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25/10/2022 | FRANCE | N°20/02331

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 octobre 2022, 20/02331


25/10/2022





ARRÊT N°



N° RG 20/02331

N° Portalis DBVI-V-B7E-NWE4

MD/NO



Décision déférée du 01 Juillet 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FOIX - 19/00769

M. ANIERE

















[P] [R]





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Grosse délivrée



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame [P] [R]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Séverine BOUCHAIB, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIME


...

25/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/02331

N° Portalis DBVI-V-B7E-NWE4

MD/NO

Décision déférée du 01 Juillet 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FOIX - 19/00769

M. ANIERE

[P] [R]

C/

[X] [I]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [P] [R]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Séverine BOUCHAIB, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [X] [I]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2022, en audience publique, devant M. DEFIX et S. LECLERCQ, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Imputant à son avocat des fautes dans la gestion de son dossier relatif à son licenciement pour faute grave le 22 janvier 2015, Mme [P] [R] a fait assigner Maître [X] [I], avocat à Toulouse, devant le tribunal judiciaire de Foix, par acte d'huissier en date du 9 août 2019, en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis.

Mme [R] soutient que l'avocat aurait manqué à son obligation de diligence en n'accomplissant pas les actes de procédures nécessaires à la saisine du conseil de prud'hommes avant l'acquisition de la prescription.

Par jugement contradictoire du 1er juillet 2020, le tribunal judiciaire de Foix a :

- débouté Mme [R] de ses demandes,

- condamné Mme [R] aux dépens,

- condamné Mme [R] à payer au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais

irrépétibles.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que les échanges entre la demanderesse et son

avocat démontrent que Mme [R] s'est désintéressée pendant de nombreux mois de son

dossier et n'a pas remis en temps utile les documents demandés par l'avocat, étant précisé qu'elle ne justifie pas du règlement des honoraires et de la signature de la lettre de mission.

-:-:-:-:-:-

Par déclaration en date du 20 août 2020, Mme [R] a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

Par conclusions du 17 novembre 2020 Mme [R] a déposé des conclusions d'incident devant le conseiller de la mise en état au visa de l'article 47 du code de procédure

civile. Mme [R] demande dans ses dernières conclusions d'incident du 4 janvier 2021 de

renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Montpellier conformément aux dispositions de l'article 47 du code de procédure civile et de condamner Maître [I] aux dépens.

Par ordonnance en date du 18 février 2021, le magistrat chargé de la mise en état a :

- déclaré irrecevable la demande de renvoi de l'affaire devant une cour d'appel limitrophe présentée par Mme [R],

- dit que les dépens de l'incident seront joints à ceux de l'instance au fond.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 novembre 2020,

Mme [P] [R], appelante, demande à la cour, au visa des articles 411 du code de procédure civile, 1147 du code civil, et de la loi du 05/12/1971 et les décrets du 27/11/1991 et

12/07/2005 définissant les obligations professionnelles des avocats, de :

- juger recevable et fondé le présent appel,

- infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions et,

- juger qu'un mandat a été valablement conclu entre elle et Maître [I] aux fins de contestation du licenciement de celle-ci devant le Conseil de Prud'hommes,

- juger que Maître [I] a manqué à ses obligations contractuelles et n'a pas engagé la procédure dans les délais de la prescription,

- le juger entièrement responsable du préjudice qu'elle a subi,

- le condamner à lui payer les sommes de :

' 12 643,98 euros au titre des dommages et intérêts,

' 3 000 euros au titre du caractère vexatoire du licenciement,

- le condamner à payer à la concluante la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Mme [R] soutient qu'à la date de la première consultation, antérieurement à la loi du 6 août 2015 imposant la rédaction d'une convention d'honoraires, elle avait réglé des honoraires provisionnels dès la saisine de Maître [I] et une lettre de mission avait été établie le 27 janvier 2015, matérialisant l'existence d'un engagement contractuel suivi de divers rendez-vous et des échanges épistolaires. Elle affirme que des pièces ont été remises à l'avocat qui n'a jamais formulé de demandes sur ce point et que la responsabilité de ce dernier est engagée pour n'avoir pas introduit avant l'expiration du délai de prescription, l'action en contestation du licenciement, estimant qu'elle avait des chances sérieuses de succès de ses prétentions pouvant fonder une indemnisation à hauteur des sommes qu'elle aurait pu percevoir au titre d'un licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 janvier 2021, Maître [X] [I], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1231-1 du code civil et 411 du code de procédure civile, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner au paiement d'une indemnité supplémentaire de 1 500 euros sur le fondement

de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- la condamner aux entiers dépens.

Maitre [I] considère qu'il n'a commis aucune faute et a expliqué que Mme [R] n'a jamais retourné la lettre de mission signée vainement réclamée, seule à même de démontrer l'échange des consentements. Il a soutenu qu'à supposer établi le versement de 500 euros invoqué, ce montant ne couvrait pas la somme exigée par la lettre de mission à la signature soit 600 euros TTC. Il a ajouté avoir réclamé des attestations dont Mme [R] se faisait fort d'obtenir au soutien de ses prétentions de sorte que cette dernière ne rapporte pas la preuve qu'elle l'ait régulièrement missionné pour engager la procédure devant le conseil des prud'hommes. Il a enfin soutenu qu'en l'espèce, la perte de chance alléguée n'est pas raisonnable en l'absence de production d'attestations circonstanciées de collègues ou clients présents, régulières en la forme et pertinentes, pour contredire utilement les griefs de l'employeur évoquant à plusieurs reprises des propos agressifs et insultants faisant suite à un avertissement récent pour des faits de même nature.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 23 mai 2022.

MOTIVATION

1. Suivant l'article 411 du code de procédure civile, 'Le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure.'

L'avocat investi d'un tel mandat est notamment tenu d'une obligation de diligence. Il engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de la partie qui démontre l'existence d'un tel contrat passé avec ce professionnel et qui établit l'existence d'une faute de ce dernier dans l'exécution de sa mission ainsi que d'un préjudice réparable en lien de causalité avec cette faute.

2. Il résulte des pièces versées au dossier que Mme [R], employée de magasin, a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave suivant courrier du 22 janvier 2015 pour 'insubordination, altercation et comportement agressif et irrespectueux' à l'égard de sa responsable hiérarchique. Il n'est pas discuté que Mme [R] a consulté Maître [I] et qu'une lettre de mission visant précisément la lettre de licenciement et l'objet de la saisine de l'avocat aux fins de contestation de ce même licenciement.

Cette lettre est datée du 27 janvier 2015 et la seule pièce produite la concernant n'est signée par aucune des parties au mandat. Elle avait été adressée le 1er février 2015 par l'avocat à Mme [R] par courriel lui demandant d'en prendre connaissance, de la signer à chaque page et de la retourner avec le règlement, étant précisé que cette lettre prévoyait le paiement d'une somme de 600 euros TTC au titre d'honoraires exigibles à la signature et que le courriel précité ramenait à 2 000 euros HT le montant global des honoraires en invitant aussi Mme [R] à adresser au cabinet 'l'intégralité de vos bulletins de paie + les premières attestations'.

3. S'en sont suivis de nombreux échanges de courriels faisant apparaître que Maître [I] n'a jamais signifié à Mme [R] qu'il refusait d'assurer la mission indiquée dans la lettre du 27 janvier 2015 soit en raison d'un défaut de paiement des honoraires convenus soit en raison de l'absence de production des attestations attendues.

4. La preuve du mandat confié à l'avocat n'exige pas l'existence d'une convention d'honoraires et le contenu des échanges qui se sont poursuivis entre l'avocat et Mme [R] durant l'année 2015 fait apparaître que :

- répondant à une demande de contact faite par Mme [R] indiquant n'avoir eu aucune nouvelle depuis leur dernier entretien, Maître [I] a, le 21 mai 2015, écrit 'Oui mais pourriez-vous svp pour avancement de votre dossier me transmettre les témoignages et autres doc SVP '',

- il n'est pas produit de réponse à un message du même jour de Mme [R] interrogeant l'avocat pour savoir s'il avait reçu son premier paiement,

- Mme [R] a écrit le 3 août 2015 pour obtenir un rendez-vous afin lui fournir la totalité de ses attestations en ajoutant 'En effet ayant un peu laisser de côté cette histoire je suis disponible pour un rendez-vous',

- après avoir le même jour indiqué 'je m'inquiétais sérieusement', l'avocat demandait à Mme [R] de préciser ses disponibilités,

- cette dernière a écrit le 28 octobre 2015 à Maître [I] : 'Je viens aux nouvelles afin de savoir si les pièces fournies vous suffisent et également si la date de recontre pour la conciliation est proche. Avez-vous également contacter mon assurance pour que avoir directement le remboursement sur votre compte '',

- l'échange suivant date du mois de septembre 2017, soit postérieurement à la prescription biennale encourue pour agir en contestation du licenciement, Mme [R] écrivant 'Bonjour Maître, Que se passe t'il ''' je n'ai aucun retour par rapport à la date à la conciliation !! pouvez-vous me contacter afin de voir ensemble l'évolution du dossier !! je suis très en colère car je vous ait contacter une centaine de fois et j'ai même eut le moindre retour de votre part!!'

- Maître [I] a répondu à ce message en indiquant : 'je ne comprends pas et souhaite vous rencontrer. Merci de ma confirmer votre disponibilité pour lundi 18/09 à 10 h 30".

L'appelante produit la copie d'un chèque de 500 euros rédigé le 18 février 2015 à l'ordre de l'avocat et émis par un tiers présenté comme la mère de Mme [R] ainsi qu'un extrait compte faisant apparaître un encaissement d'une somme équivalente le 26 février 2015.

5. Force est donc de constater que si Mme [R] a pu laisser passer un temps particulièrement long avant ce dernier échange, il ressort des éléments qui viennent d'être rapportés qu'à aucun moment l'avocat n'a réclamé un arriéré de paiement d'honoraires exigibles préalablement à son intervention et n'a pas réagi, au moins par écrit, au courriel lui demandant s'il avait reçu le réglement adressé ni n'a contesté avoir reçu les attestations et pièces que Mme [F] indiquait lui avoir communiquées, même tardivement, et sur lesquelles elle l'interrogeait pour en vérifier le caractère suffisant sans réponse écrite de la part de l'avocat.

Ces éléments pemettent d'établir que Maître [I] avait accepté d'accomplir la mission postérieurement à l'envoi de la lettre déterminant l'objet et les conditions du mandat de représentation de l'intéressée en recevant Mme [R] sans la relancer préalablement sur le paiement des honoraires exigibles à la date de la lettre précitée et en se préoccupant des attestations à produire dans l'intérêt de l'action à engager.

6. Maître [I] a commis une faute de négligence en n'introduisant aucune procédure dans le délai de prescription de l'action, sans démontrer qu'il avait préalablement invité sa cliente à fournir d'autres pièces si celles qui lui ont été communiquées s'étaient avérées insuffisantes ou l'avait informée d'un refus de poursuivre l'exécution de la mission après lui avoir déconseillé d'entreprendre une telle action si celle-ci lui paraissait vouée à l'échec, lui laissant le temps de choisir, le cas échéant, un autre avocat avant l'expiration du délai de prescription.

En l'absence d'une telle information, le retard même excessif mis par Mme [R] pour dénoncer la lenteur et l'ignorance dans laquelle elle affirmait avoir été tenue ne saurait à cet égard exonérer l'avocat de son devoir de diligence ou de mise en garde sur les risques d'une excessive passivité pour l'éventuelle préservation des droits de sa cliente dans l'hypothèse d'une volonté d'abandonner la défense des intérêts de cette dernière.

7. Pour caractériser la perte de chance susceptible de constituer le préjudice réparable, l'appelante doit établir la disparition, à la suite du fait dommageable, d'une éventualité favorable et raisonnable de l'allocation de dommages et intérêts à la suite d'une procédure judiciaire en contestation du licenciement dont elle a fait l'objet.

8. L'examen des pièces de la procédure permet de constater que la lettre de licenciement pour faute grave datée du 22 janvier 2015 notifiée après un entretien préalable tenu le 19 janvier 2015 à la suite de faits datés des 2 et 3 janvier 2015 stigmatisait un refus de la salariée de prendre sa pause à midi telle que prévue par les plannings mis en place par sa responsable, des propos tenus à l'endroit de cette dernière en parlant de 'plannings de bâtard', la menaçant de 'sortir un dossier' contre elle puis le soir même alors que cette responsable demandait à une autre salariée de passer l'aspirateur 'ce n'est pas l'autre abrutie qui le ferait', le lendemain en répondant à cette même responsable suite à un problème de machine défectueuse 'oui j'ai laissé la machine défectueuse au client et c'est sa faute' ajoutant plus tard 'tu peux déjà faire tes affaires et préparer ton CV, je vais rire quand on aura une confrontation et que tu vas de faire dégager', 'j'ai des enregistrements, tu parles comme un singe', ' j'ai des attestations de professionnels signé pour tu partes', terminant par 'je plains ton larbin de mari'.

Il est indiqué dans ce courrier de licenciement des faits survenus le 17 septembre 2014 et concernant des propos retranscrits et portés à l'égard de la même personne et un avertissement du 29 décembre 2014 pour diverses anomalies dans les procédures d'encaissement, de gonflage des ballons et d'utilisation d'un scanner.

9. Dans ses conclusions déposées dans le cadre de la présente instance, Mme [R] ne formule aucune critique sur la régularité formelle de la procédure de licenciement mais en discute le bien fondé en soulignant la trop grande proximité du licenciement de l'avertissement et en produisant les attestations et un certificat médical ayant pour but de démontrer selon les termes de ses écritures l'inanité des griefs et la discrimination dont elle dit avoir subitement fait l'objet.

10. Ainsi que le relève à juste titre, Maître [I], ces attestations ont certes été produites seulement en appel et présentent des irrégularités formelles en méconnaissance de l'une ou l'autre des exigences posées par l'article 202 du code de procédure civile.

La lecture attentive de ces attestations fait apparaître que :

- Mme [H] a écrit sous forme de lettre à 'Monsieur', le 30 décembre 2014 en expliquant s'être rendue le 22 décembre 2014 dans le magasin et s'être rendue compte 'qu'il y avait un malaise avec [P], une vendeuse et sa supérieure', s'étant 'sentie obligée' d'intervenir en soutien auprès d'elle' et avoir entendu sa responsable l'insulter en la rabaissant devant tout le monde sans pour autant relater les propos exactement tenus, la dite lettre ne portant pas les mentions relatives aux sanctions encourues en cas de déclaration mensongère,

- Mme [Z] a écrit une attestation datée '21 janvier' sans le millésime de l'année et par laquelle elle se présente commune ancienne vendeuse de l'établissement, avoir vu et entendu 'certain propos' qu'elle ne juge pas dignes d'une responsable sans les préciser et indiquant que cette responsable avait été à l'origine de la démission d'une autre employée, décrivant lors d'une visite du magasin vers Noël 2014 Mme [R] comme méconnaissable, ladite attestation ne porant pas les mentions relatives aux sanctions encourues en cas de déclaration mensongère,

- Mme [T], ancienne salariée entre juillet 2011 et février 2013, a rédigé une attestation dactylographiée datée du 22 mars 2015, pour décrire un comportement déplacé de la responsable notamment à son égard et pour louer le travail effectué par Mme [R], ladite attestation ne portant pas les mentions relatives aux sanctions encourues en cas de déclaration mensongère,

- Mme [N], salariée ayant travaillé deux ans avec Mme [R], a rédigé une attestation dactylographiée datée du 4 août 2015 pour préciser que 'les clients l'ont toujours adorée' et stigmatiser le comportement de la responsable à l'égard de cette dernière (critiques sarcastiques, climat de peur, entretiens injustifiés dans son bureau, discriminations dans les heures de pause, notification d'une mise à pied à la fin d'un inventaire commencé à 6 heures du matin,...), ladite attestation ne portant pas les mentions relatives aux sanctions encourues en cas de déclaration mensongère,

- M. [J], le client ayant signalé la défectuosité d'une machine prise en location, a rédigé une attestation manuscrite le 3 janvier 2015, pour indiquer qu'il avait voulu récupérer l'ensemble pour la soirée du réveillon bien que la vendeuse '[P]' lui avait précisé le défaut, ladite attestation dépourvue des mentions réglementaires, joignant la copie de la charte de location précisant 'Matériel qui fuit, le client souhaite loué le matériel avec son accord',

- Mme [S], vendeuse dans un 'tabac' proche du magasin au sein duquel Mme [R] a été licenciée, a écrit une attestation le 6 août 2015 pour expliquer qu'un jour non daté, la responsable mise en cause, Mme [M] s'était présentée au magasin et avait dénigré Mme [R] qui travaillait alors dans ce Tabac, fait présenté comme ayant conduit celle-ci à ne pas prolonger son contrat de peur de voir renouveler cet incident angoissant, ladite attestation ne portant pas les mentions relatives aux sanctions encourues en cas de déclaration mensongère,

- Mme [A], se présentant comme cliente régulière du magasin Zoé Confetti et nourrice de la fille de Mme [R], a écrit le 6 août 2015, à 'Monsieur' sans plus de précision, pour témoigner qu'elle avait vu la responsable du magasin à plusieurs reprises agresser verbalement les salariées de son équipe et notamment '[C]' que Mme [A] considère comme une très bonne conseillère, travaillant de façon professionnelle, très souriante, faisant l'objet de reproches pour ne pas faire correctement son travail, source d'anxiété, de tristesse et de déprime visibles, ladite attestation ne portant pas les mentions relatives aux sanctions encourues en cas de déclaration mensongère et photocopie de la carte d'identité.

L'appelante produit aussi un certificat médical d'un médecin généraliste établi le 22 décembre 2014 décrivant chez Mme [R] 'un état dépressif préoccupant', ajoutant : 'Elle est angoissée et anxieuse. Il semble que son activité professionnelle soit au coeur de ces symptômes. Elle ne dort plus. Je préconise une analyse poussée de ses conditions de travail qui ne semblent en tout point désastreuse'.

11. La gravité des faits retenus par l'employeur fait l'objet d'une appréciation souveraine par les juges du fond, laissant une marge possible de succès, même en présence d'attestations non totalement conformes aux régles posées par l'article 202 du code de procédure civile dès lors que la régularisation de ces attestations peut intervenir à tout moment de la procédure, qu'une conciliation est toujours tentée en phase de première instance devant le conseil des prud'hommes et que l'instruction de l'affaire, le cas échéant en appel, en présence d'une faute de l'employeur susceptible d'être retenue comme étant à l'origine des faits fautifs de la salariée sur la base de la convergence de plusieurs éléments mettant en cause la responsable visée par les propos prêtés à Mme [R], permettait d'ouvrir l'éventualité d'une décision déclarant le licenciement litigieux abusif.

Il n'est établi aucune mise en garde de sa cliente par l'avocat sur les conditions de recueil d'attestations régulières en la forme, ne démontrant pas avoir soit rappelé leur conditions de régularité ni attiré l'attention de Mme [R] sur la forme des attestations adressées à l'avocat qui n'a pas réagi à la demande de cette dernière lui demandant si celles qu'elle lui avait transmises étaient suffisantes, toutes celles qui viennent d'être analysées étant antérieures à la mi-août 2015.

12. Il suit de ces constats que la chance d'obtenir une décision judiciaire favorable comportant une indemnisation des préjudices causés par le licenciement litigieux n'était pas nulle ou déraisonnable mais dont le taux doit toutefois être relativisé par la possibilité pour l'employeur d'opposer des éléments susceptibles d'amoindrir voire de contredire la portée des faits rapportés par Mme [R] au soutien de ses prétentions ou de soutenir utilement le fait qu'aucune des attestations, concernant essentiellement le contexte de la relation de travail, ne se rapporte directement aux faits visés dans la lettre de licenciement.

En conséquence, le taux de perte de chance doit être évalué à 30 %.

13. S'agissant de l'assiette du préjudice indemnisable, il convient de relever que la salariée avait une ancienneté de 4 ans et 22 jours pour avoir été embauchée par un contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2011 et bénéficiait d'un salaire annuel brut de 1 672,33 euros calculé sur la moyenne des douze derniers mois précédant le licenciement prononcé antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 de telle sorte que le montant total des indemnités susceptibles d'être versées en l'état du droit applicable à la date du licenciement pouvait s'élever, dans la limite de la somme évaluée par l'appelante, à la somme de 12 643,98 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts étant ajouté par l'appelante une indemnité de 3 000 euros pour licenciement vexatoire.

Le chiffrage d'une somme totale de 15 643,98 euros dans l'hypothèse d'une condamnation de l'employeur sur le fondement des moyens soulevés par Mme [R] est conforme aux sommes allouées en pareille circonstance.

14. Au regard du taux de perte de chance retenu, il convient de fixer le préjudice que devra réparer Maître [I] à la somme de 4 693,19 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé.

15. Maître [X] [I] sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel.

16. Mme [R] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure. Maître [I] sera tenu de lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en

dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Foix le 1er juillet 2020 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Maître [X] [I] à payer à Mme [P] [R] la somme de 4 693,19 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir en justice l'indemnisation des conséquences dommageables d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne Maître [X] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne Maître [X] [I] à payer à Mme [P] [R] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/02331
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.02331 ?
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