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12/09/2022 | FRANCE | N°20/00430

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 12 septembre 2022, 20/00430


12/09/2022





ARRÊT N°



N° RG 20/00430 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NN7Q

MD/NB



Décision déférée du 20 Décembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de CASTRES - 16/00799

(Mme. [V])

















[L] [R]





C/



[C] [F]

LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE SEINE MARITIME



[I] [F]

































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE



Madame [L] [R]

[Adresse 17]

[Localité 19]

Représentée par Me Emman...

12/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00430 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NN7Q

MD/NB

Décision déférée du 20 Décembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de CASTRES - 16/00799

(Mme. [V])

[L] [R]

C/

[C] [F]

LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE SEINE MARITIME

[I] [F]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [L] [R]

[Adresse 17]

[Localité 19]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Mademoiselle [C] [F]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud BOUSQUET, avocat au barreau de CASTRES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.009708 du 29/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

Monsieur LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE SEINE MARITIME, pris en sa qualité de tuteur aux biens du mineur [I] [F], né le [Date naissance 4] 2002

[Adresse 18]

[Localité 7]

sans avocat constitué

Monsieur [I] [F]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Arnaud BOUSQUET, avocat au barreau de CASTRES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.015980 du 31/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, Président, et S. LECLERCQ, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte authentique du 24 novembre 2002, une partie du [Adresse 17] à [Localité 19] (81), cadastrée section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13], et [Cadastre 15] a été vendue par M. [B] [G] à Mme [L] [R].

M. [B] [G] a consenti au profit de cette dernière une servitude de passage ainsi qu'une servitude de cour commune.

Par un jugement du 27 février 2006, confirmé en appel sur ce point le 16 septembre 2008, le tribunal d'instance de Castres a condamné Mme [A] [F], compagne de M. [G], pour avoir commis diverses voies de fait à l'endroit de Mme [R].

Par un jugement du 17 juillet 2007, le tribunal d'instance a condamné M. [B] [G] à enlever les branchages encombrant l'assiette de la servitude de passage au profit de Mme [R], à l'entretien des végétaux et à nettoyer la cour commune.

Le 25 novembre 2008, [B] [G] est décédé, laissant à sa succession deux enfants mineurs, [C] et [I] [F].

Par ordonnance du 7 juillet 2009, le juge des tutelles de Castres a désigné l'Udaf du Tarn en qualité d'administrateur ad hoc des mineurs.

Par un courriel du 12 mai 2015, Mme [R] a pris contact avec Maître [P], notaire chargé de la liquidation de la succession, pour faire état de la violation des engagements pris par le défunt notamment quant à l'entretien du chemin d'entrée, des allées du parc, des végétaux et de la toiture d'une grange.

Par un courrier recommandé du 12 janvier 2016, l'Udaf du Tarn a été vainement mise en demeure par Mme [R], aux fins notamment de rétablir les droits de passage de cette dernière, faire élaguer le platane, faire procéder à l'entretien courant de l'immeuble de la succession par un professionnel.

Le 24 mars 2016, Mme [R] a fait procéder par un huissier au constat de l'état des propriétés.

-:-:-:-

Par acte d'huissier de justice du 17 mai 2016, Mme [R] a fait citer l'Udaf du Tarn ès qualités devant le tribunal de grande instance de Castre afin d'être rétablie dans ses droits.

Par une ordonnance du 7 novembre 2016, le juge des tutelles de Castres a ordonné le changement d'administrateur ad hoc des enfants mineurs et désigné Mme [W] à cet effet.

Par conclusions du 16 février 2017, Mme [W], en qualité d'administrateur ad hoc de [C] et [I] [F], est intervenue volontairement à l'nstance.

Par acte d'huissier de justice du 9 mars 2017, Mme [W] a fait appeler en la cause l'Udaf du Tarn afin que cette dernière soit condamnée à la garantir subsidiairement de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Les instances ont été jointes le 19 avril 2017.

Par un jugement du 1er juin 2018, le tribunal de grande instance de Castres a ordonné la réouverture des débats, et a enjoint Mme [R] de préciser par voie de conclusions si ses demandes étaient dirigées à l'encontre de la succession de M. [G], représentée par Mme [W], ou à l'encontre des administrateurs ad hoc (Mme [W] et l'Udaf) en raison des fautes alléguées dans leur gestion.

Elle a également invité les parties à produire toute explication sur la situation des héritiers et notamment sur l'acceptation ou la renonciation de la succession de leur père, sur les obligations leur incombant en raison de leur statut, 'en attirant l'attention des parties sur l'expiration prochaine du délai de 10 ans, soit le 25 novembre 2018".

Mme [C] [F] et M. le Président du département de la Seine-Maritime ès-qualités de tuteur aux biens du mineur, [I] [F], sont intervenus volontairement à l'instance. Par ordonnance du 20 février 2019, le juge de la mise en état a ordonné le jonction des procédures.

Par un jugement contradictoire en date du 20 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Castres a :

- donné acte à Mme [F] de son intervention volontaire,

- prit acte de l'intervention de M. le Président du département de Seine-maritime en qualité de tuteur aux biens de [I] [F], née le [Date naissance 2] 2002,

- donné acte à [C] [F] et à M. le Président du département de Seine-maritime, ès qualités, qu'ils entendent reprendre à leur compte les conclusions, moyens et prétention de Mme [W], précédemment ès-qualités d'administrateur ad hoc d'[C] et [I] [F],

- débouté Mme [R] de sa demande de rétablissement des servitudes de passage sur ses parcelles section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13], et [Cadastre 15] (fonds dominant) par les parcelles Section [Cadastre 21], [Cadastre 1], [Cadastre 9], [Cadastre 12], [Cadastre 14], et [Cadastre 16] (fonds servant),

- débouté Mme [R] de sa demande tendant au rétablissement de la servitude de cour commune,

- condamné les ayants droit de M. [G] à procéder à l'élagage du platane dont les branches touchent le toit de la propriété de Mme [R] dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- débouté Mme [R] de sa demande de remboursement de la facture de M. [X] à hauteur de 200 euros,

- débouté Mme [R] de sa demande tendant à faire procéder plus généralement à l'entretien courant de l'immeuble de la succession par un professionnel,

- débouté Mme [R] de ses paiements de la somme de 25 200 euros en remboursement des travaux effectués personnellement par Mme [R] pour le compte de la succession,

- débouté Mme [R] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,

- dit que l'Udaf et Mme [W] sont hors de cause,

- rejeté les demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront supportés pour moitié par Mme [R] et pour moitié par la succession de M. [G],

- rejeté les autres demandes des parties,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour en décider ainsi, le tribunal a considéré que les éléments du débat démontrent qu'aucune construction n'a été édifiée sur la cour commune et que rien ne permettait d'affirmer qu les défauts d'entretien allégués et les feuilles bouchant les évacuations aient été imputables à la succession de M. [G] ni qu'ils aient causé un trouble anormal de voisinage, le fondement juridique étant imprécis et les obligations attachées à la notion de cour commune n'entraînant pas le devoir d'entretien de la cour au titre de la servitude concédée. Il a ajouté que l'entretien du passage incombe à Mme [R] en sa qualité de propriétaire du fonds dominant.

Le tribunal a par ailleurs considéré que Mme [R] ne mentionnait pas le fondement juridique de sa demande de prise en charge de la dépense liée à la tonte du parc réclamée à à la succession [G] et ne démontrait pas plus l'existence d'une faute imputable à la succession pour justifier une demande d'indemnisation au titre de préjudice de jouissance. Il a jugé en revanche que la demande d'élagage d'un des platanes de 'la propriété [G]' était justifiée en raison du fait que ses branches touchaient le toit de l'immeuble appartenant à

Mme [R].

Par déclaration en date du 31 janvier 2020, Mme [R] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de rétablissement des servitudes de passage sur ses parcelles section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13], et [Cadastre 15] (fonds dominant) par les parcelles Section [Cadastre 21], [Cadastre 1], [Cadastre 9], [Cadastre 12], [Cadastre 14], et [Cadastre 16] (fonds servant),

- l'a déboutée de sa demande tendant au rétablissement de la servitude de cour commune,

- l'a déboutée de sa demande de remboursement de la facture de M. [X] à hauteur de

200 euros,

- l'a déboutée de sa demande tendant à faire procéder plus généralement à l'entretien courant de l'immeuble de la succession par un professionnel,

- l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 25 200 euros en remboursement des travaux qu'elle a effectués personnellement pour le compte de la succession,

- l'a déboutée de sa demande au titre du préjudice de jouissance,

- dit que l'Udaf et Mme [W] sont hors de cause,

- dit que les dépens seront supportés pour moitié par elle et pour moitié par la succession de M. [G].

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 novembre 2020, Mme [L] [R], appelante, demande à la cour, au visa des articles 544, 1334, et 1147 du code civil, de :

- condamner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir [I] [F] et [C] [F], héritiers de [B] [G], à :

* rétablir ses servitudes de passage sur ses parcelles section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13], et [Cadastre 15] par les parcelles section [Cadastre 21], [Cadastre 1], [Cadastre 9], [Cadastre 12], [Cadastre 14] et [Cadastre 16] appartenant à la succession [G] et en rendre l'usage paisible,

* rétablir la servitude de cour commune à son profit et rendre l'usage paisoble par l'entretien régulier de ladite cour,

* faire élaguer le platane dont les branches surplombent sa propriété,

* lui rembourser la facture de M. [X] soit la somme de 200 euros,

* faire procéder plus généralement à l'entretien courant de l'immeuble dont la succession par un professionnel,

- condamner [I] [F] et [C] [F], héritiers de [B] [G], à :

* lui payer la somme de 25 200 euros en remboursement des travaux qu'elle a personnellement effectués pour le compte de la succession,

* lui payer la somme de 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

* lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure en ce compris les constats d'huissiers établis à sa demande,

* débouter les intimés de leurs demandes incidentes, fins et prétentions.

L'appelante a rappelé qu'elle bénéficie d'une servitude de passage sur toutes les allées du parc et d'une servitude de cour commune sur la cour d'honneur du château dont le manque d'entretien notamment des rigoles a conduit à l'engorgement des évacuations de la cour et la pénétration de l'eau dans sa cave l'obligeant à assurer le nettoyage régulier en raison de la carence de la succession alors qu'elle n'est pas propriétaire exclusive des fonds dominants mais à la fois de fonds dominants et servants justifiant les servitudes conventionnelles de passage réciproques . Elle a dénoncé l'absence d'entretien des platanes surplombant la toiture de son immeuble et l'emplacement de son parking, faits constatés par voie d'huissier et l'ayant obligée à se substituer aux consorts [F] pendant près de huit ans face à la carence des représentant légaux des héritiers, lui causant ainsi un préjudice qu'elle a estimé sur la base du coût d'entretien par un professionnel sur les seuls abords et les passages litigieux et de l'atteinte visuelle d'un espace dégradé.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 août 2020,

Mme [F] [C] et M. [F] [I], ayants droits de [B] [G], intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 412, 544, 697, 698, 1134 et 1147 du code civil et l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme, de :

En défense sur l'appel principal,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [R] des demandes suivantes:

* rétablissement des servitudes de passage sur ses parcelles Section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15] (fonds dominant) par les parcelles Section [Cadastre 21],[Cadastre 1], [Cadastre 9], [Cadastre 12], [Cadastre 14] et [Cadastre 16] (fonds servant) appartenant à la succession [G],

* rétablissement de la servitude de cour commune,

* remboursement de la facture de M. [X] à hauteur de 200 euros,

* faire procéder plus généralement à l'entretien courant de l'immeuble de la succession par un professionnel,

* le paiement de la somme de 25 200 euros en remboursement des travaux effectués

personnellement par Mme [R] pour le compte de la succession,

* celle formée au titre du prétendu préjudice de jouissance,

* l'allocation d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* celle formée au titre des dépens.

Sur l'appel incident,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

* les a condamnés à procéder à l'élagage du platane dont les branches touchent le toit de la propriété de Mme [R] dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, et passé ce délai sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

* a ordonné l'exécution provisoire.

- condamner Mme [R] à leur payer la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Les consorts [F] soutiennent que la servitude de cour commune conventionnellement créée et reprenant la définition donnée par l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme, n'établit qu'une unique obligation d'interdire la construction en élévation par le propriétaire et que, s'agissant de la servitude de passage, les frais d'usage et de conservation sont en vertu de l'article 698 du code civil à la charge du fonds dominant.

Ils considèrent qu'aucune pièce ne vient étayer l'affirmation selon laquelle l'élagage des platanes n'a pas été réalisé, le constat d'huissier du 24 mars 2016 étant obsolète et ne peut justifier la condamnation prononcée étant opposé un constat du 3 juillet 2017 démontrant que la cour et les abords du château sont parfaitement entretenus, soutenant que Mme [W] n'a pas démérité dans sa mission d'administration ad hoc des enfants [F] en fonction du maigre actif net de la succession. Ils se sont opposés à toute prétention à voir intervenir Mme [R] sur l'entretien de leur fonds en sa partie étrangère aux servitudes concédées et ont discuté le bien fondé des sommes réclamées.

M. le président du conseil départemental de la Seine Maritime n'a pas constitué avocat, la signification de la déclaration d'appel ayant été faite par huissier le 18 mars 2021 à un cadre du service de l'aide sociale à l'enfance ayant déclaré être habilité à recevoir l'acte.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 21 mars 2022.

MOTIVATION :

1. Il sera constaté à titre liminaire qu'aucune demande n'a été formulée à l'endroit du président du conseil départemental de la Seine Maritime qui avait intimé par Mme [R] et que Mme [W] et l'Udaf du Tarn n'ont pas été intimées.

2. Par acte authentique dressé le 24 novembre 2002, M. [B] [G] a vendu à Mme [R] une partie du [Adresse 17] à [Adresse 20], consistant en l'aile orientale comprenant le rez-de-chaussée, deux étages, un donjon, deux tours d'angle et des terres cadastrées section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15].

2.1 Il a d'abord été prévu à cet acte une servitude qualifiée de 'cour commune' concédée par le vendeur au profit du fonds vendu et portant sur la cour d'honneur du château avec cette précision que 'les parties ont entendu créer sur le fonds servant (la cour d'honneur constituant la partie Nord est du [Adresse 17] et cadastrée [Cadastre 9]) ci dessus désigné, une servitude non aedificandi profitant aux parcelles vendues (section [Cadastre 22], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15]) ainsi qu'à celles restant la propriété du vendeur (section [Cadastre 21], [Cadastre 1],[Cadastre 9], [Cadastre 12],[Cadastre 14] et [Cadastre 16])'. Il était par ailleurs ajouté 'Il est expressément convenu entre les parties que seront à usage commun l'escalier intérieur de l'immeuble présentement vendu ainsi que l'entrée sud située au rez de chaussée dudit immeuble' sans aucune mention visant la cour d'honneur.

La constitution d'une telle servitude permet au propriétaire d'un terrain notamment d'interdire au propriétaire d'un terrain voisin contigu de construire sur une partie de son terrain d'où l'appelation 'servitude non aedificandi' stipulée à l'acte de vente et qui n'entraîne en l'état de la convention passée entre les parties aucune autre obligation que celle générale pour tout propriétaire de pas créer par l'usage de son fonds un trouble anormal de voisinage pouvant être caractérisé par une absence d'entretien de la parcelle litigieuses et notamment de la végétation et des arbres dont les feuilles tomberaient soit sur le fonds voisin soit empêcheraient l'évacuation normale des eaux pluviales vers ce fonds.

En l'espèce, un constat d'huissier établi le 14 septembre 2006 a relevé que les grilles d'évacuation d'eau étaient bouchées par des feuilles et que 'les évacuations à l'issue de ces grilles vers l'extérieur ne sont pas entretenues et dégagées'. Il a été également constaté un écoulement d'eau provenant de cette cour sous la porte donnant dans une salle 'où la requérante organise parfois des banquets'.

Il convient de constater que le tribunal d'instance de Castres a définitivement condamné, par jugement du 17 juillet 2007, M. [G] [T] au nettoyage de la cour commune aux fins d'évacuation des eaux de pluie. La question du défaut d'exécution de cette décision n'a pas été portée devant le juge de l'exécution et il n'est produit aucune pièce propre à caractériser un nouveau manquement à cette obligation depuis cette condamnation et préjudiciable au fonds de Mme [R] étant rappelé que la seule chute de feuilles mortes sur le fonds des consorts [F] ne saurait, à elle seule, constituer un trouble anormal du voisinage.

Si Mme [R] n'a pas à démontrer l'existence d'une faute des consorts [F], il lui appartenait d'apporter les éléments matériels caractérisant l'existence de faits postérieurs à cette condamnation et de nature à prouver le caractère anormal des chutes de feuilles sur le fonds de ces derniers, et spécialement sur cette cour dont Mme [R] a certes l'usage ainsi que son incidence sur son propre fonds.

La facture de ramassage des feuilles dans la cour commune établie par M. [X] est datée du 4 janvier 2016 'à l'attention de Maître [P], Mme [N], succession [G] [T] et Udaf du Tarn' avec mention d'un paiement par chèque et de ses références sans éléments pour en identifier l'auteur et qu'à supposer que cette facture ait été acquittée par Mme [R], il n'est pas établi que ce nettoyage réalisé sur le fonds des consorts [F] ait été rendu nécessaire par un défaut d'entretien générateur d'un trouble anormal au regard de la configuration spéciale des lieux et par une inaction dûment constatée.

Le jugement entrepris ayant débouté Mme [R] de sa demande de 'rétablissement' de la servitude de cour commune et de remboursement de la facture de M. [X] sera confirmée.

2.2 Il a été ensuite stipulé à l'acte de vente des servitudes de passage sur toutes les allées du parc du château, réciproquement concédées en fonction des parcelles qu'elles traversent.

En l'absence d'obligations particulières conventionnellement établies entre les parties sur leur entretien, celui-ci incombe au propriétaire du fonds dominant qui a la faculté d'engager à ses frais tous les ouvrages nécessaires à l'usage et à la conservation de la servitude conformément aux prévisions des articles 697 et 698 du code civil.

En l'espèce, la charge de l'entretien, à défaut de stipulations contraires d'ailleurs non invoquées par quiconque dans la présente instance, repose sur le propriétaire du fond dominant et alterne selon le tracé des allées concernées de sorte que loin d'être partagée, cette charge est alternative selon l'emplacement de ce passage au gré des parcelles traversées.

Il appartenait donc à Mme [R] de démontrer que les manquements allégués concernaient les parties d'allées se trouvant sur le fonds des consorts [F]. Aucune pièce n'est produite pour localiser avec suffisamment de précision lesdits manquements ainsi que pour en apprécier la réalité du défaut d'entretien à la charge des intimés (le constat du 24 mars 2016 étant à cet égard peu pertinent) et fonder les demandes présentées par l'appelante.

Le jugement qui l'a déboutée de ses demandes au titre du 'rétablissement' des servitudes de passage sera également confirmé sur ce point.

3. Mme [R] a aussi demandé la condamnation sous astreinte des consorts [F] à 'faire procéder plus généralement à l'entretien courant de l'immeuble de la succession par un professionnel'.

Il n'échappe pas à la cour que la division du château et les circonstances conflictuelles de voisinage puis l'ouverture de la succession en présence d'enfants mineurs ont compliqué l'harmonisation de la gestion de cet ensemble soumis à des contraintes architecturales et esthétiques ou à des usages différents des parties divisées.

Toutefois et sauf à établir que la partie de l'iimmeuble appartenant à la succession menace ruine et que d'éventuels défauts d'entretien de certaines structures de celui-ci ou des abords situés sur les parcelles environnantes dépendantes de cette même succession sont de nature à nuire à l'intégrité ou à l'exploitation du fonds appartenant à Mme [R], l'appelante est sans droit pour exiger une condamnation générale et indéterminée de la succession à un entretien ne relevant pas d'une obligation conventionnelle ou légale précise.

Cette preuve n'étant pas précisément rapportée en l'espèce par le constat établi le 24 mars 2016, le premier juge a, à bon droit, rejeté cette demande comme celle visant au remboursement des travaux que Mme [R] affirme avoir réalisés personnellement pour le compte de la succession. La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

4. Le tribunal a condamné les ayants-droits de M. [G] [T] à procéder à l'élagage du platane dont les branches touchent le toit de la propriété de Mme [R] et ce, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Cette question n'était pas nouvelle puisque le tribunal d'instance de Castres avait déjà condamné M. [G] [T] en des termes généraux et sans astreinte par décision du 17 juillet 2007 après des engagements écrits de ce dernier, manifestement non tenus.

Le premier juge a exactement constaté au regard des attestations et du constat du 24 mars 2016 produits que des branchages d'un des platanes dépendant du fonds de la succession surplombent le toit de la partie d'immeuble appartenant à l'appelante. C'est à bon droit que le tribunal a ordonné cette nouvelle condamnation qui sera confirmée en son principe et ses modalités.

5. Le jugement dont appel a justement considéré qu'il n'était établi aucun préjudice de jouissance allégué par Mme [R]. Il n'est nullement démontré en l'état de la seule condamnation prononcée et relative au surplomb de branches d'un arbre sur le fonds de l'appelant l'existence d'un quelconque préjudice de jouissance étant spécialement relevé par ailleurs et de manière générale que Mme [R] a pu disposer des lieux d'une manière particulièrement libre comme en atteste le courrier de Mme [W] au greffier en chef du tribunal d'instance daté du 8 mars 2017 et faisant état des difficultés rencontrées par cette mandataire judiciaire des intérêts des héritiers mineurs de la succession pour accéder aux lieux et notamment de la cour d'honneur en raison de la présence de chiens présentés comme n'étant 'pas du genre gentil' par le gardien de la partie occupée par Mme [R] imposant à Mme [W] de 'faire une demande' afin qu'il enferme les chiens, Mme [W] ayant dû renoncer 'devant l'agressivité de cet homme'.

La décision ayant débouté Mme [R] de sa demande en paiement d'une indemnité au titre du préjudice de jouissance sera donc confirmée.

6. S'il convient de confirmer le jugement qui a partagé les dépens par moitié entre les hériters de M. [G] [T] en raison de l'économie de la première instance, il convient de considérer que Mme [R], échouant en toutes ses prétentions relativement à l'infirmation de la décision entreprise, est une partie perdante au sens l'article 696 du code de procédure civile et doit être condamnée aux entiers dépens d'appel.

7. Les consorts [F] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'exposer à l'occasion de cette procédure d'appel. Mme [R] sera condamnée à leur payer ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenue aux entiers dépens d'appel, Mme [R] sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement dans la limite de sa saisine, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Castres du 20 décembre 2019 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [R] aux entiers dépens d'appel.

Condamne Mme [L] [R] à payer à Mme [C] [F] et M. [I] [F] ès qualités d'héritiers de M. [B] [G] la somme unique de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [L] [R] de sa demande présentée au même titre.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00430
Date de la décision : 12/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-12;20.00430 ?
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