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25/10/2022 | FRANCE | N°19/05135

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 octobre 2022, 19/05135


25/10/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/05135

N° Portalis DBVI-V-B7D-NKMI

CR / RC



Décision déférée du 15 Octobre 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI

17/01001

Mme RAINSART

















[R] [E]

[B] [T] épouse [E]





C/



[X] [Y]














































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [R] [E]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSO...

25/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/05135

N° Portalis DBVI-V-B7D-NKMI

CR / RC

Décision déférée du 15 Octobre 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI

17/01001

Mme RAINSART

[R] [E]

[B] [T] épouse [E]

C/

[X] [Y]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [R] [E]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES

Madame [B] [T] épouse [E]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Angéline BINEL de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES

INTIMEE

Madame [X] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Alain COMBAREL de la SCP R.F. RASTOUL-S. FONTANIER-A. COMBAREL, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

M. [E] est nu-propriétaire et Mme [T] épouse [E], sa mère, est usufruitière d'une maison d'habitation située [Adresse 5] (Tarn).

Par arrêté du 18 janvier 2012, la maire de [Localité 7] a accordé à Mme [Y], propriétaire de l'exploitation agricole voisine, un permis de construire l'autorisant à agrandir un bâtiment agricole située [Adresse 6].

Par requête du 23 avril 2012, M. [E] et Mme [T] épouse [E] ont attaqué cet arrêté devant le tribunal administratif de Toulouse, lequel l'a annulé par jugement du 14 octobre 2015.

Par acte d'huissier en date du 9 juin 2017, M. [E] et Mme [T] épouse [E] ont fait assigner Mme [Y] devant le tribunal de grande instance d'Albi en vue d'obtenir la démolition de la construction illicite.

Par jugement contradictoire en date du 15 octobre 2019, le tribunal de grande instance d'Albi a :

- débouté M. [E] et Mme [T] épouse [E] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné in solidum M. [E] et Mme [T] épouse [E] à verser à Mme [Y] une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [E] et Mme [T] épouse [E] aux dépens,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Le premier juge a retenu que les particuliers ne peuvent invoquer devant les tribunaux de l'ordre judiciaire la violation des règles d'urbanisme alors même que la juridiction administrative a prononcé l'annulation du permis de construire qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel causé par l'agrandissement du bâtiment agricole ou des conséquences sanitaires préjudiciables.

Au visa de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme il a retenu que les conditions posées pour la démolition d'une construction irrégulière n'étaient pas remplies en l'espèce, relevant que la Commune de [Localité 7] n'était pas concernée par un plan de prévention des risques technologiques, que la zone dans laquelle se situait la propriété de Mme [Y] n'était pas concernée par le plan de prévention des risques inondation du secteur albigeois, et que le plan de prévention des risques naturels « mouvements différentiels de terrain liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles » concernait l'ensemble des communes du Tarn et n'interdisait pas de réaliser des constructions nouvelles et d'étendre des constructions existantes.

Il a retenu que n'était caractérisé en l'espèce aucun trouble anormal du voisinage en raison de nuisances olfactives liées à la présence d'un tas de fumier et que les consorts [E] ne justifiaient d'aucun écoulement des eaux usées de l'étable voisine sur leur fonds.

Par déclaration du 27 novembre 2019, M. [E] et Mme [T] épouse [E] ont relevé appel de toutes les dispositions de ce jugement.

DEMANDE DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2020, M. [E] et Mme [T] épouse [E], appelants, demandent à la cour au visa des articles 544 et 1143 du code civil, L.480-13 du code de l'urbanisme, de :

- réformer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

- prendre acte que l'arrêté de permis de construire n° PC 081 074 11 B 0008 portant sur l'agrandissement du bâtiment agricole existant sur un terrain situé [Adresse 6] sur la parcelle AP [Cadastre 1]A a été annulé,

- juger que la construction illicite cause un trouble anormal de voisinage,

En conséquence,

- condamner Mme [Y] à démolir la construction illicite dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et à défaut sous astreinte de 150 € par jour de retard,

A titre subsidiaire,

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non respect par la construction du règlement sanitaire départemental,

En tout état de cause,

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la présence de la construction illégale depuis sa construction, et 5.000 € en réparation du préjudice subi du fait du stockage du fumier sur le fondement du trouble anormal de voisinage,

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 avril 2020, Mme [Y], intimée, demande à la cour de :

- juger que M. [E] et Mme [T] épouse [E] ne démontrent pas l'existence de troubles anormaux du voisinage au sens de la jurisprudence en la matière,

- juger que la demande de démolition se heurte aux dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme et n'est ni opportune, ni proportionnée au cas d'espèce,

- débouter M. [E] et Mme [T] épouse [E] de l'ensemble de leurs prétentions tant pour la démolition que pour l'allocation de dommages intérêts,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement dont appel,

Y ajoutant,

- condamner solidairement M. [E] et Mme [T] épouse [E] à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2022.

SUR CE, LA COUR :

En première instance les consorts [E] avaient sollicité la condamnation sous astreinte de Mme [Y] à enlever un tas de fumier et à supprimer l'écoulement des eaux sur leur terrain. Le premier juge les a débouté de ces demandes. Nonobstant leur déclaration d'appel portant sur toutes les dispositions du jugement entrepris, dans le dispositif de leurs dernières conclusions, auquel seul la cour est tenue de répondre en application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, les consorts [E] ne sollicitent aucune condamnation sous astreinte à enlever un tas de fumier ou à supprimer un écoulement des eaux sur leur terrain. Ils sont en conséquence présumés de manière irréfragable avoir renoncé à leur appel sur les dispositions de débouté sus énoncées qui ne relèvent dès lors pas de la saisine de la cour.

1°/ Sur la demande de démolition de la construction

Selon les dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa version issue de la loi 2017-86 du 27 janvier 2017 « Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l'Etat dans le département sur le fondement du second alinéa de l'article L 600-6 si la construction est située dans l'une des zones suivantes :

...

i) Les zones qui figurent dans les plans de prévention des risques technologiques mentionnées au 1° de l'article L. 515-16 dudit code, celles qui figurent dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés aux 1° et 2° du II de l'article L 562-1 du même code ainsi que celles qui figurent dans les plans de prévention des risques miniers prévus à l'article L 174-5 du code minier, lorsque le droit de réaliser des aménagements, des ouvrages ou des constructions nouvelles et d'étendre les constructions existantes y est limité ou supprimé ;

n) Les secteurs délimités par le plan local d'urbanisme en application des articles L 151-19 et L 151-23 du présent code.

L'action en démolition doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative

2° Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux... »

Ce texte s'applique à l'action en responsabilité civile tendant à la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé dès lors qu'elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique.

La condition tenant à la localisation de la construction a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel saisi par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel ayant conclu que les dispositions contestées ne portaient pas d'atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'obtenir réparation de leur préjudice, ni d'atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, en relevant notamment que la démolition pouvait être demandée sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile lorsque la construction a été édifiée sans permis de construire ou en méconnaissance du permis de construire délivré ou lorsqu'elle l'a été conformément à un tel permis en violation non d'une règle d'urbanisme ou d'une servitude d'utilité publique, mais d'une règle de droit privé.

En l'espèce par décision du 14 octobre 2015 le tribunal administratif de Toulouse a annulé pour illégalité au regard des règles d'urbanisme édictées par l'article 153-5 du règlement sanitaire du Tarn imposant pour les extensions d'un bâtiment d'élevage existant ou une réaffectation d'un bâtiment d'élevage existant au même type d'élevage ou non des distances d'éloignement ne pouvant être inférieures aux prescriptions générales des articles 153.2 et 153.4 (soit 50 mètres pour les élevages porcins et 25 mètres pour les autres élevages à l'exception des élevages de type familial), l'arrêté du 18 janvier 2012 par lequel le maire de la commune de Cunac a délivré un permis de construire à Mme [Y] en vue de l'agrandissement d'un bâtiment agricole existant. Il s'agit donc d'une annulation pour excès de pouvoir, l'action initiée par les époux [E] tendant exclusivement à l'annulation de l'acte administratif unilatéral en raison de son illégalité.

Les consorts [E] soutiennent que leur action en démolition est fondée dès lors que la construction dont le permis de construire a été annulé se situerait sur une commune, en l'espèce la commune de [Localité 7], protégée par un plan de prévention des risques technologiques, ou dans une zone de plans de prévention des risques naturels, zones visées par l'article L 480-13.

Il n'est produit aucune justification que la commune de [Localité 7] serait concernée par un plan de prévention des risques technologiques. Ainsi que le premier juge l'a justement retenu, le document produit en pièce 26 par les consorts [E] établit uniquement que la Commune de [Localité 7] est concernée par deux plans de prévention des risques naturels, d'une part, le plan de prévention des risques « inondation » du secteur albigeois, d'autre part, le plan de prévention des risques « mouvements différentiels de terrain liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles dans le département du Tarn », approuvé par arrêté préfectoral du 13 janvier 2009.

Les zones définies au i) de l'article L 480-13 susvisées, outre celles concernées par un plan de prévention des risques technologiques, sont celles prévues par les 1° et 2° du II de l'article L 562-1 du code de l'environnement, à savoir :

- les délimitations des zones exposées aux risques dans lesquelles, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, peut être interdit tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient y être autorisés, celles où peuvent être prescrites les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités (II-1°) ;

- les délimitations des zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et pour lesquelles des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° peuvent être imposées (II-2°).

Or, Mme [Y] contestant que sa propriété se situe dans les zones concernées par le PPR Inondation ou dans une zone où la construction est interdite ou réglementée au titre du PPR « Retrait gonflement des argiles », les consorts [E], auxquels incombe la charge de la preuve, ne justifient nullement que la construction édifiée par Mme [Y] se situerait dans une zone où les plans de prévention des risques naturels invoqués (inondation et retrait gonflement des argiles) interdisent ou réglementent les constructions, ouvrages, aménagements, et exploitations, ces plans, leur zonage, et leurs prescriptions n'étant pas produits au débat. Mme [Y] fait d'ailleurs justement observer que son permis de construire

- dont l'illégalité a au demeurant été retenue pour une toute autre cause- a été délivré au visa du plan de prévention des risques naturels prévisibles « Mouvements différentiels de terrain liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles ». Le PPR Inondation du secteur albigeois n'y est par ailleurs par mentionné.

A défaut d'établir que la construction litigieuse se situe dans l'une des seules zones où l'article L 480-13 du code de l'urbanisme autorise la démolition du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique d'une construction dont le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative, leur demande à ce titre et sur ce fondement doit être rejetée ainsi que retenu par le premier juge.

2°/ Sur la demande de dommages et intérêts résultant de la construction dont le permis de construire a été annulé

Si le non respect des dispositions du règlement sanitaire départemental est acquis en raison de la décision du tribunal administratif d'annulation du permis de construire de l'extension réalisée par Mme [Y], et caractérise une faute, il appartient néanmoins aux consorts [E] de justifier du préjudice en résultant pour eux au soutien de leur demande de dommages et intérêts.

Il en est de même sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, également invoqués, nécessitant la preuve d'un lien de causalité entre un fait et une nuisance constitutive d'un trouble anormal excédant les inconvénients normaux du voisinage, indépendamment de tout caractère fautif s'agissant d'une responsabilité objective, l'existence d'un trouble anormal de voisinage ne pouvant être déduite de la seule violation des règles d'urbanisme édictées par l'article 153.5 du règlement sanitaire départemental du Tarn s'agissant des distances imposées.

Les consorts [E] invoquent à titre de préjudice les conséquences sanitaires du fait de la présence d'une stabulation à proximité de leur habitation, précisant dans leurs écritures que seule l'extension engendrerait un trouble sanitaire pour ne pas respecter les distances imposées par le règlement sanitaire, ainsi qu'un trouble anormal du voisinage. Or ils ne caractérisent nullement ni le trouble sanitaire résultant de l'extension dont le permis de construire a été annulé, ni l'existence d'un préjudice personnel en relation avec l'extension de l'étable, ni un trouble anormal de voisinage résultant de la seule extension.

En effet, l'extension en cause a été réalisée sur une installation agricole préexistante, affectée depuis au moins 1995 à l'élevage (bovins et chevaux) et exploitée par M.[A] [V], fermier, éleveur de bovins viande, depuis l'année 2000 sur la totalité de la propriété (terres et bâtiments agricoles) ainsi que celui-ci en atteste, son bail à effet du 1er janvier 2001 étant produit au débat. Aucune augmentation du troupeau de bovins préexistant n'est alléguée. Il ressort en outre du procès verbal de constat établi par Me [M], huissier de justice mandaté par les consorts [E], du 17/07/2018 que l'extension à gauche en bordure du domaine public, correspondant à l'extension ayant fait l'objet du permis de construire annulé selon les plans produits au débat, permet le stockage de balles de paille en grand nombre. Au surplus, il ressort de la motivation de la décision du tribunal administratif que le projet d'extension avait pour objet de réduire les nuisances liées à l'activité d'élevage vis à vis de la propriété [E], activité préexistante à la réalisation du projet.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce que le premier juge a débouté les consorts [E] de leur demande de dommages et intérêts relative à l'extension litigieuse que ce soit sur le fondement du non respect par la construction du règlement sanitaire départemental quant aux distances de construction ou sur celui des troubles anormaux du voisinage.

3°/ Sur l'indemnisation sollicitée du fait du stockage de fumier

Sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, les consorts [E] soutiennent subir un préjudice du fait de la présence de fumier à proximité de leur habitation, sous leurs fenêtres, générant odeurs, mouches et écoulements lors d'épisodes pluvieux avec infiltrations d'eau polluée dans leur cave, au mépris des règles de bon voisinage et des règles du règlement sanitaire départemental dont l'article 155-1 fixe la distance des dépôts de fumier à une distance d'au moins 50 mètres des immeubles habités.

L'article 155-1 du règlement sanitaire départemental impose en effet que les dépôts de fumier soient établis à une distance d'au moins 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs ou de tout établissement recevant du public.

Suite au signalement effectué par M. [R] [E] auprès de la préfecture le 26 avril 2016, par un courrier du 16 juin 2016 le Maire de la commune de [Localité 7], ayant constaté un stockage de fumier sur la propriété [Y] exploitée par M.[A] à 35 mètres du jardin de M.[R] [E], au visa dudit règlement, a demandé à l'exploitant de régulariser la situation le plus rapidement possible.

Il résulte du constat du 17 juillet 2018 établi par Me [M], huissier de justice, qu'à ladite date, a été relevée la présence d'un gros tas de fumier implanté sous le domaine public à une distance inférieure à 3 mètres de la clôture privative du jardin des consorts [E], l'huissier constatant la présence de mouches ainsi qu'une odeur nauséabonde en provenance de ce tas de fumier.

Le 7 janvier 2019, Me [W], huissier de justice, a quant à elle constaté la présence d'un reste de tas de fumier déposé sur la parcelle AR[Cadastre 4] appartenant à Mme [Y], à une distance d'environ 50 mètres de la maison d'habitation [E].

S'il ressort de ces éléments que le tas de fumier litigieux a été déplacé et réduit entre juillet 2018 et janvier 2019 pour être installé à une distance respectant le règlement sanitaire, la persistance de ce dépôt à moins de 50 m de la propriété bâtie des consorts [E] postérieurement à janvier 2019 n'étant pas justifiée, il en ressort aussi que le règlement sanitaire n'a pas été respecté entre avril 2016 et juillet 2018, soit pendant près de deux ans. Au delà des inconvénients normaux du voisinage résultant par nature de la proximité d'une exploitation agricole d'élevage de bovins, la présence d'un tas de fumier à une distance inférieure à celle autorisée par le règlement sanitaire, destinée à préserver les immeubles habités des nuisances pouvant résulter de ces dépôts comme des nuisances olfactives ou inhérentes à la présence massive de mouches, telles que constatées en juillet 2018, caractérise pendant cette période de deux ans un trouble anormal de voisinage subi par les consorts [E] dont la propriétaire de l'exploitation en cause, Mme [Y], doit répondre.

En revanche, aucun élément ne vient caractériser que durant cette période de deux ans les consorts [E] ont dû subir des suintements, voire des infiltrations d'eau polluée à l'intérieur de leur cave, en provenance de ce tas de fumier, ou que ce tas de fumier ait à un moment quelconque été situé sous les fenêtres de leur immeuble d'habitation.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris sur ce point, il convient de condamner Mme [X] [Y] à payer aux consorts [E] une indemnité de 3.000 € en réparation des préjudices subis pendant deux ans du fait de la présence du tas de fumier à une distance de moins de 50 mètres de leur propriété, le surplus de la demande d'indemnisation des consorts [E] à ce titre devant être rejeté.

4°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Chacune des parties succombant en ses prétentions, les dépens de première instance ainsi que ceux d'appel seront supportés par moitié par chacune d'entre elles.

L'équité ne commande pas l'octroi à l'une quelconque des parties d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine limitée à la demande de démolition de la construction illicite, à l'octroi de dommages et intérêts, aux dépens et aux frais irrépétibles,

Infirme le jugement entrepris uniquement en ce que le premier juge a débouté M.[R] [E] et Mme [B] [T] épouse [E] de leur demande de dommages et intérêts pour stockage du fumier à proximité de leur propriété ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le confirme pour le surplus de ses dispositions relevant de la saisine de la cour

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Mme [X] [Y] à payer à M.[R] [E] et Mme [B] [T] épouse [E] pris ensemble la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour troubles anormaux du voisinage résultant de la présence à une distance non réglementaire de leur propriété et pendant deux ans d'un tas de fumier

Déboute M.[R] [E] et Mme [B] [T] épouse [E] du surplus de leur demande d'indemnisation à ce titre

Dit que les dépens de première instance ainsi que ceux d'appel seront supportés par moitié d'une part, par Mme [X] [Y], d'autre part, par M.[R] [E] et MmeChantal [T] épouse [E] pris ensemble

Rejette les demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/05135
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;19.05135 ?
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