eu pour effet de diminuer de moitié sa rémunération, sans prendre en compte les préconisations du SAMETH pour maintenir son emploi.

Or, M. [D] n'a pas été déclaré inapte, de sorte que l'employeur n'avait aucune obligation d'envisager son reclassement, quand bien même celui-ci y a procédé en interrogeant divers clubs d'aviron (pièce employeur n°16).

De plus, le salarié s'est vu proposer un avenant contractuel conforme aux restrictions médicales, de sorte que l'association a respecté son obligation de rechercher un aménagement de poste et du temps de travail.

Enfin, ni la réalité, ni la licéité du motif du licenciement, qui repose sur le refus d'accepter l'avenant conforme aux prescriptions de la médecine du travail, ne sont contestées par M. [D].

Par conséquent, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et le salarié sera débouté de ses demandes afférentes.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce sens.

Sur les demandes annexes :

M. [D], qui succombe dans ses demandes, sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

L'équité commande que chaque partie supporte les frais exposés à l'occasion de la présente procédure et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré ;

Déboute le salarié de toutes ses demandes ;

Condamne M. [H] [D] aux entiers dépens de l'instance d'appel ;

Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par A.RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

A.RAVEANE S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00651
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;20.00651 ?
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