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26/09/2022 | FRANCE | N°21/01012

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 26 septembre 2022, 21/01012


26/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/01012

N° Portalis DBVI-V-B7F-OALX

MD / RC



Décision déférée du 15 Février 2021

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (19/02655)

M. GUICHARD

















[S] [Z]

[L] [Z]





C/



S.A.S. EXCO FIDUCIAIRE DU SUD OUEST





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [S] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sylvain GALINAT de la SELARL ...

26/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/01012

N° Portalis DBVI-V-B7F-OALX

MD / RC

Décision déférée du 15 Février 2021

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (19/02655)

M. GUICHARD

[S] [Z]

[L] [Z]

C/

S.A.S. EXCO FIDUCIAIRE DU SUD OUEST

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [S] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX

Représenté par Me Marine COMBES, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [L] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvain GALINAT de la SELARL GALINAT BARANDAS, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Marine COMBES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

S.A.S. EXCO FIDUCIAIRE DU SUD OUEST

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia LE TOUARIN-LAILLET de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte d'huissier de justice du 26 juillet 2019, M. [S] [Z] a fait assigner la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, expert-comptable, devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins d'indemnisation pour défaut de conseil. Il reproche à la société de lui avoir conseillé de réaliser une opération pour bénéficier d'un avantage fiscal ayant par la suite donné lieu à un redressement.

Son épouse, Mme [L] [Z] est intervenue volontairement à l'instance.

Par un jugement contradictoire du 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse, a :

- donné acte à [L] [Z] de son intervention volontaire,

- débouté les époux [Z] de leurs demandes,

- les a condamnés aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré que la société défenderesse avait commis une erreur engageant sa responsabilité en réalisant une déduction fiscale injustifiée. Toutefois, il a considéré que 'le versement de la juste imposition n'est pas un préjudice indemnisable' et quant à la perte de chance d'investir dans une société éligible à la réduction invoquée par les demandeurs, le tribunal l'a été écartée au motif que 'rien ne démontre que mieux conseillés les époux auraient pris le risque d'investir dans une autre structure éligible'.

-:-:-:-:-

Par déclaration en date du 3 mars 2021, M. [S] [Z] et Mme [L] [Z] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté les époux [Z] de leurs demandes,

- les a condamnés aux dépens.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 février 2022, M. [S] [Z] et Mme [L] [Z], appelants, demandent à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés aux dépens,

Et statuant à nouveau,

- débouter purement et simplement la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater le défaut de conseil de la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest,

- 'dire et juger' que ce défaut de conseil est de nature à engager sa responsabilité,

- constater leur préjudice direct, certain et actuel résultant dudit défaut de conseil.

- 'dire et juger' que ce préjudice doit être réparé,

En conséquence,

À titre principal,

- condamner la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest à leur payer la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice,

À titre subsidiaire,

- condamner la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest à leur payer la somme de 2 394 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice,

En tout état de cause,

- condamner la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest à leur payer la somme de 3 500 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

À l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [Z] soutiennent que la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest a commis une faute en conseillant une opération d'investissement qui devait permettre une réduction de l'ISF, mais qui a finalement abouti à un redressement fiscal dès lors que l'augmentation de capital de la société dont M. [Z] est l'associé gérant n'était pas susceptible d'entraîner réduction de l'impôt dû, dans la mesure où cette société ne remplissait pas les conditions pour obtenir cet avantage.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 février 2022, la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, intimée, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 15 février 2021,

Y ajoutant,

- condamner les époux [Z] à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à

raison du préjudice subi par la procédure menée devant la cour outre 5.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles qu'elle a engagé devant la cour,

- condamner les époux [Z] aux entiers dépens d'instance et d'appel et ce avec distraction au profit de Maître De Lamy.

À l'appui de ses prétentions, l'intimée conteste avoir commis une faute. Au titre du devoir de conseil, elle soutient que la preuve des mauvaises recommandations dont se prévalent les appelants n'est pas rapportée.

Enfin, s'agissant du préjudice, elle expose d'une part, que celui-ci ne peut être indemnisé qu'au titre de la perte de chance, laquelle n'est pas établie par l'appelant, d'autre part que le paiement de l'impôt normalement dû ne peut jamais constituer un préjudice indemnisable.

-:-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 14 juin 2022.

MOTIVATION :

Sur la responsabilité de Sas Exco fiduciaire du sud-ouest :

1. À titre principal, M. et Mme [Z] sollicitent la condamnation de l'intimée à leur payer la somme de 14 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance découlant du défaut d'information de réaliser une opération de défiscalisation efficace. À titre subsidiaire, ils limitent cette somme à 2 394 euros qui correspondent aux pénalités de retard due en conséquence de l'erreur de l'expert-comptable.

2. Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Le préjudice découlant du défaut de conseil s'analyse en une perte de chance. Seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; toute perte de chance ouvre droit à réparation. 

En cas de perte de chance, la réparation du dommage ne peut être totale et il incombe seulement à la victime de préciser à quel montant elle évalue ses différents préjudices, l'office du juge consistant alors à en apprécier le bien-fondé et à déterminer souverainement la fraction de ces préjudices correspondant à la perte de chance de les éviter. 

3. En l'espèce, la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, qui était chargée de la comptabilité des sociétés dirigées par M. [Z], s'est vu confier la mission de procéder aux déclarations d'impôts sur les revenus et sur la fortune pour M. et Mme [Z]. Dans ce cadre, il n'est pas contesté que la société d'expertise comptable était tenue d'un devoir de conseil envers ses clients.

L'opération litigieuse a consisté à procéder en 2013, 2014 et 2015 à des investissements directs dans une société, ici la SARL Biloba dont M. [Z] était le gérant et l'associé majoritaire. Conformément aux dispositions du code général des impôts applicables à ces opérations, la société bénéficiaire de ces versements éligibles la réduction d'ISF doit compter au moins deux salariés à la clôture de l'exercice qui suit la souscription (ou au moins pour les sociétés tenues de s'inscrire à la chambre des métiers de l'artisanat). Cependant, la société bénéficiaire des investissements ne disposait d'aucun salarié, circonstance qui était connue de la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest qui était également chargée de la comptabilité de la Sarl Biloba.

M. et Mme [Z] rapportent la preuve de ce que la société d'expertise comptable avait bien recherché une optimisation fiscale à travers l'augmentation de capital de la société Biloba. En effet, dans un courrier électronique du 26 mai 2014, M. [H], employé par la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest écrivait : « selon les premiers calculs, le montant de l'ISF serait de 3855 €, ce qui permet de limiter l'augmentation de capital sur Biloba à environ 7800 €. »

La Sas Exco fiduciaire du sud-ouest expose dans ses conclusions que cette opération avait pour objectif principal de bénéficier à la société de Biloba dont M. [Z] était le dirigeant associé et que la recherche de réduction de l'ISF n'était qu'incidente.

Au-delà des objectifs poursuivis par M. et Mme [Z], l'opération d'investissement, telle qu'elle a été comptabilisée à titre de réduction d'ISF, révèle un manquement à l'obligation de conseil incombant à la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, ce défaut de conseil ayant généré un redressement fiscal.

4. S'agissant du préjudice allégué par les époux [Z], il n'est réparable au titre de la perte de chance qu'à la condition de constituer une disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, cette dernière consistant en la possibilité de réaliser un investissement dans une société éligible à la réduction d'ISF.

Toutefois, l'investissement réalisé par M. [Z] est équivoque en ce qu'il a eu deux effets : l'un, efficace, consistant à augmenter le capital de sa société, l'autre, inefficace, consistant à obtenir une réduction de l'ISF. Aucun élément du dossier ne permet de distinguer quelle a été la raison déterminante de cet investissement et le courrier électronique du 26 mai 2014 n'est pas suffisamment précis pour établir la cause déterminante. L'investissement litigieux doit être considéré comme ayant été réalisé sur les conseils de la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest dans ces deux buts.

Il s'ensuit que le manquement par la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest à son obligation de conseil a bien fait perdre une chance actuelle et certaine de réaliser un investissement ouvrant droit au bénéfice d'une réduction fiscale.

5. Concernant la réparation de la perte de cette chance, M. et Mme [Z] sollicitent la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts. Toutefois, cette somme n'est justifiée par la rectification fiscale qu'à hauteur de 10 918 euros de droits simples augmentés de 1 183 euros de pénalités. Pour le surplus, les lettres de relances versées au dossier ne mettent pas en évidence le lien entre les sommes réclamées et la rectification fiscale.

La cour estime que la perte de chance d'investir dans une autre société se trouve d'abord réduite dans la mesure où M. [Z] souhaitait également, par l'investissement litigieux, augmenter le capital social de sa propre société. Ensuite, il ne justifie pas avoir habituellement recherché, seul ou assisté par la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, des investissements permettant de bénéficier de réductions d'impôts par l'investissement dans d'autres sociétés que les siennes, opération pouvant exposer leur auteur à des risques financiers dont il n'est pas établi que M. [Z] aurait accepté de les encourir. La perte de chance de bénéficier d'une réduction d'ISF par l'investissement dans une autre société apparaît donc minime.

6. Le défaut de conseil de la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest a ainsi fait perdre une chance, certes minime, mais réelle, aux époux [Z] de réaliser des opérations de défiscalisation efficaces et qui ne saurait excéder 20 %. Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a débouté les époux [Z] de leur demande de dommages et intérêts.

Statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice.

- Sur l'action pour procédure abusive dirigée contre M. et Mme [Z]

7. La Sas Exco fiduciaire du sud-ouest sollicite des dommages et intérêts en raison du caractère abusif de l'appel interjeté par les époux [Z]. Toutefois, l'appel de M. et Mme [Z] a permis la réformation du jugement entrepris à leur profit, de sorte que l'exercice de cette voie de recours n'était pas fautif. Par ajout au jugement entrepris, il convient de débouter la Sas Exco fiduciaire du sud-ouest de cette demande.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

8. La Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 15 février 2021 sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [Z] aux dépens de première instance.

9. M. et Mme [Z] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais irrépétibles exposés en appel. La Sas Exco fiduciaire du sud-ouest sera condamnée à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sas Exco fiduciaire du sud-ouest, partie perdante, ne peut bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 15 février 2021.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice.

Déboute la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest de sa demande pour procédure abusive.

Condamne la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest à payer à M. [S] [Z] et Mme [L] [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Déboute la Sas Exco fiduciaire du Sud-ouest de sa propre demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/01012
Date de la décision : 26/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-26;21.01012 ?
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