30/09/2022
ARRÊT N°275/2022
N° RG 20/02844 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NYUU
CK/KB
Décision déférée du 06 Octobre 2020
Pole social du TJ de MONTAUBAN
(19/00031)
[T] [Y]
[Z] [W]
C/
[M] [V]
CPAM DU TARN ET GARONNE
S.A. CHATEAU DE LONGUES AYGUES
REFORMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 3]
[Adresse 8]
[Localité 7]
représenté par Me Olivier ISSANCHOU, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
INTIMES
Monsieur [M] [V]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Charlotte LEVI de la SELARL LEVI - EGEA - LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE substituée par Me Aziz HEDABOU, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
Organisme CPAM DU TARN ET GARONNE
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Mme [U] [O] (Membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir spécial
S.A. CHATEAU DE LONGUES AYGUES
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Georges DAUMAS de la SCP DAUMAS GEORGES, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Aurélie FAURE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, devant Mme C. KHAZNADAR, magistrat chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. KHAZNADAR, conseillère faisant fonction de président
N.BERGOUNIOU, conseillère
E.VET, conseillère
Greffier, lors des débats : K. BELGACEM
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. KHAZNADAR, président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
[Z] [W], salarié de la S.A. Château de Longues Aygues, établissement de soins post-addictologie, en qualité d'ouvrier d'entretien, a été victime d'un accident du travail le 23 novembre 2017.
La déclaration d'accident effectuée le 27 novembre 2017 indique :
« appelé à l'accueil pour récupérer un document (fiche panne lave-linge). Secoué par son responsable. Aurait heurté un extincteur accroché au mur ».
Par jugement du tribunal de police de Montauban du 4 octobre 2018, devenu définitif, [M] [V], responsable maintenance, également salarié du Château de Longues Aygues, a été reconnu coupable du chef de violences sans incapacité temporaire de travail sur la personne de [Z] [W].
M. [W] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales de Tarn et Garonne aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Dans un jugement du 30 décembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Montauban, succédant au tribunal des affaires de sécurité sociale, a :
- débouté l'employeur de sa demande d'incompétence matérielle,
- ordonné la réouverture des débats,
- invité l'employeur et la caisse à conclure sur l'existence d'une faute intentionnelle et les conséquences de cette dernière,
- invité la caisse à appeler dans la cause M. [V].
Par jugement du 6 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban, succédant au tribunal de grande instance, a :
- dit que l'accident de travail dont a été victime M. [W] le 23 novembre 2017 est du à la faute intentionnelle de M. [V], préposé de son employeur,
- dit que la propre faute de M. [W] est de nature à réduire son droit à indemnisation dans la proportion de 50 %,
- dit que M. [W] ne peut prétendre à aucune indemnisation complémentaire au titre de la majoration de rente,
- ordonné une expertise médicale de M. [W],
- alloué à M. [W] une provision de 1 000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
- rappelé le recours de la caisse à l'égard de M. [V],
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de l'ensemble des dispositions.
M. [W] le 22 octobre 2020, puis M. [V] le 6 novembre 2020, ont régulièrement interjeté appel de ce deuxième jugement.
Ces deux appels ont été enregistrés sous des numéros de rôle distincts.
En l'état de ses dernières conclusions du 7 février 2022, reprises oralement lors de l'audience, [Z] [W] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que sa propre faute est de nature à réduire son droit à indemnisation dans la proportion de 50 % et de :
- juger qu'il a droit à la réparation intégrale de son préjudice,
- confirmer le jugement pour le surplus, sauf à préciser que, dans les rapports avec M. [W], l'employeur devra, en sa qualité de commettant de M. [V], répondre des conséquences de cette faute,
Y ajoutant,
- condamner l'employeur et, subsidiairement, M. [V] à lui verser une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.
M. [W] fait valoir que la faute intentionnelle du préposé de l'employeur est établie. Il précise qu'il dirige ses demandes principalement contre l'employeur en sa qualité de commettant de M. [V]. L'employeur doit en cette qualité répondre des conséquences de la faute intentionnelle de son préposé.
S'agissant d'un accident du travail, M. [W] indique que la faute de la victime susceptible de réduire son droit à indemnisation doit être une faute d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Les motifs retenus par les premiers juges ne caractérisent pas cette faute. En conséquence, M. [W] expose qu'il a droit à la réparation intégrale de son préjudice.
M. [W] expose que la mission d'expertise n'a pas lieu d'être complétée ou modifiée car la présomption d'imputabilité s'étend aux soins et arrêts de travail délivrés sans interruption jusqu'à la guérison ou la consolidation.
En l'état de ses dernières conclusions du 30 juin 2021, reprises oralement lors de l'audience, [M] [V] demande à la cour de réformer le jugement, sauf en ce qu'il a dit que M. [W] ne pouvait prétendre à aucune indemnisation complémentaire au titre de la majoration de rente, et de :
- imputer l'accident du travail dont a été victime M. [W] le 23 novembre 2017 à l'employeur en sa qualité de commettant de son préposé,
- réduire le droit d'indemnisation de M. [W] dans son intégralité,
- débouter M. [W] de sa demande d'expertise à l'encontre de M. [V],
- débouter M. [W] de sa demande de provision à l'encontre de M. [V],
- débouter la caisse de ses demandes de remboursement à l'encontre de M. [V],
- condamner M. [W] à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [V] explique qu'il n'a pas agi en dehors de ses fonctions, par conséquent l'employeur doit être jugé responsable de sa faute intentionnelle. Il invoque le comportement de M. [W], antérieur et le jour même des faits, désinvolte, irrespectueux et provoquant à son égard alors qu'il était son supérieur hiérarchique. La faute de M. [W] a concouru à la réalisation de son propre dommage et elle est de nature à réduire le droit à indemnisation dans son intégralité.
Subsidiairement, les décisions de prise en charge de nouvelles lésions par la caisse n'ont pas été notifiées à M. [V] et lui sont inopposables. Il conteste le lien de causalité entre l'accident et les nouvelles lésions et conclut au débouté de la demande d'expertise judiciaire, de même la caisse sera déboutée de ses demandes de remboursement.
En l'état de ses écritures du 17 mars 2022, reprises oralement lors de l'audience, la SA Château de Longues Aygues, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :
- démettre l'appelant [[W] et [V]] des fins injustifiées des recours,
subsidiairement,
- débouter M. [W] de ses demandes injustifiées ainsi que les éventuelles demandes de la CPAM,
- juger que l'employeur n'a commis aucune faute en lien de causalité direct et certain avec les faits de la présente instance,
- condamner M. [V] à relever et garantir la société non fautive de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge ;
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que M. [W] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident de travail,
- juger dans le cadre de l'expertise que l'expert devra distinguer les conséquences directement et exclusivement imputables à la seule altercation en cause de celles consécutives à l'état antérieur présenté par M. [W] ou à des évènements postérieurs à celle-ci,
- condamner tout succombant à payer à la société une indemnité de
3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'employeur fait valoir que M. [W] a commis une faute d'une gravité exceptionnelle en raison de son insubordination caractérisée, provoquant délibérément l'altercation, en poussant à bout M. [V]. La limitation du droit à indemnisation de M. [W] à hauteur de 50 % est donc justifiée.
La responsabilité du commettant du fait de son préposé est écartée lorsque celui-ci a commis une faute pénale volontaire, le préposé étant considéré comme ayant excédé les limites de sa mission. C'est donc à bon droit que la responsabilité de M. [V] a été retenue par les premiers juges.
Subsidiairement, l'employeur conteste le lien de causalité des lésions (fractures) constatées après la déclaration d'accident déjà tardive. M. [W] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable en lien avec les faits survenus le 23 novembre 2017.
Le commettant, non fautif, est tenu responsable uniquement au titre d'une responsabilité objective et il est fondé à se retourner contre son préposé, M. [V] devra donc le garantir de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge.
Très subsidiairement, M. [W] ne rapporte pas la preuve de la faute inexcusable de l'employeur. L'employeur n'était pas informé que la situation conflictuelle perdurait, après l'avertissement délivré à M. [W], entre celui-ci et M. [V] et il n'y a pas de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
En l'absence de déficit fonctionnel permanent, il n'y a pas de rente et donc pas de majoration. Si une mesure d'expertise était instaurée, il y a lieu de distinguer les conséquences directement et exclusivement imputable à l'altercation en cause, de celles consécutives à un état antérieur mais aussi à postérieur, dépourvu de lien avec l'accident du travail.
En l'état de ses conclusions du 5 octobre 2021, reprises oralement lors de l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Tarn et Garonne demande à la cour de :
- constater qu'aucune majoration de rente ne peut être ordonnée,
- condamner, le cas échéant, l'employeur à régler à la caisse toutes les conséquences financières de la reconnaissance de faute inexcusable et notamment à rembourser à la caisse toutes les sommes dont la caisse devrait faire l'avance à M. [W],
- condamner, le cas échéant, l'employeur à régler à la caisse toutes les conséquences financières de la reconnaissance de sa faute intentionnelle,
- condamner, le cas échéant, personnellement M. [V] à régler à la caisse toutes les conséquences financières de la reconnaissance de sa faute intentionnelle.
La caisse s'en remet à la décision de la cour sur la faute inexcusable, la reconnaissance de la faute intentionnelle, la reconnaissance de la faute de la victime et l'indemnisation des préjudices de M. [W]. Elle précise que M. [W] a été guéri le 4 février 2019.
Dans l'hypothèse de la faute intentionnelle, la caisse invoque son droit au recours à l'encontre de l'employeur et à l'encontre de M. [V].
SUR CE :
Sur la procédure :
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu de procéder à la jonction des deux procédures d'appel enregistrées sous les n° 2002844 et 2003017.
Sur la faute intentionnelle du préposé de l'employeur :
Vu l'article 1242 du code civil,
Vu les dispositions de l'article L. 452-5 du code de la sécurité sociale,
Les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre.
Les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités mentionnées par le présent livre. Elles sont admises de plein droit à intenter contre l'auteur de l'accident une action en remboursement des sommes payées par elles.
Si des réparations supplémentaires mises à la charge de l'auteur responsable de l'accident, en application du présent article, sont accordées sous forme de rentes, celles-ci doivent être constituées par le débiteur dans les deux mois de la décision définitive ou de l'accord des parties à la caisse nationale de prévoyance suivant le tarif résultant du présent code.
Dans le cas prévu au présent article, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail peut imposer à l'employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l'article L. 242-7.
Ainsi, dans le cas d'un accident du travail dû à une faute intentionnelle d'un préposé, notamment en cas de coups portés volontairement par un autre salarié de l'entreprise, il est permis à la victime, de demander la réparation du dommage, tant à l'auteur de la faute intentionnelle qu'aux personnes civilement responsables, c'est-à-dire à l'employeur, dès lors que la faute se rattache à l'exécution du contrat de travail.
Dans ce cas, l'indemnisation de la victime de l'accident du travail consiste en la réparation de l'intégralité de ses préjudices, même ceux non couverts par l'organisme de sécurité sociale.
Il résulte du jugement du tribunal de police précité que M. [V] a volontairement exercé des violences légères sur M. [W] le 23 novembre 2017. Les circonstances de ces violences volontaires sont relatées par plusieurs témoins, dont les termes sont rappelés par les premiers juges, qui expliquent l'existence préalable de tensions professionnelles entre M. [V] et M. [W] puis la survenue d'une altercation le jour des faits, dans la zone de l'accueil, au cours de laquelle M. [W] a refusé d'exécuter un ordre de son supérieur, M. [V]. C'est alors que M. [V], énervé par cette insubordination, a pris M. [W] par le bras, l'a poussé, tiré et repoussé. Les faits sont confirmés par l'analyse de la vidéo surveillance de la zone d'accueil de l'établissement, M. [W] touche l'extincteur situé à l'arrière.
La faute intentionnelle de M. [V] est donc caractérisée et a été clairement commise dans le cadre de la relation de travail, sur le lieu et le temps de travail, à l'occasion d'un ordre de travail.
En conséquence, l'employeur est responsable du dommage causé par M. [V] à M. [W] par application de l'article 1242 du code civil.
M. [W] peut donc solliciter l'indemnisation de son entier préjudice à l'employeur responsable de son préposé, car il conserve l'intégralité de ses droits contre l'auteur de l'accident, M. [V]. L'employeur doit en outre répondre des conséquences de la faute de son préposé M. [V].
Il est rappelé ici que M. [W] n'invoque pas à ce stade la faute inexcusable de l'employeur et que l'employeur est responsable, même sans faute prouvée à son égard, de la faute intentionnelle commise par M. [V] dans l'exécution du contrat de travail.
Sur la faute de la victime dans la réalisation du dommage :
Vu les dispositions de l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale,
En vertu de ce texte, seul applicable à l'exclusion de l'article 1240 du code civil, la faute intentionnelle de la victime ne donne lieu à aucune prestation ou indemnité prévue par le livre IV du code de la sécurité sociale et la faute inexcusable de la victime justifie uniquement la réduction de la rente éventuelle et non le droit à indemnisation de la victime.
Aucune pièce produite aux débats ne permet de démontrer que M. [W] aurait volontairement provoqué M. [V] afin que celui-ci exerce des violences et lui cause ainsi un dommage. Il n'y a pas de faute intentionnelle de la victime.
La faute inexcusable de la victime est définie en matière de risques professionnels par une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.
En l'espèce, le comportement de M. [W] à l'égard de M. [V], caractérisé par l'insubordination répétée, dont les circonstances sont relatées ci-dessus, ne caractérisent pas la faute inexcusable de la victime en ce que M. [W] ne pouvait envisager sérieusement qu'il allait être exposé à violences physiques de la part de son supérieur, comportement totalement prohibé pénalement. Au demeurant, le jugement du tribunal de police qui a condamné M. [V] du chef de violences légères n'a pas retenu d'excuse de provocation développée actuellement par les adversaires de M. [W]. La faute inexcusable de la victime n'est donc pas démontrée.
En conséquence, le jugement sera réformé en ce qu'il a réduit le droit à indemnisation de la victime.
Sur l'évaluation des préjudices et la mission d'expertise :
La guérison de M. [W] ne fait pas obstacle à ce que ses préjudices soit examinés et évalués médicalement. Le principe d'une expertise médicale ordonnée par les premiers juges doit être confirmée.
La mission d'expertise ordonnée par les premiers demande, notamment, à l'expert de :
- préciser si ces lésions [que M. [W] impute aux faits à l'origine du dommage] et si les soins subséquents sont bien en relation directe avec lesdits faits,
- décrire au besoin l'état antérieur de la victime en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou les séquelles.
Or, la cour retient que, dans la relation victime/employeur, les règles d'indemnisation des risques professionnels sont applicables, la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident s'étend aux soins et arrêts de travail délivrés sans interruption jusqu'à la guérison ou la consolidation.
Par ailleurs, dans la relation victime/auteur des faits, M. [V] ne peut de prévaloir à son profit de la procédure relative aux risques professionnels concernant la victime, l'employeur et la caisse. Sa contestation relative à l'opposabilité de la prise en charge de lésions supplémentaires de M. [W] au titre de l'accident du travail sera donc écartée.
Il y a donc lieu de réformer partiellement le jugement sur la mission expertale en ce qu' il n'y a pas lieu pour l'expert médical de vérifier si les lésions imputées par la victime sont imputables aux faits à l'origine du dommage, par contre, l'expert devra examiner les éléments éventuellement produits par l'employeur pour combattre la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident du travail et donner son avis médical sur les justificatifs produits par l'employeur sur ce point.
Sur la demande de provision formée par M. [W] :
Cette demande de provision repose sur les pièces médicales produites à ce stade par M. [W]. En substance : initialement la présence d'une douleur latérale thoracique gauche, puis la constatation de trois fractures des 4ème, 5ème et 6ème côtes, côté gauche, constatées ultérieurement et un choc post-traumatique traité par un suivi psychologique.
Compte tenu des justificatifs produits, la provision allouée à M. [W] d'un montant de 1 000 € sera confirmée.
Sur la rente :
M. [W] ne forme pas au stade de l'appel de demande de rente et de majorations dans la mesure où il a été déclaré guéri sans séquelles et qu'aucune incapacité permanente partielle n'est subie du fait de l'accident du travail. Le jugement est donc devenu définitif en ce qu'il a dit que M. [W] ne peut prétendre à aucune indemnisation complémentaire au titre de la majoration de la rente.
Sur le recours de la caisse :
Les indemnités en réparation des préjudices subis par M. [W] seront avancées par la caisse laquelle dispose ensuite d'un recours direct et immédiat au titre de la législation des risques professionnels à l'encontre de l'employeur civilement responsable de son préposé.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur les rapports entre l'employeur et le préposé auteur de la faute :
Vu les dispositions de l'article 1242 du code civil,
M. [V], auteur des violences volontaires légères commises sur M. [W], à l'origine de l'accident du travail du 23 novembre 2017, doit supporter la charge finale de la responsabilité et devra relever et garantir l'employeur des condamnations opérées à son encontre.
Sur les autres demandes :
L'employeur, partie perdante, doit supporter les dépens d'appel.
L'employeur sera également condamné au paiement de la somme de 2 000 € à M. [W], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais non compris dans les dépens pour la première instance et l'appel.
L'employeur est fondé à être relevé et garanti de ces condamnations dépens et indemnité de l'article 700 du code de procédure civile par M. [V], à l'origine de l'accident du travail.
Les autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Il y a lieu de renvoyer les parties devant le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban aux fins de poursuivre les opérations d'expertise.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement, contradictoire et en dernier ressort,
Prononce la jonction des procédures suivies sous les numéros 2002844 et 2003017 et dit qu'il est statué par un seul arrêt,
Constate que le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Montauban du 6 octobre 2020 est définitif en ce qu'il a dit que M. [W] ne peut prétendre à aucune indemnisation complémentaire au titre de la majoration de rente accident du travail,
Réforme le jugement en ce qu'il a :
- dit que la propre faute de M. [W] est de nature à réduire son droit à indemnisation dans la proportion de 50 %,
- donné pour mission à l'expert médical de vérifier si les lésions imputées par la victime sont imputables aux faits à l'origine du dommage,
- rappelé que la réparation des préjudices, les prestations et indemnités accident du travail, les frais d'expertise, ainsi que la provision de 1 000 € seront récupérés par la CPAM auprès de M. [V] [après avoir été versés directement à M. [W]],
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Dit que l'employeur, la SA Château de Longues Aygues, est responsable du dommage causé par son préposé, M. [M] [V], à M. [Z] [W] et doit répondre des conséquences de la faute commise par M. [V] à l'origine de l'accident du travail du 23 novembre 2017,
Rejette les demandes de réduction d'indemnisation des préjudices de M. [W] résultant de l'accident du travail du 23 novembre 2017 et dit que M. [W] a droit à la réparation de l'intégralité de ses préjudices,
Dit que l'expert aura pour mission d'examiner les éléments éventuellement produits par l'employeur pour combattre la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident du travail et donner son avis médical sur les justificatifs produits par l'employeur sur ce point,
Rappelle que la CPAM de Tarn et Garonne dispose d'un recours à l'encontre de la SA Château de Longues Aygues au titre des sommes avancées à M. [Z] [W] pour la réparation des préjudices, des prestations et indemnités accident du travail, des frais d'expertise, ainsi que la provision de 1 000 €,
Condamne la SA Château de Longues Aygues aux dépens d'appel,
Condamne la SA Château de Longues Aygues à payer à M. [Z] [W] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que la SA Château de Longues Aygues sera relevée et garantie par M. [M] [V] des condamnations prononcées à son encontre,
Confirme le jugement pour le surplus,
Renvoie la cause et les parties devant le pôle social du tribunal judiciaire de Montauban aux fins de poursuite de la mesure d'expertise médicale avec la mission partiellement modifiée par le présent arrêt.
Le présent arrêt a été signé par E.VET, conseillère,en remplacement de la présidente régulièrement empêchée et par K. BELGACEM, greffier de chambre
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
K.BELGACEM E.VET