La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2022 | FRANCE | N°20/02051

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 octobre 2022, 20/02051


25/10/2022





ARRÊT N°



N° RG 20/02051

N° Portalis DBVI-V-B7E-NVAP

SL / RC



Décision déférée du 26 Mai 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI - 19/00849

Mme RAINSART

















[Y] [S] assisté de son curateur ad hoc L'UDAF du TARN





C/



ASSOCIATION TUTÉLAIRE DES MAJEURS AT 81

































<

br>


























CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [Y] [S]

Assisté de son curateur ad ho...

25/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/02051

N° Portalis DBVI-V-B7E-NVAP

SL / RC

Décision déférée du 26 Mai 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI - 19/00849

Mme RAINSART

[Y] [S] assisté de son curateur ad hoc L'UDAF du TARN

C/

ASSOCIATION TUTÉLAIRE DES MAJEURS AT 81

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [Y] [S]

Assisté de son curateur ad hoc l'UDAF du TARN sise [Adresse 2]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Caroline GENEST de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de CASTRES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.015947 du 31/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

ASSOCIATION TUTÉLAIRE DES MAJEURS AT 81

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Caroline PAUWELS de la SARL SCAVOCAT, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, devant M. DEFIX et S. LECLERCQ, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

M. [Y] [S], précédemment exploitant agricole, et désormais sans activité professionnelle, a été placé sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du juge des tutelles d'Albi le 15 mars 2010. L'association tutélaire des majeurs protégés du Tarn (AT 81) a été nommée en qualité de curateur pour une durée de 12 mois.

Par jugement du 14 mars 2011, M. [S] a été maintenu sous le régime de la curatelle renforcée pour une durée de 36 mois par le juge des tutelles d'Albi.

Le 12 mars 2014, le juge des tutelles d'Albi a renouvelé la mesure pour une durée de 48 mois puis à nouveau le 8 mars 2018 pour une durée de 60 mois. L'association AT 81 a été maintenue dans ses fonctions de curateur.

M. [W] [S], décédé le 22 mai 2008, et Mme [C] [P] épouse [S], décédée le 1er novembre 2005, ont laissé pour leur succéder leurs deux fils, M. [Y] [S] et M. [Z] [S]. L'acte de partage a été reçu par Me [X] [H], notaire à [Localité 5], le 31 mai 2013.

Mme [C] [S] détenait une propriété rurale à [Localité 6], comprenant des bâtiments d'exploitation et des terres agricoles.

M. [W] [S] détenait une propriété rurale à [Localité 5], comprenant des bâtiments d'exploitation et des terres agricoles.

M. [Y] [S] indique que chacun des deux frères a participé à l'exploitation agricole du père ou de la mère, et que lors du partage, seul M. [Z] [S] a été bénéficiaire d'une créance de salaire différé, pour un montant de 130.346 euros.

Par acte d'huissier en date du 28 mai 2018, M. [Y] [S] a assigné l'AT 81 aux fins d'obtenir réparation de la faute qu'elle aurait commise dans l'exercice de ses fonctions de curateur, lors de son assistance aux opérations de partage de la succession de ses parents qui ne lui ont pas permis d'obtenir comme son frère une créance de salaire différé.

Par ordonnance du 25 janvier 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Albi a déclaré l'instance introduite par M. [Y] [S] irrecevable au motif qu'il ne pouvait ester en justice sans l'assistance de son curateur, puisqu'il était toujours sous curatelle renforcée.

Par jugement du 28 février 2019, le juge des tutelles d'Albi, prenant acte de la volonté de M. [S] d'engager une action en justice à l'encontre de son curateur, l'association AT 81, a désigné l'UDAF du Tarn en qualité de curateur ad'hoc pour l'assister dans le cadre de la procédure.

Par acte d'huissier en date du 14 mai 2019, M. [S], assisté de son curateur ad'hoc l'UDAF du Tarn a fait citer l'association AT 81 devant le tribunal de grande instance d'Albi aux fins de voir engager sa responsabilité sur le fondement de la faute.

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Albi a :

- dit que M. [S] ne rapportait pas la preuve de la faute de l'association AT 81 qui lui aurait fait perdre une chance d'obtenir une créance de salaire différé lors du partage de la succession de ses parents,

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [S] à payer à l'association AT 81 la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

- condamné M. [S] aux entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré qu'il ne pouvait être reproché au curateur une négligence ou un manquement à son devoir d'assistance lors de la signature de l'acte de partage, M. [Y] [S] ne démontrant pas qu'il n'avait pas la possibilité de produire les justificatifs réclamés par le notaire, et n'ayant pas invoqué une faute du curateur devant le juge des tutelles, ni remis en cause la désignation du curateur et le renouvellement de la mesure. Il a considéré que le droit de créance de salaire différé de M. [Y] [S] n'était pas établi. Il a relevé que M. [S] ne recherchait pas la responsabilité du notaire pour manquement à son devoir d'information et de conseil.

-:-:-:-:-:-

Par déclaration en date du 29 juillet 2020, M. [Y] [S] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que M. [S] ne rapporte pas la preuve de la faute de l'AT 81 qui lui aurait fait perdre une chance d'obtenir une créance de salaire différé lors du partage de la succession de ses parents,

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [S] à payer à l'AT 81 la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 octobre 2020, M. [Y] [S], assisté de son curateur ad hoc l'Udaf du Tarn, appelant, demande à la cour, au visa des articles 421 du code civil, L.321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel,

- juger que la responsabilité de l'Association tutélaire des majeurs protégés du Tarn est engagée à son égard pour avoir commis une faute dans l'exercice de ses fonctions de curateur lors du partage successoral auquel elle est intervenue auprès de lui,

- juger que cette faute est à l'origine de sa perte de chance de bénéficier d'une créance de salaire différé d'un montant de 130.346 euros,

En conséquence,

- condamner l'association tutélaire des majeurs protégés du Tarn à lui payer la somme de 130.346 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner l'association tutélaire des majeurs protégés du Tarn à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile,

- condamner l'association tutélaire des majeurs protégés du Tarn aux entiers dépens,

A titre subsidiaire, en cas de confirmation du jugement déféré,

- dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son encontre en raison de sa situation économique.

M. [Y] [S] reproche au curateur d'avoir commis une faute en ne répondant pas au notaire qui sollicitait la transmission de justificatifs démontrant sa créance de salaire différé. Il dit qu'hospitalisé, il ne pouvait répondre à cette demande du notaire, et que le curateur aurait dû demander un délai, ou l'amener sur les lieux pour recueillir des attestations.

Il soutient qu'il rapporte la preuve, par des attestations et photographies qu'il produit, de sa créance de salaire différé pour une durée de 10 ans, soit la même somme que celle que s'est vu allouer son frère.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 décembre 2020, l'Association tutélaire des majeurs du Tarn, intimée, demande à la cour, au visa des articles 415 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu en première instance,

- rejeter l'ensemble des demandes présentées contre elle,

- condamner le demandeur au paiement de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Pauwels.

Elle soutient que sa faute n'est pas démontrée, car M. [Y] [S] a été averti de l'absence des justificatifs, et du fait qu'en conséquence la créance de salaire différée n'était pas due, et qu'il a cependant signé l'acte de partage. Elle dit que M. [Y] [S] ne lui a transmis aucun justificatif. Elle conteste le préjudice, estimant que la créance de salaire différé n'est pas démontrée par les attestations et photographies désormais produites, et qu'il convient de se placer au jour de l'acte de partage.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 30 mai 2022.

Motifs de la décision :

En vertu de l'article 421 du code civil, tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Toutefois, sauf cas de curatelle renforcée, le curateur et le subrogé curateur n'engagent leur responsabilité, du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu'en cas de dol ou de faute lourde.

Ainsi, la responsabilité du curateur est engagée pour faute simple, en cas de curatelle renforcée.

En vertu de l'article 496 alinéa 2 du code civil, qui vise le tuteur mais est transposable au curateur, ce dernier est tenu d'apporter dans la gestion du patrimoine du majeur protégé des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée.

Le partage est un acte de disposition aux termes de l'article 507 du code civil.

En l'espèce, l'acte de partage successoral a été reçu par Me [X] [H], notaire à [Localité 5], le 31 mai 2013.

L'AT 81 est intervenue à cet acte dans le cadre de sa mission d'assistance.

S'est posée la question de la créance de salaire différé au profit des enfants.

En vertu de l'article L 321-13 du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable à la succession, les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.

En vertu de l'article L 321-19 du même code, la preuve de la participation à l'exploitation agricole dans les conditions définies aux articles L. 321-13 à L. 321-18 pourra être apportée par tous moyens. En vue de faciliter l'administration de cette preuve, les parties pourront effectuer chaque année une déclaration à la mairie, laquelle devra être visée par le maire qui en donnera récépissé.

Ainsi, la créance de salaire différé se prouve par tous moyens.

En l'espèce, le notaire qui a établi l'acte de partage successoral a demandé aux enfants de fournir des pièces pour établir une éventuelle créance de salaire différé.

Le notaire a mentionné au passif de la succession, la créance de salaire différé de M. [Z] [S], précisant que ce dernier justifiait de son droit à salaire différé.

Il a indiqué :

'En ce qui concerne M. [Y] [S] interrogé par le notaire soussigné, il n'a jamais produit de justificatifs. Le notaire soussigné a interrogé les services compétents qui ont répondu par lettre du 7 septembre 2009 que ce dernier n'avais jamais été inscrit en qualité d'aide familial.'

Ainsi, le notaire a demandé des justificatifs à M. [Y] [S], et n'en ayant pas obtenu, il s'est même adressé aux services compétents, faisant des investigations.

M. [Y] [S] soutient qu'à cette époque, il était hospitalisé et ne pouvait pas produire de justificatifs. Il produit un certificat médical du docteur [E] [J] du 17 juin 2015, indiquant que depuis 2009, il était hospitalisé soit en hospitalisation complète, soit en structure alternative à l'hospitalisation (appartement thérapeutique) en raison d'un trouble psychique d'évolution déficitaire, alimenté par un sentiment de préjudice à l'encontre de son frère.

En tout cas, le jour de l'acte de partage, M. [Y] [S] était présent à l'étude notariale.

Il soutient que le curateur devait s'assurer que les éléments demandés par le notaire étaient produits, et dans la négative demander un délai pour les produire, voir l'amener sur les lieux de l'exploitation pour recueillir des attestations de voisins, qui relatent dans des attestations du 14 mars 2015 qu'il a travaillé depuis 14 ou 15 ans sur l'exploitation de sa mère jusqu'à son installation comme agriculteur en 1998.

Cependant, M. [Y] [S] a personnellement signé l'acte de partage, alors qu'il savait que les justificatifs n'avaient pas été produits, et qu'en conséquence la créance de salaire différée n'était pas due. Le notaire l'avait informé de la nécessité de produire ces justificatifs. M. [Y] [S] était donc avisé. Il n'a pas transmis de justificatifs à son curateur, ni ne justifie avoir requis des diligences de ce dernier afin de produire de tels justificatifs. Il n'est donc pas établi un manquement du curateur dans l'exécution de son obligation d'apporter des soins prudents, diligents et avisés au patrimoine de la personne protégée.

La faute de l'association tutélaire des majeurs protégés du Tarn n'est dès lors pas démontrée.

Le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, M. [Y] [S] doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel, avec application au profit de Me Pauwels, avocat, qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance.

Il sera condamné à payer à l'association AT 81 la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire d'Albi du 26 mai 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [S] aux dépens d'appel, avec application au profit de Me Pauwels, avocat, qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Le condamne à payer à l'association tutélaire des majeurs protégés du Tarn la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/02051
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.02051 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award