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16/09/2022 | FRANCE | N°21/00414

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 16 septembre 2022, 21/00414


16/09/2022



ARRÊT N° 2022/411



N° RG 21/00414 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N6DO

SB/KS



Décision déférée du 17 Décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 18/01347)

S LOBRY

SECTION COMMERCE CH 2



















S.A.S. LES COMPAGNONS DE LA NATURE 31





C/



[P] [Z]





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1



***

ARRÊT DU SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.A.S. LES COMPAGNONS DE LA NATURE 3...

16/09/2022

ARRÊT N° 2022/411

N° RG 21/00414 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N6DO

SB/KS

Décision déférée du 17 Décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 18/01347)

S LOBRY

SECTION COMMERCE CH 2

S.A.S. LES COMPAGNONS DE LA NATURE 31

C/

[P] [Z]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A.S. LES COMPAGNONS DE LA NATURE 31

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Karine BENDAYAN, avocat au barreau de TOULOUSE et par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [P] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Pierre JULHE de la SELARL BEDRY- JULHE-BLANCHARD 'BJB', avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S.BLUME, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [Z] a été embauché le 1er août 1994 par la société Jardinerie Toulousaine en qualité d'employé horticole suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des jardineries et graineries.

Le contrat de travail a été transféré en 2015 à la SAS Les compagnons de la nature 31.

Par courrier du 16 février 2017, la société a notifié à M. [Z] un avertissement.

Le 12 mars 2018, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de M. [Z] à son poste de travail en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Après avoir été convoqué par courrier du 28 mars 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 7 avril 2018, M. [Z] a été licencié par courrier du 11 avril 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 21 août 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Commerce, par jugement

du 17 décembre 2020, a :

-dit que le licenciement est entâché de nullité,

-condamné la société Jardinerie Toulousaine, prise en la personne de son représentant légal, à payer à [P] [Z] les sommes suivantes :

*38 314,55 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

*3 542 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 354,20 euros au titre des congés payés y afférents,

*3 856,05 euros au titre de rappels de salaire, outre 385,61 euros à titre de congés payés afférents,

-dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l'article R 1454-28 du code du travail s'élève à 1 666,85 euros,

-rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu'elle ordonne le paiement de sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R 1454-14 du code du travail,

-ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 25 543 euros de la condamnation de la société Jardinerie Toulousaine à payer à [P] [Z] la somme de 38 314,55 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

-condamné la société Jardinerie Toulouse aux entiers dépens,

-condamné la société Jardinerie Toulousaine à payer à [P] [Z] la somme

de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par déclaration du 26 janvier 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 décembre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 19 octobre 2021, la SAS Les compagnons de la nature 31 demande à

la cour de :

-réformer dans son intégralité la décision déférée,

-juger que le licenciement de M. [Z] n'est pas entaché de nullité et repose sur une cause réelle et sérieuse,

-juger que l'avertissement du 16 février 2017 était justifié,

-juger n'y avoir lieu à un rappel de salaire au titre du coefficient 200 de la convention collective au bénéfice de M. [Z],

-débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-le condamner à payer à la société la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-le condamner aux entiers dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 20 juillet 2021, M. [P] [Z] demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement est entaché de nullité,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à M. [Z] :

*3 542 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 354,20 euros au titre des congés y afférents,

*3 856,05 euros au titre des rappels de salaires, ainsi que la somme de 385,61 euros au titre de des congés payés y afférents,

*2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

-sauf à juger que c'est la société Les compagnons de la nature 31 qui est condamnée à ces sommes et non la société Jardinerie Toulousaine comme indiqué par erreur dans le jugement du 17 décembre 2020,

-réformer le jugement pour le surplus et :

*juger que M. [Z] a été victime de harcèlement moral et condamner en conséquence la société à payer à M. [Z] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice spécifique subi pour harcèlement moral,

*annuler l'avertissement prononcé à l'encontre de M. [Z] le 16 février 2017,

*subsidiairement si la Cour ne confirme pas le jugement du 17 décembre 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement est entaché de nullité, juger que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-en tout état de cause,

*condamner la société à payer à M. [Z] la somme de 42 504 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail,

*ordonner la remise de bulletins de salaire conforme faisant apparaître une classification de chef de secteur coefficient 200 depuis le mois de février 2015, ainsi que la remise des documents sociaux et un bulletin de paie conforme correspondant aux rappels de salaire et règlement des indemnités conventionnelles mis à la charge de l'employeur, sous astreinte de 150 euros par jours de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

*condamner la société à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 13 mai 2022.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement

En application des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement m oral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits à et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article 1154-1 du code de travail dispose qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En vertu des dispositions légales précitées la reconnaissance du harcèlement moral suppose la réunion de trois conditions cumulatives :

- des agissements répétés

- une dégradation des conditions de travail

- une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou l'avenir professionnel du salarié

M.[Z] soutient avoir subi les faits suivants:

- des brimades et propos injurieux

- de nombreux reproches injustifiés de son supérieur devant ses collègues de travail

- un comportement agressif d'un supérieur hiérarchique le 15 février 2016 qui l'a poussé violemment et l'a fait trébucher

- une discrimination à raison de son alphabétisme

- une rétrogradation par la remise en question de sa fonction de chef de secteur et son placement sans son accord sous l'autorité hiérarchique de M.[T] ainsi qu'une diminution de son salaire

- des menaces de licenciement

- une sanction injustifiée le 16 février 2017

- l'absence d'envoi de ses bulletins de salaire pendant son arrêt maladie

- une dégradation de ses conditions de travail

- des arrêts de travail du 9 mars 2017 au 10 mars 2018 pour syndrôme dépressif

Pour corroborer ses griefs, le salarié produit les pièces suivantes':

- une attestation de M.[D] , apprenti, qui déclare qu'alors qu'il déchargeait de la marchandise avec M.[Z] dans la matinée du 15 février 2017, M.[T] leur a dit de façon agressive (sic):'putain qu'es vous branlez avec ces rolls moi je met 15 minutes pour les faire'. Il ajoute: 'personnellement, je me suis écarté car M.[T] était trop agressif! Ensuite j'ai vue M.[T] pousser M.[Z] qui a trébuché sur une poubelle .M.[Z] s'est relevé choqué par l'agression ensuite M.[T] est parti. Le jeudi 8 mars Mme [O] accompagnée de Mme [F] et de M.[T] et venu me voir avec son téléphone a la main entraint de filmer et ma dit de la suivre, tout en filmant Mme [O] a crié sur M.[Z] 'espèce de menteur qui ta écrit ton courrier', 'combien tu as payé' en l'insultant de voleur et d'imbécile.

M.[Z] est devenu tout rouge et a commencé a trembler. Tout en quittant les lieux Mme [O] a dit a M.[Z] 'je vais te virer' choqué M.[Z] a repris son travail.'

- une lettre adressée à son employeur le 2 mars 2017 dans laquelle M.[Z] relate des menaces de licenciement dont il a été l'objet, ainsi que le comportement injurieux et violent dont M.[T] a fait preuve à son encontre le 15 février 2017 , le poussant dans le dos au point de lui faire percuter les poubelles. Il fait également état d'un état de santé fragile contre indiquant le port de charges lourdes au risque de conduire à une rechute. Il demande à son employeur de recadrer M.[T].

- une lettre d'avertissement du 16 février 2017 dans laquelle l'employeur lui reproche son agressivité verbale et physique la veille et fait allusion à son analphabétisme en ces termes: 'prétextant que vous ne saviez ni lire ni écrire' ; 'il est dur de vous diriger de cette manière.'

- huit avis d'arrêt de travail entre le 9 mars 2017 et le 10 mars 2018.

- des certificats médicaux du Dr [N], psychiatre, des 3 et 31 juillet 2017,

9 janvier 2018 évoquant une dépression sévère avec propos délirants et suicidaires et relatant une situation de harcèlement moral évoquée par le salarié et les membres de sa famille.

- deux bulletins d'hospitalisation du 7 septembre au 9 octobre 2017, et du 2 février au 2 mars 2018 ainsi que les comptes rendus d'hospitalisation afférents.

La cour relève, tout comme les premiers juges, que les termes de la lettre de l'employeur du 16 février 2017, et notamment les passages cités par l'appelant, ne traduisent aucune stigmatisation du salarié pour son analphabétisme mais au contraire déplorent l'opposition du salarié aux propositions de l'employeur destinées à pallier les difficultés engendrées par son analphabétisme, et ce de façon légitime au regard du refus du salarié de s'inscrire à une formation proposée sur les produits phyto sanitaires alors même que l'employeur avait pris le soin d'inscrire ses deux neveux à la dite formation afin qu'il soit aidé en cas d'incompréhension, ainsi que le précise la lettre d'avertissement.

Les faits allégués de discrimination à raison de l'analphabétisme du salarié doivent donc être écartés.

S'agissant de la rétrogradation dont le salarié déclare avoir été l'objet, la diminution de salaire qu'il invoque ne procède que d'une simple allégation qui n'est objectivée par aucun élément matériel, notamment les bulletins de salaire. L'instauration d'une hiérarchie intermédiaire concrétisée par le recrutement de M.[T], relève du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas conditionnée par l'accord du salarié en dépit de l'affirmation contraire de celui-ci. Elle n'implique pas en soi une rétrogradation du salarié, d'autant qu'elle ne s'est pas accompagnée d'un changement avéré et concommitant au recrutement de M.[T] dans les tâches qui lui ont été dévolues.

Par suite, à l'exclusion des faits de discrimination et de rétrogradation dont la matérialité est écartée, les éléments ci-dessus évoqués pris en leur ensemble laissent présumer une situation de harcèlement moral.

Il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société réplique que l'attestation de M.[D] est dépourvue de force probante en considération des déclarations contraires et concordantes de M.[T] , adjoint de la directrice, et de Mme [F], salariée, qui font tout deux état du comportement agressif de M.[Z] à l'égard de M.[T] le 15 février 2017.

Toutefois, ainsi que le retient le conseil de prud'hommes au terme d'une juste analyse factuelle et juridique des témoignages et courriers produits de part et d'autre, l'attestation précise et circonstanciée rédigée par M.[D] - dont il n'est pas établi ni même allégué qu'il ait été en conflit avec l'employeur et animé d'un esprit de vengeance - dans des conditions de forme répondant aux exigences de la loi qui engagent la responsabilité de son auteur, met clairement en évidence, d'une part, l'agression physique de M.[Z] par M.[T] et les propos méprisants et insultants de celui-ci à l'égard de M.[Z] le 15 février 2017, d'autre part, les termes injurieux et irrespectueux adressés au salarié par la directrice Mme [O] ('menteur', 'voleur', 'imbécile')

le 8 mars 2017. Ce témoignage doté d'une force probante importante ne saurait être contrebattu par la simple remise à l'employeur le 15 mars 2017 d'un courrier dactylographié par M.[T], s'agissant du protagoniste directement mis en cause dans l'altercation du 15 février 2017 et dont l'impartialité est sujette à caution.

Il en va de même du courrier non manuscrit remis à l'employeur le 25 mars 2017 par Mme [F] dont la présence lors des faits litigieux , le matin du 15 février 2017, n'est signalée ni par M.[D], ni par M.[T] qui se contente d'évoquer la présence de Mme [F] lors d'une réunion l'après-midi.

Le comportement agressif et injurieux du supérieur hiérarchique du salarié

le 15 février 2017 ainsi que les injures de l'employeur à l'encontre du salarié le 8 mars 2017 caractérisent des agissements établis et répétés portant atteinte à la dignité de celui-ci.

S'agissant de la lettre d'avertissement du 6 mars 2017, il en résulte que l'employeur a sanctionné le comportement agressif de M.[Z] présenté comme étant à l'origine de l'altercation avec M.[T] du 15 février 2017 alors que la cour, aux termes des développements qui précèdent, retient sur la base du témoignage très précis et circonstancié de M.[D] la violence verbale et physique dont M.[T] a fait preuve à l'égard de M.[Z] le 15 février 2017. Aux termes de ses écritures devant la cour, l'employeur précise que l'attitude systématique d'opposition du salarié à la gérante qui est décrite dans la lettre du 6 mars 2017, n'est pas l'objet de la sanction; il n'y a donc pas lieu d'examiner ce point.

L'avertissement étant fondé sur un reproche non établi, il sera fait droit à la demande d'annulation de l'avertissement formée par le salarié.

Cette sanction injustifiée a contribué au processus de harcèlement.

S'agissant des tâches confiées au salarié, l'employeur affirme qu'il ne peut lui être reproché d'avoir confié au salarié des tâches nouvelles, contraires à un état de santé fragile prohibant le port de charges lourdes. Sur ce point, il démontre que le salarié a bénéficié d'un suivi médical régulier de la médecine du travail et qu'il a été déclaré apte après chaque visite médicale sans restriction. Ce reproche a donc été justement écarté par les premiers juges.

Quant au grief tiré de l'absence de remise des bulletins de salaire durant l'arrêt maladie du salarié, la société les compagnons de la nature 31 souligne à bon droit que les bulletins de paye sont quérables et non portables et qu'en tout état de cause la copie de ses bulletins depuis février 2017 lui a été adressée par courrier 4 janvier 2018, la proposition ayant par ailleurs été faite au salarié d'un envoi électronique.Ce grief est donc également écarté.

S'agissant des documents médicaux, l'employeur soutient que le médecin du salarié n'a pu effectuer de constatations sur le lieu de travail, contrairement à un médecin du travail, et qu'il ne peut établir de ce fait un lien de causalité entre l'état de santé déficient du salarié et son activité professionnelle. La cour constate pour autant à la lecture des avis d'arrêt de travail, des certificats médicaux et des deux compte rendus d'hospitalisation, que le salarié a été en arrêt maladie dès le 9 mars 2017, soit trois jours après la notification de l'avertissement, et ce pendant une durée d'un an. Cette temporalité met en évidence le lien manifeste entre les agissements susévoqués des mois de février et mars 2017 et les arrêts de travail qui établissent un fort ressenti psychologique du salarié marqué par des traits dépressifs sévères ayant nécessité deux hospitalisations.

Les agissements répétés de l'employeur (comportement agressif et méprisant du supérieur hiérarchique, les propos irrespectueux de l'employeur, la sanction injustifiée, une menace de licenciement), ont emporté une dégradation conséquente des conditions de travail et de l'état de santé du salarié . Ils caractérisent le harcèlement moral, à défaut par l'employeur d'y opposer des éléments objectifs exonératoires.

En conséquence, au regard de ces manquements graves, il y a lieu d'indemniser le salarié à hauteur de 4 000 euros pour harcèlement moral.

La dégradation des conditions de travail dans le contexte du harcèlement moral ayant conduit à l'inaptitude du salarié, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré nul le licenciement pour inaptitude.

Monsieur [Z] était âgé de 62 ans au moment de la rupture du contrat, disposait d'une ancienneté de 23 ans et 9 mois dans l'entreprise et percevait une rémunération mensuelle moyenne de 1 771,38 euros , en ce compris la rémunération des heures supplémentaires. Il lui sera alloué la somme de 38 314,55 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul, correspondant à 21 mois de salaire , outre 3 542 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 354,20 euros au titre des congés payés y afférents, par confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de reclassification

En cas de différend sur la catégorie professionnelle d'une convention collective qui doit être attribuée à un salarié, il convient de rechercher l'activité effectivement exercée par ceui-ci et la qualification qu'elle requiert.

En outre, il appartient au salarié d'apporter la preuve qu'il exerce effectivement les fonctions correspondant à la qualification qu'il revendique.

Le salarié dont les bulletins de salaire mentionnent la fonction de responsable de secteur et le classement au coefficient 160 de la convention collective nationale des jardineries et graineteries avec un salaire de base de 1550 euros, revendique le coefficient 200 qui est associé dans la convention collective à la fonction de chef de secteur, pour un salaire de base de 1666,85 euros.

Il est constaté sur la base de la classification conventionnelle que le coefficient 160 correspond à la fonction d'employé de jardinerie.

Selon la fiche métier de la branche des jardineries et graineteries, le responsable de secteur coordonne et organise les activités d'un groupe de rayons dans une jardinerie, définit et met en oeuvre une stratégie commerciale (assortiment de produits, tarification, actions commerciales...) et propose des actions correctrices pour atteindre les objectifs de rentabilité attendus, contrôle quotidiennement les résultats de son secteur, encadre et anime une équipe de 6 à 20 personnes responsables de rayons et vendeurs conseil, ce métier existant essentiellement dans les magasins de grandes tailles appartenant à une enseigne nationale.

Si l'ancienneté de 20 années acquise par M.[Z] au sein de l'entreprise lui confère indéniablement une expérience en vente et en horticulture, celui-ci ne produit aucun élément de nature à établir qu'il assurait des responsabilités de management d'une équipe, et de gestion des rayons avec le suivi du chiffre d'affaires impliquant notamment le suivi des marges, des stocks et coûts de personnel. Si la compétence du salarié n'est pas à remettre en cause, son analphabétisme était difficilement compatible avec l'accomplissement des tâches inhérentes à la fonction de chef de secteur.

Au-delà du seul intitulé de la fonction , le classement du salarié est dicté par la nature de son activité effective. A cet égard aucun des éléments produits par le salarié n'est en lien avec les tâches précitées relevant d'une fonction de chef de secteur. Il est constaté du reste que le médecin du travail, qui ne peut apprécier l'aptitude d'un salarié qu'au regard du poste occupé et des fonctions assurées, mentionne le poste de travail d'employé de pépinière dans les fiches médicales des 25 janvier 2017 et 12 mars 2018.

En conséquence, à défaut de démonstration par le salarié d'une activité relevant de la fonction de chef de secteur, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de reclassification sollicitée par le salarié et en ce qu'il a alloué des rappels de salaire sur ce point.

Il convient d'ordonner à la société Les compagnons de la nature 31 la remise des documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

Sur les frais et dépens

La société Les compagnons de la nature la nature, partie principalement perdante, sera

condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M.[Z] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La société Les compagnons de la nature 31 sera donc tenue de lui payer la somme globale de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.

La société Les compagnons de la nature 31 sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Le jugement entrepris est infirmé en ses dispositions relatives aux frais et dépens de première instance mis à la charge de la société Jardinerie Toulousaine.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement , en dernier ressort

Infirme le jugement déféré en ses dispositions ayant condamné la société Jardinerie Toulousaine à payer à M.[Z] la somme de 3 856,05 euros à titre de rappel de salaire, et en celles concernant les frais et dépens

Le confirme pour le surplus sauf à dire que les condamnations confirmées sont prononcées à l'encontre de la SAS Les Compagnons de la Nature 31 et non de la société Jardinerie Toulousaine

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant

Déboute M.[P] [Z] de sa demande de rappel de salaire

Annule l'avertissement notifié le 16 février 2017

Condamne la SAS Les Compagnons de la Nature 31à payer à M.[P] [Z] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Ordonne la remise sans astreinte par la SAS Les Compagnons de la Nature 31 à M.[P] [Z] des documents sociaux de fin de contrat conformes au présent arrêt

Condamne la SAS Les Compagnons de la Nature 31 à payer à M.[P] [Z] la somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel

Condamne la SAS Les Compagnons de la Nature 31 au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00414
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.00414 ?
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