La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2022 | FRANCE | N°19/04597

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 26 septembre 2022, 19/04597


26/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/04597

N° Portalis DBVI-V-B7D-NIIE

MD /RC



Décision déférée du 08 Octobre 2019

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN 18/00783

M. [V]

















[T] [R]

[U] [D] épouse [R]

[X] [I] [R]

[M] [H] [R]



C/



[J] [F] divorcée [Z]

































































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***





APPELANTS



Monsieur [T] [R]

Décédé



Madame [U] [D] épouse [R]

[Adresse 7]

[Adre...

26/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/04597

N° Portalis DBVI-V-B7D-NIIE

MD /RC

Décision déférée du 08 Octobre 2019

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN 18/00783

M. [V]

[T] [R]

[U] [D] épouse [R]

[X] [I] [R]

[M] [H] [R]

C/

[J] [F] divorcée [Z]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [T] [R]

Décédé

Madame [U] [D] épouse [R]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOC IES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [J] [F] divorcée [Z]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTERVENANTS VOLONTAIRES

Monsieur [X] [I] [R],

Pris en qualité d'héritier de Monsieur [T] [R] décédé le 29 juillet 2021 à [Localité 15]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOC IES, avocat au barreau de TOULOUSE

Mademoiselle [M] [H] [R],

Prise en qualité d'hértier de Monsieur [T] [R] décédé le 29 juillet 2021 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Laurent MASCARAS de l'ASSOCIATION ASSOCIATION D'AVOCATS MASCARAS CERESIANI - LES AVOCATS ASSOC IES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [J] [F], M. [T] [R] et Mme [D] [U] épouse [R] qui sont propriétaires d'immeubles mitoyens à [Localité 15] issus de la division d'un ancien fonds, se sont opposés à propos de servitudes d'échelle, de vue et de passage au profit du fonds [F].

Dans le cadre de cette instance, conclue par une arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 6 novembre 2017 statuant sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Montauban du 8 juillet 2014, Mme [F] a abandonné sa demande relative à son droit de passage sur le fonds [R] et revendiqué la propriété de la parcelle supportant cette servitude, mais cette demande a été jugée irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.

Par exploit d'huissier en date du 9 octobre 2018, Mme [F] a fait assigner les époux [R] devant le tribunal de grande instance de Montauban aux fins de revendication de propriété.

Par un jugement contradictoire en date du 8 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Montauban, a :

- dit que la parcelle [Cadastre 13] de la nouvelle matrice ([Cadastre 12] actuelle) sise au [Adresse 2] à [Localité 15] inclut 'la totale parcelle (terre et passage)' anciennement numérotée [Cadastre 8] et que [J] [F] est notamment propriétaire du passage permettant l'accès au numéro [Adresse 2] à [Localité 15] jusqu'à sa maison,

- dit que ce passage représente son libre accès, droit réel et accessoire à usage perpétuel, de nature conventionnelle et imprescriptible,

- dit qu'en application de l'acte du 30 avril 1818, les époux [R] n'ont aucun droit de passer sur la B 78 ancienne, devenue [Cadastre 13] et aujourd'hui [Cadastre 12],

- ordonné la démolition et l'enlèvement sans délai des ouvrages implantés sur cette parcelle, notamment un mur et un portail avec poteaux ou piquets,

- assorti cette obligation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard qui courra à compter de l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours suivant celui de la signification du présent jugement et ce pendant une durée de quatre mois,

- ordonné l'enlèvement de la boîte aux lettres des époux [R] de son emplacement actuel sur la propriété de Mme [F],

- débouté les époux [R] de toutes leurs demandes,

- condamné les époux [R] à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article '700,l°' du code de procédure civile,

- condamné les époux [T] [R] et [U] [R] née [D] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Pour statuer ainsi, le premier juge soutient que 'cette analyse est pleinement et clairement corroborée par celle de M. [G], directeur des archives municipales et inspecteur du patrimoine qui au vu de l'acte de 1818 qui indique que le bien vendu à M. [A] (auteur originel des époux [R]) confronte la parcelle [Cadastre 8] entière (terre et passage) vendue à Mme [S] (auteur originel de Mme [F]), en déduit que cette parcelle [Cadastre 8] appartenait dans son entier au fonds [S] et que la propriété [A] s'arrêtait à cette limite. Que d'ailleurs le même acte de 1818 comporte la mention que M. [A] n'aura aucun droit de passage sur le bien acquis par Mme [S], ce qui s'explique aisément par le fait que chaque acquéreur originel bénéficiait d'un accès direct à sa propriété (B 78 pour Mme [S] et B 81 pour M. [A]). Que cette interdiction de passage signifiée dans l'acte démontre en effet que le fonds voisin n'était pas enclavé faute de quoi l'acte aurait prévu une servitude de passage.'

Par conséquent, il ' résulte de l'ensemble de ces éléments que le fonds appartenant aujourd'hui à Mme [F] a toujours comporté l'intégralité de la parcelle anciennement cadastrée [Cadastre 8].'

Par déclaration en date du 22 octobre 2019, les époux [R] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que la parcelle [Cadastre 13] de la nouvelle matrice ([Cadastre 12] actuelle) sise au [Adresse 2] à [Localité 15] inclut la totale parcelle (terre et passage) anciennement numérotée [Cadastre 8] et que [J] [F] est notamment propriétaire du passage permettant l'accès au numéro [Adresse 2] à [Localité 15] jusqu'à sa maison,

- dit que ce passage représente son libre accès, droit réel et accessoire à usage perpétuel, de nature conventionnelle et imprescriptible,

- dit qu'en application de l'acte du 30 avril 1818, les époux [R] n'ont aucun droit de passer sur la B 78 ancienne, devenue [Cadastre 13] et aujourd'hui [Cadastre 12],

- ordonné la démolition et l'enlèvement sans délai des ouvrages implantés sur cette parcelle, notamment un mur et un portail avec poteaux ou piquets,

- assortit cette obligation d'une astreinte de 100 € par jour de retard qui courra à compter de l'expiration d'un délai de quarante-cinq jours suivant celui de la signification du présent jugement et ce pendant une durée de quatre mois,

- ordonné l'enlèvement de la boîte aux lettres des époux [R] de son emplacement actuel sur la propriété de Mme [F],

- débouté les époux [R] de toutes leurs demandes,

- condamné les époux [R] à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700,l° du code de procédure civile,

- condamné les époux [T] [R] et [U] [R] née [D] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

M. [T] [R] est décédé le 29 juillet 2021.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 mars 2022, Mme [U] [R] née [D], appelante et M. [X] [R] et Mme [M] [R] ès qualités d'héritiers de M. [T] [R], intervenants volontaires, demandent à la cour, au visa des articles 711, 712 et 2272 du code civil, de :

- réformer intégralement la décision entreprise,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- les dire mal fondées.

- 'dire et juger' prescrite l'action en revendication de propriété engagée à la fin de l'année 2017 par Mme [F] par voie de conclusions dans le cadre d'une instance pendante devant la cour d'appel de Toulouse, dès lors qu'ils étaient propriétaires de ladite parcelle depuis leur acte d'acquisition de 1975 et en ont joui de façon paisible et continue pendant près de 42 années' Mme [F] ayant expressément reconnu par ailleurs, dans les actions et procédures engagées contre les concluants jusqu'à la fin de l'année 2017, que ceux-ci en étaient bien propriétaires puisqu'elle ne réclamait qu'un droit de passage sur ladite parcelle,

- 'dire et juger' en conséquence son action en revendication de ladite parcelle prescrite et l'en débouter,

- 'dire et juger' en toute hypothèse que la parcelle ancienne dite [Cadastre 8] sur la commune de

[Localité 15], devenue pour partie D80, est leur propriété exclusive,

- 'dire et juger' qu'ils en sont propriétaires depuis leur acte notarié d'acquisition du 10 décembre 1975, ledit acte renvoyant, dans la partie origine de propriété, à un acte de 5 octobre 1945, désignant expressément la parcelle [Cadastre 8] comme faisant partie du lot attribué à M. [C], leur vendeur, ladite parcelle [Cadastre 8] ayant été regroupée sous le numéro 80 de la section D de la commune de [Localité 15],

- 'dire et juger' en toute hypothèse que par application des articles 2258, 2261 et 2272 du code civil, qu'ils ont acquis la propriété de ladite parcelle ancienne dite [Cadastre 8] sur la commune de [Localité 15] devenue pour partie D80, par l'effet de la prescription acquisitive,

Subsidiairement,

- 'dire et juger' qu'eu égard à l'état de confusion dans lequel se trouve Mme [F] au regard de ses droits sur ladite parcelle et compte tenu des éléments de preuve fournis aux débats par les concluants, une mesure d'instruction pourrait être mise en 'uvre, confiée à tel expert ou tel technicien qu'il plaira afin de fournir à la cour le maximum d'éléments de fait et de droit permettant à la juridiction de se déterminer sur la question de la propriété de cette parcelle, anciennement [Cadastre 8] devenue à l'heure actuelle [Cadastre 12] et D80,

Reconventionnellement,

- condamner Mme [F] à procéder à la dépose de la boîte aux lettres, qu'elle a installée sur la propriété des concluants et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- la condamner à payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle leur a délibérément provoqués en installant et faisant installer les poubelles de ces locataires et de sa propriété sur ladite parcelle ancienne [Cadastre 8], propriété des concluants,

- la condamner au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en

réparation du préjudice moral qu'ils ont subi du fait de cette procédure, engagée avec intention de nuire, abusive et de mauvaise foi,

- la condamner enfin au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

L'exposé des moyens est compris dans celui, intégralement retranscrit, des prétentions des dernières conclusions des consorts [R].

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2020,

Mme [J] [F], intimée, demande à la cour, au visa des articles 544, 711, 712, 2227, 2229, 2261, 2262, 2270 et 546 du code civil, de :

- confirmer le jugement don appel en ce qu'il a :

* 'dit et jugé' que la parcelle [Cadastre 13] de la nouvelle matrice ([Cadastre 12] actuelle) sise au [Adresse 2] à [Localité 15] inclut la totale parcelle (terre et passage) anciennement numérotée [Cadastre 8],

* 'dit et jugé' que Mme [F] est notamment propriétaire du passage permettant l'accès du numéro [Adresse 2] à [Localité 15] jusqu'à sa maison,

* 'dit et jugé' que ce passage représente son libre accès, droit réel et accessoire à usage perpétuel, de nature conventionnelle et imprescriptible,

* dit qu'en application de l'acte du 30 avril 1818, les époux [R] n'ont aucun droit de passer sur la B 78 ancienne, devenue [Cadastre 13] et aujourd'hui [Cadastre 12],

* ordonné, en conséquence, la démolition et l'enlèvement sans délai des ouvrages implantés sur cette parcelle, notamment un mur et un portail avec poteaux ou piquets,

* assorti cette obligation d'une astreinte de 100 € par jour de retard qui courra à compter de l'expiration d'un délai de 45 jours suivant celui de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce pendant une durée de 4 mois,

* ordonné l'enlèvement de la boîte aux lettres des époux [R] de son emplacement actuel sur la propriété de Mme [F],

- débouté les époux [R] de toutes leurs demandes,

- condamné les époux [R] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article '700, 1°' du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Y ajoutant,

- ordonner l'enlèvement des poubelles des époux [R] positionnées à l'adresse [Adresse 2] à [Localité 15], le tribunal ayant omis de statuer sur ce chef de demande,

- 'dire et juger' que l'enlèvement des obstacles édifiés sur la parcelle litigieuse se limitera aux parties visibles du muret, du portail et des poteaux ou piliers, et que les fondations ne seront pas détruites, afin d'éviter une aggravation de l'état du sol et du sous-sol,

- débouter les époux [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner époux [R] à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [F] soutient que, l'acte de 1818 étant commun entre les parties, l'article 2270 du code civil interdit de prescrire contre son titre en ce sens que l'on ne peut se changer à soi-même les causes de sa possession de sorte que la demande de 'prescrption acquisitive des époux [R]' ne saurait être prise en considération. Elle demande la confirmation de l'analyse faite par le premier juge en ajoutant que le procès-verbal de bornage du 23 novembre 1982 auquel sa mère, nu-propriétaire, n'a pas été appelée, lui est inopposable.

-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2022. L'affaire a été examinée à l'audience du 11 avril 2022 et mise en délibéré au 12 septembre 2022.

Suivant courrier reçu le 2 septembre 2022, le conseil de l'intimée a soulevé le défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. [X] [R] et de Mme [M] [R] pour n'avoir pas justifié de leur qualité d'héritier.

Invités à produire les pièces justificatives, les intervenants volontaires ont communiqué une attestation notariée dressée le 26 octobre 2021 constatant la dévolution successorale et justifiant de leur qualité et de leur intérêt pour agir.

Le délibéré ayant été prorogé au 26 septembre 2022, le conseil de Mme [F] a fait connaître par courrier du 21 septembre 2022 que la fin de non-recevoir soulevée était abandonnée tout en soulignant une erreur de jour de naissance de Mme [M] [R].

MOTIVATION

1. Il est constant que Mme [F] avait présenté devant la cour d'appel de Toulouse saisie de l'appel formé contre le premier jugement du tribunal de grande instance de Montauban, une demande tendant à ce qu'il lui soit reconnu un droit de propriété sur la parcelle dite [Cadastre 8] ancienne sur laquelle elle n'avait revendiqué en première instance qu'un droit de passage en vertu d'une servitude conventionnelle de passage résultant du même titre d'origine constitué selon elle par l'acte du 30 avril 1818.

Dans son arrêt du 6 novembre 2017, la cour d'appel de Toulouse a déclaré irrecevable cette demande comme étant nouvelle en appel et, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait notamment dit que la parcelle [Cadastre 14] appartenant aux époux [R] était grevée d'une servitude de passage conventionnelle au profit de celle D n° 220 appartenant à Mme [F], a statué sur divers autres points en litige (démolition d'un mur en parpaings édifié par les époux [R], rétablissement d'une ligne téléphonique, démontage d'un climatiseur).

2. Par acte d'huissier du 9 octobre 2018, Mme [F] a fait assigner les époux [R] devant le tribunal de grande instance de Montauban 'aux fins de renvendication de propriété' et cette juridiction a fait droit à cette demande sans qu'il ait été discuté devant elle de la prescription de l'action engagée par Mme [F].

Suite au décès de M. [T] [R], l'intervention volontaire à l'instance d'appel de ses héritiers est recevable.

3. Les consorts [R] ont opposé à Mme [F] la prescription de l'action en revendication engagée par voie de conclusions dans le cadre de la précédente instance d'appel à la fin de l'année 2017 et ont expliqué que les époux [R] ont joui paisiblement de la parcelle revendiquée pendant 42 ans et que Mme [F] dans ses précédentes actions et écritures avait expressément reconnu la qualité de propriétaire des époux [R] puisqu'elle ne réclamait qu'un droit de passage sur ladite parcelle. Ils ont, en tout état de cause, opposé la prescription acquisitive par leur auteur sur la parcelle litigieuse.

- sur la prescription de l'action opposée par les consorts [R] :

4. Il s'agit d'une fin de non-recevoir pouvant être invoquée en tout état de la procédure ainsi que le précise l'article 123 du code de procédure civile. Les consorts [R] sont recevables à l'invoquer en cause d'appel.

5. L'action qui a pour vocation, pour le demandeur invoquant sa qualité de propriétaire, de réclamer la restitution du bien à celui qui le détient, est imprescriptible sous réserve qu'aucun possesseur ne puisse soulever le bénéfice d'une usucapion.

L'action préalablement engagée aux fins de reconnaissance d'une servitude conventionnelle de passage sur le même fonds que celui actuellement revendiqué ne saurait être un obstacle à celle-ci dès lors que cette précédente action n'avait pas pour objet la fixation de la propriété et n'emportait pas la constitution d'un acte translatif de propriété.

Mme [F] est donc recevable à agir en revendication de propriété sur la parcelle litigieuse et il convient désormais d'apprécier le bien fondé de l'usacaption opposée par les consorts [R] pour y faire échec.

- sur la precription acquisitive invoquée par les consorts [R] :

6. Il est constant en l'espèce que les époux [R] ont acquis de M. [L] [C], par acte authentique de vente du 19 décembre 1975 une maison à usage d'habitation avec dépendances diverses et un jardin attenant, l'ensemble figurant au plan cadastral rénové de la commune de [Localité 15] sous la référence suivante : '[Cadastre 14], [Localité 19] 7 ares 85 centiares sol'. Cet acte précisait que cet immeuble appartenant en propre au vendeur lui avait été attribué pour moitié aux termes d'un acte de partage du 5 octobre 1945 des successions de [T] [N] et [B] [A] et pour autre moitié de l'acquisition auprès de Mme [O] [C] aux termes d'un acte reçu le 29 novembre 1969.

Aux termes de l'acte du 5 octobre 1945, il était mentionné au titre de l'actif successoral 'un enclos sis à [Localité 19], commune de [Localité 15] avec extension commune de [Localité 16] comprenant maison d'habitation, jardin et diverses parcelles de terres portés aux cadastres :

Commune de [Localité 15] : sous le N° 80 de la section D de la nouvelle matrice pour une superficie de sept ares quatre vingt centiares (ancienne matrice N°s : 78 à 80 de la section B)

Commune de [Localité 16] sous les [Cadastre 17] - [Cadastre 6] et [Cadastre 1] de la section N lieux dits [Localité 18] - [Localité 10] et [Localité 11] pour une superficie de un hectare huit ares quarant six centiares'.

Se fondant notamment sur l'avis de l'inspecteur des finances publiques en charge du pôle de topographie et de gestion cadastrale de [Localité 16], Mme [F] considère que la parcelle [Cadastre 12] est issue, après plusieurs divisions, de la parcelle [Cadastre 8] en totalité, de la parcelle [Cadastre 9] en partie et de la B 80 en totalité et de la B 81 en partie de sorte que la parcelle [Cadastre 12] devrait toujours déboucher, après la rénovation du cadastre, sur le chemin figuré au plan et aujourd'hui dénommé la Terrasse. Le premier juge suivant également l'analyse du directeur des archives municipales et inspecteur du patrimoine, produite par Mme [F], a considéré notamment qu'un acte du 30 avril 1818 indiquait que le bien vendu à M. [A] (auteur originel du vendeur du bien aux époux [R]) confrontait la parcelle [Cadastre 8] entière (terre et passage) vendue à Mme [S] (auteur originel de Mme [F]) pour en déduire que la parcelle [Cadastre 8] appartenait en entier au fonds [S] et que la propriété [A] s'arrêtait à cette limite.

À supposer même que cette analyse retenue par le premier juge soit fondée et nonobstant le caractère possiblement erroné des mentions relatives à l'identification du bien acquis par les époux [R], dans les actes de partage de 1945 et d'acquisition de 1975, ces derniers ont occupé depuis le 19 décembre 1975 la parcelle aujourd'hui revendiquée par Mme [F].

7. Si l'action en revendication intentée par le propriétaire dépossédé de son immeuble est imprescriptible, elle ne peut triompher contre un défendeur qui justifie être devenu lui-même propriétaire de l'immeuble revendiqué, par une possession contraire réunissant toutes les conditions exigées pour la prescription acquisitive.

7.1 Pour s'opposer aux prétentions des consorts [R] fondées sur l'usucapion, Mme [F] invoque l'article 2270 du code civil qui dispose : 'on ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l'on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession', ce texte étant issu de l'article 2240 du même code et simplement renuméroté par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Cette disposition est toutefois inapplicable à celui qui possède un bien sur lequel le titre ne lui donnait aucun droit. Par suite, l'impossibilité de prescrire contre son titre ne concernant que le titre en vertu duquel la possession est exercée à titre précaire pour le compte d'autrui, l'acte de partage de diverses parcelles entre les auteurs de deux parties n'interdit pas à l'une d'elles de posséder pour son propre compte des parcelles revendiquées par l'autre partie qui ont été attribuées à l'origine aux auteurs de cette dernière.

En l'espèce, les consorts [R] qui occupent une parcelle qu'ils détiennent en vertu de dévolutions ou transiferts successifs émanant d'un auteur commun à eux-mêmes et au revendiquant sont en droit d'invoquer la prescription acquisitive à leur profit de la parcelle litigieuse qu'ils occupent à la suite d'erreurs d'identification dans le cadastre ou d'attribution dans les titres successifs de sorte que le moyen tiré de l'application de l'article 2270 du code civil sera rejeté.

7.2 Aux termes de l'article 2272 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin

2008 applicable à la présente action, introduite le 9 octobre 2018 :

'Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.'

En l'espèce et quelle que soit la connaissance de bonne ou mauvaise foi par les époux [R] de l'étendue de leurs droits sur la parcelle litigieuse occupée, leur possession paisible et continue depuis le 19 décembre 1975 leur a conféré le droit de prescrire au plus tard le 19 décembre 2005, soit trente ans écoulés avant le dépôt intervenu le 18 août 2017 de conclusions devant la cour d'appel de Toulouse aux fins de revendication de la parcelle litigieuse.

En effet, les conditions de l'usucapion doivent ici porter sur la parcelle elle-même et non sur droit de passage initialement et alors uniquement revendiqué par Mme [F] étant relevé que les époux [R] n'ont jamais vu leur propriété contestée par quiconque avant 2017 sur l'emprise de cette parcelle qu'ils ont toujours occupée depuis son acquisition et avaient requis le bornage de celle-ci en novembre 1982, se comportant ainsi comme un propriétaire de celle-ci, comportement également attesté par l'implantation d'un abri de jardin et de claustras en 1996 puis d'un mur, ainsi que cela a été constaté lors de la précédente instance, ce mur ayant définitivement été jugé, par sa hauteur et son implantation en méconnaissance d'une servitude de tour d'échelle, comme édifié en 2012 de manière abusive dans l'exercice par les époux [R] de leur droit de propriété qui loin d'être équivoque n'avait jamais été discuté.

Sera ainsi accueillie la demande des consorts [R] visant à leur reconnaître un droit de propriété par l'effet de la prescription acquisitive de la parcelle anciennement référencée [Cadastre 8] et aujourd'hui figurant sous la référence [Cadastre 14], lieudit [Localité 19] Commune de [Localité 15].

Par infirmation intégrale de la décision entreprise, Mme [F] sera, consécutivement à cette prescription acquisitive, déboutée de l'ensemble de ses demandes.

- sur la demande reconventionnelle relative à l'implantation de la boîte aux lettres de Mme [F] :

8. La question de la boîte aux lettres de Mme [F] apparâit dans le courrier de son conseil du 27 février 2018 dans le cadre de l'exécution de l'arrêt du 6 novembre 2017. Il était alors écrit : 'en ce qui concerne la boîte aux lettres, je n'ai pas su lire dans la décision de justice rendue que Madame [F] ait une quelconque obligation d'avoir à l'enlever de l'emplacement où elle se trouve. Elle y restera donc'.

Une photographie produite dossier (pièce 35 des consorts [R]) montre la boîte litigieuse comme des poubelles dans le passage alors discuté et sur l'emprise de la parcelle dont la propriété est aujourd'hui reconnue aux consorts [R].

Dans la suite des dispositions du présent arrêt, Mme [F] sera condamnée à procéder à la dépose de cette boîte aux lettres implantée sur le fonds des consorts [R], dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant un mois.

- sur les demandes reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts :

9. Dans le courrier précité du conseil de Mme [F] il était également écrit : 'En ce qui concerne les poubelles, et pour le confort de ses locataires, Madame [F] va faire le nécessaire pour les déplacer, mais il faut qu'elle obtienne au préalable l'autorisation de la société Ateca puisque je vous le rappelle elle ne bénéficie que d'un droit de passage sur le fonds Ateca'.

Il n'est produit aucun élément de nature à caractériser un empêchement de Mme [F] a faire entreposer, elle-même ou ses locataires, les poubelles en un autre lieu. Elle ne justifie d'aucun droit à les maintenir sur le fonds des consorts [R]. Les conclusions des intimés ne comportent aucune disposition relative à une quelconque injonction de ne pas faire.

En l'absence de justification de diligences accomplies depuis ce courrier pour mettre fin à cette situation effectivement dommageable pour les consorts [R] qui doivent les déplacer pour entrer ou sortir en voiture à cet endroit, il convient de condamner Mme [F] à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

10. Les consorts [R] estiment que l'action engagée par Mme [F] est 'particulièrement abusive, de mauvaise foi et malicieuse, comportant l'intention de nuire'.

Il sera toutefois relevé que l'action engagée en 2018 par Mme [F] n'était que la conséquence de l'irrecevabilité soulevée en raison du caractère nouveau de la demande en appel à l'occasion de l'instance au cours de laquelle l'ensemble du litige aurait pu être tranché.

Il résulte des constatations qui précèdent sur le fond de l'actuel litige que Mme [F] n'a commis aucune faute dans l'exercice de son droit d'ester en justice. La demande en paiement de dommages et intérêts présentée par les consorts [R] à ce titre sera rejetée.

- sur les depens et frais irrépétibles :

11. Mme [F], principalement perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

12. Les consorts [R] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer à l'occasion de cette procédure. Mme [F] sera condamnée à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenue aux entiers dépens, Mme [F] ne peut qu'être déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Constate l'abandon par Mme [J] [F] de sa fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification de la qualité d'héritier de M. [X] [R] et de Mme [M] [R]

Reçoit l'intervention volontaire de M. [X] [R] et de Mme [M] [R] en leur qualité d'héritiers de M. [T] [R], décédé le 29 juillet 2021 à [Localité 15].

Infirme le jugement rendu le 8 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Montauban en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Reçoit l'action en revendication de propriété engagée par Mme [J] [F].

Reçoit Mme [U] [R] née [D] et M. [X] [R] et Mme [M] [R] ès qualités d'héritiers de M. [T] [R] en leur demande reconventionnelle soulevant la prescription acquisitive.

Dit que Mme [U] [R] née [D] et M. [X] [R] et Mme [M] [R] ès qualités d'héritiers de M. [T] [R] ont acquis la propriété, par prescription acquisitive, de la parcelle anciennement référencée [Cadastre 8] et aujourd'hui figurant sous la référence [Cadastre 14], lieudit [Localité 19] Commune de [Localité 15].

Déboute Mme [J] [F] de l'ensemble de ses demandes.

Condamne Mme [J] [F] à procéder à la dépose de la boîte aux lettres implantée sur le fonds des consorts [R], dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant un mois.

Condamne Mme [J] [F] à payer à Mme [U] [R] née [D] et M. [X] [R] et Mme [M] [R] ès qualités d'héritiers de M. [T] [R] la somme de

1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du défaut d'enlèvement des poubelles.

Déboute Mme [U] [R] née [D] et M. [X] [R] et Mme [M] [R] ès qualités d'héritiers de M. [T] [R] de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne Mme [J] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne Mme [J] [F] à payer à Mme [U] [R] née [D] et

M. [X] [R] et Mme [M] [R] ès qualités d'héritiers de M. [T] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [J] [F] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/04597
Date de la décision : 26/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-26;19.04597 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award