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25/10/2022 | FRANCE | N°20/01882

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 octobre 2022, 20/01882


25/10/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/01882

N° Portalis DBVI-V-B7E-NUNV

CR / RC



Décision déférée du 24 Juin 2020

Cour de Cassation de PARIS - Y19-17.071

Mme [S]

















[E] [B]





C/



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES (CAMIEG)

CPAM DE LA GIRONDE





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***





APPELANT



Monsieur [E] [B]

[A...

25/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/01882

N° Portalis DBVI-V-B7E-NUNV

CR / RC

Décision déférée du 24 Juin 2020

Cour de Cassation de PARIS - Y19-17.071

Mme [S]

[E] [B]

C/

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES (CAMIEG)

CPAM DE LA GIRONDE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [E] [B]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Agissant en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité au Bureau du droit privé général

Direction des Affaires juridiques

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Jacques LEVY, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE D'ASSURANCE MALADIE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES (CAMIEG)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 7]

Sans avocat constitué

CPAM DE LA GIRONDE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 11]

[Localité 8]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

******

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 juillet 2010, [Adresse 12], M. [E] [B], a été victime d'un accident de la circulation dont les circonstances sont restées indéterminées.

Alors qu'il circulait sur son cycle, il a quitté la route et percuté le milieu du pilier d'un portail de maison d'habitation. Très gravement blessé il n'a gardé aucun souvenir des circonstances de l'accident.

L'enquête de police, soulignant, d'une part, le caractère négatif des dépistages d'alcoolémie et de stupéfiants de M. [B], d'autre part, l'absence de témoin, hormis Mme [P], témoin sonore, laquelle aurait exclu la mise en cause d'un véhicule, et enfin, l'absence de dégât apparent sur le cycle, a retenu à l'encontre de M. [B] l'infraction de conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances. Cette procédure a été classée sans suite le 3 octobre 2011 pour infraction insuffisamment caractérisée par les services du procureur de la République de [Localité 8].

Lors de l'intervention des agents de police, le cycle tout terrain de marque Canondale Deuge, piloté par M. [B] et acquis la veille de l'accident, a été consigné sous le n° 324 au commissariat de police. Sa disparition a été constatée lorsque Mme [B], épouse de M. [B], a souhaité le faire expertiser afin de connaître les circonstances de l'accident. Cette dernière a, alors, déposé plainte pour vol le 5 octobre 2011.

Parallèlement, M. [B] a déposé plainte contre X avec constitution de partie de civile devant le doyen des juges d'instruction de [Localité 8] le 11 janvier 2012 pour des faits de blessures par imprudence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois commis le 29 juillet 2010 à [Localité 8]. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 17 octobre 2013, l'information n'ayant pas permis d'établir de charges à l'encontre de quiconque.

Au cours de l'information judiciaire, le juge d'instruction a diligenté une expertise médicale et commis pour y procéder le Docteur [D], lequel a conclu le 26 novembre 2012 à l'absence de consolidation de l'état de M. [B].

Ce derníer a de nouveau été soumis à une expertise médicale non contradictoire réalisée par le Docteur [K], diligentée par son assureur, la Matmut, qui a fixé au 10 avril 2013 la date de consolidation et a, notamment, retenu :

- un taux de déficit fonctionnel permanent de 70%,

- des souffrances endurées évaluées à 5,5/7,

- un préjudice esthétique évalué à 3,5/7,

- une inaptitude à toutes activités rémunératrices.

Par courrier du 7 avril 2014 adressé au Ministère de l'intérieur, M. [B], a sollicité la réparation de son préjudice, soutenant par l'intermédiaire de son assurance, la Matmut, que la disparition de la preuve matérielle que représentait le vélo constituait une perte de chance sérieuse d'établir les circonstances de l'accident, excluant toute possibilité de recours que ce soit contre le vendeur du vélo au cas où il présentait un défaut ou contre le Fonds de garantie s'iI existait la trace d'un choc avec un tiers, et que la responsabilité de l'administration pour faute de service commise par les agents du commissariat de [Localité 8] était engagée puisqu'elle n'avait pas permis la conservation du vélo remisé dans leurs locaux dans le cadre de l'enquête.

Le Ministère de l'intérieur ayant contesté toute responsabilité pour faute de service, M.[B] a déposé une requête devant le tribunal administratif de Bordeaux aux fins d'engager la responsabilité de l'Etat, laquelle a été rejetée pour incompétence par ordonnance du 22 mai 2015.

Par acte délivré les 21 et 26 août 2015, M. [E] [B] a alors fait assigner en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, l'Etat français «  au titre de ses services de police judiciaire », représenté par son Ministre, le Ministre de l'intérieur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la Cpam) , puis, par acte du 1er octobre 2010, la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazière (la Camieg). L'Agent Judiciaire de l'Etat est intervenu dans le cadre de cette procédure.

Après jonction des procédures, par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté M. [B] de l'ensembIe de ses demandes à l'encontre de l'Etat au titre de ses services de police judiciaire,

- débouté M. [B] de ses demandes en réparation de son préjudice corporel,

- donné acte à l'Agent judiciaire de l'Etat de son offre de réparation du préjudice matériel subi par M. [B],

- condamné l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à M. [B] la somme de 849 euros en réparation de son préjudice matériel,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la décision,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [B] à payer à l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Agent judiciaire de l'Etat aux entiers dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de la cause en ayant fait la demance,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le premier juge a retenu, au visa des dispositions de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, que toute action portée devant les tribunaux judiciaires et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine devait, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité contre l'Agent judiciaire du Trésor Public, déboutant M.[B] de son action contre l'Etat « au titre de ses services de police judiciaire ».

Au visa de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, il a estimé que l'action engagée devait s'analyser en une action en responsabilité pour fonctionnement défectueux du service de la justice, que la disparition du vélo tout terrain dans des circonstances indéterminées au sein même du commissariat de police de [Localité 8] chargé de le surveiller était constitutive d'une faute lourde pour défaut de surveillance et inaptitude de l'administration à remplir la mission dont elle était investie.

Après avoir relevé que les investigations complètes réalisées n'avaient pas permis d'établir les circonstances de l'accident ni de déterminer l'intervention d'un tiers ou d'un animal, que les enquêteurs avaient procédé à des constatations sur le vélo sans constater de dommages, l'avaient consigné, avaient entendu Mme [P] laquelle avait déclaré ne pas connaître les circonstances de l'accident mais être certaine que la victime avait chuté seule, avaient procédé aux dépistages d'alcoolémie et de stupéfiants sur M.[B] qui s'étaient avérés négatifs, avaient réalisé un croquis de l'accident et qu'aucune investigation complémentaire dans le cadre de l'information judiciaire n'avait permis d'obtenir des éléments nouveaux et qu'il n'était pas démontré qu'une expertise du vélo, lequel ne présentait pas de dommages apparents, aurait permis de connaître les circonstances de l'accident, et notamment d'établir l'existence d'un choc ou d'un vice caché, M.[B] n'apportant pas la preuve sur ce dernier point dans la littérature que ce type de vélo tout terrain en était pourvu s 'agissant d'un cycle acquis la veille, il a déduit que si une faute lourde de l'Etat était caractérisée, la preuve d'un préjudice n'était pas rapportée par M.[B] et que cette faute lourde avait eu pour effet d'entraîner la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, en l'espèce, lui avait fait perdre une chance de connaître les circonstances de l'accident lui permettant d'être indemnisé de son préjudice corporel.

M. [B] a relevé appel total de ce jugement par déclaration du 6 juin 2017.

Par arrêt du 28 février 2019 la cour d'appel de Bordeaux a :

- confirmé dans toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Y ajoutant,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne M. [B] à payer les dépens de l'appel.

La cour d'appel après avoir relevé que la disparition du vélo litigieux au sein des locaux du commissariat de police devait être regardée comme constitutive d'une faute lourde du service public de la justice, a retenu que « preuve n'était pas rapportée de ce que M. [B] avait subi un préjudice en perdant une chance de connaître les circonstances de l'accident et donc de faire indemniser les conséquences de cet accident », rajoutant que le seul préjudice dont l'appelant pourrait demander réparation est celui qui serait généré par la perte de chance de connaître les circonstances de l'accident et non la réparation intégrale de son préjudice corporel telle que sollicitée.

Sur pourvoi de M.[B], par arrêt du 24 juin 2020 la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- condamné l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens,

-rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation, au visa de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire et du principe de la réparation intégrale a retenu que pour rejeter les demandes en réparation de M.[B], l'arrêt retient que la preuve n'est pas rapportée qu'il a subi un préjudice en perdant une chance de connaître les circonstances de l'accident et donc de faire indemniser les conséquences de celle-ci ; qu'en statuant ainsi, alors que toute perte de chance ouvre droit à réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

M. [B] a saisi la cour de renvoi par déclaration du 15 juillet 2020.

DEMANDE DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 septembre 2020, M. [E] [B], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1154 et 1240 du code civil, L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en réparation de son préjudice corporel,

- juger que l'Etat a commis une faute lourde engageant sa responsabilité,

- juger que l'Etat est responsable du fait de sa faute lourde, d'une perte de chance pour lui de déterminer les circonstances de l'accident, par l'expertise impossible de son vélo VTT disparu de la consigne n°324 du commissariat de police de [Localité 8] et de se faire indemniser,

- juger qu'il a droit à la réparation intégrale de son préjudice,

- évaluer sa perte de chance d'être indemnisé à 100 %,

- condamner en conséquence l'Etat à réparer le dommage qui lui est causé par le fonctionnement défectueux du service de la police judiciaire et de ses organes d'enquête et de consignation du vélo VTT,

- homologuer les rapports d'expertise du Docteur [D] du 26 novembre 2012 et du Docteur [K] du 10 avril 2013,

- condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat à lui payer en réparation :

* de son préjudice corporel : la somme de 712.842,55 € augmentée des intérêts au taux légal depuis la première demande du 23 juillet 2014 outre la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil et se décomposant ainsi :

** DSA : 3 360 €

** DFT : 18 601 €

** incidence professionnelle : 50 000 €

** PGPA : 68 144,15 €

** PGPF : 73 854 €

** DFP : 245 000 €

** aménagement du véhicule : 8 000 €

** tierce personne : 150 548,40 €

** souffrance endurées : 60 000 €

** préjudice esthétique : 15 000 €

** préjudice d'agrément : 20 000 €

** DSF : 335 €

* de son préjudice matériel, la somme de 849 € augmentée des intérêts de droit et la

capitalisation des intérêts.

* de ses frais irrépétibles, la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- voir la Cpam de la Gironde prendre telles conclusions qu'elle avisera,

- condamner l'Agent judiciaire de l'Etat aux entiers dépens comprenant les frais du jugement du 3 mai 2017 et de la cour d'appel de Bordeaux du 28 février 2019 et les frais d'expertise médicale des docteurs [D] et [K] et frais d'appel, avec distraction au bénéfice de la Selarl Lexavoue Pau-Toulouse sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 novembre 2020, l'Agent judiciaire de l'Etat, intimé, demande à la cour, au visa de l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

- réduire les demandes indemnitaires de M. [B] à de plus justes proportions, à l'exception de la réparation du préjudice matériel,

En tout état de cause,

- réduire la demande de M. [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

- condamner M. [B] à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cpam de la Gironde, à laquelle la déclaration de saisine de la cour de renvoi et les conclusions d'appelant ont été signifiées à personne avec invitation à comparaître devant le cour par actes des 11/08/2020 puis 6/10/2020 n'a pas constitué avocat. Un état provisoire de ses débours liés aux conséquences de l'accident est produit par M.[B].

La caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (Camieg) organisme social de M.[B] depuis la liquidation de ses droits à la retraite intervenue le 1er/08/2014, à laquelle la déclaration de saisine de la cour de renvoi et les conclusions d'appelant ont été signifiées à personne avec invitation à comparaître devant le cour par actes des 11/08 et 6/10/2020, n'a pas constitué avocat. Aucun état certifié de ses débours imputables à l'accident du 29 juillet 2010 n'est produit.

En application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile le présent arrêt sera réputé contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2021.

SUR CE, LA COUR :

En l'état de l'appel général de M.[B], et en l'absence d'appel incident, au vu des dernières écritures des parties, les dispositions du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 3 mai 2017 par lesquelles le premier juge a donné acte à l'Agent Judicaire de l'Etat de son offre de réparation du préjudice matériel subi par M.[E] [B] et condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à M.[E] [B] la somme de 849 € en réparation de son préjudice matériel outre intérêts au taux légal à compter de la décision et avec capitalisation des intérêts ne font l'objet d'aucune contestation et ne peuvent qu'être confirmées.

1°/ Sur la faute lourde et la perte de chance en résultant

Selon les dispositions de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

En cas de faute lourde la responsabilité de l'Etat peut être recherchée sous la seule condition que l'Etat soit représenté par l'Agent Judiciaire de l'Etat, anciennement dénommé Agent Judiciaire du Trésor, en application de l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955, ce qui est le cas en l'espèce. La disposition du jugement entrepris ayant débouté M. [E] [B] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'Etat au titre des services de police judiciaire, mis en cause comme représenté par le Ministre de l'Intérieur, qui relevait davantage d'une irrecevabilité ou d'une nullité de l'assignation introductive d'instance que d'un débouté après examen au fond, se trouve donc sans objet dès lors que la procédure a été régularisée suite à l'intervention de l'Agent Judiciaire de l'Etat.

Constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de transport, constatations et des mesures prises dressé le 29 juillet 2010 par les services de police du commissariat de Bordeaux dans le cadre du dossier d'accident corporel de la circulation routière dont a été victime M. [E] [B] le même jour au [Adresse 3], que le vélo piloté par M.[B] lors de sa chute a été pris en charge par les services de police et consigné sous le n° 324. Il est aussi établi par les pièces de la procédure produites au débat, qu'alors que le vélo dont le commissariat de [Localité 8] avait ainsi la garde et la charge de la conservation et de la restitution, début septembre 2010, la Matmut, assureur de M.[B] a pris contact avec le commissariat de police de [Localité 8], dépositaire du vélo, suite à réclamation de Mme [B] du 2/08/2010, afin de pouvoir l'expertiser mais que ce vélo n'a pu être retrouvé dans les locaux du commissariat, l'enquête administrative diligentée auprès des différents fonctionnaires de police intervenus dans le cadre de la procédure n'ayant permis ni d'identifier l'auteur du vol du cycle ni de le retrouver alors qu'il était stocké en consigne au sous-sol du commissariat.

La disparition du vélo dans des circonstances indéterminées au sein même du commissariat de [Localité 8] chargé de le surveiller, de le conserver et de le restituer caractérisant un défaut de surveillance et l'inaptitude consécutive du service public de la justice à remplir la mission dont il était investi, est constitutive d'une faute lourde.

Au delà de la disparition du vélo, aucun autre manquement dans le cadre de l'enquête accident de voie publique diligentée par la brigade accident du commissariat n'est caractérisée qui puisse être générateur d'une responsabilité de l'Etat.

En effet, en l'absence de témoins visuels de la chute de M.[B] et ce dernier se trouvant en amnésie complète relativement aux circonstances de l'accident, seule a pu faire des déclarations sommaires, sur place et ensuite par téléphone, Mme [P] [O], laquelle a prévenu les secours après avoir été alertée par un bruit de chute mais qui n'a pas assisté à la chute elle-même, se trouvant alors dans un jardin plus en amont du lieu de l'accident, au [Adresse 5] avec son fils sans avoir de vue sur le lieu de l'accident ainsi qu'il résulte du résultat de la commission rogatoire relaté par le juge d'instruction dans l'ordonnance de non lieu du 17 octobre 2013 intervenue suite à la plainte avec constitution de partie civile de M.[B] Un plan détaillé des lieux de l'accident a été établi par les services de police, avec mesurages précis, identification du point de choc au niveau du poteau du portail du n° 38 de la rue Godard, identification d'un poteau électrique, positionnement du corps de la victime, précisant que le cycle avait été déplacé à leur arrivée, rendant surabondante la prise de photographies. Le cycle a été examiné par les services intervenants, lesquels ont porté la mention sur le procès-verbal de constatations « le VTT n'est pas endommagé », à l'exclusion de toute autre mention, notamment celle de « mécanique sous réserve », contrairement à ce que soutient sans en justifier M.[B], cette mention d'absence de dommages excluant l'hypothèse d'un heurt effectif du cycle avec un tiers, un véhicule, ou un animal.

Au vu de ces éléments, le fait qu'aucun conducteur de véhicule, piéton ou animal n'ait pu être impliqué ou mis en cause dans la survenance de l'accident, excluant toute indemnisation de la part du Fonds de Garantie des assurances obligatoires de dommages, ni qu'aucune infraction n'ait pu être caractérisée à l'encontre de quiconque, excluant toute indemnisation de la part du Fonds de Garantie des victimes d'infractions, ne résulte pas d'un manquement des enquêteurs à la mission qu'ils avaient en charge de nature à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire.

En conséquence, la faute lourde retenue a eu pour unique conséquence directe et certaine l'impossibilité de faire procéder à une expertise du VTT, privant ainsi M.[B] de la possibilité d'établir ou d'exclure un vice mécanique ou de réglage du cycle à l'origine de sa chute et des conséquences dommageables qui en ont résulté. La potentialité d'un vice mécanique ou de réglage à l'origine de l'accident ne pouvant être objectivement écartée, même s'agissant d'un cycle neuf sorti du magasin la veille mais utilisé pour la première fois par M.[B], ce dernier subit, du fait de l'impossibilité d'expertiser le cycle en raison de la faute lourde de l'administration, une perte de chance certaine et directe d'obtenir une indemnisation de son préjudice corporel auprès du vendeur du cycle et/ou du fabricant, dont il y a lieu d'évaluer le taux, le préjudice ne pouvant être indemnisé qu'à hauteur de la chance effectivement perdue.

Objectivement, en l'absence de tout choc effectif avec un obstacle, plusieurs causes peuvent être à l'origine de l'accident dont a été victime M. [B] :

- une perte de maîtrise inhérente à une inattention de sa part ou une mauvaise man'uvre dès lors qu'il utilisait ce cycle neuf pour la première fois,

- une perte de maîtrise au niveau de la bordure de trottoir longeant la chaussée à droite dans le sens de la marche, matérialisée tout le long de la rue sur le plan établi par les services de police a minima à 1,40m des propriétés bâties

- une perte de maîtrise suite à une man'uvre d'évitement ou de surprise due à la survenue d'un obstacle (véhicule en stationnement démarrant, portière s'ouvrant, ou animal débouchant devant le cycliste), étant précisé qu'il n'y avait pas d'intersection à proximité, que l'accident s'est produit dans une rue à sens unique, rectiligne, sur surface plane, présentant une largeur de chaussée de 3,20 m, des emplacements de stationnements étant situés à gauche de la chaussée dans le sens de circulation sur une largeur de 1,90 m,

- un blocage inopiné du cycle en raison d'un vice mécanique, d'un mauvais réglage des freins, ou d'un mauvais serrage de roues

- une vitesse non maîtrisée

- un malaise, qui ne peut être exclu nonobstant l'absence d'imprégnation alcoolique ou de stupéfiants vérifiée sur la personne de M.[B].

Au regard de l'ensemble de ces potentialités, dont aucune ne peut être exclue, la seule potentialité d'un vice mécanique ou d'un mauvais réglage du cycle neuf dont M. [B] avait pris possession la veille est très marginale s'agissant d'un cycle Cannondale Deuge Trail Sl 3 2010, dont il n'est justifié d'aucun signalement ou politique de rappel résultant d'un défaut de construction et qui a été acquis auprès d'un établissement spécialisé selon facture du 28/07/2010.

En conséquence, la perte de chance résultant pour M. [B] de l'impossibilité de faire expertiser le cycle du fait de la faute lourde de l'administration et, consécutivement, de pouvoir faire établir un potentiel vice de construction ou de montage à l'origine de sa chute et de son préjudice corporel doit être évaluée à 10%, le dommage corporel qu'il invoque ne pouvant être indemnisé au delà de ce pourcentage par l'administration. Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce que le premier juge a débouté M. [B] de l'intégralité de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice corporel.

2°/ Sur le préjudice corporel

En l'absence de tout état actualisé de la créance de la Cpam de la Gironde dont un seul état provisoire de créance est produit, daté du 29/07/2016 pour des débours qualifiés de provisoires exposés du 29/07 au 25/01/2011 lequel ne fait pas mention des hospitalisations en centres de rééducation postérieures à cette date ni des soins dispensés au moins jusqu'en janvier 2013 ainsi que de tout état actualisé certifié avec attestation d'imputabilité des débours exposés par la Camieg depuis l'assujettissement de M.[B] à cet organisme social ainsi qu'il résulte de la décision d'attribution d'une pension de retraite à compter du 1er/08/2014 notifiée par la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières le 28/07/2014 (pièce 92 de l'appelant), les préjudices patrimoniaux de M.[B] ne peuvent être utilement liquidés, la créance poste par poste des tiers payeurs devant en toute hypothèse être connue et prise en compte dans la liquidation du préjudice de la victime nonobstant leur non comparution à l'instance, et il y a lieu de surseoir à statuer, M.[B], qui doit justifier de son préjudice, devant produire les décomptes actualisés des tiers payeurs.

Seuls les préjudices extra-patrimoniaux peuvent en conséquence être liquidés utilement.

Dans le cadre de l'instruction pénale, le docteur [D] avait été commis par le magistrat instructeur. Il a déposé un rapport le 26/11/2012 concluant à une absence de consolidation de M.[B] qui devait être de nouveau examiné à la fin du 3ème trimestre 2013.

Le 10 avril 2013 la Matmut a fait procéder à une expertise médicale de M.[B] par le docteur [K], concluant à une consolidation au 10 avril 2013, et, s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux, à une gêne temporaire totale du 29 juillet 2010 au 5 mai 2011, une gêne temporaire partielle de classe IV du 6 mai 2011 au 10 avril 2013, des souffrances endurées de 5,5/7, une AIPP (DFP) de 70%, un préjudice esthétique de 3,5/7, un préjudice d'agrément, conclusions sur la base desquelles M.[B] sollicite indemnisation, l'Agent Judiciaire de l'Etat ne remettant pas en cause les appréciations de l'expert mandaté par la Matmut mais uniquement les montants financiers sollicités par M.[B] . Le rapport du docteur [K], qui a fixé la consolidation, constitue en conséquence une base valable de l'évaluation des préjudices extra-patrimoniaux de M.[B].

1 - Déficit fonctionnel temporaire (avant consolidation)

Pour un déficit fonctionnel temporaire total de 280 jours du 29/07/2010 au 5/05/2011 et un déficit fonctionnel temporaire partiel à 75% pendant 705 jours du 6/05/2011 au 10/04/2013 date de la consolidation, M.[B] sollicite une indemnisation à hauteur de 18.601 € sur la base d'une indemnité journalière de 23 € qui ne fait l'objet d'aucune critique de la part de l'intimé. Cette somme de 18.601 € doit en conséquence être retenue.

2 - Souffrances endurées (avant consolidation)

Evaluées à 5,5/7 par l'expert mandaté par la Matmut, ces souffrances endurées avant consolidation qui résultent tant de la nature des lésions (très grave traumatisme crânien avec plaie du scalp fronto-temporale droite et embarrure, hématome extra-dural et sous dural hémisphérique gauche avec engagement temporal et fracture du rocher droit, contusions frontales et temporales gauches, hypertension intra-crânienne, fracture du rachis cervical, contusions pulmonaires bilatérales minimes), que de leurs suites (intervention chirurgicale en urgence avec craniectomie, coma du 12 au 25/08/2010, hémiplégie gauche au réveil, intubation prolongée jusqu'au 9/09/2010, hospitalisation complète jusqu'au 28/01/2011 puis en hospitalisation de jour en centre de rééducation de [9] jusqu'au 5/05/2011, puis jusqu'à fin janvier 2013 au centre de rééducation [10] à [Localité 8] 4 jours sur 7, aphasie, difficultés ophtalmologiques, troubles dysexécutifs et comportementaux, hémiparésie gauche spastique persistante, anosognosie) justifient une évaluation à hauteur de 45.000 €.

3 - Déficit fonctionnel permanent (AIPP) (après consolidation)

Le taux de 70% proposé par l'expert n'étant pas contesté, pour un homme âgé de 55 ans à la date de la consolidation, la somme sollicitée par M.[B] à hauteur de 245.000 € ne présente aucun caractère excessif et doit être retenue.

4 - Préjudice esthétique permanent (après consolidation)

Evalué par l'expert à 3,5/7 sur l'échelle des évaluations, ce préjudice résulte des cicatrices résiduelles au traumatisme initial et aux interventions chirurgicales et de troubles du schéma corporel (déformation des doigts à gauche, boiterie gauche avec instabilité, réflexes ostotendineux). Il justifie une évaluation pour un homme de 55 ans à la date de la consolidation à hauteur de 10.000 €.

5 - Préjudice d'agrément

Compte tenu de son état séquellaire, M.[B] ne peut plus se livrer aux activités de loisirs habituelles pour un homme de 55 ans et particulièrement à celles auxquelles il se livrait antérieurement à l'accident, telle la pratique du vélo. A défaut de justifier d'un niveau sportif particulier ou de licences sportives antérieures à l'accident, le préjudice d'agrément effectivement subi doit être évalué à 10.000 €.

6 - Synthèse et droit à réparation au titre des préjudices extra-patrimoniaux

Au regard des postes ci-dessus analysés, l'évaluation globale des préjudices extra-patrimoniaux de M.[B] des suites de l'accident dont il a été victime le 29 juillet 2010 ressort à la somme de 328.601 € (18.601+45.000+245.000+10.000+10.000).

Compte tenu du taux de perte de chance imputable à la faute lourde de l'administration à hauteur de 10 %, infirmant le jugement entrepris, l'Agent Judiciaire de l'Etat doit être condamné à payer à M. [E] [B] une indemnité de 32.860,10 € à titre de dommages et intérêts en réparation desdits préjudices résultant de ladite perte de chance.

3°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en ses prétentions l'Agent Judiciaire de l'Etat doit supporter les dépens de première instance ainsi que décidé par le premier juge, et ceux d'appel exposés jusqu'à ce jour, y compris ceux de l'instance inhérente à l'arrêt cassé. Il se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt sans pouvoir lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit contrairement à ce qu'a retenu le premier juge dans le dispositif de sa décision.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Vu l'arrêt de cassation de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 24 juin 2020,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 3 mai 2017 uniquement en ce que le premier juge a donné acte à l'Agent Judiciaire de l'Etat de son offre de réparation du préjudice matériel subi par M.[E] [B] et a condamné l' Agent Judiciaire de l'Etat à payer à ce dernier la somme de 849 € en réparation de son préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter dudit jugement et capitalisation des intérêts, ainsi qu'en sa disposition ayant condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat aux dépens de première instance,

L'infirme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Constate la régularisation de la procédure à l'encontre de l'Etat par l'intervention de l'Agent Judiciaire de l'Etat

Dit que la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard de M.[E] [B] pour faute lourde des suites de la disparition du VTT consigné dans les services de police du commissariat de [Localité 8]

Dit que cette faute lourde a privé M.[B] d'une chance d'établir par expertise un possible vice de construction, de montage ou de réglage du cycle à l'origine l'accident corporel dont il a été victime le 29 juillet 2010 et d'en obtenir indemnisation

Evalue à 10% cette perte de chance d'indemnisation imputable à la faute lourde de l'administration

Fixe l'indemnité représentative des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [E] [B] des suites de l'accident dont il a été victime le 29 juillet 2010 à la somme de 328.601 €

Condamne en conséquence l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à M. [E] [B], à hauteur de la chance perdue, la somme de 32.860,10 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

Avant-dire droit sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux,

Enjoint à M.[E] [B] de verser au débat les états définitifs certifiés des débours exposés des suites de l'accident du 29 juillet 2010 d'une part, de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, d'autre part, de la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (Camieg) avec attestations d'imputabilité des médecins conseils de ces tiers payeurs,

Renvoie la cause à cette fin à l'audience de mise en état dématérialisée du 12 Janvier 2023 à 9 h,

Sursoit à statuer sur l'évaluation des préjudices patrimoniaux de M.[E] [B] et sur l'indemnité lui revenant au titre de la chance perdue à ce titre jusqu'à la production des justificatifs des créances des tiers payeurs susvisés,

Condamne l'Agent Judiciaire de l'Etat aux dépens d'appel exposés jusqu'à ce jour, en ceux compris ceux inhérents à la procédure ayant donné lieu à l'arrêt cassé avec autorisation de recouvrement direct au profit de la Selarl Lexavoue Pau-Toulouse, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne l'Agent Judiciaire de l'Etat à payer à M.[E] [B] une indemnité de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ainsi qu'au titre des frais irrépétibles exposés en appel jusqu'à ce jour,

Déboute l'Agent Judiciaire de l'Etat de sa demande d'indemnité sur le même fondement,

Sursoit à statuer sur les dépens et frais irrépétibles à venir.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/01882
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.01882 ?
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