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19/09/2022 | FRANCE | N°20/03800

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 19 septembre 2022, 20/03800


19/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/03800

N° Portalis DBVI-V-B7E-N4MD

MD / RC



Décision déférée du 10 Novembre 2020

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN (20/00030)

M. REDON

















Compagnie d'assurance MICINSURANCE

anciennement MILLENNIUM INSURANCE COMPANY





C/



[X] [Z]

S.C.I. DEBORAH





























r>






























CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



COMPAGNIE D'ASSURANCE MIC INSURAN...

19/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/03800

N° Portalis DBVI-V-B7E-N4MD

MD / RC

Décision déférée du 10 Novembre 2020

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN (20/00030)

M. REDON

Compagnie d'assurance MICINSURANCE

anciennement MILLENNIUM INSURANCE COMPANY

C/

[X] [Z]

S.C.I. DEBORAH

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

COMPAGNIE D'ASSURANCE MIC INSURANCE anciennement MILLENNIUM INSURANCE COMPANY

Es qualité d'assureur de la société MIDBAT, compagnie d'assurance de droit étranger opérant sur le territoire français en Libre Prestation de Service, représentée en FRANCE par son mandataire la société SAS LEADER UNDERWRITING dont le siège social est [Adresse 7].

[Adresse 1]

[Localité 5] ESPAGNE

Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES

Madame [X] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alice DENIS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

S.C.I. DEBORAH

Agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarah WICHERT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : R. CHRISTINE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par , greffier de chambre

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La Sci Deborah qui a obtenu de Mme [X] [Z], architecte d'intérieur, selon contrat du 21 juillet 2015, une étude relative à un projet de rénovation et de transformation d'un bâtiment dans un ensemble immobilier à [Localité 3] (Tarn-et-Garonne), a confié l'exécution d'abord à une société BG Invest mise immédiatement après en liquidation judiciaire, puis à la société Midbat qui a achevé en juillet 2016 les travaux qui lui ont été confiés. Cette société a, depuis, été placée en liquidation judiciaire.

Au motif de l'apparition de divers désordres allégués par la Sci Deborah, une ordonnance de référé du 12 juillet 2018 a confié une mesure d'expertise à M. [K] qui a déposé son rapport le 23 mai 2019.

Par actes d'huissier de justice des 17 et 30 décembre 2019, la Sci Deborah a fait assigner Mme [X] [Z] et la compagnie d'assurances Millenium Insurance Company Limited, devenue Mic insurance, assureur de la société Midbat, alors en cours de liquidation judiciaire devant le tribunal judiciaire de Montauban, aux fins d'indemnisation.

Par un jugement contradictoire du 10 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Montauban a :

- condamné la compagnie Millenium Insurance Company à payer à la Sci Deborah la somme de 23 500 € au titre de la reprise des désordres,

- dit inopposable à la Sci Deborah la franchise contractuelle,

- débouté la Sci Deborah de toutes ses autres demandes tant contre la compagnie Millenium Insurance Company que contre [X] [Z],

- débouté Mme [X] [Z] de sa demande de dommages-intérêts,

- débouté la compagnie Millenium Insurance Company de sa demande en relèvement et garantie,

- condamné la compagnie Millenium Insurance Company à payer à la Sci Deborah la somme de 3 000 € en application de l'article '700,1°' du code de procédure civile,

- condamné la Sci Deborah à payer à Mme [X] [Z] la somme de 1 500 € en application de 'l'article 700,1° du code de procédure civile',

- condamné la compagnie Millenium Insurance Company aux dépens, en ceux compris les frais de référé et d'expertise judiciaire, et accordé le droit de recouvrement direct à Maître Alice Denis qui en a fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le juge a d'abord considéré, pour permettre la mise en 'uvre de la responsabilité décennale, que l'existence de désordres était constante et qu'il y avait eu une réception tacite du lot de la société Midbat, laquelle a admis cette réception à l'occasion d'une assignation en référé, cette admission constituant un aveu judiciaire opposable à son assureur.

Ensuite, pour mettre hors de cause Mme [Z], le premier juge a affirmé qu'elle 'a été sollicitée d'abord en qualité d'architecte d'intérieur pour fournir une étude préliminaire puis en qualité de courtier en travaux pour proposer des entreprises au maître de l'ouvrage, mais qu'à aucun moment elle n'a été chargée d'une mission de maître d''uvre, ni n'a agi de fait comme tel, ce qui exclut qu'elle puisse être recherchée au titre de sa responsabilité décennale'.

Quant à l'activité de courtage de Mme [Z], qui ne l'astreignait qu'à une obligation de moyens, en présentant la société Midbat dans une liste d'entreprises prêtes à répondre à la demande de la Sci Deborah, elle n'a pas commis de manquement, le choix final appartenant au maître de l'ouvrage.

Enfin, pour rejeter la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par Mme [Z], le juge retient l'absence d'une véritable intention dolosive de la demanderesse et l'échec de la démonstration d'un quelconque préjudice.

***

Par déclaration en date du 23 décembre 2020, la compagnie d'assurances Mic insurance (anciennement Millenium Insurance Company Limited) a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a :

- condamnée à verser à la Sci Deborah la somme de 23.500 euros au titre de la reprise des désordres ;

- déboutée de sa demande en relèvement et garantie ;

- condamnée à verser à la Sci Deborah la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnée aux dépens, en ceux compris les frais de référé et d'expertise judiciaire.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2021, la compagnie d'assurances Mic insurance, anciennement Millenium Insurance Company Limited, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1240, 1353, 1792 et suivants du code civil, des articles 6, 9, 145 et 700 du code de procédure civile et des articles L.121-12 et L.124-3 du code des assurances de :

- infirmant le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la Sci Deborah de sa réclamation au titre du prétendu préjudice de jouissance,

Et statuant à nouveau :

À titre principal,

- débouter la Sci Deborah de sa réclamation formulée à son encontre visant à lui allouer la somme de 23 500 € au titre de la reprise des désordres à raison de l'absence de mobilisation de ses garanties de la police Mic insurance n°170913639JH liée à l'absence de réception,

- condamner la Sci Deborah à lui rembourser la somme de :

* 23.500 €,

* 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ainsi que les entiers dépens de première instance, frais de référé d'expertise judiciaire compris,

À titre subsidiaire, si la Cour ne réformait pas le jugement en ce qu'il l'a condamnée, elle ne pourrait alors que :

- condamner Mme [Z], architecte, à la relever et la garantir de toute condamnation, notamment celles prononcées à son encontre en première instance (23.500 € à titre principal / 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile / les dépens, frais de référé et d'expertise compris), en application des articles L.121-12 et L.124-3 du code des assurances, des articles 1231-1 et 1240 du code civil,

En tout état de cause,

- condamner la Sci Deborah ou tout succombant à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sci Deborah ou tout succombant aux entiers dépens d'appel.

À l'appui de ses prétentions, l'appelante expose que la garantie décennale ne peut être mise en 'uvre, faute de réception des travaux par la Sci Deborah, qui n'a d'ailleurs pas payé le solde du prix.

Subsidiairement, elle soutient que Mme [Z], a commis une faute en sa qualité d'architecte d'intérieur en ne conseillant pas au maître de l'ouvrage l'intervention d'un maître d''uvre et en s'abstenant de l'alerter sur la nécessité de faire réaliser des plans d'exécution ce qui lui impose de la garantir la société Mic Insurance des éventuelles condamnations prononcées à son encontre.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 juillet 2021, Mme [X] [Z], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1792 et 1231 du code civil, et des articles 6,9 et 56 du code de procédure civile de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté toutes les parties de leurs demandes formées à son encontre,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sci Deborah à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700, 1° du code de procédure civile,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

Sur ce statuant de nouveau,

- condamner la Sci Deborah à lui payer, tant en sa qualité d'architecte d'intérieur que de courtier en travaux, la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la Sci Deborah et la société Mic Insurance à lui payer, tant en sa qualité d'architecte d'intérieur que de courtier en travaux, la somme de 3 000 € en application de l'article '700, 1°' du code de procédure civile,

- condamner in solidum la Sci Deborah et la société Mic Insurance aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Alice Denis en application de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais de référé, d'expertise judiciaire et de première instance.

À l'appui de ses prétentions, Mme [Z] soutient être intervenue en qualité d'architecte d'intérieur et de courtier en travaux ; qu'à ces titres, elle n'a commis aucune faute et n'a en aucun cas agi comme maître d''uvre, de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée.

Elle ajoute avoir été attraite à l'instance par la Sci Deborah qui, en cela, était animée d'intentions malicieuses à son encontre, car elle ne pouvait ignorer qu'une telle action était vouée à l'échec.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2021, la Sci Deborah, intimée et appelante incident, demande à la cour, au visa des articles 1792, 1231 et suivants, 1241, 1383-2 du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel sur la garantie décennale due par la société Mic Insurance,

- condamner la société Mic Insurance à régler 23 500 euros au titre des travaux de reprise,

- réformer le jugement dont appel,

- recevoir, son appel incident relatif à la responsabilité de Mme [Z],

- condamner in solidum Mme [Z] avec la société Mic Insurance à régler les travaux de reprise à hauteur de 23 500 euros TTC,

- débouter Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner in solidum Mme [Z] et la Mic Insurance à lui régler la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les dépens exposés lors de la procédure en référé.

À l'appui de ses prétentions, la Sci Deborah soutient que la réception des travaux a été tacite, la société Midbat ayant reconnu cette réception tacite ; de plus, est intervenu le paiement échelonné du solde du prix des travaux, suite d'un accord entre la Sci Deborah et la société Midbat.

La Sci Deborah soutient aussi que Mme [Z] a commis une faute en ne conseillant pas le recours à un maitre d''uvre, ce défaut de conseil ayant contribué au dommage.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 7 juin 2022.

MOTIVATION :

Sur la mise en 'uvre de la garantie décennale :

1. Il est constant entre les parties que l'ouvrage est affecté de désordres. De plus, le rapport d'expertise confirme leur existence. Le point débattu est celui de la réception des travaux, condition de mise en 'uvre de la garantie décennale.

La société Mic insurance soutient qu'aucune réception tacite des travaux n'a eu lieu par le maître de l'ouvrage, de sorte que la garantie décennale ne peut être mise en 'uvre.

Au contraire, la société Deborah allègue l'existence d'une réception dont elle soutient qu'elle est établie par l'aveu judiciaire de la société Midbat formulé dans ses conclusions au cours d'une autre instance entre les mêmes parties, cet aveu ayant été caractérisé par le premier juge.

2. Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, « la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.»

Ces dispositions n'excluent pas la possibilité d'une réception tacite. Pour caractériser une réception tacite, il convient de rechercher la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux. Enfin, Il appartient à celui qui invoque une réception tacite de l'ouvrage de la démontrer.

Aux termes de l'article 1383-2 du code civil, « L'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté.

Il fait foi contre celui qui l'a fait.

Il ne peut être divisé contre son auteur.

Il est irrévocable, sauf en cas d'erreur de fait.»

En application de ce texte, l'aveu fait au cours d'une instance précédente, même opposant les mêmes parties, n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets.

3. En l'espèce, la société Midbat, dans une assignation en référé devant le président du tribunal de grande instance de Montauban visant à faire juger opposables les opérations d'expertises à son assureur, a fait écrire « la Sci Deborah a procédé à la réception tacite du lot de la société Midbat' ». Les propos litigieux ont été tenus au cours d'une autre instance, ils ne peuvent constituer un aveu judiciaire. De surcroit, ils ont permis à la société Midbat de bénéficier de la garantie de son assureur, ce qui ne constitue pas une conséquence juridique à son encontre, mais à son profit. Ces propos ne peuvent donc être qualifiés d'aveu.

La Sci Deborah prétend qu'une réception tacite a eu lieu. Toutefois, les éléments de preuve qu'elle produit aux débats ne soutiennent pas cette allégation.

Elle a fait réaliser un constat d'huissier le 31 juillet 2017 en préalable duquel son gérant déclarait à l'huissier qu'il n'y avait pas eu de réception de travaux pour cette réhabilitation.

Elle a adressé une lettre recommandée avec avis de réception à la société Midbat qui commençait ainsi « Vous avez été mandaté (') dans la but de réaliser des travaux de gros 'uvre sur notre propriété à la maison de gardiennage.

Cependant, nous vous informons qu'il n'y a pas eu de réception de travaux pour cette réhabilitation et nous nous sommes aperçus de nombreuses malfaçons dans la réalisation des travaux' »

Encore, se plaignant de divers désordres affectant la construction, elle a obtenu, par ordonnance de référé du 6 septembre 2018, une expertise de l'ouvrage.

Enfin, il ressort du rapport d'expertise et des factures de la société Midbat qui lui sont annexées que les travaux n'ont pas été payés en intégralité. Sur la dernière facture de 6 561,04 euros, seul un acompte de 500 euros a été versé. Les travaux réalisés par la société Midbat se montaient à 22 999,66 euros ; sur cette somme, 6 061.04 euros n'ont pas été payés. La société Mic insurance fait observer qu'un échelonnement des paiements avait été convenu entre la Sci Deborah et la société Midbat, mais que seuls 500 euros représentant le premier terme avaient été payés. Cette allégation n'est pas contredite par la Sci Deborah.

4. La volonté du maître de l'ouvrage de ne pas accepter les travaux de la société Midbat, ressort suffisamment de ces différents éléments de sorte que c'est à tort que le jugement entrepris a considéré qu'il y avait eu réception tacite des travaux pour condamner la société Millenium Insurance Company, devenue Mic insurance, à payer à la Sci Deborah la somme de 23 500 € au titre de la reprise des désordres et a dit inopposable à la Sci Deborah la franchise contractuelle ; il sera infirmé de ces chefs.

Statuant à nouveau, la cour juge qu'en l'absence de réception par la Sci Deborah des travaux de la société Midbat, la demande tendant à voir la société Mic insurance condamnée sur le fondement de la garantie décennale doit être rejetée.

Sur la responsabilité de Mme [Z] :

5. La Sci Deborah forme contre Mme [Z] une demande de dommages et intérêts fondée à titre principal sur la responsabilité décennale et à titre subsidiaire sur la responsabilité contractuelle. Elle allègue des manquements à l'obligation de conseil, Mme [Z] n'ayant pas recommandé le recours à un maître d''uvre, ni informé la Sci Deborah qu'il était nécessaire que la société Midbat fasse réaliser des plans d'exécution.

Il a été précédemment jugé qu'il n'y avait pas eu de réception des travaux par le maître de l'ouvrage, ce qui fait obstacle à la mise en jeu de la responsabilité décennale de Mme [Z].

Cette dernière expose n'avoir commis aucune faute contractuelle tant en qualité d'architecte d'intérieur qu'en qualité de courtier en travaux.

6. Aux termes des articles 1103 et 1231-1 du code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » et « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »

7. En l'espèce, le contrat conclu entre Mme [Z], en qualité d'architecte d'intérieur, et le représentant de la Sci Déborah précise en ces termes la mission d'étude préliminaire en vue de la rénovation et l'aménagement d'une annexe :

« - Analyse du programme proposé, visite des lieux, remarques et observations

- Relevé des existants ou vérification des plans fournis par le maître d'ouvrage

- Esquisse du projet sous forme de document(s) graphique(s) sommaire(s)

- Présentation du Projet en 3D.

Sont exclues du présent contrat les missions de BET (étude des sols, béton, structure acoustique, fluide, etc.) ainsi que les missions de SPPS (Sécurité et Protection de la Santé). »

Ainsi rédigée, la mission, d'étude préliminaire d'un projet d'agencement intérieur est contractuellement limitée à la seule réalisation de plans d'aménagement de l'espace et ne prévoit pas la réalisation de ce projet. Les stipulations des parties ne mettent à la charge de Mme [Z] aucune autre obligation que celles en lien avec le résultat prévu au contrat, à savoir la conception d'un projet en 3D.

8. Quant au contrat de courtage, il oblige le courtier à trouver les prestataires susceptibles de répondre à la demande du client. Il exclut expressément toute mission de maîtrise d''uvre et de suivi de chantier.

Il s'ensuit qu'il ne découle de ces stipulations aucune obligation de conseil relativement à la nécessité de recourir à un maître d''uvre et à l'établissement de plan d'exécution.

9. C'est donc à bon droit que le jugement dont appel a rejeté la demande de dommages et intérêts de la Sci Deborah formée à l'encontre de Mme [Z] ; il sera confirmé de ce chef.

- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Mme [Z] :

10. Mme [Z] sollicite la condamnation de la Sci Deborah à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

11. Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

La faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice doit être établie par celui qui s'en prévaut.

12. En l'espèce, Mme [Z] allègues diverses malveillances qu'elle impute à la Sci Déborah. Pour l'essentiel, elle reproche à la Sci Deborah d'avoir agi contre elle, alors que les conclusions de l'expert vouaient selon elle cette action à l'échec. Ces seuls éléments ne suffisent pas à établir le caractère fautif de l'action en justice.

13. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; la décision entreprise sera confirmée de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

14. La Sci Deborah, partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel, en faisant droit à la demande présentée par Maître Alice Denis en lui accordant le bénéfice du droit de recouvrement direct des dépens, infirmant ainsi le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la compagnie Millenium Insurance Company, devenue Mic insurance, aux dépens de première instance.

15. L'infirmant également en sa disposition ayant condamné la société Mic Insurance à verser à la Sci Deborah la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, il sera fait droit à la demande de condamnation formulée par la société Mic insurance qui est en droit de réclamer l'indemnisation des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure, la Sci Deborah étant à cette fin condamnée à lui payer la somme réclamée de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 précité.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a condamné la Sci Deborah à verser à Mme [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance. Y ajoutant, la Sci Deborah sera condamnée à lui payer la somme de 3 000 euros sur le même fondement au titre des frais exposés en appel.

La Sci Deborah, partie tenue aux dépens, ne peut bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montauban le 10 novembre 2020 en ce qu'il a :

- débouté la Sci Deborah de ses demandes formées contre Mme [X] [Z],

- débouté Mme [X] [Z] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la Sci Deborah à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la Sci Deborah de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la garantie décennale à l'égard de la société Mic Insurance

Condamne la Sci Deborah aux dépens de première instance et d'appel.

Autorise Maître Alice Denis à recouvrer directement contre la Sci Deborah les frais dont elle a eu à faire l'avance sans avoir reçu provision,

Condamne la Sci Deborah à payer à la société Mic insurance la somme de 3 000 euros et à Mme [X] [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Déboute la Sci Deborah de sa propre demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/03800
Date de la décision : 19/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-19;20.03800 ?
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