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04/10/2022 | FRANCE | N°19/01242

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 04 octobre 2022, 19/01242


04/10/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/01242

N° Portalis DBVI-V-B7D-M25V

AMR / RC



Décision déférée du 28 Janvier 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 17/01451

Mme [M]

















[N] [B] épouse [R]





C/



[J] [U]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE

S.A APRIL SANTE PREVOYANCE



























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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame [N] [B] épouse [R]

[Adresse 1]

[L...

04/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/01242

N° Portalis DBVI-V-B7D-M25V

AMR / RC

Décision déférée du 28 Janvier 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 17/01451

Mme [M]

[N] [B] épouse [R]

C/

[J] [U]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GA RONNE

S.A APRIL SANTE PREVOYANCE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [N] [B] épouse [R]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Françoise CALAZEL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [J] [U]

[9]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représenté par Me Isabelle BAYSSET de la SCP D'AVOCATS MARGUERIT- BAYSSET-RUFFIE, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-GARONNE (C.P.A.M)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Sans avocat constitué

S.A APRIL SANTE PREVOYANCE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 03 Janvier 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Le docteur [J] [U], radiologue, exerçant à titre libéral à la [9], a procédé, le 26 mars 2014, à un scanner thoraco-abdomino-pelvien avec iode sur la personne de Mme [N] [B] épouse [R].

Celle-ci ayant ressenti une grande douleur et son bras ayant doublé de volume lors de l'injection de l'iode, le docteur [U] l'a adressée aux urgences de la clinique pour extravasation du produit de contraste dans le bras droit.

Par ordonnance de référé en date du 9 avril 2015, Mme [B] a obtenu la désignation du docteur [C], expert, qui a déposé son rapport le 8 février 2016.

Par actes des 19 et 20 avril 2017, Mme [B] a fait assigner le docteur [U], en présence de la Cpam de la Haute-Garonne et la Sa April Santé Prévoyance devant le tribunal de grande instance de Toulouse en reconnaissance de responsabilité et indemnisation de ses préjudices.

Par jugement contradictoire du 28 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a débouté Mme [B] de ses demandes, l'a condamnée à payer à M. [U] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et a dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que Mme [B] épouse [R], sur qui repose la charge de la preuve, ne démontrait pas l'existence d'une faute imputable au docteur [U] qui ne peut se déduire de la seule anormalité d'un dommage et de sa gravité et doit être, conformément au droit commun, en lien de causalité avec le dommage.

Il a estimé qu'au regard des conclusions de l'expert l'origine exacte de la défaillance de l'acte médical n'était 'nalement pas établie, l'hypothèse la plus probable apparaissant être Ie déplacement du cathéter avant l'injection du produit de contraste et l'expert n'imputant aucune faute au médecin dans ce déplacement qui se serait produit entre le moment où le cathéter a été véri'é et le moment où il y a eu l'injection du produit de contraste. Il a relevé que l'expert n'invoquait aucun non-respect ou manquement aux règles de l'art, le déplacement du cathéter résultant par voie de conséquence d'un seul accident médical non fautif.

Par déclaration en date du 11 mars 2019, Mme [B] épouse [R] a relevé appel de ce jugement en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 25 septembre 2019, Mme [N] [B] épouse [R], appelante, demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :

* l'a déboutée de ses demandes,

* l'a condamnée à payer à M. [U] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux dépens,

- dire que le docteur [U] a commis une faute lors de la réalisation du scanner en date du 26 mars 2014,

- dire que le docteur [U] a manqué à son obligation d'information,

- dire que le docteur [U] est responsable des préjudices qu'elle a subis et le condamner à les réparer,

- fixer ses préjudices aux sommes suivantes :

* déficit fonctionnel temporaire : 500 €,

* souffrances endurées : 2 000 €,

* répercussion psychologique avec problème de sommeil : 2 000 €,

* assistance d'une tierce personne : 1 260 €,

* préjudice esthétique temporaire : 2 500 €,

* préjudice esthétique définitif : 2 000 €,

* préjudice moral d'impréparation : 2 000 €,

- condamner le docteur [U] à lui payer ces sommes, soit au total la somme de 12 260 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2017 date de l'assignation introductive d'instance,

- condamner le docteur [U] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le docteur [U] aux entiers dépens de la procédure de référé, de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, en ce compris les frais d'expertise,

- à titre subsidiaire, si par impossible la cour d'appel venait à confirmer le jugement du 28 janvier 2019 en ce qu'il a dit qu'elle ne rapporte pas la preuve de la faute du docteur [U], - réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée à payer au docteur [U] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- dire que chaque partie conserve la charge de ses dépens et qu'il n'y a pas lieu à la condamner à payer au docteur [U] une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 12 novembre 2020, M. [U], intimé, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- dire que l'extravasation du produit d'injection constitue un accident médical non fautif,

- dire que sa responsabilité ne saurait être retenue,

- débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,

- à titre infiniment subsidiaire, fixer l'indemnisation au seul préjudice imputable comme

suit :

* un déficit fonctionnel temporaire partiel : 69 €,

* des souffrances endurées : 850 €,

* un préjudice esthétique fixé : 850 €,

- débouter Mme [R] de sa demande au titre de l'assistance tierce personne,

- de manière très subsidiaire ramener ce poste de demande comme suit : une assistance tierce personne : 317 €,

- débouter Mme [R] de ses autres demandes,

- condamner Mme [R] à lui payer la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qu'aux entiers dépens.

La Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (Cpam), assignée à personne habilitée par acte d'huissier en date du 23 mai 2019 contenant dénonce de la déclaration d'appel , et à qui les conclusions de l'appelante ont été signifiées le 17 juin 2019, n'a pas constitué avocat.

La société April Santé Prévoyance, assignée à personne habilitée par acte d'huissier en date du 21 mai 2019 contenant dénonce de la déclaration d'appel, et à qui les conclusions de l'appelante ont été signifiées le 12 juin 2019, n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément à l'article 474 alinéa 1 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La responsabilité

Mme [B] ne conteste pas l'indication du scanner avec injection ni la qualité de la prise en charge de l'extravasation.

Elle recherche la responsabilité du docteur [U] pour défaut de vérification de la perméabilité de la voie veineuse, subsidiairement pour défaut de vérification de ce que le cathéter était bien en place avant l'injection du produit de contraste lors de son raccordement à l'injecteur de ce produit, ainsi que pour manquement à son obligation d'information.

Le docteur [U] soulève, dans les motifs de ses conclusions, l'irrecevabilité de la demande de Mme [B] qu'il estime nouvelle en appel d'indemnisation pour manquement au devoir d'information mais ne reprend pas cette irrecevabilité dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour, en application des dispositions de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, n'est pas saisie de cette demande.

1 - Selon les dispositions de l'article L 142-1 du code de la santé publique « Hors le cas où leur responsabilité est encourue à raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

C'est au demandeur à l'action en responsabilité d'établir la faute, le préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice qu'il allègue.

La responsabilité du professionnel de santé, de nature contractuelle, repose sur une obligation de moyen.

L'expert judiciaire conclut : «L'avis synthétique sur le dossier permet de suspecter fortement la non perméabilité de la voie veineuse au moment de l'injection. La perméabilité d'une voie veineuse est toujours vérifiée avant l'injection de quelque nature qu'elle soit, ce qui semble ne pas avoir été le cas. J'ai bien reçu dans les dires, le courrier rédigé par les manipulateurs radiologues, Mme [X] [G] et M. [E] [K], attestant la perméabilité de la voie veineuse. Cela laisse supposer un éventuel déplacement du cathéter entre le moment où celui-ci a été vérifié et le moment où il y a eu l'injection du produit de contraste. Quoiqu'il en soit, au moment de l'injection du produit de contraste, le cathéter n'était pas dans la veine.

Toutefois les conséquences ont été limitées du fait de l'arrêt immédiat de l'injection du produit iodé, réalisation malgré tout de l'examen par une voie veineuse controlatérale au niveau de l'autre bras puis adressage rapide vers le service d'urgence qui a dispensé les soins nécessaires. ».

Le docteur [U] produit les attestations de Mme [G] et M. [K] qui sont conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, le seul fait que Mme [G] n'ait pas coché la case indiquant un lien de subordination ou une communauté d'intérêts avec les parties étant sans incidence puisqu'il est produit au débat son contrat de travail dont il résulte qu'elle est salariée de la clinique. Ces deux manipulateurs travaillent certes sous la responsabilité du médecin radiologue dont ils préparent les interventions mais sont les seules personnes à pouvoir attester du déroulement du protocole de pose du cathéter, Mme [G] y ayant procédé et M. [K] y ayant assisté pour partie.

Ces attestations relatent que Mme [G] a installé Mme [B] dans une cabine de préparation, a mis en place le cathéter au pli du coude, l'a contrôlé par 10 ml de sérum physiologique pour tester le bon positionnement du cathéter et vérifier l'imperméabilité de la voie veineuse sans problème particulier ni plainte de la patiente puis que Mme [G] et M. [K] ont installé cette dernière sur la table du scanner et ont raccordé le cathéter à l'injecteur de produit de contraste, le patiente se plaignant alors d'une forte douleur dans le bras.

Ces attestations sont corroborées par le protocole de la clinique mentionnant bien l'injection test avant l'injection d'iode et ne sont contredites par aucun élément.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'origine exacte de la défaillance de l'acte médical n'est pas établie, l'hypothèse la plus probable apparaissant être Ie déplacement du cathéter après sa vérification et avant l'injection du produit de contraste, de sorte qu'en l'absence de faute prouvée du docteur [U], il doit être considéré, comme l'a fait le premier juge, que le déplacement du cathéter résulte d'un seul accident médical non fautif.

2 - En vertu des articles L 1111-2 et R 4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution pesant sur le praticien, même si elle peut être faite par tous moyens ; le droit à réparation de la victime reste, cependant, subordonné à l'existence d'un préjudice en relation de causalité avec le défaut d'information allégué.

Le défaut d'information est avéré en l'espèce, le praticien ne rapportant pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir dispensé à Mme [B] cette information sur les risques inhérents à l'acte d'investigation qu'elle allait subir et l'extravasation encore appelée incident de perfusion étant une complication non exceptionnelle, le pourcentage de survenance se situant entre 0,04 à 0,9 % des injections intraveineuses de produit de contraste.

Dans ses conclusions, le docteur [U] évoque lui-même l'extravasation comme « un accident médical courant et répertorié dans les risques encourus pour ce type de soins ».

Mme [B] ne se prévaut pas cependant de ce que ce défaut d'information lui a fait perdre une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de ce risque en refusant que le scanner soit pratiqué, ce dernier ayant d'ailleurs été pratiqué sans difficulté en posant le cathéter sur l'autre bras, mais fait valoir que le non-respect par le docteur [U] de son devoir d'information lui a causé, dans la mesure où ce risque s'est réalisé, un préjudice résultant du défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque.

Ce préjudice moral, au regard de la douleur inattendue éprouvée par Mme [B] lors du scanner mais des conséquences limitées de la réalisation du risque, doit être évalué à la somme de 1000 €.

Le docteur [U] sera condamné à payer cette somme à Mme [B].

Les demandes annexes

Succombant partiellement dans ses demandes le docteur [U] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et les dépens de la procédure de référé.

Il se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt et ne peut lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

- Infirme le jugement rendu le 28 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Déclare M. [J] [U] responsable du préjudice subi par Mme [N] [B] en lien avec le défaut d'information ;

- Condamne M. [J] [U] à payer à Mme [N] [B] la somme de 1000 € au titre du préjudice d'impréparation ;

- Condamne M. [J] [U] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et les dépens de la procédure de référé ;

- Condamne M. [J] [U] à payer à Mme [N] [B] la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- Déboute M. [J] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/01242
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;19.01242 ?
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