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24/10/2022 | FRANCE | N°21/00483

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 24 octobre 2022, 21/00483


24/10/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/00483

N° Portalis DBVI-V-B7F-N6KY

MD / RC





Décision déférée du 01 Décembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de MONTAUBAN ( 19/00743)

Mme [F]

















[Z] [P]





C/



[M] [J]





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [Z] [P]

[U] [D]

[Localité 2]

Représenté par Me Stéphane MAZARS de la SCP AIMONETTI BLANC BRINGER MAZARS, ...

24/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/00483

N° Portalis DBVI-V-B7F-N6KY

MD / RC

Décision déférée du 01 Décembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de MONTAUBAN ( 19/00743)

Mme [F]

[Z] [P]

C/

[M] [J]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [Z] [P]

[U] [D]

[Localité 2]

Représenté par Me Stéphane MAZARS de la SCP AIMONETTI BLANC BRINGER MAZARS, avocat au barreau D'AVEYRON

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame [M] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juillet 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 27 juin 2014, M. [Z] [P] a acquis de Mme [M] [J] un ensemble immobilier comprenant une maison à usage d'habitation, un bâtiment à usage de grange et diverses parcelles sis lieudit [Adresse 3] à [Localité 2] (Tarn-et-Garonne) moyennant le prix de 165 000 euros.

À la suite d'un dégât des eaux survenu le 27 avril 2015 au rez-de-chaussée de la maison d'habitation et d'une expertise amiable dont la venderesse a refusé les conclusions, M. [P] a obtenu du juge des référés l'organisation d'une mesure d'expertise confiée à M. [X] [B], déclarée commune et opposable à la commune de [Localité 2] par décision du 18 mai 2017.

L'expert a rendu son rapport le 21 septembre 2017.

- : - : - : - : -

Par acte d'huissier du 6 septembre 2019, M. [P] a fait assigner Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Montauban en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 1er décembre 2020, le tribunal judiciaire de Montauban a :

- dit que les désordres relevant de la garantie décennale causés à l'habitation de M. [P] proviennent d'une cause étrangère à Mme [J],

- débouté M. [P] de ses demandes formées à l'encontre de Mme [J],

- dit n'y avoir lieu à statuer au titre des dispositions de l'article « 700, 1° » du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

- : - : - : - : -

Par déclaration datant du 29 janvier 2021, M. [P] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que les désordres relevant de la garantie décennale causés à l'habitation de M. [P] proviennent d'une cause étrangère à Mme [J],

- débouté M. [P] de ses demandes formées à l'encontre de Mme [J].

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 8 avril 2021, M. [Z] [P], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel formé à l'encontre du jugement dont appel,

- réformer ledit jugement en ce qu'il :

* a dit que les désordres relevant de la garantie décennale causés à son habitation proviennent d'une cause étrangère à Mme [J],

* l'a débouté de ses demandes formées à l'encontre de Mme [J],

Statuant à nouveau,

- 'dire et juger' que Mme [J] est réputée constructeur après-vente au sens de l'article 1792 du code civil,

- 'dire et juger' que les désordres qu'il a dénoncés affectent la solidité du bâtiment,

- 'dire et juger' que les désordres dénoncés ne proviennent pas d'une cause étrangère,

En conséquence :

- déclarer Mme [J] responsable des préjudices qu'il a subis,

- condamner Mme [J] à :

* verser la somme de 16 681 euros HT à parfaire au titre des travaux réalisés,

* verser la somme de 22 500 euros à parfaire au titre du préjudice de jouissance qu'il a subi,

* verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi,

* verser la somme de 10 000 euros au titre des intérêts réglés par lui-même depuis l'apparition des désordres et jusqu'à réalisation des travaux,

En tout état de cause,

- condamner Mme [J] à lui verser la somme de 3 000 euros et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise

Au soutien de sa demande, M. [Z] [P] explique que :

- la responsabilité de Mme [J] est nécessairement engagée dès lors que les conditions exigées par l'article 1792 du code civil sont remplies, peu important que la commune de [Localité 2] soit selon l'expert à l'origine du désordre,

- Mme [J] ne peut pas être exonérée de sa responsabilité dès lors qu'elle ne démontre que la cause étrangère dont elle se prévaut répond aux conditions de la force majeure en étant imprévisible et irrésistible,

- Mme [J] se doit de l'indemniser au titre des sommes engagées afin de réaliser les travaux préconisés par l'expert, du trouble de jouissance qu'il subit depuis l'inondation survenue en avril 2015, de son préjudice moral ainsi que des intérêts d'emprunt.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 12 avril 2021, Mme [M] [J], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel,

- débouter M. [P] de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

- condamner M. [P] à lui régler 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande, Mme [M] [J] explique que :

- aucun désordre n'est lié aux travaux qu'elle a réalisés dès lors que les traces d'humidité sont exclusivement la conséquence du défaut de profondeur du drain réalisé par la commune de [Localité 2],

- les désordres sont liés à une cause étrangère dès lors qu'aucune malfaçon constructive n'a été retenue par l'expert judiciaire à son encontre et que les désordres sont exclusivement liés aux travaux réalisés par la commune de [Localité 2],

- la demande de M. [P] quant à la prise en charge des frais relatifs aux travaux de reprise du drain et des embellissements est sans lien avec les travaux réalisés par Mme [J],

- les préjudices dont se prévaut M. [P] n'ont pas de lien de causalité avec les travaux réalisés par Mme [J] dès lors qu'ils sont liés aux conséquences des désordres affectant le drain réalisé par la commune de [Localité 2] et que M. [P] a déménagé uniquement pour se rapprocher de son lieu de travail,

- il n'existe aucun lien de causalité entre les intérêts du prêt immobilier de M. [P] et les travaux qu'elle a réalisé de sorte qu'aucune prise en charge de ces frais ne peut être justifiée.

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L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 5 juillet 2022.

MOTIVATION

- Sur la mise en 'uvre de la garantie prévue par l'article 1792 du code civil :

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Aux termes de l'article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur de l'ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que Mme [J] et son ancien compagnon ont rénové et effectué les travaux de reconstruction de l'ensemble immobilier vendu à M. [P] entre 2010 et 2014, avec notamment la réalisation d'un assainissement individuel comprenant une fosse septique.

Ainsi, Mme [J], en tant que constructeur de l'ouvrage, est responsable de plein droit envers M. [P] des dommages qui en compromettent la solidité ou le rendent impropre à sa destination.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'immeuble appartenant à M. [P] a connu un dégât des eaux important le 27 avril 2015, caractérisé par l'inondation du rez-de-chaussée de la maison d'habitation.

Ces désordres ayant généré un taux d'humidité supérieur aux taux habituels, allant de 6% à 15% deux ans après le sinistre survenu le 27 avril 2015, ils sont considérés comme rendant la maison d'habitation acquise par M. [P] impropre à sa destination.

Si, en principe, la responsabilité de Mme [J] est effectivement susceptible d'être engagée dans ce cas en vertu de l'article 1792 du code civil, il en est autrement si les désordres résultent d'une cause étrangère.

En l'espèce, le rapport d'expertise précise que : « l'humidité dans la maison de M. [P] a été causée par le drain posé par les services municipaux (sur le terrain de la commune de [Localité 2]), à une profondeur trop faible par rapport au sol de la maison. Les travaux réalisés par Mme [J] ne me semblent pas être responsables de cette humidité. ».

Dès lors, les désordres sont imputables uniquement à l'installation du drain par les services municipaux, lequel aurait dû être posé, au minimum, à 20 cm en dessous du niveau du sol de la maison d'après le rapport d'expertise.

En outre, l'expert en conclut que « ce drain est à l'origine des désordres et seule sa réfection, à une profondeur correcte, évitera les futurs désordres ».

Or, le fait d'un tiers ayant concouru à la cause ou à l'aggravation des désordres constitue une cause étrangère de nature à exonérer le constructeur de sa responsabilité décennale (Cass. 3e civ., 14 juin 1995, n°93-17.281).

En l'espèce, la pose du drain par les services municipaux de la commune de [Localité 2] à une profondeur insuffisante et à proximité de la maison d'habitation de M. [P] constitue la cause exclusive des désordres.

Ces travaux de pose du drain ont été effectués sous la direction des services municipaux de la commune de [Localité 2], sur un terrain leur appartenant qui, bien que jouxtant le terrain d'assiette de la maison construite par Mme [J], n'a pas mis cette dernière en mesure de prévoir que le drain serait posé à une profondeur insuffisante par rapport au sol de sa construction.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les désordres survenus suite aux dégâts des eaux du 27 avril 2015 proviennent d'une cause étrangère à Mme [J], ces désordres étant exclusivement imputables aux services municipaux de la commune de [Localité 2].

En effet, l'intervention d'un tiers en la personne d'une collectivité territoriale sur laquelle Mme [J] ne disposait d'aucun droit pour définir la conduite des travaux et assurer la surveillance de leur exécution, et partant, de prévoir raisonnablement les conséquences de ceux-ci dont elle ignorait les données matérielles de mise en 'uvre, a revêtu les caractères d'irrésistibilité et d'imprévisibilité exonérant le garant de la responsabilité décennale de toute obligation à la suite du dommage subi par l'acquéreur.

Partant, la responsabilité décennale de Mme [J] ne peut pas être engagée et M. [P] sera débouté de ses demandes formées sur le fondement des articles 1792 et 

1792-1 du code civil à l'encontre de celle-ci.

Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montauban en date du 1er décembre 2020 sera donc confirmé en ce qu'il écarte la responsabilité décennale de Mme [J] en ce que les désordres proviennent d'une cause étrangère.

- Sur les demandes d'indemnisation formées par M. [P] :

Les travaux réalisés par Mme [J] n'étant pas la cause des désordres subis par M. [P] dans sa maison d'habitation suite au dégât des eaux survenus le 27 avril 2015, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière les travaux de réfection préconisés par l'expert.

Pour la même raison, il n'y a pas non plus lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de M. [P] au titre de son trouble de jouissance ni même au titre du règlement des intérêts liés à son emprunt souscrit pour financer son habitation.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il déboute M. [P] de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de Mme [J].

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [P], partie intégralement perdante, sera condamné au paiement aux entiers dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera réformé sur ce point.

Il sera aussi condamné à payer à Mme [J] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 alinéa 1er, 1° du code de procédure civile pour les frais non compris dans les dépens exposés en première instance et appel.

Tenus aux dépens, M. [P] ne peut solliciter une indemnité à ce même titre et sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 1er décembre 2020 en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [P] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [P] au paiement de la somme de 5 000 euros à Mme [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel.

Déboute M. [P] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00483
Date de la décision : 24/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-24;21.00483 ?
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