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12/09/2022 | FRANCE | N°20/02956

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 12 septembre 2022, 20/02956


12/09/2022





ARRÊT N°



N° RG 20/02956 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NZIA

MD/NB



Décision déférée du 17 Avril 2014 - Tribunal de Grande Instance d'AGEN - 11/02720



















Association INTERPROFESSION DES VINS





C/



S.C.E.A. DOMAINE [Adresse 7]



COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATION D'ORIGINE ET A INDICATION GEOGRAPHIQUE



























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



DEMANDEUR SUR ...

12/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/02956 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NZIA

MD/NB

Décision déférée du 17 Avril 2014 - Tribunal de Grande Instance d'AGEN - 11/02720

Association INTERPROFESSION DES VINS

C/

S.C.E.A. DOMAINE [Adresse 7]

COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS A APPELLATION D'ORIGINE ET A INDICATION GEOGRAPHIQUE

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

Association INTERPROFESSION DES VINS DE [Localité 5] ET [Localité 6] (IVBD), représentée par son représentant légal domicilié en cettequalité au siège social

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

DEFENDEUR SUR RENVOI DE CASSATION

S.C.E.A. DOMAINE [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE

COMITE NATIONAL DES INTERPROFESSIONS DES VINS À APPELLATION D'ORIGINE ET À INDICATION GEOGRAPHIQUE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me. Franck MALET de la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me. Yelena TRIFOUNOVITCH de la SAS BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, Président et S. LECLERCQ, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L'Interprofession des Vins de [Localité 5] et de [Localité 6], ci-après « IVBD », initialement dénommée Union interprofessionnelle des vins de [Localité 6] (« UIVD ») puis Conseil Interprofessionnel des vins de [Localité 6] (« CID ») est une organisation interprofessionnelle dans le secteur des vins d'appellation d'origine contrôlée.

L'article L. 632-6 du code rural dans sa rédaction alors applicable au litige qui l'oppose à la Scea Domaine [Adresse 7], viticulteur bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée « Côtes de [Localité 6] », dispose que les organisations interprofessionnelles reconnues sont habilitées à prélever sur les membres de la profession les cotisations obligatoires nées des accords étendus selon la procédure fixée par les articles L.632-3 et L. 632-4 mais qui sont toutefois des créances de droits privé. Ses missions sont donc financées par des cotisations volontaires obligatoires (CVO).

Par acte d'huissier en date du 4 juillet 2011, la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7] a fait assigner l'union interprofessionnelle des vins 'Côtes du [Localité 6]' (UIVD) devant le tribunal de grande instance d'Agen aux fins de la voir condamner au remboursement des cotisations volontaires obligatoires versées de 2008 à 2012 qu'elle considère comme étant illégales.

Par jugement contradictoire du 17 avril 2014, le tribunal de grande instance d'Agen a :

- déclaré recevables les conclusions signifiées le 10 décembre 2013 par le conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' et celles signifiées le 17 février 2014 par la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7],

- rejeté le moyen tiré de la non-conformité des cotisations volontaires obligatoires au droit communautaire,

- rejeté le moyen tiré de l'incompatibilité des cotisations volontaires obligatoires au regard des principes protégés par la convention européenne de sauvagarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,

- rejeté la question préjudicielle au juge administratif,

- dit que la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7] est redevable de cotisations volontaires obligatoires au profit du conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' venant aux droits de l'union interprofessionnelle des vins 'Côtes du [Localité 6]',

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en répétition de l'indu des cotisations versées par la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7] au profit du conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' venant aux droits de l'union interprofessionnelle des vins 'Côtes du [Localité 6]' antérieurement au 4 juillet 2007,

- débouté la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7] de sa demande en condamnation du conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' venant aux droits de l'union interprofessionnelle des vins 'Côtes du [Localité 6]' au titre des cotisations indûment versées sur la période du 4 juillet 2007 au 30 novembre 2008,

- débouté le conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' venant aux droits de l'union interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' de sa demande reconventionnelle en condamnation de la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7],

- débouté les parties de 'leurs demandes plus amples ou contraires',

- rejeté les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7] aux dépens.

Par déclaration en date du 15 septembre 2014, le conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' a relevé appel de ce jugement.

Par un arrêt avant dire droit en date du 8 février 2017, la cour d'appel d'Agen a :

- dit recevable l'appel de l'interprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] (IVBD) anciennement l'union interprofessionnelle des vins 'Côtes de [Localité 6]',

- dit irrecevable la demande au titre de la question préjudicielle,

Avant dire droit sur les autres demandes,

- invité la Scea Domaine [Adresse 7] à répondre aux conclusions développées par l'IVBD sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des prétentions et moyens nouveaux développés pour la première fois devant la cour et a renvoyé à cette fin l'affaire à la mise en état,

Par un arrêt contradictoire du 17 septembre 2018, la cour d'appel d'Agen a :

- débouté la Scea Domaine [Adresse 7] de l'ensemble 'de ses moyens',

- confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté le conseil interprofessionnel des vins 'Côtes du [Localité 6]' devenu l'interprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] de sa demande de condamnation au titre des cotisations volontaires obligatoires,

Statuant à nouveau,

- condamné la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à l'interprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] anciennement dénommée union interprofessionnelle des vins 'Côtes de [Localité 6]' la somme de 25 492, 60 euros avec intérêt au taux légal à compter du 8 février 2011 pour les sommes dues à cette date et de l'arrêt pour le surplus,

- condamné la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à l'interprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] anciennement dénommée l'union interprofessionnelle des vins 'Côtes de [Localité 6]' la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Scea Domaine [Adresse 7] aux entiers dépens et autorise Maître Dauriac à recouvrer les siens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Scea Domaine [Adresse 7] a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Agen en reprochant à celui-ci d'avoir accueilli la demande reconventionnelle en paiement de l'association, alors « que le juge saisi du contrôle de proportionnalité doit apprécier de manière concrète le rapport raisonnable entre l'atteinte à un droit garanti par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la justification de cette atteinte' et qu'en 'se bornant à affirmer péremptoirement que la victime de l'atteinte ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, de l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens tirés et le but visé, lorsqu'elle était saisie d'un moyen de la société qui montrait que les cotisations, appliquées de manière uniforme, s'élevaient à près du tiers de son résultat net et ce sans véritable contrepartie', et d'avoir ainsi violé l'article premier du premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Suivant arrêt rendu le 23 septembre 2020, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Agen mais seulement en ce qu'il a condamné la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7] à payer à l'association Interprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] la somme de 25 492,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011 pour les sommes dues à cette date, remettant, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et a renvoyé ces dernières devant la cour d'appel de Toulouse.

La Cour de cassation a rappelé qu'en application des articles L. 632-1 et L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime les organisations interprofessionnelles agricoles reconnues par l'autorité administrative compétente sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime et que selon l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international, de tels principes ne portant pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

La Cour de cassation a précisé que pour être compatible avec ce texte, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, même lorsque se trouve en cause le droit qu'ont les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions. Elle a ajouté que doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, arrêt du 16 novembre 2010, Perdiga o c. France [GC], n° 24768/06, §§ 63 et 64).

Elle a jugé qu'il en résultait que la perception de cotisations volontaires obligatoires par une organisation interprofessionnelle agricole doit répondre à ces exigences et qu'il incombe au juge saisi d'apprécier lui-même, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par la société et le but poursuivi par l'association de telle sorte que la cour d'appel, qui a fait peser sur la société la charge de démontrer l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par la société et le but poursuivi par l'association, a violé les textes susvisés.

Par déclaration en date du 30 octobre 2020, l'association lnterprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] (IVBD) a saisi la cour d'appel de Toulouse.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 avril 2022, l'association Interprofession des vins de [Localité 5] et [Localité 6] (IVBD) anciennement dénommée Conseil interprofessionnel des vins du [Localité 6] (CID), anciennement dénommée Union interprofessionnelle des vins Côtes du [Localité 6] (UIVD) appelante, demande à la cour, au visa des articles L. 632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, et de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de :

À titre principal,

- transmettre au juge administratif compétent une question préjudicielle qui pourrait être formulée comme suit : « Les arrêtés du ministre de l'agriculture ayant étendu les accords interprofessionnels triennaux et avenants de campagne conclus par l'IVBD entre 2006 et 2012, et fixant le montant des contributions volontaires obligataires (CVO) dues à l'interprofession sur la période correspondante, respectent-ils les exigences de proportionnalité issues, notamment, de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ' » ;

Le cas échéant,

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif,

En conséquence de la décision à venir du juge administratif,

- juger que le montant des CVO dues en l'espèce par Scea Domaine [Adresse 7] respecte l'exigence de proportionnalité qui découle, notamment, de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle en condamnation de la Scea Domaine [Adresse 7] ;

- condamner la Scea Domaine [Adresse 7] à lui payer la somme en principal de 25 492,60 euros au titre des cotisations dues de 2008 à 2012 assortie des intérêts légaux ;

À titre subsidiaire,

- examiner elle-même les arrêtés ministériels ayant étendu les accords professionnels triennaux et avenants de campagne conclus par l'IVBD entre 2006 et 2012 ;

- juger que les CVO rendus obligatoires par ces arrêtés respectent bien l'exigence de proportionnalité qui découle, notamment, de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle en condamnation de la Scea Domaine [Adresse 7] ;

- condamner la Scea Domaine [Adresse 7] à lui payer la somme en principal de 25 492,60 euros au titre des cotisations dues de 2008 à 2012 assortie des intérêts légaux ;

À titre infiniment subsidiaire,

- vérifier elle-même, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par la société et le but qu'elle poursuit ;

Au vu des éléments concrets figurant au dossier,

- juger que cette exigence de proportionnalité est parfaitement remplie en l'espèce ;

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle en condamnation de la Scea Domaine [Adresse 7] ;

- condamner la Scea Domaine [Adresse 7] à lui payer la somme en principal de 25 492,60 euros au titre des cotisations dues de 2008 à 2012 assortie des intérêts légaux ;

- rejeter la demande de la Scea Domaine [Adresse 7] visant à voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;

En tout état de cause,

- juger irrecevable la demande reconventionnelle de la Scea Domaine [Adresse 7] en répétition de l'indu ;

Par conséquent,

- débouter la Scea Domaine [Adresse 7] de sa demande reconventionnelle en restitution des CVO d'un montant de 19 592,50 euros ;

- condamner la Scea Domaine [Adresse 7] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Mallet sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d'intervention volontaire du 26 février 2021et uniques écritures, le Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV) a demandé à la cour de :

- 'dire et juger' l'intervention volontaire accessoire du CNIV recevable et bien fondée,

- de faire droit à l'ensemble des demandes de l'IVBD notamment en ce qu'elles ont pour objet de :

' transmettre au juge administratif compétent une quesiton préjudicielle portant sur la légalité des arrêts du ministre de l'agriculture ayant étendu les accords interprofessionnels triennaux et avenants de campagne conclus par l'IVBD entre 2006 et 2012, et fixant le montant des CVO due à l'interprofession sur la période correspondante,

' surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge administratif,

' en conséquence de la décision à venir du juge administratif, constater que le montant des CVO dues en l'espèce par la Scea Domaine [Adresse 7] est proportionné,

' infirmer le jugement rendu le 17 avril 2014 par le tribunal de grande instance d'Agen et dont l'IVBD a interjeté appel, en ce qu'il a débouté le CID (devenu l'IVBD) de sa demande reconventionnelle en condamnation de la Scea Domaine [Adresse 7],

- condamner la Scea Domaine [Adresse 7] aux entiers dépens,

- condamner la Scea Domaine [Adresse 7] à payer au CNIV la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 avril 2022, la société civile d'exploitation agricole Domaine [Adresse 7], intimée, demande à la cour au visa des articles L. 632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, du règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013, de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et des articles 1302 et suivants du code civil, de :

- déclarer irrecevable la demande de transmission de question préjudicielle du juge administratif,

- rejeter cette demande de transmission au motif qu'elle ne précise pas quel juge administratif en est destinataire et parce qu'elle n'est pas fondée, aucune appréciation de légalité d'un acte administratif n'étant requise pour la résolution du litige,

- déclarer irrecevable l'intervention volontaire du CNIV,

Au fond,

- débouter l'IVBD de toutes ses demandes en ce qu'elle ne démontre pas qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations exigées de la société et le but poursuivi par l'association,

- débouter l'IVBD de sa demande de condamnation à son encontre au titre des CVO,

à titre subsidiaire,

- ordonner la désignation de tel expert judiciaire en comptabilité et/ou finance d'entreprise qu'il plaira avec pour mission de se faire communiquer toutes les pièces de la procédure et d'éclairer la juridiction sur le but poursuivi par l'association, sur le caractère effectif des missions réalisées, sur la rationalité économique de son fonctionnement et ainsi permettre à la cour d'apprécier s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre ce but et le montant des cotisations exigées auprès d'elle,

- débouter l'IVBD de l'ensemble de ses demandes,

- débouter le CNIV de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- débouter l'IVBD de ses demandes en ce que les avenants de campagne des années 2007-2012 inclus sont irréguliers à défaut de production des assemblées générales ayant délibéré sur le montant des CVO applicables, et qu'ils sont signés par des représentants qui n'ont pas été régulièrement désignés à cette fin,

- débouter l'IVBD de ses demande en ce que l'avenant de campagne 2007/2008 est irrégulier comme ayant été signé avant toute délibération de l'assemblée générale extraordinaire et l'avenant de campagne 2011/2012 ne comporte pas le nom du signataire censé représenté le collège 'producteur',

- débouter l'IVBD de ses demandes en ce qu'elle n'est pas fondée à demander sa condamnation en paiement au titre des CVO, ne disposant d'aucune créance licite,

Reconventionnellement,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a debouté de sa demande de remboursement au titre de la répétition de l'indu,

- condamner l'IVBD à lui payer la somme de 19 592, 20 euros au titre de la répétition de l'indu,

- condamner l'IVBD et le CNIV à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

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L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 avril 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 9 mai 2022.

MOTIVATION

- sur la recevabilité de l'intervention du CNIV :

1. L'article 330 du code de procédure civile dispose notamment : 'L'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie.

Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

[...]'.

2. La Scea Domaine [Adresse 7] soutient que la conservation des droits du CNIV n'est nullement menacée par la présente instance considérant que cette dernière a pour objet d'éviter aux opérateurs des prélèvements arbitrairement évalués.

Au soutien de la recevabilité de son intervention, le CNIV rappelle que l'IVBD est l'une des interprofessions viticoles membres du comité dont l'un des objets statutaires et d'assurer la représentation en justice des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique. Il considère que le présent litige pose des questions nouvelles concernant l'ensemble de la profession en ajoutant qu'il a la qualité de tiers au jugement de première instance etqu'il est recevable à agir pour la première fois devant la cour de renvoi.

3. Le CNIV qui a notamment pour objet de concevoir, coordonner et mettre en oeuvre toutes actions décidées en commun notamment au niveau national et d'assurer toutes liaisons et procéder à tous échanges d'information entre les membres, a un intérêt à intervenir dans une instance soulevant une question de principe dont la solution est suceptible d'être étendue à tous ses membres comme en l'espèce s'agissant de l'étendue du contrôle de proportionnalité

des contributions volontaires obligatoires et sur la compétence du juge judiciaire pour exercer un tel contrôle.

4. L'intervention volontaire à titre accessoire du CNIV en phase d'appel sur renvoi de cassation, tiers à la décision de première instance, est recevable.

- sur l'étendue de la cassation saisissant la cour de renvoi :

5. La Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel d'Agen rendu le 17 septembre 2018 seulement en ce qu'il a condamné la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à l'association IVBD la somme de 25 492,60 euros avec intérêts au taux légal à compter le 8 février 2011 pour les sommes dues à cette date et à compter de l'arrêt pour le surplus.

- sur la question préjudicielle au juge administratif sollicitée par l'association IVBD :

6. La cour d'appel d'Agen avait, dans son arrêt mixte du 8 février 2017, à la demande de l'association IVBD, définitivement jugé irrecevable la demande de question préjudicielle soulevée devant elle par l'intimée à savoir la Scea Domaine [Adresse 7] au motif que la procédure de la question préjudicielle relève du régime des exceptions de procédure qui, conformément aux dispositions des articles 74 et 75 du code de procédure civile, doivent être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, à peine d'irrecevabilité.

Pour mémoire, cette question préjudicielle visait à déférer devant le Conseil d'État la question de la légalité des arrêtés des 7 avril 2008, 22 juin 2009 et 6 avril 2010 relatifs à l'extension des avenants conclus dans le cadre de l'union interprofessionnelle des 'Côtes de [Localité 6]' portant sur le montant de la cotisation interprofessionnelle pour les campagnes successives entre 2007 et 2012 et ce, au regard de leur atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution du 4 octobre 1958, notamment dans son préambule reprenant la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi qu'aux principes généraux du droit et plus particulièrement aux principes de l'égalité devant le loi et devant les charges publiques.

7. Devant la cour de renvoi, l'association IVBD demande à son tour de saisir la juridiction adminitrative d'une question préjudicielle et soutient que celle-ci est recevable au motif que la question de la conformité des arrêtés d'extension en cause à l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondammentales, se pose exclusivement en raison de la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 23 septembre 2020 et, par voie de conséquence, pour la première fois au stade de la procédure de renvoi.

La Scea Domaine [Adresse 7] soutient que cette demande est irrecevable dès lors, d'une part que le moyen tiré de la violation de l'article 1er du premier protocole précité et de l'absence de proportionnalité entre les contributions volontaires obligatoires et les missions de l'association a déjà été soulevée devant le juge du fond et, d'autre part qu'une telle demande reviendrait à demander à la cour d'appel de renvoi de statuer sur une question de droit déjà tranchée par la Cour de cassation.

8. Pour échapper à l'irrecevabilité ainsi soulevée, la question préjudicielle sollicitée devant la cour d'appel de renvoi doit reposer sur un fait nouveau qui n'ait pas été débattu en première instance ou devant la cour d'appel avant cassation.

8.1 Devant la cour d'appel d'Agen, la question précédemment rappelée portait sur le principe-même de l'extension des contributions volontaires obligatoires, et plus précisément sur la conformité de ce mécanisme aux droits et libertés constitutionnels ainsi qu'au principe d'égalité devant les charges publiques.

8.2 La question que soulève l'IVBD dans le cadre du présent renvoi, porte quant à elle sur la légalité des arrêtés ministériels ayant étendus entre 2006 et 2012 les accords interprofessionnels de l'IVBD, en tant qu'ils sont susceptibles d'avoir rendu obligatoires des contributions volontaires obligatoires dont le niveau méconnaitrait l'exigence de proportionnalité issue de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Il résulte de la lecture de l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 17 septembre 2018 que cette dernière était saisie par la Scea Domaine [Adresse 7] du moyen tiré de la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegard des libertés fondamentales et spécialement de la question du rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, la Scea Domaine [Adresse 7] reprochant à l'IVBD à titre principal de ne pouvoir justifier de ses missions d'intérêt général, plus précisément de démontrer ce rapport de proportionnalité.

Dans ses dernières conclusions devant la cour d'appel d'Agen, l'IVBD avait conclu au rejet de ce moyen en discutant abondamment l'application à la cause de la jurisprudence évoquée de la Cour européenne des droits de l'Homme principalement sur la notion d'intérêt général (cf. p. 39 à 53 des conclusions additives et récapitulatives n° 4) et s'est prononcée sur le fond en indiquant 'Quant au rapport de proportionnalité nécessaire entre les objectifs d'intérêt général poursuivis et l'atteinte portée au droit de propriété, il relève de l'évidence. L'assujetti à la cotisation recouvrée par l'IVBD, parce qu'il est par définition un professionnel de la filière viticole, fait partie du premier cercle des bénéficiaires des actions financées, alors que la cotisation étendue par les pouvoirs publics, constitutive de l'atteinte portée au droit de propriété, se trouve être d'un montant modique' en ajoutant 'Il est par conséquent demandé à la cour d'appel de juger que les arrêtés d'extension litigieux sont conformes à l'article 1er additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme au motif que l'atteinte au droit de propriété qu'ils permettent procède de considérations d'intérêt général conformément à cette disposition et qu'une proportionnalité a été préservée en l'occurence entre les exigences de l'intérêt général et l'intérêt des assujettis à la cotisation interprofessionnelle' (p.53 ibidem).

8.3 La cassation prononcée par l'arrêt du 23 septembre 2020 ne porte que sur l'inversion de la charge de la preuve de l'absence de rapport raisonnable de proportionnalité et n'apporte aucun élément nouveau de nature à rendre recevable devant la cour de renvoi l'exception de procédure tirée de la saisine de la juridiction administrative aux fins de question préjudicielle sur la légalité des arrêtés litigieux que l'IVBD demandait à la cour d'appel d'Agen de juger conformes aux normes conventionnelles.

Il suit de ces constatations que la question préjudicielle administrative soulevée par l'IVBD doit être déclarée irrecevable pour avoir été présentée en méconnaissance des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile.

- sur la demande aux fins de condamnation de la Scea Domaine [Adresse 7] au paiement de cotisations volontaires obligatoires dues au titre des années 2008-2012 :

9. Il sera rappelé à titre liminaire que le tribunal de grande instance d'Agen avait été saisi par la Scea Domaine [Adresse 7] aux fins de remboursement des cotisations versées l'Union inteprofessionnelle des vins 'Côtes de [Localité 6]' qu'elle considérait comme illégales, le premier juge ayant déclaré par jugement définitivement confirmé sur ce point par la cour d'appel d'Agen, irrecevable une telle action pour les cotisations versées antérieurement au 4 juillet 2007 et mal fondée pour les cotisations versées sur la période du 4 juillet 2007 au 30 novembre 2008.

Le tribunal de grande instance d'Agen avait par ailleurs débouté le CID, devenu par la suite IVBD de sa demande reconventionnelle de condamnation de la Scea Domaine [Adresse 7] en paiement des cotisations postérieures pour un montant en principal de 25 492,60 euros. Ce chef de décision qui a été infirmé par la cour d'appel d'Agen suivant arrêt cassé sur cet unique point par la Cour de cassation, constitue la demande dont est principalement saisie la cour de renvoi.

10. Il est constant que les cotisations litigieuses ont été appelées auprès de la Scea Domaine [Adresse 7], viticulteur membre de l'UIVD, organisation interprofessionnelle agricole reconnue par l'autorité administrative et habilitée à les prélever en vertu de l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige, lesdites cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 du même code et 'qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé'.

11. L'arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2020 précise que, pour être compatible avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondammentales, une atteinte au droit d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences d'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondemmentaux de l'individu, un rapport raisonnable de proportionnalité devant exister entre les moyens employés et le but visé.

12. Se fondant sur la charge de la preuve incombant à l'IVBD, rappelée par la cassation prononcée, la Scea Domaine [Adresse 7] a soutenu que cet organisme ne justifiait pas autrement que par des formules floues la réalisation des missions et objectifs théoriques ni même leur contour, considérant notamment que, par leur objet, les contributions volontaires obligatoires prélevées par l'IVBD financeraient des prestations identiques à celles de l'organisme de défense et de gestion (ODG) assurées par le Syndicat des vins de [Localité 6] et que, sur leur montant, se pose la question de leur part disprorportionnée dans le budget du cotisant.

13. Il résulte des pièces versées au dossier que l'association IVBD, née du rapprochement de l'interprofession des appellations de vins de [Localité 5] (CIVRB) et de [Localité 6] (CID anciennement UIVD) entités dûment reconnues par arrêtés ministériels comme organisations interprofessionnelles au sens de la loi n° 75-600 du 10 juillet 1975, dispose en application de l'article 14 de ses statuts, d'un budget composé des cotisations interprofessionnelles, de la vente de produits et services, de produits de placements financiers, de dons et subventions.

13.1 Les accords interprofessionnels relatifs à l'organisation économique du marché des vins A.O.C. Côtes de [Localité 6] prévoient la perception d'une cotisation pour le compte de cet organisme auprès des opérateurs de l'aire AOC et dont le montant est fixé en début de chaque année civile par avenant soumis à extension au sens de l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime et dont l'assiette est faite sur une base déclarative par le cotisant ou, à défaut de déclaration, d'office par référence aux volumes attribués au professionnel concerné lors de la ou des campagnes antérieures.

13.2 Suivant décisions des assemblées générales extraordinaires de l'UIVD pour chacune des années visées dans la demande en paiement (2008 à 2012), le montant de base de la cotisation était de 2,22 euros TTC par hectolitre pour chacune des différentes catégories de vins de [Localité 6], porté à 2,27 euros TTC pour la campagne 2011-2012.

Ces décisions ont été votées à l'unanimité par la formation plénière compétente de l'association à laquelle il n'est pas contesté que la Scea Domaine [Adresse 7] a été dûment appelée à participer et voter.

14. L'article 4 des statuts de l'UIVD du 22 décembre 2007, en vigueur pour la période concernée, avait 'notamment pour objet la mise en 'uvre de l'article 41 du Règlement Communautaire n°1493/99 du 17 mai 1999, tel que modifié, et des articles L.632-1 du Code rural et suivants du code rural'. L'articie 41 précité prévoit les missions suivantes :

'i) amélioration de la connaissance et de la transparence de la production et du marché ;

ii) contribution à une meilleure coordination de la mise sur le marché des produits, notamment

par des recherches et des études de marché ;

iii) élaboration de contrats types compatibles avec la réglementation communautaire ;

iv) intensification de la mise en valeur du potentiel de production ;

v) informations et recherches nécessaires à l'orientation de la production vers des produits plus

adaptés aux besoins du marché et aux goûts et aspirations des consommateurs, notamment

en matière de qualité des produits et de protection de l'environnement ;

vi) recherche de méthodes permettant de limiter l'usage des produits phytosanitaires et d'autres

intrants et garantissant la qualité des produits ainsi que la préservation des sols et des eaux;

vii) mise au point de méthodes et d'instruments pour améliorer la qualité des produits à tous les stades de la production, de la vinification et de la commercialisation ;

viii) mise en valeur et protection de l'agriculture biologique et des appellations d'origine, labels

de qualité et indications géographiques ;

ix) promotion, notamment, de la production intégrée ou d'autres méthodes de production

respectueuses de l'environnement.'

14.1 Ainsi que le soutient à juste titre l'IVBD, les missions des interprofessions figurent aux articles L. 632-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et celles des organismes de défense et de gestion dépendant des syndicats de producteurs sont fixées aux articles L. 642-17 à L.642-26 du même code.

L'interprofession a pour objet, notamment, en vertu du réglement communautaire précité de développer l'information et la promotion des vins sur les marchés intérieurs et extérieurs. L'organisme de défense de gestion a pour sa part une mission de gestion de l'appellation d'origine contrôlée. Il n'est pas discuté que, l'activité du syndicat des producteurs de vin, au sein duquel tout viticulteur souscrivant une déclaration de récolte ou récoltant vinificateur soucrivant une déclaration de vinification, produisant ainsi des vins d'appelation d'origine contrôlée 'Côte de [Localité 6]' est membre de droit, se caractérise par la rédaction du cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée « Côtes de [Localité 6] » et le contrôle du respect de ce cahier des charges. Cet organisme participe, en outre, aux actions de défense et de protection du nom et à la valorisation des vins.

L'article L. 642-22 du code rural et de la pêche maritime précise notamment que l'ensemble des missions des organismes de défense et de gestion s'exerce dans la limite des missions exercées par les organisations interprofessionnelles au sein desquelles les producteurs des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine sont représentés.

La coexistence de ces deux entités et l'adhésion du viticulteur à celles-ci, donnant lieu au versement à chacune de cotisations, répondent donc à des objectifs distincts et le cumul de ces cotisations ne doit donc pas être considéré par principe comme excessif.

14.2 La proportionnalité est donc à rechercher concrètement dans l'existence d'un juste équilibre entre l'avantage procuré à l'adhérent de l'activité réellement exercée conformément à son objet et le montant de la cotisation.

Il ressort des pièces produites par l'association, à titre d'exemple sur la période concernée par la demande, qu'au 31 juillet 2009, le compte de résultats pour l'exercice du 1er août 2008 au 1er août 2009, fait apparaître un produit d'exploitation au titre des cotisations d'un montant de 156 728 euros et des subventions liées aux promotions d'un montant de 85 217 euros parallèlement à des charges d'exploitation pour les seules promotions d'un montant total de 165 340 euros. Le résultat total de l'exercice s'est élevé à la somme de 1 020 euros, l'examen des charges d'exploitation liées au fonctionnement de l'association ne révélant aucune anomalie au regard de la taille et de l'objet de celle-ci.

Les comptes rendus des assemblées générales présentent les activités menées par l'UIVD tant dans le cadre de manifestations publiques (Fête des vins), les relations avec les différents interlocuteurs publics ou privés pour la participation à des actions collectives en lien avec la promotion du vin de [Localité 6], le recours à un cabinet de marketing pour la réalisation de vidéos de promotions et d'accompagnement des vignerons dans les démarches de promotions suivant un programme développé dans le compte rendu de 2009. L'association produit aussi un compte rendu du conseil d'administration du 13 avril 2010 relatif à l'adoption d'un plan triennal de communication sous l'égide d'une agence spécialisée avec la création de kits publicitaires, de guides, l'achat d'espaces média, d'actions de dégustations et d'envoi d'échantillons qui ont nécessairement vocation à profiter à l'ensemble des viticulteurs bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée des vins de [Localité 6].

Les autres pièces comptables relatives à la période concernée ne sont pas de nature à infirmer ce constat même si ces pièces adoptent une autre présentation ne faisant pas apparaître clairement le montant des cotisations dès lors que l'activité de l'association se poursuit dans les mêmes conditions et les mêmes volumes, la proportionnalité au centre du présent litige ne portant pas sur la qualité de la gestion de l'organisme étant par ailleurs constaté que le commissaire au compte a attesté n'avoir aucune observation critique à formuler sur la sincérité et la régularité des comptes annuels au regard des normes comptables et que ceux-ci donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ains que sur la situation du patrimoine de l'association en fin d'exercice 2010.

Il est produit par ailleurs divers documents (dossiers de presse, capture de site internet, dossiers de communication et justification de présence à des activités) traduisant la portée de ce travail de promotion soit sur la collectivité des adhérents (liste d'articles de presse parus entre 2011 et 2013) soit directement sur ses membres par la mention de la Scea Domaine [Adresse 7] sur divers dépliants ou listings de producteurs ou dans le cadre de la participation aux dégustations du guide Hachette, certes postérieurement à la période concernée par le litige, mais confirmant l'appui concret et utile de l'interprofession dans la promotion de la production de ses membres. La critique de la société intimée portant sur le fait qu'elle n'aurait pas bénéficié de l'opération commerciale dans les établissements de la marque Auchan en 2018 est contredite par les pièces produites (n° 81 et 108) faisant état d'une commercialisation de 3 000 bouteilles de sa production à cette occasion.

Si cette promotion est postérieure à la période concernée, elle illustre la permanence du service rendu même après la naissance du présent litige ainsi que la réalité de l'activité de promotion et la portée concrète des retombées pour la société intimée. L'allégation de pressions ou d'interventions préjudiciables à l'activité de l'intimée, au demeurant non démontrées, en réponse à la position de la Scea Domaine [Adresse 7] dans ce dossier, en est d'autant indifférente à l'appréciation de la question soumise à la cour sur la proportionnalité des cotisations appelées entre 2008 et 2012.

14.3 La société Domaine [Adresse 7] affirme qu'elle a exposé pour la période du 1er août 2018 au 31 juillet 2019 la somme totale de 548 000 euros au titres des 'frais de commercialisation, actions de promotion et vente de vin' en produisant une attestation de son expert-comptable intégrant des coûts salariaux (165 000 euros), des frais d'emballages du vin (126 282 euros) qui ne sont en réalité que des charges générales d'exploitation et enfin des 'charges courantes liées à la commercialisation, à la promotion et à la vente au détail' (256 218 euros) dans lesquelles elle intègre des frais postaux, de frais de véhicules, des frais de livraisons à l'étranger et des charges courantes liées à la chaîne de mise en bouteille (158 505 euros), autant de postes étrangers par nature à l'objet de la promotion proprement dite.

En réalité, l'intimée ne produit pas ses comptes pour les années concernant les cotisations réclamées mais des attestations comptables faisant apparaître pour les seuls exercices suivants :

- 1er août 2007 au 31 juillet 2008 :

' chiffre d'affaires : 1 301 047,93 euros

' résultat net comptable : 30 105,12 euros

- 1er août 2008 au 31 juillet 2009 :

' chiffre d'affaires : 1 408 434,41 euros

' résultat net comptable : 8 553,05 euros

- 1er août 2009 au 31 juillet 2010 :

' chiffre d'affaires : 1 324 693,83 euros

' résultat net comptable : 48 956,10 euros

Il sera rappelé que le montant de la créance poursuivie par l'IVBD est d'un montant total sur quatre années de 25 492,60 euros soit 6 373,15 euros par an ainsi que le note justement l'association.

14.4 Il suit de l'ensemble de ces constatations que pour la période considérée, le montant des cotisations litigieuses répond à l'exigence de proportionnalité sans qu'il soit nécessaire de recourir à une expertise.

14.5 Il résulte des pièces du dossier de l'IVBD que celle-ci a produit les accords triennaux, les avenants à ces accords ainsi que les arrêtés d'extension ainsi que les factures qui fondent la créance en son principe et en son montant.

Devant la cour de renvoi, la Scea Domaine [Adresse 7] soulève l'irrégularité des avenants de campagne annuels fixant le montant de la cotisation par hectolitres.

Au delà du fait que ces avenants ont fait l'objet d'arrêtés ministériels d'extension, il résulte des éléments du dossier que :

- l'avenant de la campagne 2007/2008 daté du 21 décembre 2007 vise un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire en indiquant la date de ce dernier comme étant le 21 décembre 2007, l'IVBD démontrant que la date du 22 décembre 2007 portée sur ce procès-verbal est une erreur matérielle établie par la date indiquée sur les feuilles d'émargement de cette assemblée,

- l'avenant de cette campagne est signée par Mme [N] [R] qui n'était pas présente à cette assemblée générale mais l'intéressée, membre viticulteur siégeant à l'UIVD, présidente du bureau du conseil d'administration du syndicat des vincs AOC Côtes de [Localité 6], a cosigné ce document en qualité de représentante du collège production, l'autre cosignataire étant M. [K], représentant du collège négociant, le dit avenant reprenant fidèlement la décision de l'assemblée générale fixant à l'unanimité le montant de la cotisation de sorte qu'il n'est nullement démontré l'existence d'une irrégularité de nature à vicier ledit avenant,

- la facture du 31 juillet 2008 vise la période d'avril, mai et juin 2009 mais qu'il s'agit en réalité d'une erreur purement matérielle établie par les déclarations mensuelles récapitulatives transmises par la Scea Domaine [Adresse 7] à la direction régionale des douanes sur lesquelles apparaissent effectivement les volumes de vin correspondant à ceux visés par les cotisations appelées,

- pour les autres avenants sur la période considérée, les signataires au titre du collège producteur étaient des membres dudit collège, ces derniers ayant été soit réélus en 2012 soit sortants à cette date de sorte que leur qualité de membre était bien établie pour la période quadriennale qui précédait.

Enfin, la Scea Domaine [Adresse 7] n'établit nullement s'être libérée en totalité ou en partie de la dette litigieuse, la pièce n° 11 produite par l'intimée étant constituée des factures pour l'essentiel relatives aux cotisations antérieures à la période concernée et parmi celles de 2008, annotées manuscritement, portant pour la facture du 31 juillet 2008 la mention 'réglé 1429,45 € HT 1714,80 TTC' sans pour autant être corroborée par une quelconque pièce probante (copie d'un chèque, d'un virement, d'une écriture comptable correspondante,...), le tableau établi par l'expert comptable du montant des sommes payées depuis 1998 à 2008 n'étant pas de nature à faire cette preuve.

15. Infirmant le jugement du 17 avril 2014 rendu par le tribunal de grande instance d'Agen,la cour condamnera la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à l'IVBD, initialement dénommée UIVD, la somme de 25 492,60 euros au titre des cotisations dues pour les années 2008 à 2012 outre les intérêts au taux légal à compter des conclusions déposées en première instance le 17 février 2014 réclamant cette somme, aucune autre pièce n'étant produite au dossier de nature à justifier une mise en demeure ou de conclusions équivalentes, antérieures à cette date.

- sur demande en répétition de l'indu formée par la Scea Domaine [Adresse 7]:

16. La Scea Domaine [Adresse 7] demande à la cour de renvoi d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement au titre de la répétition de l'indu pour un montant de 19 592,20 euros correspondant au montant des cotisations payées dans le délai de cinq ans précédant l'assignation en remboursement.

17. L'assignation introductive d'instance date du 4 juillet 2011 et le tribunal de grande instance d'Agen a jugé que l'action en répétition de cotisations versées était irrecevable comme prescrite pour la période antérieure au 4 juillet 2007 et que la Scea Domaine [Adresse 7] devait être déboutée de cette demande pour la période allant du 4 juillet 2007 au 30 novembre 2008.

Il sera rappelé que l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 17 septembre 2018 a 'confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté le conseil interprofessionnel des vins 'Côtes de [Localité 6]' devenu l'interprofession des vins de Bergerac et [Localité 6] de sa demande de condamnation au titre des cotisations volontaires obligatoires'.

La cassation n'était intervenue seulement en ce que la cour d'appel d'Agen avait condamné la Scea Domaine [Adresse 7] au paiement de la somme de 25 492,60 euros de telle sorte que la question de la recevabilité et du bien fondé de la demande en répétition de l'indu a été définitivement jugée et n'entre pas dans la saisine de la cour de renvoi.

Cette demande doit donc être jugée irrecevable ainsi que le souligne à juste titre l'association dans ses conclusions (page 50).

- Sur les dépens et frais irrépétibles :

18. Les dispositions du jugement entrepris concernant les dépens de première instance

seront confirmées.

19. La Scea Domaine [Adresse 7] sera condamnée aux dépens d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel cassée comme le prévoit l'article 639 du code de procédure civile.

20. L'IVBD est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de la procédure d'appel. La Scea Domaine [Adresse 7] sera condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er,1° du code de procédure civile.

21. Le CNIV intervenu devant la cour d'appel de renvoi au soutien du l'IVBD est également en droit de réclamer une telle indemnité et la Scea Domaine [Adresse 7] sera condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros à ce titre.

22. Tenue aux entiers dépens d'appel, la Scea Domaine [Adresse 7] sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit l'intervention volontaire à l'instance d'appel sur renvoi de cassation du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique.

Déclare irrecevable la question préjudicielle administrative soulevée par l'Interprofession des vins de [Localité 5] et de [Localité 6].

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Agen le 17 avril 2014 en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle en paiement formée par l'Interprofession des vins de Bergerac et de [Localité 6], initialement dénommée UIVD.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à l'Interprofession des vins de [Localité 5] et de [Localité 6] la somme de 25 492,60 euros au titre des cotisations dues pour les années 2008 à 2012 outre les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2014.

Déclare irrecevable la demande en répétition de l'indu formée par la Scea Domaine [Adresse 7].

Condamne la Scea Domaine [Adresse 7] aux dépens d'appel en ce compris les dépens de la procédure suivie devant la cour d'appel d'Agen ayant conduit à la décision cassée.

Condamne la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à l'Interprofession des vins de [Localité 5] et de [Localité 6] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er,1° du code de procédure civile.

Condamne la Scea Domaine [Adresse 7] à payer à Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er,1° du code de procédure civile.

Déboute la Scea Domaine [Adresse 7] de sa propre demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/02956
Date de la décision : 12/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-12;20.02956 ?
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