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03/10/2022 | FRANCE | N°21/02528

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 03 octobre 2022, 21/02528


03/10/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/02528

N° Portalis DBVI-V-B7F-OGVJ

JCG / RC



Décision déférée du 04 Mai 2021

Juge de la mise en état de MONTAUBAN (20/00559)

Mme RIBEYRON

















ANTICA CERAMICA RUBIERA





C/



[P] [I]

S.A.R.L. LAGARRIGUE

S.A.S. SISCA

S.A. MMA ASSURANCES MUTUELLES

S.A. MMA - I.A.R.D.























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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Société ANTICA CERAMICA RU...

03/10/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/02528

N° Portalis DBVI-V-B7F-OGVJ

JCG / RC

Décision déférée du 04 Mai 2021

Juge de la mise en état de MONTAUBAN (20/00559)

Mme RIBEYRON

ANTICA CERAMICA RUBIERA

C/

[P] [I]

S.A.R.L. LAGARRIGUE

S.A.S. SISCA

S.A. MMA ASSURANCES MUTUELLES

S.A. MMA - I.A.R.D.

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TROIS OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Société ANTICA CERAMICA RUBIERA

Société de droit italien à responsabilité limitée inscrite au Registre des entreprises de Reffio Emilia n.037937000372, prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualités audit siège

[Adresse 9]

[Localité 4] (RE) - ITALIE

Représentée par Me Olivier MASSOL de la SELARL MASSOL AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMES

Monsieur [P] [I]

[Adresse 3]'

[Localité 8]

Sans avocat constitué

S.A.R.L. LAGARRIGUE

Inscrite au RCS de MONTAUBAN sous le numéro 94B48, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité.

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean louis PUJOL de la SCP SCP PUJOL - GROS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

S.A.S. SISCA

[Adresse 2]

[Localité 5]

Sans avocat constitué

S.A. MMA ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL - DE MALAFOSSE - STREMOOUHOFF - GERBAUD COUTURE-ZOU ANIA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

S.A. MMA I.A.R.D.

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL - DE MALAFOSSE - STREMOOUHOFF - GERBAUD COUTURE-ZOU ANIA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J.C GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

******

EXPOSE DU LITIGE

Suivant facture en date du 30 avril 2015, M. [P] [I] a fait exécuter par la Sarl Lagarrigue la fourniture et la pose de carrelage pour la plage d'une piscine dans sa propriété de [Localité 8] (Tarn-et-Garonne).

La société Sidv, établissement secondaire de la Sas Sisca, a fourni les carreaux à la Sarl Lagarrigue suivant facture du 30 mars 2015.

Par lettre recommandée du 8 avril 2016, M. [I] a dénoncé à la Sarl Lagarrigue des désordres tenant au caractère glissant de certaines dalles.

Le cabinet Sorrex a déposé une note d'expertise le 11 juillet 2016.

Par acte d'huissier en date du 10 janvier 2017, la Sarl Lagarrigue a fait assigner au visa de l'article 145 du code de procédure civile M. [I], la Sas Sisca et la société d'assurances Cfdp-Paris en sa qualité d'assureur de la Sas Sisca devant le président du tribunal de grande instance de Montauban statuant en référé, afin d'entendre ordonner une expertise à l'effet de décrire les désordres affectant le carrelage et notamment le phénomène de glissance dénoncé par le maître de l'ouvrage , de déterminer la ou les causes desdits désordres et dommages, de préciser la nature de ces désordres au regard de la destination de l'ouvrage et de définir les travaux propres à y remédier.

Par ordonnance en date du 9 février 2017, le juge des référés a désigné M. [O] en qualité d'expert, au contradictoire de M. [I], de la Sas Sisca, de la Sa Mma Assurances Mutuelles, de la Sa Mma Iard.

L'expertise a été déclarée opposable à la société de droit italien Antica Ceramica Rubiera par ordonnance du 8 juin 2017.

Le rapport d'expertise a été déposé le 29 mai 2019.

Par acte du 30 juin 2020, M. [I] a fait assigner la Sarl Lagarrigue devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins d'indemnisation.

Par acte du 7 août 2020, la Sarl Lagarrigue a fait appeler en cause et en garantie la société Sisca et ses assureurs les sociétés Mma Assurances Mutuelles et Mma Iard au visa des articles 1792 et suivants du code civil, 1231 et suivants du code civil et 1641 et suivants du code civil.

Par acte du 29 octobre 2020, les sociétés Mma Assurances Mutuelles et Mma Iard ont fait appeler en cause la société Antica Ceramica Rubiera.

La jonction de ces instances a été ordonnée le 21 janvier 2021.

Le juge de la mise en état a été saisi par les sociétés Mma et par la société Antica Ceramica Rubiera de conclusions incidentes soulevant une fin de non-recevoir.

Par ordonnance du 4 mai 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban a :

- rejeté les fins de non-recevoir des compagnies Mma et de la société Antica Ceramica Rubiera,

- condamné les compagnies Mma Iard et Mma Assurances Mutuelles à payer à la Sarl Lagarrigue la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Antica Ceramica Rubiera à payer aux compagnies Mma Iard et Mma Assurances mutuelles, à elles ensemble, la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les compagnies Mma Iard, Mma assurances mutuelles et la société Antica Ceramica Rubiera aux dépens de l'incident,

- renvoyé l'affaire à la conférence de mise en état du 3 juin 2021 pour dépôt des conclusions au fond de la société Antica Ceramica Rubiera avec injonction.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par les compagnies Mma à l'encontre de la Sarl Lagarrigue, le juge de la mise en état a considéré, au visa des articles 2241 et 2239 du code civil :

- que l'ordonnance de référé aux fins d'expertise du 9 février 2017 rendue à la demande de la Sarl Lagarrigue a fait courir le nouveau délai de forclusion d'une action fondée sur les vices cachés jusqu'au 9 février 2019 et le nouveau délai de prescription quinquennale d'une action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun jusqu'au 9 février 2022 ;

- que selon l'article 1648 du code civil, l'action en garantie des vices cachés devait être engagée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, à savoir de sa révélation dans sa consistance, son ampleur, ses causes et conséquence, ce qui en l'espèce n'a pu s'évincer que des investigations techniques de l'expert qui a en réalité conclu à une non-conformité de ce type de carreaux à leur usage autour d'une piscine ;

- que l'expertise ayant été clôturée le 29 mai 2019, l'action de la Sarl Lagarrigue contre son vendeur en ce qu'elle serait fondée sur sa garantie d'un vice caché engagée le 7 août 2020, n'était donc pas forclose ;

- qu'il en allait de même de son action fondée sur sa responsabilité contractuelle de droit commun pouvant être justifiée par la non-conformité de la commande à l'usage auquel elle était destinée.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Antica Reramica Rubiera, le juge de la mise en état a jugé :

- que la détermination de la loi applicable au contrat entre la société Sisca et la société Antica Ceramica Rubiera échappait à la compétence du juge de la mise en état ;

- que même à supposer applicable la loi italienne comme loi de nationalité du fabricant vendeur, il n'était pas indiqué selon quelles dispositions de cette loi la demande serait irrecevable ;

- que s'agissant de l'application de la Convention de Vienne, celle-ci prévoyait que l'acheteur était déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonçait pas au vendeur en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'avait constaté ou aurait dû le constater, et que dans tous les cas l'acheteur était déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonçait pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui avaient été effectivement remises, sauf garantie contractuelle contraire ;

- qu'il n'était cependant pas produit la copie intégrale et traduite de la convention en vertu de laquelle la société Antica Ceramica Rubiera avait fourni à la société Sisca les carreaux dont cette dernière avait reçu commande de la Sarl Lagarrigue, en sorte qu'il n'était pas possible de vérifier si les parties avaient ou non été liées par une stipulation de garantie pouvant déroger aux délais prévus par la Convention de Vienne ;

- qu'il ne pouvait donc être fait droit aux fins de non-recevoir de la société Antica Ceramica Rubiera.

Par déclaration en date du 7 juin 2021, la société Antica Ceramica Rubiera a relevé appel de cette ordonnance en ce que :

- la fin de non-recevoir relative à la prescription de l'action intentée contre Antica Ceramica Rubiera, a été rejetée par le juge de la mise en état, alors même que celui-ci se déclarait incompétent pour trancher la question de fond intrinsèquement liée à cette fin de non-recevoir - l'ordonnance a considéré que la société Antica Ceramica Rubiera, ne pouvait pas se prévaloir des dispositions de la Convention de Vienne ;

- il n'a pas été pris en compte les fins de non-recevoir invoquées à titre subsidiaire et relatives à l'application du droit français ;

- l'ordonnance a rejeté les fins de non-recevoir invoquées par la société Antica Ceramica Rubiera, ;

- l'ordonnance a condamné la société Antica Ceramica Rubiera à payer aux compagnies Mma Iard et Mma Assurances mutuelles, la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- la société Antica Ceramica Rubiera a été condamnée aux entiers dépens de l'incident.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 janvier 2022, la société Antica Ceramica Rubiera, société de droit italien à responsabilité limitée, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, articles 9, 32, 122, 378, 384, 700, 787, 789 et 792 du code de procédure civile, des articles 1, 6, 35, 38, 39 de la Convention de Vienne et de l'article 4 du règlement du Parlement européen n°593/2008, de :

- in limine litis, surseoir à statuer sur l'affaire en l'attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Montauban ;

A défaut, à titre principal,

- constater la caducité de l'ordonnance du 4 mai 2021 du juge de la mise en état dont appel suite à l'extinction de l'instance devant le tribunal judiciaire de Montauban et d'en tirer toute conséquence ;

A titre subsidiaire,

- infirmer l'ordonnance dont appel ;

Statuant à nouveau,

- juger que le droit italien et la Convention de Vienne sont applicables au présent litige ;

- débouter les sociétés Mma Iard et Mma Assurances mutuelles de leurs demandes formulées à son encontre en ce qu'elles sont irrecevables car prescrites en application de la loi italienne et notamment de la Convention de Vienne :

A titre subsidiaire, si la loi française venait à être appliquée,

- débouter les sociétés Mma Iard et Mma Assurances mutuelles de leurs demandes formulées à son encontre en ce qu'elles sont irrecevables car prescrites ;

- débouter les sociétés Mma Iard et Mma Assurances mutuelles de leurs demandes formulées à son encontre car elles sont irrecevables, en ce qu'elles ne rentrent pas dans le champ d'application du régime spécial de responsabilité en matière de construction ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés Mma Iard et Mma Assurances mutuelles à tous les frais et dépens de la présente procédure et à la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Antica Ceramica Rubiera fait valoir que le rejet de ses demandes par le juge de la mise en état repose sur un renversement de la charge de la preuve, un défaut de renvoi à la formation collégiale en présence d'une demande mixte, une omission de statuer sur certaines demandes et un recours à l'article 700 du code de procédure civile en forme de sanction, en violation des principes applicables à cet article.

Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état, en ce qu'il a rejeté une fin de non-recevoir :

- sans trancher la question au fond qui lui était pourtant intrinsèquement liée, à savoir la question de l'application de la loi italienne et de la Convention de Vienne

- en inversant la charge de la preuve qui incombait à la Sarl Lagarrigue.

Elle soutient que la loi italienne et la Convention de Vienne sont applicables au présent litige.

Elle rappelle qu'au titre de l'article 39 de la Convention de Vienne, l'acheteur est soumis à un double délai de prescription et qu'en l'espèce, la société Sisca ne lui ayant jamais notifié un quelconque défaut de conformité et le carrelage ayant été livré avant le 9 mars 2015, les deux délais de prescription sont écoulés et la société Sisca est déchue de son droit de se prévaloir d'un défaut de conformité.

A titre subsidiaire, elle soutient que l'action engagée à son encontre par les sociétés Mma est irrecevable en application de la loi française dès lors que dans le cas où la loi française serait jugée applicable, la Convention de Vienne demeure en tout état de cause applicable puisque le litige est relatif à un contrat de vente de marchandises internationales et que la France et l'Italie sont signataires de la convention, et que par ailleurs elle n'est ni fabricant ni fournisseur au sens des articles 1792 et 1792-4 du code civil.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 août 2021, la Sarl Lagarrigue, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1231 et suivants, 1641 et suivants, articles 2231, 2239 et 2241 du code civil, de :

- rejeter les fins de non-recevoir présentées par les sociétés Mma ;

- confirmer l'ordonnance dont appel considérant qu'elle n'est pas forclose en son action, ni en garantie des vices cachés, ni sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la Sas Sisca, avec toutes conséquences de droit ;

- condamner la société Mma Iard et la société Mma Iard Assurances Mutuelles au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 janvier 2022, la société Mma Iard et la société Mma Assurances Mutuelles, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour, au visa des articles 1231 et suivants, 1641 et suivants, 1792 et suivants du code civil, L. 110-4 du code de commerce, et des articles 12, 378 et 789 du code de procédure civile, de :

- in limine litis, surseoir à statuer sur l'affaire en l'attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Montauban ;

A titre subsidiaire,

- déclarer la caducité de l'ordonnance du 4 mai 2021 du juge de la mise en état dont appel suite à l'extinction de l'instance devant le tribunal judiciaire de Montauban, et en tirer toutes conséquences ;

A titre très subsidiaire,

- déclarer la société Lagarrigue forclose en son action dirigée à leur encontre et celle de la société Sisca ;

Par conséquent,

- débouter la société Lagarrigue de l'intégralité de ses demandes à leur encontre,

- débouter la société Antica Ceramica Rubiera de ses motifs d'irrecevabilité à son égard,

- débouter la société Antica Ceramica Rubiera de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Lagarrigue et la société Antica Ceramica Rubiera à leur payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les sociétés Mma rappellent que l'action de l'entrepreneur contre le fournisseur doit être exercée en respectant cumulativement le délai de deux ans de l'action en garantie des vices cachés mais également le délai de prescription de droit commun, ce dernier étant fixé à compter de la vente.

Elles estiment que le point de départ du délai de deux ans prévu à l'article 1648 du code civil doit être fixé au mois de septembre 2015, date à laquelle le responsable du chantier est venu sur le site à la demande de M. [I], et que la nature du vice a par ailleurs été clairement identifiée dès le mois de juillet 2016 dans le cadre d'une réunion d'expertise amiable du cabinet Sorrex.

Elles soutiennent que l'assignation en référé du 17 juillet 2017 pour solliciter au seul visa de l'article 145 du code de procédure civile la désignation d'un expert judiciaire sans évoquer la garantie des vices cachés n'est pas interruptive de prescription. Elles considèrent que le premier acte interruptif de prescription de la Sarl Lagarrigue à l'égard de la société Sisca et de ses assureurs sur le fondement de la garantie des vices cachés est l'assignation au fond délivrée le 7 août 2020, bien au-delà du délai de deux ans.

Par ailleurs, elles soutiennent que le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article L.110-4 du code de commerce commence à courir à compter de la vente initiale même dans le cadre d'une action récursoire et qu'en l'espèce, il n'y a eu aucun acte interruptif de cette prescription en l'état d'une facture de la société Sisca en date du 30 mars 2015 et en l'absence d'assignation délivrée avant le 30 mars 2020.

S'agissant de la fin de non-recevoir soulevée par la société Antica Ceramica Rubiera, les sociétés Mma soutiennent que cette société ne démontre pas que la loi italienne est applicable, faute de fournir l'intégralité du contrat dont elle doit en outre assurer la traduction, et ne démontre pas plus la date de remise du carrelage faisant courir le délai de deux ans prévu à l'article 39 de la Convention de Vienne.

Elles précisent qu'il est inopérant d'argumenter sur les articles 1792 et suivants du code civil puisqu'elles n'agissent pas sur ce terrain à l'égard de la société Antica Ceramica Rubiera.

M. [I] et la Sas Sisca n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS

L'article 789 du code de procédure civile dispose que ' Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

(...)

6° Statuer sur les fins de non-recevoir'.

Il précise que 'Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire'.

Sur la demande de sursis à statuer et sur la demande de constatation de la caducité de l'ordonnance du 4 mai 2021 suite à l'extinction de l'instance devant le tribunal judiciaire de Montauban

Au mois de novembre 2021, M. [I] a notifié des conclusions de désistement aux termes desquelles il demandait au tribunal judiciaire de Montauban de :

- lui donner acte de son désistement d'instance et d'action ;

- débouter la Sarl Lagarrigue de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- juger que chaque partie supportera la charge des frais et dépens exposés par elle.

Il indique dans ces conclusions qu'il a signé un protocole d'accord transactionnel avec la Sarl Lagarrigue, de sorte qu'il souhaite se désister de son action envers cette société (pièce n° 9 de la société Antica Ceramica Rubiera ).

Il n'est fourni par les parties aucune information sur les suites qui ont été données aux conclusions de désistement de M. [I], notamment sur l'acceptation de ce désistement par la Sarl Lagarrigue, et sur l'état actuel de la procédure devant le tribunal judiciaire de Montauban.

La société Antica Ceramica Rubiera indique quant à elle qu'elle va déposer des conclusions demandant au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban de constater l'extinction de l'instance en application de l'article 384 du code de procédure civile, mais elle ne justifie pas du dépôt de telles conclusions, ni a fortiori de l'extinction de l'instance.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter tant la demande de sursis à statuer que la demande de constatation de la caducité de l'ordonnance du 4 mai 2021 suite à l'extinction de l'instance devant le tribunal judiciaire de Montauban.

Sur les fins de non-recevoir soulevée par les sociétés Mma à l'encontre de la Sarl Lagarrigue

L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, lequel recommence à courir dans son intégralité à compter de la décision rendue sur la demande d'expertise conformément à l'article 2231 du même code.

Selon l'article 2239 du code civil, l'exécution d'une mesure d'instruction suspend le délai de prescription, qui recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

La Sarl Lagarrigue fonde ses demandes à l'égard de la Sas Sisca sur les dispositions des articles 1231 et 1641 et suivants du code civil.

Aux termes de l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

La découverte du vice s'entend de sa révélation dans sa consistance, son ampleur, ses causes et conséquences, dans des conditions donnant à la partie qui engage l'action les éléments suffisants pour agir.

En l'espèce, la Sarl Lagarrigue, saisie d'une réclamation du maître de l'ouvrage sur des désordres tenant au caractère glissant de certaines dalles, a pris rapidement l'initiative d'une procédure de référé-expertise aux fins de réunir contradictoirment des éléments lui permettant de se défendre utilement, de telle sorte qu'à supposer que les carreaux vendus soient bien affectés d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, la découverte de ce vice ne pouvait s'évincer que des investigations techniques de l'expert, lequel a au demeurant conclu que les carreaux étaient entachés d'une non-conformité de glissance à l'usage auquel ils étaient destinés, la glissance des carreaux pouvant avoir d'autres causes qu'un vice les affectant substantiellement.

Le rapport d'expertise ayant été déposé le 29 mai 2019, l'action engagée par la Sarl Lagarrigue contre son vendeur en ce qu'elle serait fondée sur sa garantie d'un vice caché engagée le 30 août 2020 n'est donc pas forclose.

S'agissant de l'action engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle du vendeur, l'article L. 110-4 du code de commerce dispose que 'les obligations nées de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes'.

Les parties s'accordent sur le point de départ du délai quinquennal dans lequel doit être engagée l'action fondée sur la responsabilité contractuellequi est en l'espèce le 30 mars 2015, date de la facture émise par la Sas Sisca.

Ce délai a été interrompu par l'assignation en référé du 10 janvier 2017 jusqu'au 9 février 2017, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, puis suspendu durant le cours de l'expertise judiciaire jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, le 29 mai 2019.

L'assignation au fond et en garantie en date du 7 août 2020 a donc été délivrée avant l'expîration du délai quinquennal.

Le juge de la mise en état a rejeté à juste titre les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés Mma. Sa décision doit être confirmée sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Antica Ceramica Rubiera

La société Antica Ceramica Rubiera fonde ses fins de non-recevoir sur l'application de la loi italienne en application de la Convention de Rome et sur l'application de la Convention de Vienne.

Le juge de la mise en état a estimé que la détermination de la loi applicable au contrat conclu entre la société Sisca et la société Antica Ceramica Rubiera échappait à sa compétence et que, même à supposer applicable la loi italienne comme loi de nationalité du fabricant vendeur, il n'était pas indiqué selon quelles dispositions de cette loi la demande serait irrecevable.

Il a ensuite rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la Convention de Vienne au motif qu'à défaut de production de la copie intégrale et traduite de la convention, il n'était pas possible de vérifier si les parties étaient ou non liées par une stipulation de garantie pouvant déroger aux délais prévus par la convention de Vienne.

L'article 4,1, (a) de la Convention de Rome dispose que, dans le cas où les parties n'auraient pas fait le choix d'une loi applicable dans le cadre d'un contrat, la loi qui a vocation à s'appliquer pour une vente de bien est celle du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

A défaut pour la Sas Sisca et les sociétés Mma, auxquelles incombe la charge de cette preuve, de prouver que les parties auraient fait le choix d'une loi applicable dans le cadre du contrat, il doit être jugé que le vendeur ayant sa résidence habituelle en Italie, [Adresse 9] en Italie, la loi italienne est applicable au litige les opposant.

La Convention de Vienne s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents lorsque les Etats sont des Etats contractants ou que les règles de droit international privé mènent à l'application de la loi d'un Etat contractant, sauf exclusion par les parties de son application.

En l'espèce, la vente de carrelage est intervenue entre la société Antica Ceramica Rubiera et la Sas Sisca établies dans des Etats différents, l'Italie et la France, Etats contractants.

A défaut pour la Sas Sisca et les sociétés Mma, auxquelles incombe la charge de cette preuve, de prouver que les parties auraient stipulé une exclusion de l'application de la convention de Vienne dans leurs rapports, cette convention doit recevoir application.

Au titre de l'article 39 de la convention de Vienne, l'acheteur est soumis à un double délai de prescription :

- 'l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité s'il ne le dénonce pas au vendeur, en précisant la nature de ce défaut, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l'a constaté ou aurait dû le constater ' ;

- 'dans tous les cas, l'acheteur est déchu du droit de se prévaloir d'un défaut de conformité, s'il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises ', sauf garantie contractuelle contraire.

Il n'est pas justifié de la notification d'un quelconque défaut de conformité à la société Antica Ceramica Rubiera par la Sas Sisca et, en tout état de cause il est constant que les carreaux ont été effectivement remis à la Sas Sisca (Sidv) antérieurement au 30 mars 2015, date à laquelle ils ont été facturés à la Sarl Lagarrigue, et que la Sas Sisca ne s'est pas prévalue d'un défaut de conformité dans les deux années à compter de cette date.

Elle est donc déchue de se prévaloir d'un défaut de conformité et il en est de même pour ses assureurs, les sociétés Mma.

Ces dernières précisent par ailleurs qu'elles n'agissent pas sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil à l'égard de la société Antica Ceramica Rubiera.

Les demandes formulées par les sociétés Mma à l'encontre de la société Antica Ceramica Rubiera doivent en conséquence être déclarées irrecevables. La décision dont appel sera infirmée sur ce point.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La Sa Mma Assurances Mutuelles et la Sa Mma Iard, parties perdantes, doivent supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel, la décision étant infirmée en ce que la société Antica Ceramica Rubiera a également été condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles se trouvent redevables à l'égard de la Sarl Lagarrigue et de la société Antica Ceramica Rubiera d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Elles ne peuvent elles-mêmes prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Rejette la demande de sursis à statuer et la demande de constatation de la caducité de l'ordonnance du 4 mai 2021 ;

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Montauban, sauf en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Antica Ceramica Rubiera et condamné cette société aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de la société Antica Ceramica Rubiera par la Sa Mma Assurances Mutuelles et la Sa Mma Iard.

Condamne la Sa Mma Assurances Mutuelles et la Sa Mma Iard à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 € à la Sarl Lagarrigue, en sus de la somme déjà allouée à ce titre en première instance.

Condamne la Sa Mma Assurances Mutuelles et la Sa Mma Iard à payer à la société Antica Ceramica Rubiera la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la Sa Mma Assurances Mutuelles et la Sa Mma Iard de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/02528
Date de la décision : 03/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-03;21.02528 ?
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