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26/09/2022 | FRANCE | N°21/01331

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 26 septembre 2022, 21/01331


26/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/01331

N° Portalis DBVI-V-B7F-OBVW



MD/ND



Décision déférée du 28 Juin 2017

Juridiction de proximité de LIBOURNE



9117000038



M. LE GARREC

















SYNDICAT MIXTE INTERCOMMUNAL DE COLLECTE ET DE VAL ORISATION DU LIBOURNAIS HAUTE-GIRONDE

(SMICVAL)





C/



SAS ECODDS






















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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Syndicat SYNDICAT MIXTE INTERCOMMUN...

26/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/01331

N° Portalis DBVI-V-B7F-OBVW

MD/ND

Décision déférée du 28 Juin 2017

Juridiction de proximité de LIBOURNE

9117000038

M. LE GARREC

SYNDICAT MIXTE INTERCOMMUNAL DE COLLECTE ET DE VAL ORISATION DU LIBOURNAIS HAUTE-GIRONDE

(SMICVAL)

C/

SAS ECODDS

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Syndicat SYNDICAT MIXTE INTERCOMMUNAL DE COLLECTE ET DE VAL ORISATION DU LIBOURNAIS HAUTE-GIRONDE (SMICVAL)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas BECQUEVORT de la SCP COULOMBIE - GRAS - CRETIN - BECQUEVORT - ROSIER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS ECODDS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La Sas EcoDDS, éco-organisme créé spécifiquement pour traiter certains déchets chimiques ménagers tels que les vieux pots de peinture ou enduits, est agréée par arrêté ministériel pour une durée limitée et son activité est contrôlée par l'administration.

Le 20 septembre 2013, une convention a été signée entre le Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute-Gironde (le Smicval), personne publique et la société EcoDDS en vue de la collecte, du traitement et du recyclage de la filière des déchets ménagers issus de produits chimiques, pouvant présenter un risque significatif pour l'environnement.

Estimant que le Smicval ne satisfaisait pas aux conditions préalables posées par la convention, la société EcoDDS a refusé à 24 reprises de prendre en charge des conteneurs contenant des déchets dangereux. S'étant prévalue du fait que le Smicval n'avait pas organisé le retour de ces déchets, la société s'est substituée à lui et a fait traiter les déchets, à ses frais, puis a déduit les dépenses ainsi exposées (3 830,34 euros) du décompte des sommes versées au syndicat en les ramenant à 5 913,66 euros.

Le Smicval a alors émis le 21 décembre 2016 un avis des sommes à payer ayant valeur de titre exécutoire, contre lequel la société a formulé une réclamation amiable qui est demeurée sans suite.

La société EcoDDS a fait assigner le syndicat Smicval devant la juridiction de proximité de Libourne en contestant devoir la somme de 3 830,34 euros et en demandant l'annulation du titre.

Par jugement réputé contradictoire du 28 juin 2017, le juge de proximité de Libourne a:

- dit que la somme de 3 830,34 euros correspondant aux dépenses engagées par la société EcoDDS pour le traitement des déchets qui lui ont été remis fautivement par le Smicval n'est pas due par celle-ci,

En conséquence,il a :

- annulé le titre exécutoire émis au bénéfice du Smicval,

- condamné le Smicval à verser à la société EcoDDS la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné le Smicval aux dépens.

La société Smicval a relevé appel de ce jugement en sollicitant sa réformation et son annulation.

Par ordonnance du 14 mars 2018, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux a :

- déclaré l'appel recevable,

- rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

En cause d'appel, la société Smicval a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Par un arrêt contradictoire du 2 juillet 2019, la cour d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau par voie de réformation :

- s'est déclarée incompétente pour trancher le litige,

- a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- a dit n'y avoir lieu à question préjudicielle,

- a débouté la société EcoDDS et le Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute Gironde de leur demande respective d'indemnité de procédure,

- a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Pour déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige, l'arrêt a retenu que la gestion et le traitement des déchets ménagers est une mission de service public qu'elle soit exercée directement par le syndicat ou que celui-ci confie tout ou partie de ses tâches à un tiers. Il ajoute que selon le mécanisme mis en place par les parties, le syndicat assure la collecte des déchets diffus ménagers par le biais de déchetteries et que la société poursuit l'exécution du service public en enlevant et traitant ces déchets diffus spécifiques que le syndicat a collectés.

La cour a aussi considéré que la clause (art. 2-2) de la convention conclue entre les parties conférant à la seule collectivité une faculté de résiliation unilatérale et sans avoir à justifier d'un motif présentait un caractère dérogatoire au droit commun et donnait au contrat un caractère administratif.

La société EcoDDS a formé un pourvoi en cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux en estimant que celle-ci a méconnu l'étendue de sa compétence et violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III compétente.

Par arrêt du 17 février 2021, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Toulouse.

' Au visa des textes cités par le pourvoi et des articles L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales et L. 541-10-4 du code de l'environnement mais aussi en citant une décision du Tribunal des conflits du 1er juillet 2019, la Cour de cassation a considéré que la cour d'appel avait violé les textes susvisés au motif que 'la convention par laquelle une collectivité territoriale s'engage envers un éco-organisme agissant pour le compte des producteurs, importateurs et distributeurs à collaborer à cette collecte en contrepartie d'un versement financier ne peut être regardée comme confiant à cet organisme l'exécution du service public de la collecte et du traitement des déchets ménagers ni comme le faisant participer à cette exécution. L'agrément d'un éco-organisme chargé par les producteurs de s'acquitter pour leur compte de leur obligation légale n'investissant pas cet organisme de missions de service public, la convention n'a pas davantage pour objet de coordonner la mise en oeuvre de missions de service public incombant respectivement à une personne publique et à une personne privée'.

' La Cour de cassation a par ailleurs considéré que la cour d'appel n'avait pas donné base légale à sa décision en jugeant que la clause de résiliation unilatérale présentait un caractère exhorbitant de droit commun alors que la société dispose de prérogatives importantes par ailleurs et que la résiliation entraîne des conséquences pour les deux parties.

Le Smicval a formé une déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi le 18 mars 2021.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 avril 2022, le syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute-Gironde (Smicval), demanderesse, demande à 'la cour d'appel de Bordeaux', des articles L. 231-4, R.231-3 et R. 231-4 du code de l'organisation judiciaire, les articles 536, 78, 74, 79, 34, et 700 du code de procédure civile, des articles 1134, 1147, 1371 et 1372 du code civil, de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, de :

À titre principal,

- constater que le jugement entrepris a été, par erreur, qualifié comme rendu en dernier ressort alors qu'il s'agit d'une décision rendue en premier ressort et en conséquence,

- déclarer recevable l'appel qu'elle a formé ;

- infirmer le jugement RG n°91-17-000038 rendu le 28 juin 2017 par la juridiction de proximité de Libourne comme rendu par une Juridiction incompétente pour ce faire, ce dernier ressortant de la compétence du tribunal d'instance de Libourne ;

Statuant à nouveau, sur le fond du litige,

- constater que la somme de 9 744 euros 'correspondant au soutien annuel 2015 d'EcoDDS, réclamée par le titre exécutoire du 21 décembre 2016 est due en totalité par la société EcoDDS',

- rejeter l'ensemble des conclusions de la société EcoDDS comme non fondées,

Par suite,

- débouter la société EcoDDS de toutes ses demandes,

À titre subsidiaire ,

- constater que le jugement entrepris a été, par erreur, qualifié comme rendu en dernier ressort alors qu'il s'agit d'une décision rendue en premier ressort et en conséquence,

- déclarer recevable l'appel qu'elle a formé ;

- infirmer le jugement RG n°91-17-000038 rendu le 28 juin 2017 par la juridiction de proximité de Libourne sur le fond, en toutes ses dispositions, et en conséquence,

- constater que la somme de 9 744 euros correspondant au soutien annuel 2015 d'EcoDDS, réclamée par le titre exécutoire du 21 décembre 2016 est due en totalité par la société EcoDDS,

- rejeter l'ensemble des conclusions de la société EcoDDS comme non fondées,

Par suite,

- débouter la société EcoDDS de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner la société EcoDDS au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 avril 2022, la société EcoDDS, défenderesse, demande à la cour, au visa de l'article R. 211-3-24 du code de l'organisation judiciaire, les articles 90, 563 du code de procédure civile, des articles 1134, 1145, 1147, 1148 et 1149 du code civil, de l'article L. 252 du livre des procédure fiscales, des articles D. 1617-23 et L.1617-5 du code général des collectivités territoriales, de :

À titre principal,

- déclarer le Smicval irrecevable en son appel ;

À titre subsidiaire, si le jugement entrepris est infirmé du chef de l'incompétence de la juridiction de proximité,

- renvoyer la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux ;

À titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter le Smicval de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

En tout état de cause,

- condamner le Smicval à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ces derniers au profit de Maître Sorel aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 10 mai 2022.

MOTIVATION

1. Les parties ne discutent plus la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour l'examen du litige. Elles reprennent à titre liminaire le débat, alors subsidiaire devant la cour d'appel Bordeaux, sur la recevabilité de l'appel et la compétence du juge de proximité.

Il sera par ailleurs constaté que c'est par une erreur purement matérielle que la cour d'appel de Bordeaux a été maintenue dans les conclusions du Smicval et que la motivation comme le dispositif de ses conclusions sont suffisamment clairs et conformes aux exigences réglementaires tant pour identifier les moyens présentés au soutien de ses prétentions que pour saisir valablement la cour de renvoi de celles-ci.

- sur la recevabilité de l'appel :

2. Il sera constaté ainsi que le rappelle à juste titre le Smicval dans ses dernières conclusions (page 13) que le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a déclaré recevable l'appel formé le 3 août 2017 contre le jugement rendu le 28 juin 2017 par la juridiction de proximité de Libourne en se prononçant sur la qualification du jugement rendu au regard du montant de la demande.

3. La cassation totale de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux n'affecte nullement les décisions définitivement rendues antérieurement à cet arrêt, l'instruction étant reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation ainsi que le précise l'article 631 du code de procédure civile. Ainsi l'ordonnance précitée, rendue par le conseiller de la mise en état, bénéficie de l'autorité de la chose jugée et la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel de ce même chef doit elle-même être déclarée irrecevable.

- sur la compétence de la juridiction de proximité :

4. Selon les dispositions des 1er et 2ème alinéas de l'article L. 231-3 du code l'organisation judiciaire en vigueur à la date de la décision rendue en première instance, 'la juridiction de proximité connaît, en matière civile, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros.

Elle connaît des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros'.

5. Il est constant que l'assignation introductive d'instance du 21 février 2017 saisissait le premier juge d'une demande tendant à voir 'déclarer que la somme de 3 830,34 euros, correspondant aux dépens engagées par EcoDDS pour traiter les déchets qui ont été remis fautivement à EcoDDS par le Smicval n'est pas due par EcoDDS et par voie de conséquence

annuler le titre exécutoire émis au bénéfice du Smicval'.

Le jugement a statué sur cette demande en l'absence du défendeur, régulièrement assigné.

Les parties s'accordent à tout le moins sur la question de l'incompétence de la juridiction de proximité étant relevé que l'objet de la demande d'annulation du titre de recouvrement de la créance du Smicval avait pour conséquence, au-delà de la réduction de la créance à hauteur de la somme visée dans le dispositif de l'assignation, la décharge par l'effet de la nullité du titre, de l'intégralité de la somme soumise à recouvrement s'élevant à la somme de 9 477 euros.

6. Il convient donc de juger que la juridiction de proximité de Libourne était incompétente pour connaître du litige introduit par la société EcoDDS et d'infirmer cette décision en toutes ses dispositions.

- sur l'évocation de l'affaire :

7. Les parties divergent en revanche sur la question de l'évocation de l'affaire devant la cour d'appel de renvoi, le Smicval sollicitant l'évocation par celle-ci de l'affaire pour la juger au fond et la société EcoDDS demandant au contraire son renvoi devant la cour d'appel de Bordeaux, spécialement au regard des dispositions de l'article 90 al. 3 du code de procédure civile.

8. Selon l'article 79 du code de procédure civile, en sa rédaction applicable au litige dès lors que le jugement a été rendu avant le 1er septembre 2017, 'Lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente.

Dans les autres cas, la cour, en infirmant du chef de la compétence la décision attaquée, renvoie l'affaire devant la cour qui est juridiction d'appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance. Cette décision s'impose aux parties et à la cour de renvoi.'

9. En l'espèce, la cour d'appel de Toulouse a été désignée par la Cour de cassation en qualité de juridiction de renvoi dessaisissant de plein droit la juridiction qui avait précédemment statué, la même instance se poursuivant devant la cour de renvoi de sorte qu'il convient d'appliquer les mêmes règles que celles en vigueur devant la première cour d'appel.

Ainsi, la cour d'appel de renvoi qui était tenue de se prononcer sur la question de la compétence de la juridiction de proximité au profit du juge d'instance de Bordeaux, dont était saisie la cour d'appel de Bordeaux, subsidiairement à la question première de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, est bien compétente pour appliquer les dispositions de l'article 79 précité subséquemment à l'incompétence relevée sauf à méconnaître l'arrêt de cassation que seule la Cour de cassation peut rapporter ou modifier.

10. Les conditions posées par l'alinéa 1er de l'article 79 précité étant en l'espèce réunies pour l'évocation de cette affaire engagée il y a déjà cinq ans, celle-ci sera ordonnée.

- sur le fond :

11. La société EcoDDS soutient que le Smicval était contractuellement tenu, par une obligation de résultat, de collecter séparément les 'déchets diffus spécifiques' et que ce dernier ayant ainsi méconnu cette obligation, elle a subi un préjudice en lien direct avec ce manquement en raison du coût de traitement des collectes non conformes, l'obligeant à faire application de l'article 5.5 de la convention liant les parties et à déduire ce coût des sommes réclamées. Elle explique qu'étant obligée de traiter les déchets abandonnés et d'en assurer l'élimination, elle a exposé ces surcoûts sur le fondement d'un quasi-contrat.

Elle sollicite ensuite l'annulation du titre de recette au motif que la somme de 3 830,34 euros n'était pas due, le Smicval n'était pas habilité à recevoir la somme réclamée dans le titre de recette et qu'en conséquence celui-ci devait être annulé en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, mais aussi en raison de l'absence de précision dans le titre lui-même ou dans une pièce annexe, des bases et éléments de calcul sur lesquels la personne publique se fonde pour mettre la somme en cause à la charge du redevable, moyen nouveau qu'elle estime recevable en appel en vertu de l'article 563 du code de procédure civile. Elle soulève aussi le défaut de capacité du vice-président délégué du Smicval pour ordonner des recettes et émettre des titres de recettes.

12. Le Smicval, développant prioritairement ses explications sur la régularité du titre de recettes, oppose le fait que le décompte de la société EcoDDS étant erroné devait conduire la collectivité publique à émettre un titre pour recouvrer la somme dont elle s'estime créancière, en vertu du principe du 'privilège préalable' reconnu par la jurisprudence administrative. Il soutient en outre, d'une part l'inapplication au litige de l'article L. 252-A du livre des procédures fiscales, le soutien financier annuel résultant de la convention n'étant pas un impôt et, d'autre part la mention dans le titre du traitement des DDS 'au cours de l'année 2014" est une simple erreur matérielle sans portée sur la régularité du titre dont l'éventuelle annulation ne serait pas de nature à éteindre la créance. Il ajoute que les règles de la comptabilité publique, d'ordre public, empêchent la compensation entre les créances réciproques, rendant inapplicable l'article 4.4 de la convention liant les parties et qui autorise la compensation au surplus impossible en l'espèce en l'absence de caractère certain, liquide et exigible de la créance revendiquée par la société EcoDDS.

Sur le fond de l'indemnité sollicitée par cette dernière société, le Smicval considère que les dispositions du code civil sur les quasi-contrats sont inapplicables en opposant les dispositions de l'article 5.5 de la convention liant les parties, prévoyant qu'en cas de désaccord entre elles sur le sort du contenu du conteneur, ce dernier est retourné à la collectivité de sorte que la société EcoDDS ne pouvait de son propre chef décider d'assurer l'élimination des déchets litigieux et qu'en ne respectant pas les termes du contrat et en ne mettant pas en demeure la collectivité de reprendre le contenu non conforme, cette société ne pouvait pas plus se prévaloir d'une inexécution contractuelle ni par ailleurs d'une obligation de résultat mise à sa charge en l'absence de clause dans ce sens.

13. La cour rappelle tout d'abord que le Smicval a pour objet la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés sur le ressort de son territoire, conformément aux dispositions de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales, et s'est, par convention cadre signée le 20 septembre 2013, engagée auprès de la société de droit privé EcoDDS, agréée par décision ministérielle, à remettre séparément à cette dernière, éco-organisme de la filière, les déchets diffus spécifiques (DDS) moyennant un soutien financier de la société EcoDDS en rémunération de l'information, de la communication, de la formation du personnel de déchetterie et de la collecte séparée de ces DDS. Le montant de ce soutien financier est calculé par la société EcoDDS dès que les éléments sont disponibles, et communiqués à la collectivité qui émet un titre de recettes sur la base d'un décompte des sommes dues. Il est précisé que ce soutien financier dû au titre de l'année N est versé au plus tard au dernier jour du premier trimestre de l'année N+1.

Le litige survenu entre les parties est né de l'émission d'un titre de recettes par le Smicval pour un montant dont la société EcoDDS souhaite voire déduire les frais exposés par elle à la suite de manquement à 24 reprises de l'obligation de collecte séparée des DDS.

14. La cour est d'abord saisie d'une demande de la société EcoDDS tendant à voir reconnaître une créance d'indemnité en réparation des frais qu'elle a indique avoir été contrainte d'exposer à la suite de manquements contractuels imputés au Smicval.

14.1 La collecte organisée par la convention liant les parties porte exclusivement sur les produits que la société EcoDDS a le devoir et est habilitée à traiter de sorte que, comme celle-ci le soutient à juste titre, le syndicat manque à son obligation de tri préalable lorsqu'il lui remet des conteneurs contenant des produits ne répondant pas à cette caractéristique.

14.2 Cette convention a néanmoins elle-même fixé les mécanismes propres à remédier aux erreurs de tri commises par la collectivité territoriale ainsi qu'il ressort de la lecture combinée des articles 5.5 des conditions générales et 3.4 des clauses techniques.

En application du premier de ces articles, la société EcoDDS peut refuser d'enlever des conteneurs remplis de DDS ménagers soit en mélange avec des DDS issus de produits chimiques ne relevant pas de son agrément, soit en mélange avec d'autres déchets ou d'autres produits indésirables présents en quantités significatives, soit contaminés et présentant un risque pour la santé du personnel du fait de cette contamination.

Le second de ces articles prévoit que le refus peut intervenir au moment de l'enlèvement du conteneur, après que les parties, l'une et l'autre représentées, ont procédé à une vérification visuelle rapide de son contenu 'afin de s'assurer qu'il ne contrevient manifestement pas aux dispositions de la présente convention'.

Ce même texte prévoit en tout état de cause que la société EcoDDS établit un bordereau documenté et l'adresse au plus tard dans les 8 jours de la date de l'enlèvement à la collectivité qui peut contester le refus d'enlèvement dans les 8 jours.

14.3 En l'espèce, déplorant le dépôt de produits non conformes, la société EcoDDS a, à vingt quatre reprises au cours de l'année 2015 sur une période supérieure à 60 jours, établi une fiche descriptive détaillée de l'incident. Ces fiches ont été envoyées par courriels au syndicat qui n'a pas contesté les anomalies dénoncées par la société EcoDDS, laquelle précisait dans ces notifications de refus qu'à défaut de validation des modalités de prise en charge de ces contenants par la collectivité, 'EcoDDS paiera ces frais et les compensera en les déduisant du soutien à verser à votre collectivité'.

14.4 Conformément au dernier alinéa de l'article 5.5 précité de la convention, en présence de tels incidents, il appartenait aux parties de convenir soit que le conteneur serait retourné à la collectivité qui ferait alors son affaire pour en traiter le contenu, soit que le contenu du conteneur serait traité par EcoDDS aux frais de la collectivité, à défaut d'un tel accord, le conteneur devant être retourné au syndicat.

Il est constant qu'il n'y a pas eu d'accord entre les parties sur les modalités de traitement des déchets litigieux et qu'il n'est établi en l'espèce aucune réponse aux messages adressés au syndicat autres que ceux des 19 septembre 2014 et 17 mars 2015 pour dénoncer les pratiques de la société EcoDDS dans la collecte des DDS dans les différentes déchèteries dépendant du Smicval, jugées trop complexes et restrictives pour le tri des déchets.

Cette situation ne pouvait que conduire la société EcoDDS à restituer au syndicat les produits qu'elle estimait ne pas entrer dans les prévisions contractuelles. En prenant l'initiative de faire traiter à ses frais ces produits, même après avoir menacé de le faire, dans ses courriels portant à la connaissance du syndicat les anomalies constatées, l'éco-organisme n'a pas respecté la procédure contractuelle dont elle n'avait pas à apprécier l'opportunité d'y déroger, et ne peut en conséquence imposer au syndicat le prix du traitement des déchets hors convention, ce dernier conservant la liberté de les faire traiter par l'organisme de son choix et à des conditions tarifaires différentes.

14.5 Les frais ainsi exposés ne peuvent être reliés à la faute contractuelle du syndicat, mais au propre choix de l'éco-organisme excédant les prévisions contractuelles, et ne peut donner lieu à réparation sur le fondement des articles 1147 et suivants du code civil, dans leur rédaction applicable au litige.

14.6 La société EcoDDS invoque les règles de la gestion d'affaires. Selon l'article 1372 du code civil, en sa rédaction applicable au litige, 'Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.

Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire.'

En l'espèce et au regard des constatations qui précèdent, la dépense que la société EcoDDS a engagée ne peut être reliée à la carence du syndicat dans la séparation des produits collectés dans ses déchèteries dont la seule sanction était, à défaut de meilleur accord, l'obligation, pour le syndicat, de les reprendre à ses frais. Les seules dépenses que justifiaient cette carence ne pourraient être que les frais de transport pour le retour en cas d'inertie du syndicat à venir les reprendre. Les conditions d'application des règles sur la gestion d'affaire ne sont dès lors pas réunies en présence d'une simple inexécution contractuelle dont les suites étaient contractuellement prévues.

14.7 La société EcoDDS n'étant pas titulaire de la créance qu'elle oppose au Smicval en raison des produits non conformes qu'elle ne lui a pas retournés en exécution de la convention, sera donc déboutée de sa demande principale visant à faire reconnaître cette créance en vue d'une réfaction à due concurrence du montant du soutien financier qu'elle devait acquitter au profit du Syndicat.

- sur la demande d'annulation du titre de recettes :

15. L'appel formé par le Smicval portait bien sur la décision rendue par le premier juge et ayant annulé le titre de recettes. La cour de renvoi est régulièrement saisie de cette prétention émise par la société EcoDDS et le caractère nouveau des moyens évoqués en appel par cette dernière ne saurait être une cause d'irrecevabilité, l'article 564 du code de procédure civile ne s'appliquant qu'aux prétentions et non aux moyens.

16. Le Smicval a émis le 21 décembre 2016 un titre de recettes pour le recouvrement auprès de la société EcoDDS de la somme de 9 744 euros au titre de l'exercice 2016 et portant sur le 'soutien EcoDDS pour l'année 2014".

Ce titre vise à la fois les dispositions de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales et l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales de la manière suivante : 'J'ai l'honneur de porter à votre connaissance le présent titre exécutoire en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, émis et rendu exécutoire conformément aux dispositions des articles L. 1617-5, D. 1617-23, R. 3242-4, R. 3342-8-1 et R. 4341-4 du code général des collectivités territoriales par Alain Marois, président du Smicval'.

16.1 Selon l'article L. 252 A précité, 'constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir'.

Ce texte, par la généralité de ses termes, a bien vocation à appliquer aux recettes non fiscales des colllectivités publiques la procédure de recouvrement sur état exécutoire et à leur conférer le privilège du préalable les dispensant de l'obligation incombant en principe à tout créancier de faire valider leur créance par le juge compétent avant de procéder à toute mesure d'exécution forcée.

En l'espèce, le titre de recettes émis par le Smicval a été exactement établi sur les bases des éléments fournis par l'éco-organisme dans le courriel du 26 février 2016 portant 'Etat des soutiens dus pour l'année 2015" (pièce 17 de l'intimée) mais sans appliquer la déduction des frais dont le remboursement était réclamé par la société EcoDDS de sorte que le montant poursuivi dont cette dernière ne conteste pas le calcul était bien certaine, liquide et exigible sans pouvoir lui opposer une demande de compensation avec la créance de dommages et intérêts dont il vient d'être jugé qu'elle n'est pas justifiée. Le Syndicat a donc bien émis un titre pour le recouvrement d'une recette qu'il était habilité à recevoir.

16.2 Les ordres de recettes émis par l'ordonnateur doivent comporter les bases de la liquidation de manière à permettre au comptable de vérifier la régularité des créances à recouvrer et au débiteur d'exercer ses droits. Il en est ainsi de l'indication précise de la nature de la créance et de la référence au texte ou fait générateur sur lequel est fondée la créance.

16.2.1 Le bordereau établi en vue de l'émission du titre de recettes portait le visa du vice président délégué, M. [G] [Y], alors que le titre lui-même mentionnait qu'il était rendu exécutoire par le président du Smicval en personne. Il n'est pas discuté que M. [Y] avait bien reçu délégation de pouvoir et de signature pour émettre un titre exécutoire de sorte que l'engagement de la procédure de mise en recouvrement a été régulièrement menée mais que la mention figurant sur le titre visant le nom du président et non du vice-président délégué résulte d'une erreur matérielle.

16.2.2 Il est ensuite constant en l'espèce qu'une erreur s'est glissée sur l'année de référence du soutien financier appelé en 2016 sur la base d'un état établi en 2015 et ne pouvait se confondre avec un précédent titre de recette émis au titre de l'exercice 2015 pour le soutien dû pour l'année 2014, les données de calcul n'ayant pas évolué et les normes conventionnelles prévoyant un soutien dû au titre de l'année N devant être versé au plus tard au dernier jour du premier trimestre de l'année N+1, l'émission tardive du titre litigieux devant être mise en rapport avec le litige survenu entre les parties sur l'imputation des frais indus de traitement des déchets.

La société EcoDDS ne s'est d'ailleurs pas méprise sur la nature exacte de la créance réclamée dès lors que dans son courriel du 9 janvier 2017, il est indiqué par la directrice des Relations Collectivités de l'éco-organisme 'je fais suite à la réception du titre de recette ci-joint pour les soutiens 2015 (et non 2014) comme notifié sur le titre et me permets de revenir vers vous car le montant correspondant pas aux sommes dues [...]' en mettant en pièces jointes l'état des soutiens dus pour l'année 2015.

Cette erreur d'année de référence n'est cependant suppléée par aucune autre mention figurant dans le titre ou dans une pièce jointe.

16.2.3 Enfin, si la société EcoDDS ne pouvait non plus se méprendre sur le fondement de la créance mise en recouvrement à son endroit, à savoir la convention liant les parties, il est constant que le titre ne porte aucune référence ni n'est accompagné d'aucune pièce jointe permettant d'identifier la base contractuelle qui lui sert fondement.

16.3 Force est de constater que ces erreurs affectant le titre par leur nombre et leur siège, notamment quant à l'indication de l'identité de l'émetteur de l'avis de mise en recouvrement et l'année de référence du soutien financier appelé, constituent des irrégularités devant conduire à l'annulation du titre étant rappelé que les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile ne s'appliquent qu'aux procédures civiles et que l'exigence d'un grief est ici inopérante.

16.4 L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par la collectivité, l'extinction de la créance litigieuse dont il vient d'être constaté qu'elle était bien fondée dans son principe comme dans son montant. S'il convient d'annuler pour des motifs de pure forme le titre de recettes émis le Smicval, cette annulation ne saurait entraîner la décharge de la somme visée dans ce titre de sorte que l'annulation du titre ne peut être prononcée que sur le seul fondement de ses irrégularités formelles.

- Sur les demandes annexes :

17. Le Smicval et la société EcoDDS seront condamnés à concurrence de la moitié chacun aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel cassée comme le prévoit l'article 639 du code de procédure civile.

18. Il n'est nullement inéquitable de laisser les frais non compris dans les dépens à la charge de chacune des parties qui les ont exposés. Elles seront déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, par décision rendue contradictoirement publiquement et en dernier ressort, statuant dans les limites de sa saisine sur renvoi de cassation,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tendant à voir la cour d'appel de renvoi déclarer l'appel irrecevable.

Déclare la juridiction de proximité de Libourne du 28 juin 2017 incompétente pour statuer sur le litige dont elle était saisie, en raison du montant et de l'objet de la demande.

En conséquence, infirme cette décision en toutes ses dispositions.

Évoque l'affaire et, statuant sur l'entier litige dévolu à la cour de renvoi et y ajoutant,

Déboute la Sas EcoDDS de sa demande tendant à voir reconnaître une créance d'indemnité à l'endroit du Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation du Libournais Haute-Gironde.

Dit que la somme de 9 744 euros correspondant au montant du soutien financier annuel dû par la Sas EcoDDS au Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation du Libournais Haute-Gironde au titre de l'année 2015 constitue une créance certaine, liquide et exigible.

Annule le titre exécutoire émis le 21 septembre 2016 par le Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation du Libournais Haute-Gironde pour des motifs exclusivement liés à des irrégularités formelles.

Condamne la Sas EcoDDS et le Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation du Libournais Haute-Gironde aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens de la procédure suivie devant la cour d'appel de Bordeaux ayant conduit à la décision cassée et les partage par moitié entre eux.

Déboute la Sas EcoDDS et le Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et de Valorisation du Libournais Haute-Gironde de leurs demandes respectives en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/01331
Date de la décision : 26/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-26;21.01331 ?
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